Résumés
Résumé
Dans Double Oubli de l’Orang-Outang (Galilée, 2010), Hélène Cixous raconte ses « retrouvailles » avec le manuscrit de son premier livre, Prénom de Dieu, paru en 1967. Dans une sorte de Bildungsroman en abyme où l’archive de l’oeuvre se trouve en quelque sorte réincorporée dans la fiction littéraire, la narratrice de ce récit réfléchit sur la figure de l’auteur qu’elle « fut » : « Quand ai-je commencé à être moi-même mon auteur ? Ai-je écrit les nouvelles du Prénom de Dieu en tant que pleinement responsable de mes actes ? Étais-je plongée dans un état d’hypnose ? […] Suis-je une fiction ? », se demande-t-elle en se confrontant non sans inquiétude à cette question qui lui « cause des dommages irréparables ». Reprenant la question de Foucault au sujet de la fonction auteur, ce texte interroge à son tour ce qu’il en est de la question du « soi disant sujet » lorsque, en déconstruction et en psychanalyse, celui-ci, oscillant entre qui et quoi, est non seulement dédoublé mais irréductiblement divisé entre ses semblants, vrais et faux, pseudonymes et autres spectres, dissociation qui ébranle toutes les assises (forme, substance, ipséité, causalité, chronologie) donnant consistance à l’identité. Plusieurs aspects – notamment ceux de la mémoire, du nom, du faux, de la « réalité », fictive et pourtant vraie – sont également au foyer des questions pensées par ce récit d’Hélène Cixous.
Abstract
In Double Oubli de l’Orang-Outang [Double Oblivion of the Orang-Outang], Hélène Cixous tells the story of how she “reunited” with the manuscript of her first book, Prénom de Dieu [God’s First Name] (1967). Calling to mind a “mise en abyme” of the Bildungsroman in which the work’s archive winds up being reincorporated into literary fiction, the narrator reflects upon the figure of the author she once “was”: “When did I start turning into my own author? Was I wholly responsible for my actions when I wrote the short stories that make up Prénom de Dieu? Was I under hypnosis? […] Am I a fiction?” she asks, not without uneasiness, as she faces this question that “causes [her] irreparable damage.” This paper takes up Foucault’s question regarding the “author function” in order to examine in its turn what happens to the “so-called subject” [soi disant sujet] when—in deconstruction as in psychoanalysis—it oscillates between who and what, being not only divided in two, but irreducibly split between its semblances, true and false, pseudonyms and other specters. Such dissociation undermines the bedrock (form, substance, selfhood, causality, chronology) that ensures identity’s seeming self-sameness. Several aspects—including memory, names, falsehood and “reality” (fictitious yet true)—are also at the heart of the questions raised by Hélène Cixous’s narrative.