EN :

This paper follows the lives of a photograph, which captured an unlikely gesture amidst a scene of injury during the 2013 mass protests in Bulgaria. It tracks the image’s impacts by focusing on six different registers: the ethnographer, the photographer, the girl in the photograph, a blogger and participant in the protests, global image-sharing sites, and a Hollywood production. The writing strives toward an attunement with the affective force of the image and toward making visible some of the ways it manages to disrupt and reconfigure existing worlds, brighten atmospheres and lives, and create desire and anticipation for a world-in-common.

FR :

Cet article suit les vies d’une photographie qui a capturé un geste improbable au milieu d’une scène de blessures pendant les manifestations de masse de 2013, en Bulgarie. Il suit les impacts de l’image en se concentrant sur six registres différents : l’ethnographe, le photographe, la fille sur la photographie, un blogueur et un participant aux manifestations, les sites mondiaux de partage d’images et une production hollywoodienne. L’auteur s’efforce de s’accorder avec la force affective de l’image et de rendre visible certaines façons dont elle parvient à perturber et à reconfigurer les mondes existants, à égayer les atmosphères et les vies, et à susciter le désir et l’anticipation d’un monde en commun.

FR :

Il s’agit de rendre visibles les usages multiples possibles de la photographie dans les recherches portant sur la santé et les vulnérabilités, en s’appuyant sur trois travaux menés au Brésil. Dans le premier, la photographie est une source documentaire pour révéler des significations attribuées à la folie ou à la normalité dans le contexte de la clinique psychiatrique à différentes époques, et pour rendre compte d’expériences locales créatives plus récentes, dans le cadre de la Réforme psychiatrique brésilienne. Puis, à partir d’un récit d’images de chorégraphies de corps-qui-travaillent-dans-la-marée, la photographie permet aux lecteurs d’élargir leur compréhension du travail quotidien de cueilleuses de crustacés insulaires. Enfin, nous partageons l’expérience d’une recherche-action qui a mis en place des ateliers d’autoportrait de jeunes noirs d’un quartier populaire de Salvador, pour promouvoir des pratiques corporelles et sexuelles saines et l’empowerment ethnico-racial et de genre. Portant un regard sensible sur des groupes touchés par l’invisibilité sociale, la vulnérabilité ou un certain degré de stigmatisation, ces travaux révèlent des inégalités sociales et politiques, historiquement construites. Des expériences mises en écho qui renforcent les dimensions heuristiques et sensibles de la photographie, dont la place dans la recherche contribue à préserver les capacités d’imaginer et de créer, si nécessaires pour aller au-delà du mimétisme méthodologique qui s’est emparé de la production de la connaissance.

EN :

This essay sheds light on the multitude of ways in which photography can be used to research health and vulnerabilities by drawing upon three research projects conducted in Brazil. In the first research project, photography is a documentary source used to explore the definitions of insanity and normalcy in the context of psychiatric clinics throughout different periods, and to capture more recent local creative experiences in the context of the Brazilian psychiatric reform. Then, on the basis of an account consisting of choreographic images of bodies who work in tidal waters, photography allows readers to broaden their understanding of the daily work of island shellfish harvesters. Lastly, we share the experiences of an action research project that organized self-portrait workshops for Black youth living in a working-class district of Salvador, to promote healthy physical and sexual practices and ethnic-racial and gender-based empowerment. By taking a careful look at groups subject to social invisibility, vulnerability or a certain degree of stigmatization, these projects uncover social and political inequalities that have been shaped by history. These echoed experiences enhance the heuristic and sensitive dimensions of photography, whose place in research contributes towards preserving the ability to imagine and create, so necessary to moving beyond the methodological imitation that is captured in the production of knowledge.

EN :

Collaborative graphic ethnography can generate new ways of identifying, materializing, and documenting political possibility in what otherwise seems like an overdetermined world, and in doing so, offers a model for practicing anthropology differently. We come to these insights through our work in the embattled Bosnian detergent factory “Dita,” located on the outskirts of the post-industrial city of Tuzla, whose workers scored an unprecedented victory when they managed to preserve their factory and restart production despite the threat of bankruptcy and liquidation. In researching and telling the story of their struggle and victory through this innovative format, we build upon the historical popularity of comics in former Yugoslavia, as well as contemporary experimentation with the form among anti-corruption activists in Bosnia-Herzegovina. We explore ethnographic and political affordances of sequential art and the graphic form for an engaged or activist anthropology, including its capacity to visualize and materialize the immaterial and overlooked aspects of politics, mitigate anthropology’s extractivist tendencies, enlist the imagination and participation of readers in directions both hoped for and unanticipated, and engage and animate multiple local and international publics.

FR :

L’ethnographie graphique collaborative peut générer de Nouvelles manières d’identifier, de matérialiser, de documenter la possibilité politique dans ce qui semble être un monde surdéterminé et, ce faisant, offre un modèle pour pratiquer différemment l’anthropologie. Nous sommes arrivés à ces conclusions grâce à notre travail dans l’usine bosniaque de détergents « Dita », située à la périphérie de la ville post-industrielle de Tuzla, dont les travailleurs ont remporté une victoire sans précédent lorsqu’ils ont réussi à préserver leur usine et à relancer la production malgré la menace de faillite et de liquidation. En recherchant et en racontant l’histoire de leur lutte et de leur victoire à travers ce format innovant, nous nous appuyons sur la popularité historique de la bande dessinée en ex-Yougoslavie, ainsi que sur l’expérimentation contemporaine de cette forme graphique par les militants anti-corruption en Bosnie-Herzégovine. Nous explorons les possibilités ethnographiques et politiques de l’art séquentiel et de la forme graphique pour une anthropologie engagée ou militante, notamment sa capacité à visualiser et à matérialiser les aspects immatériels et négligés de la politique, à atténuer les tendances extractivistes de l’anthropologie, à solliciter l’imagination et la participation des lecteurs dans des directions à la fois espérées et imprévues, et à engager et animer de multiples publics locaux et internationaux.

EN :

From November 2017 to April 2018, in Mexico City’s Museo Universitario Arte Contemporaneo, the Russian artistic-activist collective chto delat (what should be done?) exhibited a number of monuments in memory of the Russian revolution. In centring on three monuments, in this article I consider the ability of the collective’s monuments to inspire political mediations on historical potential embedded in revolutionary pasts. I argue that melancholia does not inevitably mark historical fixity or unaccomplished mourning, but rather a temporal openness to mnemonic productivity and solidarity. It is in this sense that melancholia does not index a pathological response to loss, but a political alternative to normative mourning. In recuperating melancholia as a potentially productive and critical relation to the past, chto delat reframes accusations of left-wing melancholia as being “stuck in the past” as an opening to consider alternatives to what is now.

FR :

De novembre 2017 à avril 2018, un collectif d’artistes activistes russes Chto delat (que devrions-nous faire ?) a exposé un certain nombre d’oeuvres en mémoire de la révolution russe, au Museo Universitario Arte Contemporaneo (Musée universitaire d’art contemporain) de la Ville de Mexico. En me concentrant sur trois monuments, j’examine dans cet article la capacité des monuments du collectif à inspirer des médiations politiques sur le potentiel historique, ancré dans les passés révolutionnaires. Je soutiens que la mélancolie ne marque pas inévitablement une fixité historique ou un deuil inachevé, mais plutôt une ouverture temporelle à la productivité mnémonique et à la solidarité. En ce sens, la mélancolie n’indexe pas une réponse pathologique à la perte, mais plutôt une alternative politique au deuil normatif. En récupérant la mélancolie comme une relation potentiellement productive et critique au passé, Chto delat reformule les accusations de mélancolie de la gauche « coincée dans le passé » comme une ouverture pour considérer des alternatives à ce qui est actuel aujourd’hui.

EN :

Friendship and social connections generally improve quality of life and well-being. However, research shows that people with intellectual disabilities face challenges forming and maintaining friendships. Disability support workers play an indispensable yet under-recognized role in developing friendships with people with intellectual disabilities. Because disability support workers are disproportionately immigrant women, as they facilitate the inclusion of their clients, they too experience social isolation. After conducting in-depth interviews with disability support workers living in Edmonton, Canada, for my master’s thesis project, I offer the following observations. First, staff and clients became friends with one another in part due to weak family ties and limited social networks. Second, relationships that felt genuine helped staff better understand their clients and gave the staff a deeper sense of purpose in life. Third, the context, environment, and frequency of meetings were essential for the development of friendships. Fourth, friendships among people both with and without disabilities were crucial for community development. Overall, based on these interviews I suggest that genuine friendships between people with intellectual disabilities and care workers can help foster a sense of belonging and are integral to community-building. My research also suggests that the meaning of friendship ought to be expanded beyond current understandings.

FR :

L’amitié et les liens sociaux améliorent généralement la qualité de vie et le bien-être. Cependant, des recherches montrent que les personnes présentant une déficience intellectuelle ont du mal à nouer des liens et à entretenir des amitiés. Les travailleurs de soutien aux personnes handicapées jouent un rôle indispensable et pourtant méconnu dans le développement des amitiés avec les personnes présentant une déficience intellectuelle. Étant donné que les travailleurs de soutien aux personnes handicapées sont en grande partie des femmes immigrées, ces personnes connaissent elles aussi l’isolement social alors qu’elles facilitent l’inclusion de leurs clients. Après avoir mené des entretiens approfondis avec des travailleurs de soutien aux personnes handicapées vivant à Edmonton, au Canada, pour mon projet de mémoire de maîtrise, je propose les observations suivantes. Premièrement, les employés et les clients sont mutuellement devenus amis, en raison, en partie de la faiblesse des liens familiaux et des réseaux sociaux limités. Deuxièmement, les relations authentiques ont aidé les employés à mieux comprendre leurs clients et leur ont donné un sens à la vie plus profond. Troisièmement, le contexte, l’environnement et la fréquence des rencontres sont essentiels au développement des amitiés. Quatrièmement, les amitiés entre personnes handicapées et non-handicapées sont essentielles au développement de la communauté. Dans l’ensemble, à partir de ces entretiens, je suggère que les amitiés authentiques entre les personnes présentant une déficience intellectuelle et les travailleurs sociaux peuvent contribuer à favoriser un sentiment d’appartenance communautaire et font partie intégrante du développement de la communauté. Ma recherche suggère également que la signification de l’amitié devrait être élargie au-delà des conceptions actuelles.

EN :

The Canadian Anthropology Society is working to address sexual harassment and violence at institutional and community-based settings where anthropologists undertake their work. In 2021, the newly formed Sexual Harassment and Violence Working Group held a roundtable at the CASCA conference to start a conversation about sexual violence among CASCA members and to workshop best practices to prevent, disrupt, and respond to incidents of sexual harassment and violence that CASCA members may experience or observe. Here, the Working Group summarizes the process of planning, implementing, and following up the roundtable, focusing on specific actions taken by the organizers to ensure a safe conversational space before, during, and after the event. We demonstrate how the roundtable aligns within the larger framework of CASCA’s institutional history and future. The goal of this report is to provide a framework for convening difficult conversations in professional settings, especially in an online environment. We provide recommendations to this end, and emphasize the need to hold further conversations to combat the air of silence that remains, even in a post-#MeToo world, surrounding sexual violence in anthropology.

FR :

La Société canadienne d’anthropologie s’efforce de lutter contre le harcèlement sexuel et la violence dans les milieux institutionnels et communautaires où les anthropologues mènent leurs travaux. En 2021, le nouveau groupe de travail sur le harcèlement sexuel et la violence a organisé une table-ronde lors du congrès de la CASCA pour engager une discussion sur la violence sexuelle parmi les membres de la CASCA et élaborer des pratiques exemplaires pour prévenir, interrompre et répondre aux incidents de harcèlement sexuel et de violence que les membres de la CASCA peuvent vivre ou observer. Le groupe de travail résume ici le processus de planification, de mise en oeuvre et de suivi de la table-ronde, en se concentrant sur les mesures spécifiques prises par les organisateurs pour garantir un espace de conversation sûr avant, pendant et après l’évènement. Nous démontrons comment la table-ronde s’inscrit dans un cadre plus large de l’histoire institutionnelle de la CASCA et de son avenir. L’objectif de ce rapport vise à fournir un cadre pour permettre des conversations difficiles dans des contextes professionnels, en particulier dans un environnement en ligne. À cette fin, nous fournissons des recommandations et soulignons la nécessité de tenir d’autres conversations pour combattre le silence qui persiste, y compris dans un monde post#MeToo, autour de la violence sexuelle en anthropologie.

EN :

The COVID-19 pandemic has wreaked havoc on the livelihoods of people around the world. Structural economic constraints are highlighted at such moments of crisis, while those most affected have recourse to their repertoire of managing strategies. This case study of people from Allpachico, a Peruvian peasant community, compares their responses to the current crisis with their responses to one in the 1980s, showcasing similarities in strategies (especially reciprocity and the sale or exchange of necessary reproductive tasks and products) and differences in the form they take. In the 1980s, women’s work and kin reciprocity helped people access use-values. By 2020, neoliberalism had transformed the national economy and Allpachiqueño migrants overwhelmingly had precarious informal and contract work. Reciprocity and reproductive tasks are still central to livelihood, but now tend to be monetized rather than involving use-values. As that earlier crisis shattered both secure employment and peasant farming to lay the basis for neoliberalism, so now it appears that the COVID-19 pandemic, through the monetization of government support and reciprocity alike, is accelerating financialization in the form of financial services and debt.

FR :

La pandémie de COVID-19 a ravagé les moyens de subsistance des populations du monde entier. Les contraintes économiques structurelles sont mises en évidence dans ces moments de crise, tandis que les personnes les plus touchées ont recours à leur répertoire de stratégies de subsistances. Cette étude de cas sur les habitants d’Allpachico, une une communauté paysanne péruvienne, compare leurs réponses à la crise actuelle avec leurs réponses à celle des années 1980, mettant en évidence des similitudes dans les stratégies (notamment la réciprocité et la vente ou l’échange de tâches reproductives et de produits nécessaires) et des différences dans la forme qu’elles prennent. Dans les années 1980, le travail des femmes et la réciprocité de la parenté ont aidé les gens à accéder aux valeurs d’usage. En 2020, le néolibéralisme a transformé l’économie nationale et les migrants d’Allpachico ont majoritairement un travail informel et contractuel précaire. La réciprocité et les tâches reproductives sont toujours au coeur des moyens de subsistance, mais elles tendent désormais à être monétisées plutôt que d’impliquer des valeurs d’usage. Tout comme la crise précédente a brisé les emplois sûrs et l’agriculture paysanne pour jeter les bases du néolibéralisme, il apparaît aujourd’hui que la pandémie de COVID-19, par la monétisation des aides publiques et de la réciprocité, accélère la financiarisation sous la forme de services financiers et de dettes.

EN :

Political mobilization of the Russian-speaking immigrant community in Canada is a relatively recent phenomenon, but it has permeated multiple spheres of community life in recent years. This paper examines how Russian-speaking immigrants living in the Greater Toronto Area (GTA) used the history and memory of World War II to mobilize their community from 2014–21, what forms of war commemoration they performed, and what these commemoration practices meant for the community and the individuals who participated in them. The commemorative practices and performances in the GTA’s Russian-speaking community remained controversial as they borrowed extensively from Soviet and post-Soviet political imagery and rituals, yet, as I argue in this article, political activism of Russian-speaking immigrants was also informed by Canadian multiculturalism policies and international political discourses and was intimately linked to their demands for full citizenship and cultivation of their identities in Canadian society.

FR :

La mobilisation politique de la communauté des immigrants russophones au Canada est un phénomène relativement récent, mais elle a imprégné de multiples sphères de la vie communautaire au cours des dernières années. Cet article examine : la manière dont les immigrants russophones du Grand Toronto (Greater Toronto Area, GTA) ont utilisé l’histoire et la mémoire de la Seconde Guerre mondiale pour mobiliser leur communauté de 2014 à 2021 ; leurs organisations de commémoration de la guerre ; et ce que ces pratiques de commémoration signifiaient pour la communauté et les individus qui y ont participé. Les pratiques et les performances commémoratives au sein de la communauté russophone du Grand Toronto sont restées controversées car elles empruntaient largement à l’imagerie et aux rituels politiques soviétiques et post-soviétiques. Pourtant, comme je le soutiens dans cet article, l’activisme politique des immigrants russophones était également nourri par les politiques canadiennes de multiculturalisme et les discours politiques internationaux, tout en étant intimement lié à leurs demandes de citoyenneté à part entière et à la culture de leurs identités dans la société canadienne.

FR :

Au cours des deux dernières décennies, l’étude scientifique du mindfulness, traduit par « pleine conscience », a pris des proportions inégalées en multipliant de manière exponentielle ses champs d’application et le nombre de ses publications. Dans un contexte historique où le développement de la pleine conscience en Amérique du Nord s’est continuellement joué sur la frontière entre le spirituel et le laïc, cet article interroge le mode d’engagement de chercheurs et chercheuses en psychologie vis-à-vis de l’objet mindfulness. En examinant les logiques sociales, morales et épistémologiques à l’oeuvre dans cette science de la pleine conscience, l’analyse montre qu’elle est traversée par une tension entre légitimation scientifique et adhésion morale. Celle-ci se révèle au travers de discours valorisant, d’une part, le répertoire scientifique comme registre de justification et, d’autre part, la prise en compte du caractère existentiel, expérientiel et moral des pratiques de pleine conscience.

EN :

Over the past two decades, scientific research on mindfulness has taken on unprecedented proportions, exponentially multiplying its fields of application and the number of publications. In a historical context in which the development of mindfulness in North America consistently takes place on the border between the spiritual and the secular, this article questions the modes of engagement employed by psychology researchers regarding the subject of mindfulness. In examining the social, moral and epistemological approaches at work in this science of mindfulness, analysis shows that it is intersected by tension between scientific justification and moral acceptance. This emerges via discourse that promotes, on the one hand, the scientific record as a register of justification and, on the other hand, the consideration of the existential, experiential and moral nature of mindfulness practices.

EN :

The anti-trafficking movement in Canada has grown rapidly since the late 2000s, branding itself as a feminist human rights-based effort to eliminate human trafficking and taken up by the Government of Canada to position itself as a benevolent leader on the international stage. Focusing on the membership of an anti-trafficking coalition in Toronto, Canada, this article explores how the movement creates moral spaces that validate a wide range of anti-trafficking efforts. In unpacking how tensions between members are navigated through the suppression of direct conflict and an ethos of collaboration, it demonstrates how carceral feminist approaches to imagining and eliminating human trafficking continue to remain dominant despite a growth in the efforts of individual members to promote harm reduction and reduce the criminalization of marginalized communities.

FR :

Le mouvement de lutte contre la traite des êtres humains au Canada a connu une croissance rapide depuis la fin des années 2000, se présentant comme un effort féministe fondé sur les droits de l’homme pour éliminer la traite des êtres humains et repris par le gouvernement du Canada pour se positionner comme un leader bienveillant sur la scène internationale. En se concentrant sur les membres d’une coalition anti-trafic d’êtres humains à Toronto, Canada, cet article explore comment le mouvement crée des espaces moraux qui valident un large éventail d’efforts anti-trafic. En exposant la manière dont les tensions entre les membres sont gérées par la suppression des conflits directs et une éthique de collaboration, il démontre comment les approches féministes carcérales visant à imaginer et à éliminer la traite des êtres humains restent dominantes malgré une augmentation des efforts des membres individuels pour promouvoir la réduction des dommages et réduire la criminalisation des communautés marginalisées.

FR :

Les discours nationaux, les formes d’appartenance ethno-nationale et les valeurs nationalistes seraient fondés, depuis le XVIII^e siècle, sur l’hétéronormativité, le binarisme de genre, le dimorphisme sexuel et, par conséquent, sur la régulation ou l’invisibilisation de la diversité sexuelle et de genre. Ces dernières années, je me suis penché sur les technologies de gestion de l’identité nationale liées à la gouvernementalité et à la biopolitique, ainsi que sur les utilisations faites des productions universitaires (notamment anthropologiques) pour façonner la discursivité qui régit la diversité sexuelle et de genre. En m’appuyant sur mes expériences de recherches ethnographiques multi-situées, je propose ici un débat théorique visant au décentrement du regard sur les expressions de la diversité sexuelle et de genre qui pourrait aboutir à une subversion de l’ordre des choses et à la proposition d’un autre monde commun possible contre l’expansionnisme nécropolitique des nouvelles croisades morales.

EN :

National discourses, forms of ethno-national belonging, and nationalist values are said to be based, since the 18th century, on heteronormativity, gender binarism, sexual dimorphism, and, consequently, on the regulation or invisibilization of sexual and gender diversity. In recent years, I have focused on technologies of national identity management related to governmentality and biopolitics, as well as on the uses made of academic productions (especially anthropological ones) to shape the discursivity that regulates sexual and gender diversity. Based on my experiences of multi-sited ethnographic research, I propose a theoretical debate aimed at decentering the gaze on expressions of sexual and gender diversity which could lead to a subversion of the order of things and to the proposal of another possible common world against the necropolitical expansionism of the new moral crusades.