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Notes de chercheuses et de chercheurs

Quelques réflexions autour de l’évolution de la recherche dite « qualitative »[Notice]

  • Marta Anadón

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Note de l’auteure

Nous remercions les directeurs de la revue Recherches qualitatives pour cette invitation, ainsi qu’à Corina Borri-Anadón pour ses idées pertinentes et sa révision linguistique.

Dans cet article, l’autrice présente un regard renouvelé sur un article qu’elle a publié dans la revue : Anadón, M. (2006). La recherche dite « qualitative » : de la dynamique de son évolution aux acquis indéniables et aux questionnements présents. Recherches qualitatives, 26(1), 5-31. https://doi.org/10.7202/1085396ar Le texte face auquel je tenterai de me (re)positionner a été écrit en 2005. Le contexte de l’époque demandait une lecture évolutive de la recherche qualitative. En effet, à ma connaissance, il n’y avait pas d’écrits francophones qui abordaient le long et complexe développement de ce type de recherche. Dans ce contexte, j’ai choisi de faire une lecture historique de la recherche dite « qualitative », avec l’objectif de reconstituer son devenir et de montrer qu’elle avait non seulement connu un essor remarquable, mais qu’elle avait aussi consolidé sa dimension épistémologique et sa légitimité scientifique. J’utiliserai ici, comme en 2006, l’expression recherche dite « qualitative » pour référer aux multiples recherches parfois qualifiées de qualitatives-interprétatives (Savoie Zajc, 2018) qui s’inscrivent dans le paradigme interprétatif et privilégient par conséquent l’expérience et les points de vue des participants. En effet, le paradigme interprétatif s’est développé sur la base de plusieurs dualismes, objectivité / subjectivité, catégories fixes / catégories émergentes, réalité statique / réalité fluide, etc., qui lui ont permis d’attester son incompatibilité au regard du modèle positiviste. Cette incompatibilité est la base de l’opposition explication versus compréhension, recherche en sciences de la nature versus recherche en sciences sociales. La recherche dite « qualitative » a connu un essor important dans plusieurs domaines des sciences sociales et humaines et s’est constituée comme un espace de pensée proposant de riches référents théoriques et méthodologiques. Ses acquis sont évidents et largement utilisés aujourd’hui par les chercheurs (phénoménologie, ethnographie, herméneutique, structuralisme, analyse narrative, sémiotique, etc.). Afin d’établir son évolution, la périodisation composée par Denzin et Lincoln (1994, 2000, 2023) m’est apparue intéressante, car elle permettait d’observer les différents changements de la recherche dite « qualitative » à la fois sur les plans épistémologiques, théoriques et méthodologiques. Ainsi, sept moments caractérisaient son évolution : le moment traditionnel; le modernisme; les perspectives composites; la crise de représentation; le postmodernisme, la période des nouvelles ethnographies; la recherche postexpérimentale; l’éclatement de la recherche qualitative. Depuis ce dernier moment, la recherche dite « qualitative » a poursuivi son évolution, notamment en ce qui a trait à l’accroissement des exigences de résultats à son égard. Aujourd’hui, elle est invitée à fournir des données probantes afin que les pratiques et les politiques soient développées sur la base de résultats scientifiques. Cela exige une « méthodologie rigoureuse, systématique et objective », qui doit contribuer à la construction d’une base de connaissances « de qualité, fiables et valides » (Saussez & Lessard, 2009 cités dans Anadón, 2018, p. 39). Ces demandes caractérisent le huitième moment, que Denzin et Lincoln (2005, p. 3) nomment le « futur fracturé » et que j’ai appelé « la dérive pragmatique » (Anadón, 2018, p. 36), à travers lequel la recherche qualitative est contestée et confrontée à un recul méthodologique important. Ces huit moments sont traversés par différentes perspectives épistémologiques. Par exemple, le positivisme dans la période traditionnelle; le postpositivisme dans les moments du modernisme et des perspectives composites où plusieurs perspectives interprétatives ont été développées en critique au premier modèle et utilisées simultanément : herméneutique, sémiotique, phénoménologie, théorie critique, etc. Par la suite, la recherche qualitative se décloisonne, elle devient interdisciplinaire, transdisciplinaire, en mettant en cause les notions de réalité, de vérité, d’universalité qui exigent de repenser les bases ontologiques, épistémologiques et méthodologiques par le biais du postmodernisme. Plus récemment, la période …

Parties annexes