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Hors-dossierRecensions

Philippe Hurteau (dir.), Dépossession. Une histoire économique du Québec contemporain : II. Les institutions publiques, Montréal, Lux éditeur, 2019, 259 p.[Notice]

  • Marc Vallières

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  • Marc Vallières
    Professeur associé (retraité), Département des sciences historiques, Université Laval

L’objectif d’analyser et d’interpréter l’évolution historique de l’économie québécoise continue à retenir l’attention de chercheurs, tant les historiens que les spécialistes des sciences sociales, malgré les défis qu’une telle démarche impose. Il y a au Québec une tradition de projets de recherche en histoire économique, depuis les initiatives pionnières des historiens Fernand Ouellet, Jean Hamelin et Yves Roby et de l’économiste Albert Faucher, dans les années 1960 et 1970. Dans les deux premiers cas, l’approche s’inspire de l’histoire sérielle française qui privilégie les forces économiques dans le développement social et dans le second, c’est l’influence de la théorie des produits de base dite « staple » qui s’applique au Québec dans une perspective continentale. Peu près, les théories marxistes, tout particulièrement l’approche du développement, du sous-développement ou du développement inégal, suscitent de nombreux travaux en histoire de l’exploitation des ressources naturelles, tout particulièrement dans une perspective de développement régional. Dans ce courant, il faut signaler les travaux d’Alfred Dubuc et de Normand Séguin. Depuis les années 1980, les recherches vont dans toutes les directions à l’échelle sectorielle, locale et régionale, plus ou moins influencées par ces cadres d’analyse. La dernière tentative de réaliser une synthèse d’histoire économique du Québec remonte à 1984, par Robert Armstrong, publiée en anglais seulement et très sommaire. Depuis ce temps, l’histoire économique au Québec s’est lentement retirée des recherches et des études tant en histoire qu’en économique, une catastrophe pour la compréhension de l’importance de l’économie dans l’histoire du Québec contemporain. Dans les débats sur les enjeux du Québec actuel, il y a pourtant un besoin impérieux d’une réflexion historique sur les dimensions économiques et environnementales des politiques de l’État. Un groupe de jeunes chercheurs en sciences sociales, surtout en science politique et en économique, s’est rassemblé depuis 2000 dans l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques, l’IRIS, une organisation indépendante et progressiste qui réalise toutes sortes d’études et de prises de position dans les débats politiques et économiques contemporains. En parallèle avec ces interventions, l’équipe de l’IRIS, avec la participation d’autres chercheurs, a entrepris, réalisé et publié deux synthèses d’une histoire économique du Québec contemporain. La première, parue en 2015, porte sur les ressources et la seconde, parue en 2019, porte sur les institutions publiques et fait l’objet de ce compte rendu. Chacun des deux tomes est dirigé par un des chercheurs de l’Institut, soit Simon Tremblay-Pepin et Philippe Hurteau respectivement, et différents auteurs ont pris en charge chacun des chapitres, portant dans le premier tome sur l’agriculture, la forêt, les mines, l’énergie et l’eau et dans le second sur la santé, l’éducation primaire et secondaire, l’université, la fiscalité et les régimes de retraite. Dans les deux cas, le même cadre d’analyse s’applique, celui de la dépossession, comme le titre l’indique, une approche dérivée du marxisme développée par le géographe David Harvey selon l’expression « accumulation par dépossession », l’un des deux modes d’accumulation du capitalisme, soit l’expansion et la dépossession. Cette accumulation par dépossession serait un moment exceptionnel, violent et brutal, qui se produit lorsqu’on fait passer dans le monde capitaliste des activités qui n’en faisaient pas partie (tome I, p. 11). Dans le cas des ressources, le modèle de développement s’appuie sur l’extractivisme, soit l’extraction des ressources naturelles en vue d’une exportation immédiate à l’état brut pour transformation à l’étranger au bénéfice de grandes entreprises (tome I, p. 266). Il s’agirait même d’un néo-extractivisme dans la mesure où les gouvernements utilisent les revenus de l’exploitation des ressources pour financer les programmes sociaux ou les dépenses générales de l’État. La Révolution tranquille se comprendrait « comme un …

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