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Hors-dossierNote de lecture

Rachad Antonius et Normand Baillargeon (dir.), Identité, « race », liberté d’expression : perspectives critiques sur certains débats qui fracturent la gauche, Québec, Presses de l’Université Laval, 2021, 384 p.[Notice]

  • Francis Dupuis-Déri

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  • Francis Dupuis-Déri
    Département de science politique, UQAM

J’ai commencé comme il se doit par lire l’introduction de 24 pages signée par les directeurs, pour découvrir qu’elle ne compte aucune référence. J’ai continué ma lecture pour constater que le style de plusieurs chapitres rappelle les chroniques du Journal de Montréal contre les « wokes », les études de genre et sur le racisme. N’ayant rien contre les manifestes et les pamphlets, j’étais tout de même surpris que les Presses de l’Université Laval publient pareil ouvrage. Sous le label « Philosophie », certes, mais cela n’excuse rien. Intrigué, je me suis informé auprès des PUL, qui ont répondu ne pas l’avoir « soumis à un processus d’évaluation par les pairs », préférant se fier au bon jugement des directeurs. Quelle erreur ! L’un d’eux, Normand Baillargeon, a déjà critiqué les revues prédatrices qui ont « toutes les apparences d’une revue scientifique légitime », mais publient « des textes qui n’ont pas été évalués par des pairs et qui racontent parfois des bêtises ». Voilà qui décrit très bien cette opération éditoriale. Le collaborateur Patrick Moreau a d’ailleurs bien saisi l’intérêt de la manoeuvre, modifiant la notice chapeautant ses chroniques au Devoir pour ajouter qu’il a « contribué à l’ouvrage collectif dirigé par R. Antonius et N. Baillargeon, Identité, “race”, liberté d’expression, qui vient de paraître aux P.U.L. » Un ajout nécessitant d’effacer la référence à son propre livre sur Alain Grandbois, paru chez Nota bene en 2019 et finaliste au prix de Gouverneur général de l’essai. L’aura universitaire est si forte… L’autre directeur, Rachad Antonius, affirmait que le concept « woke » « a perdu sa valeur analytique. Il est trop chargé de jugements (généralement négatifs) et son sens est imprécis. Je préfère l’éviter ». Pareille précaution n’était apparemment pas de mise quelques mois plus tôt, quand il pilotait ce projet d’ouvrage où le terme se retrouve 6 fois dans l’introduction, sans jamais être défini, et 69 fois au total dans l’ouvrage, où il est enfin défini à la page 127. Une évaluation par les pairs aurait permis d’éviter pareille maladresse. Les deux directeurs expliquent avoir eu « l’idée de faire cet ouvrage » après « un certain nombre d’“affaires” plus ou moins récentes qui ont défrayé la chronique » (p. 1), au sujet de pièces de théâtre et de l’usage du mot « nigger » à l’Université. Ils affirment du même souffle « qu’il ne s’agit pas de “panique morale” » (p. 2), en référence à la thèse sociologique de Stanley Cohen qu’ils ne mentionnent même pas. Elle explique pourtant comment les médias fabriquent des « paniques morales » par la couverture excessive et sensationnaliste de quelques événements associés à une jeunesse rebelle, ainsi diabolisée aux yeux de la majorité bien-pensante, qui appelle les autorités à défendre les bonnes moeurs. Indépendamment de ce que l’on pense des controverses, n’est-ce pas exactement la manière dont les médias ont traité ces jeunes « wokes » ne respectant pas la norme sacrée de la liberté d’expression ? On nous a servi des centaines de textes dans la presse, sans parler de la radio et de la télévision, pour seulement quelques conflits. Le gouvernement du Québec a dénoncé les « wokes » et même le président Poutine et le pape François ont critiqué la « cancel culture ». Paroles d’experts ! Cela correspond exactement à la thèse de la « panique morale », écartée pourtant sans plus de cérémonie. Cet ouvrage compte 19 chapitres, répartis en quatre sections. La première section (7 chapitres) propose des réflexions spéculatives sur les « mutations du monde des idées » et …

Parties annexes