Résumés
Résumé
Cet essai se propose de réfléchir aux particularités et aux potentialités de la recherche-création littéraire à partir de mes difficultés et de mes doutes, et de rendre perceptible l’horizon que j’ai dégagé des héritages que j’ai reçus et les enjeux qui me sont propres afin d’en arriver à une pratique qui puisse contenir tout à la fois : l’écriture, la lecture, l’enseignement, les savoirs, la recherche et la vie. J’évoque tout au long du texte les découvertes et les ratages qui m’ont menée à participer à des projets de recherche-création impliquant de l’essai, des carnets ou des formes proches, y compris des carnets électroniques et des écritures numériques. Ce faisant, je m’interroge sur l’importance de ces pratiques littéraires comme espaces de découverte de cette « autre vie » en soi dans l’horizon long d’une vie d’écriture – comme découvertes et apprentissages continus et non simplement comme exercices passagers.
Abstract
With my own difficulties and doubts serving as a springboard, this article sets out to consider the characteristics and potential of literary research-creation, and to trace the horizon that I discerned from all that has been passed down to me and from issues that are specific to me in order to arrive at a practice that could embrace writing, reading, teaching, knowledge, research and life all at once. Throughout the article, I refer to discoveries and failures that led me to participate in research-creation projects involving essays, notebooks or similar forms, including electronic notebooks and digital texts. In doing so, I speculate on the significance of these literary practices as areas in which to discover this “other life” in oneself over the long horizon of a writing life—as discoveries and constant apprenticeships, not simply ephemeral exercises.
Resumen
El propósito de este ensayo es reflexionar sobre las particularidades y potencialidades de la investigación-creación literaria a partir de mis dificultades y dudas, y hacer perceptible el horizonte que he despejado de los legados que recibí y los desafíos que me son propios para alcanzar una práctica que pueda contenerlo todo a la vez: escritura, lectura, enseñanza, conocimiento, investigación y vida. A lo largo del texto, hablo de los descubrimientos y fracasos que me han llevado a participar en proyectos de investigación-creación de ensayos, cuadernos y formas similares, incluidos los cuadernos electrónicos y la escritura digital. Al hacerlo, me interrogo sobre la importancia de estas prácticas literarias como espacios para el descubrimiento de esa «otra vida» en sí misma dentro del largo horizonte de toda una vida de escritura, como descubrimientos y aprendizajes continuos y no como simples ejercicios pasajeros.
Corps de l’article
On ne peut mieux décrire le travail de l’écrivain, et aussi celui du professeur de littérature, qui est de relier la forme au fond. La littérature ne peut nous faire passer d’une vie mécanique, superficielle, inconsciente à une vie de créateur travaillant à l’élaboration de sa propre vie et du coup à celle du monde dans lequel il vit que si elle perçoit dans et derrière sa propre ouate esthétique le dessin métaphysique. […] La littérature travaille à recoudre ce qui a été divisé avec ce fil mystérieux que Gabrielle Roy appelle « à l’intérieur de soi, cette autre vie dans sa vie », « l’esprit qui nous fait vivre », dit Woolf, et qui est « la vie elle-même[2] ».
La méfiance et la difficulté de trouver les moyens d’apposer des tirets sur des pratiques qui m’ont longtemps semblé distinctes, voire opposées, sont d’abord ma méfiance, ma difficulté. J’ai mis de longues années à intégrer les différentes dimensions de la recherche-création de manière sincère et fluide. La recherche allait de soi : on m’avait formée à sa rigueur. La création était là, mais à la manière du désir et de la volonté : je la portais, mais elle restait fragile ; sans temps pour m’y consacrer de manière régulière, elle s’étiolait en moi à la manière des plantes qui meurent sans eau ni soleil, ne me laissant que tige et terreau désséchés. J’avais besoin de continuer à créer vraiment, j’avais besoin de cette forme spécifique d’attention, de vision, d’expression pour ne pas être envahie par tout ce que je n’arrivais pas à écrire, mais je souhaitais aussi former des étudiant·e·s aux cycles supérieurs à la recherche-création et participer à la création à l’université. La difficulté, c’est que l’écriture est pour moi, et de manière souvent bien tortueuse, une pratique solitaire, singulière, gestative, ruminante, qui peut être diaboliquement lente à prendre forme et encore davantage à s’exposer. Et la recherche, avec ses exigences propres, dévorait à elle seule tout le temps libre pour la création.
À l’époque, j’avais l’impression de « devoir souvent changer de cerveau », je parlais d’une maladie janussienne, d’une tricéphalie et, malgré ma bonne volonté et tout mon désir mimétique, je n’arrivais pas à me projeter dans les modèles de recherche-création existants. Le savoir que je cherchais devait non seulement tendre activement vers la création, mais il devait aussi participer de la vie vivante et être transmissible, partageable. « Inventer » un modèle a été lent et long. C’est venu petit à petit, grâce aux autres, grâce aux idées, aux oeuvres et aux tentatives des autres. Or, et c’est peut-être tout l’intérêt des problèmes, des anomalies, des murs, c’est à partir d’un malaise profond et de ses heurts que j’ai amorcé un projet de recherche-création sur l’essai littéraire comportant notamment une écriture de carnets électroniques et que j’ai enfin dégagé de nouveaux horizons qui portent encore aujourd’hui mon travail, et dont je vais tenter d’exposer ici certains éléments clés.
Dans cet essai[3], qui participera du récit de recherche-création à la première personne, je me placerai comme sujet de l’expérience et comme témoin au fil des années et des rôles. Ce n’est pas la posture qui m’est la plus confortable. Et cet inconfort est un enjeu : c’est la seule posture qui fonctionne vraiment pour moi dans cet enchevêtrement entre le savoir, la vie, les émotions, l’écriture et les efforts de travail que j’essaie de poursuivre et d’expliciter à ma manière. Si, donc, j’évoquerai l’horizon que j’ai dégagé des héritages que j’ai reçus et les enjeux qui sont les miens, je parlerai aussi de trouver sa place, de sauver sa peau, de la nécessité de faire feu de tout bois et de trouver les combustibles pour y arriver. Je chercherai à dégager ma volonté d’élaguer les frontières disciplinaires pour favoriser des dialogues et des pollinisations de savoirs et de rassembler tout cela dans une pratique qui tienne tout et qui me tienne : la lecture, l’écriture, l’enseignement, la recherche et la vie.
« EST-CE QUE JE ME CONTREDIS ? / TRÈS BIEN ALORS JE ME CONTREDIS, / (JE SUIS VASTE, JE CONTIENS DES MULTITUDES.)[4] »
Je suis, donc, arrivée à l’essai et au carnet pour suturer mes pièces détachées, et ce retournement m’a permis de développer et d’intégrer des projets de recherche et des projets de recherche-création avec des équipes transdisciplinaires de plusieurs secteurs (notamment, des équipes scientifiques). La pratique des carnets et de l’essai m’a d’abord servi à maintenir la part de la création et à faire tenir quelque part, hors de la prostration, mon irrésolution disciplinaire et l’autre héritage, plus personnel, plus libre et plus ancien : la part libre et sauvage et chaotique et dérangeante – l’enfance sauvage, la militance, le punk, la mer et les arbres, la poésie érotique, la vie intérieure secrète et inaliénable. Je ne conçois pas de rapport à la création sans que cette part de mon être soit maintenue en vie, même si j’ai parfois le sentiment d’abriter, sous mon crâne, un party punk au milieu d’une bibliothèque de livres sacrés.
Aussi, je me réjouis quand j’entends, par exemple, Julia Kerninon affirmer qu’« on peut quasiment dire tout et son contraire sur le travail littéraire, et tout cela est vrai. Parce que cette activité est tellement complexe, tout est utile selon les différents moments[5] ». C’est sans doute l’héritage de Nietzsche, dont la pensée se trouvait au coeur de ma thèse, mais je n’ai pas le sentiment de me mettre en danger quand vient le temps de fréquenter des formes de vérité qui impliquent des paradoxes, des contradictions, des ambivalences. Je pense aussi qu’approcher la création, la création littéraire donc, c’est embrasser des formes de vérité complexes, et qu’accueillir la création dans les institutions universitaires, c’est aussi accepter de penser ce que la création implique et exige vraiment[6].
« NOUS AVONS L’ART POUR NE PAS MOURIR DE LA VÉRITÉ[7] »
Même si j’avais vu mes professeurs, François Ricard ou encore Yvon Rivard, pratiquer, admirablement, l’art de l’essai, je n’avais pas le sentiment d’avoir la capitalisation de savoir suffisante pour m’y adonner – et c’est sans fausse modestie que je suis toujours habitée par ce même sentiment d’insuffisance et d’ignorance. On m’avait dit qu’une carrière à l’université fondée sur une pratique centrale de l’essai comme « recherche » était devenue, en raison des exigences actuelles, inimaginable. Surtout, l’essai représente une pratique par rapport à laquelle je ressentais et ressens toujours de l’ambivalence.
Au fil des années, l’évidence s’est pourtant imposée : les interrogations philosophiques, théoriques, voire empiriques de la création littéraire me passionnent. De plus, quand je les fréquente, certains écrits de créateur·rice·s sur l’art, la littérature et la création de l’art m’apparaissent comme de la littérature et de la création. Si je ne les considère pas comme des substituts amoindris de vraies oeuvres, force m’est d’avouer que ces oeuvres ne me satisfont ni ne me suffisent entièrement comme pratiques. Même si je crois au brouillage des genres et aux efforts créatifs pour faire tomber les frontières, même si je peux y tendre vers le narratif ou la poésie, mon désir d’accomplissement d’un projet romanesque ou poétique reste toujours sur sa faim. Je ne sais pas exactement ce que cette insatisfaction m’indique. En revanche, je vois que mon attention comme lectrice-créatrice se porte fréquemment vers des oeuvres qui réalisent cette synthèse, qui intègrent le savoir et la vie dans un continuum d’écriture, parfois présenté et travaillé à la manière du roman, parfois écrit en prose, mais déployé à la manière de la poésie.
« L’ENFANCE RETROUVÉE[8] »
Dans cette histoire, je me vois un peu comme un Petit Poucet. Naturellement, parce que nous sommes le foyer inconditionnel de notre attention et au coeur d’un long récit à la première personne, comme nous le rappelait David Foster Wallace[9], je suis le sujet des épreuves, mais je suis aussi la forêt des attentes divergentes, tous les temps de la peur ; les trahisons et les épreuves, les miettes de pain et les oiseaux et le chemin pour rentrer à la maison. J’abrite des dangers intérieurs, comme Baudelaire était « de son coeur le vampire ». Je refuse de quitter entièrement le génie de l’enfance. La magie, je la vole.
Je veux dire : le savoir dont je parle ici ne m’est ni étranger ni neutre, j’y suis engagée et il m’est nécessaire, vital. Et c’est de ce lien vital que je veux parler, tant dans le mouvement qui m’y amène que dans celui qui me fait le retenir.
Je suis le départ et le retour – et encore davantage le long détour pour me perdre et revenir.
CE « ROND BLEUÂTRE DE FUMÉE[10] »
Je voudrais ici reprendre un élément de détail.
Qu’est-ce que la création implique et exige vraiment ?
Nous savons, pour y être formés, petit à petit, depuis l’enfance, ce qu’impliquent les institutions scolaires et la recherche. Plus nous avançons dans un domaine de savoir, mieux nous comprenons les méthodes, fonctionnements et exigences de la discipline que nous enseignerons et qui accueillera nos recherches.
Mais qu’apprenons-nous sur la création ? Certes, nous étudions des oeuvres, des corpus et des méthodes, mais la création telle qu’elle se vit, se pratique, se développe dans l’horizon d’une vie, quand la pensons-nous hors des horizons du pastiche, de la spontanéité, du génie ou du don, tant comme possibilité d’apprentissage de l’art de la littérature dans sa pratique que comme pratiques possibles à l’intérieur de la praxis d’une vie ?
M’intéresse ici le fait que la littérature a le privilège de pouvoir réfléchir sa pratique en elle-même, sans sortir de son effort propre (la langue, la parole, le déploiement en vue de degrés de sens et de degrés d’interprétation – en d’autres mots, il ne s’agit pas ici, comme le veut la formule, de danser sur de l’architecture), mais avec une modulation précise qui fait encore débat : l’essai permet à la littérature de revenir frontalement sur elle-même comme art, comme pratique, comme exigence, comme savoir, comme rapport à la vie et aux savoirs. Qu’on reproche encore à ces écritures de faire preuve de liberté et d’imagination, ce serait oublier la part d’invention et d’imagination à l’oeuvre dans l’édification de la pensée de la méthode – de Platon à Descartes, de la caverne au mauvais génie.
Ce n’est peut-être qu’une impression erronée, faussée par la direction de mon attention, elle-même intentionnellement nourrie par ma recherche (éthique et esthétique), mais j’ai le sentiment d’assister à une remarquable émergence de pratiques qui entrelacent, à des degrés divers, vie et savoirs, lecture et écriture, ces activités jumelles, comme l’écrit Dominique Fortier dans Quand viendra l’aube[11]. Chose certaine, ces oeuvres, qui participent d’une recherche en création et d’une créativité de la recherche, m’interpellent et constituent la plus grande part des corpus que j’explore et enseigne. J’y vois apparaître, généralement à la première personne, des pratiques de la création indécidables, résistantes, dont on dirait qu’elles veulent forcer, voire mettre au défi les limites, les frontières, les circonscriptions mêmes du monde dans lequel elles évoluent. Pas assez « création » pour les uns, pas assez « recherche » pour les autres, objets de réticences, de méfiance, voire de « colère » comme l’écrivait Adorno[12], je les trouve, pour ma part, fertiles notamment dans la mesure où elles agissent sur les disciplines qui les accueillent et sur l’université qu’elles contribuent, à leur tour, à transformer[13]. Je vois les pratiques essayistiques (ainsi que d’autres pratiques et formes de récit de soi) en contexte de savoir comme terminus ad quo (origine), mais aussi terminus ad quem (destination et alors, oeuvres). L’essai, les carnets, journaux, notes m’apparaissent comme espaces privilégiés d’exercice, d’expérimentation, de réflexions métatextuelles esthétiques, éthiques, poïétiques, comme vrac et matrice ; aussi, dans leurs inscriptions fragmentaires mais potentiellement décisives, ne s’approcheraient-ils pas, en fait, de l’improvisation en musique [14] ?
VOLER LE FEU
Il y a une dizaine d’années (j’étais alors professeure), pour retrouver la création que j’avais complètement perdue à force de « vouloir porter tous les bateaux » (enseigner, faire de la recherche, de la recherche-création, être mère, etc.), je suis retournée au carnet comme pratique d’écriture première – en commençant à tenir secrètement des carnets en ligne –, comme on regagne son chez-soi après un long exil.
Je suis retournée au carnet parce que les deuils, parce qu’il n’y avait plus de feu, plus d’écriture, et à force de ne plus jamais écrire, mais de compenser par la dispersion, je perdais petit à petit le lien labile entre mon intériorité et le « monde de la vie » – or garder vivant le feu, le lien avec le monde est en corrélation directe avec mon travail de création en littérature.
Je suis retournée secrètement à l’art du carnet d’abord de manière oblique pour retrouver une pratique d’écriture régulière, libre, vaine (art des pièces détachées et de la soudure, art de la dispersion rassemblée), voire fuyante ou honteuse, qui ferait feu de tout bois, qui irait où elle veut, qui échapperait aux devoirs et aux injonctions.
Reprendre l’écriture librement, par pur plaisir, a été exactement comme retrouver ma maison avec un grenier encombré et un sous-sol sombre sur terre battue… mais que faut-il dire encore, si ce n’est que l’écriture a besoin de chambres claires, d’accumulations compulsives, de W.C. sous néons et de vides sanitaires. Reprendre l’écriture : voler le feu. Et c’est toujours à recommencer – dans la mesure où la création se joue dans un combat singulier contre la vie (contre le temps donné à la vie vécue, contre le temps chaque jour dévoré par la vie matérielle que décuple, par exemple, la parentalité), pour la vie et que, contrairement à ce qu’on pourrait en penser, ce combat est amplifié par la tension qui existe entre la création littéraire et la vie universitaire telle que nous la connaissons. Or les arts de l’écriture du temps vécu (carnets, journaux, autres écritures numériques) facilitent, parfois, pour certain·e·s, le maintien d’une écriture au fil de la vie et, par le fait même, cette manière de présence à cette « autre vie » que l’on porte en soi et qui ne peut naître que de la pratique de l’écriture et de la disposition intérieure à laquelle convie ce type de retournements intérieurs.
En retour, les pratiques proches de la vie vécue portent aussi des formes de malaise ou de « honte ». Peut-être parce que j’ai beaucoup associé le carnet et les activités plus diaristiques à de vieilles pratiques cathartiques et solitaires, aux épanchements sentimentaux et aux craintes qui pèsent sur tout projet fragmentaire dont on sait d’avance l’inachèvement, l’abandon à venir. Mais avec la honte, l’humilité et la sincérité, l’écriture malgré tout comme instrument de survie, objet quasi transitionnel et espace de désir et de métamorphose. Je parle donc de papillons, de pardon et de paris fous.
Je parle aussi de ratage parce que la réussite du carnet, dans un premier temps, n’est que sa propre existence (aussi ratée, maladroite, brisée qu’elle puisse être – et c’est la joie première) et le mouvement d’écriture, de voix, de pensée, d’attention et de plaisir (plaisir de lire[15], d’entendre, de sentir, de voir ; plaisir d’écrire, désir consumé dans ses actes) qu’il met en branle, c’est le dance first de la formule « Dance first. Think later » dérivée de Beckett. Perdre la joie de vue quand on parle de création, c’est perdre la création de vue.
De Nietzsche : « Et que chaque jour où l’on n’a pas dansé une fois au moins soit perdu pour nous ! Et que toute vérité qui n’amène pas au moins une hilarité nous semble fausse [16] ! »
« MOI, JE VEUX VOIR ET VIVRE[17] »
Dans ma vie secrète, je me suis donc tournée vers l’écriture de carnets électroniques en ligne. J’étais tombée, je devais réapprendre quelque chose ; l’écriture longue du roman ou de la poésie, je n’osais même plus y rêver. Au départ, cette pratique de création libre et sans autre objectif qu’une forme de connexion avec la spontanéité de l’écriture s’est nourrie, dans son élan, de ma fréquentation d’essais et d’oeuvres au genre indécidable s’inscrivant dans les marges de l’essai ou du récit de soi. De carnets électroniques aussi et de réflexions sur les écritures du numérique. Je ne les lisais pas seulement pour alimenter les bibliographies de mes cours et séminaires, mais bien parce que leurs aventures d’écriture et de vie me passionnaient. J’en tirais un plaisir coupable tant j’avais l’impression de m’intéresser à des oeuvres moins bien reçues, moins étudiées et moins enseignées. Que des professeur·e·s aient fait leur carrière en publiant essentiellement des essais semblait de plus en plus en contradiction avec l’ethos de la recherche subventionnée de l’« université en ruines[18] » ; comment aurais-je pu seulement imaginer intégrer un jour l’écriture de carnets à mon travail universitaire ?
J’avais malgré tout le sentiment que l’essai, comme activité d’écriture d’idées incarnée, offrait, tout particulièrement aux femmes, un espace privilégié où penser avec le corps, avec le sensible – en quittant le mode dominant de la pensée rationnelle et des valeurs qu’elle charrie. J’écris « tout particulièrement aux femmes » parce que j’ai le sentiment que les femmes qui pensent ont sciemment utilisé l’essai et les genres proches afin de réfléchir à l’extérieur des cadres qu’elles remettaient en question, et que l’essai est un genre de contestation à la fois textuelle et politique, ce que révèle d’ailleurs le très grand héritage créatif et expérimental que les essayistes féministes nous ont légué et qu’on oublie trop souvent quand on énonce l’horizon de l’essai.
J’aimais l’espace ambigu et complexe dégagé par les essais dans toutes leurs nuances, plus ou moins proches du savoir, plus ou moins proches du récit, plus ou moins expérimentaux sur le plan formel. J’aimais aussi la beauté esthétique, littéraire, artistique des expériences de pensée et de création que m’offraient les essais.
J’ai alors élaboré un projet de recherche-création qui approcherait l’essai comme objet d’étude, comme pratique de recherche-création, et qui impliquerait, de mon côté, une écriture de carnets électroniques.
L’essai ? Parce qu’il est poreux, instable, composite et vivant.
Poreux ? Parce qu’il permet, en posant une forme, un style, un projet littéraire, un jeu littéraire et esthétique, d’intégrer de manière organique les domaines du savoir et de les mettre en dialogue.
Instable ? Parce qu’il menace sans cesse de faire mauvais genre et, dès lors, en devient sismique puisque difficilement saisissable, s’échappant toujours dès qu’on tente d’en définir ou d’en clôturer la nature, et que le piège serait justement de chercher inlassablement à le définir plutôt qu’à embrasser son incertitude.
Composite ? Je cherchais encore à unifier ma vie fragmentée, faite de pratiques qui me semblaient dispersées : l’écriture elle-même, ancrée au plus fort au plus profond – associée à l’attention, à la perception, aux sens, au corps, au désir et aux émotions, et exigeant, en retour, conception, pensée, retournement formel ; ensuite, la vie universitaire, où tout se tend vers l’intellectualisation (voire la surintellectualisation), la structuration et l’organisation, mais aussi la compartimentation des savoirs.
Composite également parce que l’espace de notre savoir, le mouvement de notre pensée s’est transformé sous l’inflexion du numérique, et je voulais refléter ce mouvement, scandé, brisé, qui passe de la lecture de textes savants à de petites pièces de savoir morcelées : citations, moments de musique, apparitions visuelles brèves, conversations à bâtons rompus – en gros, une somme tissée d’éléments disparates de connaissance, le fameux citable[19] et le souterrain, les matières vives et nourricières.
Vivant ? Parce que l’essai me semble rendre la pensée vivante, plus vivante, il dispose à voir et à vivre. L’essai, donc, pour son vitalisme nietzschéen.
C’est là où interviendrait le carnet électronique comme exercice d’écriture proche de l’essai quand vient le temps d’aborder les savoirs, la pensée, la forme, et par sa voix (ma « voix » quand j’écris de l’essai me semble être la même que celle du carnet), par la liberté formelle qu’il suppose et génère (si la poésie veut, je la laisse), par son caractère inchoatif et digressif – tout en se distinguant de l’essai notamment par sa plus grande fragmentation ainsi que les possibilités offertes par le numérique, là où les entrées de carnets deviennent un peu comme des micro-essais augmentés par l’intermédialité et fissurés et ouverts grâce aux hyperliens. Tout cela, sans compter la proximité du rapport à la vie à écrire, à raconter, au fil des jours, et ainsi la proximité d’une matière première proche et permanente parce que surgissant sans cesse.
En conservant, au quotidien, malgré l’affolement, les urgences, les obligations et les préoccupations professorales, un lien labile, un espace d’attention où la conscience se maintient avec le plus d’intégrité possible auprès de la parole intérieure qui appréhende le monde, les autres, le labeur du texte, les nouages intimes, la parole contenue dans les carnets s’ouvre comme une main. Or la main du carnettiste demeure main d’écrivain – un peu comme celle du musicien qui passe des gammes aux partitions à l’improvisation, elle passe du roman ou du poème au journal ou au carnet comme elle passe du tisonnier à la tasse fumante de café, de la chaleur à la chaleur. Si, comme le veut Yvon Rivard, qui nous rappelait la pensée de Blanchot, que je cite de mémoire, « écrire, c’est toujours déjà être en train d’écrire », il est dès lors fort possible de repenser l’échec relatif du carnet ou de l’essai à un moment de notre vie en le replaçant dans l’espace d’écriture plus large qu’il ouvre, de manière plus constante et peut-être plus durable pour ce qui se construit, sans cesse, en nous.
« RACONTER UNE HISTOIRE, VRAIE OU INVENTÉE, EN RISQUANT À CHAQUE FOIS DE SE TROMPER[20] »
Depuis « La chambre claire[21] », j’ai travaillé des carnets en ligne comme expérimentation artistique et littéraire (à la fois sur le plan des contenus que sur celui de leur génération formelle), en conjuguant textes, images et hyperliens, en approchant, donc, l’intermédialité, en visant une publication en ligne rapide, et non immédiate, aspirant à s’inscrire le plus fidèlement possible dans l’horizon d’une continuité chronologique. Dans le carnet en ligne devenait envisageable une pratique de chair, d’incarnation, de tissage entre soi et le monde, et la possibilité d’appréhender l’oeuvre et le travail de création.
La pratique du carnet numérique pouvait alors devenir, comme le suggérait Arnaud Maïsetti, « un apprentissage de ma propre langue, des avancées successives, une cartographie toujours recommencée, un espace qui donne à l’échec sa plus grande chance, à la justesse sa plus forte nécessité ». Plus encore, comme l’exprime toujours Arnaud Maïsetti, le « choix du numérique » ne représentait dès lors « pas un repli, mais l’espace propre de l’écriture […] originelle, essentielle, puisant dans l’expérience même du quotidien sa force de réinvention[22] ».
Les possibilités scripturales du carnet en ligne permettent au texte d’afficher ses points de fuite, ses trouées vers l’ailleurs, les autres, les sources sonores, visuelles, en tendant vers une intégration toujours plus sensible, vers une monstration toujours plus immersive de la texture de la vie sensible, spirituelle et matérielle, à partir de laquelle l’écriture vient s’écrire. À leur tour, les images poursuivent alors une quête du regard, l’intention poétique initiale, un réseau infini de correspondances, de tracés et de tissages secrets. La présence de mémoires photographiques et de saisies du temps qui fuit me semblait directement liée à une pratique de l’attention vibratoire ; Montaigne parlait de « branloire pérenne », une attention étonnée, poétique donc[23].
Le carnet me permettait de filer les jours et les nuits et de rendre perceptible la multiplication de mes constellations intérieures – ces rapports que nous entretenons avec les autres, oeuvres, textes, musiques, images, fantômes. La bibliothèque, mais ouverte, entière, sur toutes les oeuvres, tous les arts, toutes les matières, y compris les apparitions numériques et éphémères, les textures sonores – voix, musiques, images, impressions sensibles du temps. Des constellations faites de poussières, d’ondes et de lumières, où il s’agit encore de garder le feu et de brûler, à la manière des lanternes.
L’exploration et l’expérimentation autour de l’écriture de carnets, si elles ne sont pas révélées sans insatisfactions, ont aussi été fertiles dans mon enseignement de la création littéraire et pour le développement de projets novateurs de recherche-création réalisés en intersectorialité. Ces pratiques ont favorisé mon engagement récent dans plusieurs projets réunissant des équipes scientifiques autour d’études portant sur le Saint-Laurent[24] parce qu’elles permettent d’intégrer des savoirs extralittéraires au coeur d’oeuvres littéraires. Leur porosité ouvre à tous les ailleurs, y compris aux savoirs scientifiques ou, chose rare, aux enjeux politiques, ce qui permet d’envisager autrement des pratiques comme l’écopoétique ou l’écoféminisme. Aussi, les missions de création auprès d’équipes scientifiques ont toutes suscité des pratiques diverses de carnets (des carnets plus poétiques ou plus essayistiques). En plus du projet portant sur la remobilisation des sédiments au large de Pointe-des-Monts, deux autres grands projets intersectoriels réalisés l’automne dernier ont privilégié l’utilisation de carnets et de carnets électroniques comme mode de rencontre, de partage et de cocréation d’un dialogue entre science et création. Et quand j’écris ici « dialogue », je l’entends pleinement : ce que je cherche, c’est la pollinisation des savoirs, de l’interférence, du dérangement disciplinaire et sectoriel à partir des communs et des expériences partagées ; l’étonnement, la curiosité, les émotions, le savoir et son désir, le souci.
Comme j’utilise fréquemment l’essai et le carnet électronique dans mon enseignement, je m’interroge, peut-être naïvement, à savoir si on a fini par se détourner de ces pratiques parce qu’on a oublié qu’elles méritent elles aussi d’être enseignées et étudiées comme le sont d’autres genres, parce qu’on a oublié leur fonction et leur rôle dans l’horizon entier d’une vie d’écriture ou parce qu’on ne les perçoit ni comme corpus d’oeuvres vraiment « oeuvres » ni comme « modèles » de création… L’essai et les formes soeurs me semblent pourtant offrir de stimulantes pistes de travail du point de vue de la création littéraire et de la recherche-création s’ils sont présentés et explorés comme des modalités sérieuses, engagées et reconnues de la pratique de la création qui favorisent un double exercice : la réflexion sur la création et les oeuvres, et les processus et théories de la création, qui ne rompent pas entièrement avec l’exercice créatif. Ils maintiennent une part de création tout en permettant l’exercice critique dans l’horizon d’une praxis de soi et de la vie, et d’une vie de création. Subséquemment, je me demande s’il ne s’agit pas d’enseigner et de valoriser ces pratiques à la fois critiques, créatives et réflexives comme nous enseignons les autres formes et genres littéraires, afin d’en découvrir et d’en développer l’immense potentiel créatif et heuristique.
En pensant l’écriture de l’essai ou des carnets dans toutes ses potentialités structurantes, en acceptant ces derniers comme des arts littéraires de la décantation et de la formation lente et patiente de l’intériorité, nous comprendrons peut-être leur importance comme arts d’apprivoisement artistiques et intellectuels, comme arts du savoir mais aussi de l’attention créatrice et de l’égarement qui nous placent dans une disposition où peut advenir la création si nous acceptons de prendre le temps. Il va sans dire que ces pratiques prennent tout leur sens au fil de la vie vivante dans la mesure où il s’agit de les laisser nous faire tout autant que nous les faisons. Encore faut-il pour cela, sans doute, embrasser, sans abandon, l’inutile, le chaos, la vulnérabilité et le ratage comme éléments constitutifs d’une vie de création et ainsi réinsérer l’écriture dans l’horizon de la vie. Encore faut-il pour cela accepter de s’en remettre à des arts du temps et de la vie où il s’agit de lire, de penser et d’aimer.
Des arts où aimer, ce serait être au moins un peu ce qu’on aime.
Pour reprendre la formule de Barthes : « Ce que je puis dire, ce que je ne peux faire autrement que de dire, c’est que ce sentiment qui doit animer l’oeuvre est du côté de l’amour[25] […]. »
Parties annexes
Note biographique
KATERI LEMMENS écrit et enseigne les lettres et la création littéraire à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR). Elle a fait paraître, avec Romain Renard, un roman graphique, Passer l’hiver (Les Impressions nouvelles, 2022), deux recueils de poésie, Passer l’hiver (illustrations de Romain Renard, Éditions du Noroît, 2020) et Quelques éclats (Éditions du Noroît, 2007), un essai, Nihilisme et création. Lectures de Nietzsche, Musil, Kundera, Aquin (Presses de l’Université Laval, 2015), et un roman, Retour à Sand Hill (La Valette, 2014). Elle a aussi codirigé un carnet poétique, Mailler les eaux (avec Camille Bernier, Camille Deslauriers et Tina Laphengphratheng, Éditions de l’Écume, 2022), et des collectifs, Que sait la littérature ? (avec Normand Baillargeon, Leméac, 2019) et Explorer, créer, bouleverser. L’essai littéraire comme espace de recherche-création (avec Alice Bergeron et Guillaume Dufour Morin, Nota bene, 2019). Elle a récemment participé à plusieurs projets de recherche-création portant sur le fleuve Saint-Laurent et les sciences de la mer avec des équipes scientifiques, artistiques et littéraires.
Notes
-
[1]
Merci à Loraine Roy pour son aide au moment d’arrimer le protocole.
-
[2]
Yvon Rivard, « La leçon d’Ann Taylor », APEFC, 2011, en ligne : http://www.cegep-rimouski.qc.ca/apefc/wp- content/uploads/2011/12/YvonRivard.pdf (page consultée le 22 octobre 2022). Voir aussi Yvon Rivard, Aimer, enseigner, Montréal, Boréal, coll. « Liberté grande », 2012, 208 p.
-
[3]
Le squelette du texte que je n’écris pas se trouve, à la manière d’un revers, quelque part entre les publications antérieures et le spectre bibliographique des réflexions présentées ici.
-
[4]
« Do I contradict myself?/Very well then I contradict myself,/(I am large, I contain multitudes.) » Walt Whitman, Song of Myself, 51, en ligne : https://poets.org/poem/song-myself-51 (page consultée le 12 novembre 2022). Je traduis.
-
[5]
Julia Kerninon, « Julia Kerninon, une chambre à soi » (entretien), France Culture, 30 mars 2021, en ligne : https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-culture/julia-kerninon-une-chambre-a-soi (page consultée le 12 novembre 2022).
-
[6]
Comme je tente ici de réaliser une synthèse, plusieurs éléments découlent naturellement de réflexions ou de présentations antérieures qui n’ont pas toujours fait l’objet de publication, notamment, en plus des travaux évoqués précédemment : Kateri Lemmens, « feux de tout bois : grandeur et misère de l’utilisation des carnets en recherche-création », communication présentée à la journée d’étude « Littécriture. Expériences et partage de carnets », organisée par l’axe 3 du CELLAM de l’Université Rennes 2, 12 janvier 2022 ; Kateri Lemmens et Guillaume Dufour Morin, « La chambre claire : recherche-création et éditions numériques (enjeux et défis) », communication présentée au colloque international « L’état des faits et gestes du numérique dans le monde académique. Enseignement, recherche, publication », organisé par la Chaire de recherche du Canada en histoire des loisirs et des divertissements, en partenariat avec le Centre interuniversitaire d’études québécoises (CIEQ), Université du Québec à Trois-Rivières, 15 décembre 2016 ; Kateri Lemmens, « De l’anxiogénèse à la résistance : la création comme modèle ? », communication présentée au colloque « Habiter les ruines de l’université : Bill Readings, 20 ans plus tard » organisé par Pierre-Luc Landry et Jean-François Vallée dans le cadre du 84e Congrès de l’ACFAS, Université du Québec à Montréal, 12 mai 2016 ; etc. On retrouvera de très courts éléments du présent texte (alors inédit et présenté comme tel), au fins de l’entretien, dans « Là où la pensée entre en résonance », Nos lieux de rencontre. Entretiens sur l’essai littéraire, Gérald Gaudet (dir.), Montréal, Nota Bene, coll. « Palabres », 2024, p. 19-41.
-
[7]
« L’art nous est donné pour nous empêcher de mourir de la vérité. » Friedrich Nietzsche, « § 822 », La volonté de puissance I, texte établi par Friedrich Würzbach, traduit de l’allemand par Geneviève Bianquis, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1995, p. 387 ; je souligne.
-
[8]
Charles Baudelaire, « 3.3. Le peintre de la vie moderne. L’artiste, homme du monde, homme des foules et enfant », L’art romantique, Wikisource, en ligne : https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Art_romantique/Le_Peintre_de_la_vie_moderne/III (page consultée le 2 décembre 2023).
-
[9]
David Foster Wallace, C’est de l’eau. Quelques pensées, exprimées en une occasion significative, pour vivre sa vie avec compassion, traduit de l’anglais (États-Unis) par Charles Recoursé, Vauvert, Au diable Vauvert, 2010, 138 p.
-
[10]
« Ne suffit-il pas de faire passer dans le discours critique un “rond bleuâtre de fumée” pour vous donner le courage, tout simplement… de le recopier ? » Roland Barthes, « Roland Barthes par Roland Barthes », cité par Marielle Macé, « L’essai littéraire, devant le temps », Cahiers de narratologie, no 14, 27 février 2008, en ligne : https://doi.org/10.4000/narratologie.499 (page consultée le 2 décembre 2023). L’auteur souligne.
-
[11]
Dominique Fortier, Quand viendra l’aube, Québec, Alto, 2022, p. 14.
-
[12]
Theodor Adorno, « L’essai comme forme », François Dumont (dir.), Approches de l’essai. Anthologie, Québec, Nota bene, coll. « Visées critiques », 2003, 276 p. Voir aussi Marielle Macé, « L’essai littéraire, devant le temps ».
-
[13]
Je pense à ce qui se fait ailleurs, aux États-Unis par exemple, dans des pratiques universitaires où s’effacent les frontières non seulement disciplinaires, mais entre théorie et création.
-
[14]
Pourrait-on comparer la dimension spontanée, les rapports aux autres oeuvres du carnet, la possibilité de l’exercice collectif à certaines dimensions de l’improvisation musicale ? L’hypothèse mérite à tout le moins d’être soulevée, et peut-être le sujet, au fil de l’écriture de cet essai et des méditations qui le précèdent, constituera-t-il une prochaine hypothèse de recherche-création.
-
[15]
Voir, entre autres, Marielle Macé, « “C’est ça, c’est exactement ça” », Acta fabula, vol. IV, no 1, printemps 2003, en ligne : https://doi.org/10.58282/acta.11286 (page consultée le 2 décembre 2023).
-
[16]
Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Wikisource, en ligne : https://fr.wikisource.org/wiki/Page: Nietzsche_-_Ainsi_parlait_Zarathoustra.djvu/299 (page consultée le 12 novembre 2022).
-
[17]
Henri Michaux, cité par Jean-Pierre Martin dans « Henri Michaux : “moi je veux voir et vivre” », Les Temps Modernes, vol. III, no 624, 2003, p. 1-34, en ligne : https://doi.org/10.3917/ltm.624.0001 (page consultée le 12 novembre 2022).
-
[18]
Je reprends la formule de Bill Readings non par esprit de provocation, mais parce que je suis d’avis que tout cela devrait être pensé ensemble ; j’en profite d’ailleurs pour souligner l’admirable effort réalisé par Pierre-Luc Landry et Jean-François Vallée autour de cette question à l’occasion du colloque « Habiter les ruines de l’université : Bill Readings, 20 ans plus tard » et de la publication qui en a découlé (voir https://universiteenruines.wordpress.com/ [page consultée le 12 novembre 2022]). Le texte que j’y avais présenté (« De l’anxiogénèse à la résistance : la création comme modèle ? »), après le suicide d’une collègue, s’efforçait de penser l’université dans une perspective de santé mentale, de ralentissement en contexte d’accélération, et cherchait à trouver ce qu’il nous faut pour arriver à une université dont la création pourrait être un des modèles (un thème dominant de la pensée herméneutique et phénoménologique).
-
[19]
Je cite à nouveau Marielle Macé, « L’essai littéraire, devant le temps ».
-
[20]
Dominique Fortier, Quand viendra l’aube, p. 36.
-
[21]
Le projet « La chambre claire : approches et expérimentations de l’essai lyrique et de l’essai littéraire comme espace de recherche-création » a été conçu d’abord comme un dispositif numérique impliquant trois grandes composantes : mes carnets, des essais de création et des articles plus savants portant sur l’essai (dont certains sont parfois à peine distincts des essais de création tant ils se sont approprié leur liberté artistique et formelle), et a obtenu une subvention du programme Établissement de nouveaux professeurs-chercheurs-créateurs du FRQSC.
-
[22]
Voir Arnaud Maïsetti, « Portrait et entretien : ebouquin.fr », Arnaud Maïsetti. Carnets, vendredi 19 novembre 2010, en ligne : http://www.arnaudmaisetti.net/spip/spip.php?article473 (page consultée le 12 novembre 2022).
-
[23]
Comme le suggère le mouvement de certains des carnets que j’ai écrits, par exemple « Effacements », « Never Let Me Go » ou « Il ne pleut pas assez les jours de pluie (à partir d’Abbas Kiarostami) », une publication que je n’ai jamais complétée qu’à l’état d’ébauche, mais qui a probablement été à l’origine du livre que j’ai décidé d’écrire par la suite (Passer l’hiver, Montréal, Éditions du Noroît, 2020, 104 p.). J’ai d’ailleurs souvent le sentiment que tout ce que je fais se développe à partir de boutures et de retranchements, de déversement d’un vase à l’autre.
-
[24]
Avec ma collègue de l’UQAR Camille Deslauriers, nous avons participé à plusieurs projets de recherche impliquant de la création et des missions océanographiques sur le Saint-Laurent soutenues, je tiens à le souligner, par le Réseau Québec maritime (RQM). En 2022, nous avons fait paraître, aux éditions de l’Écume, Mailler les eaux, un carnet littéraire et scientifique collectif (dirigé par Camille Bernier, Camille Deslauriers, Tina Laphengphratheng et moi-même) à partir de missions de recherche sur le Saint-Laurent à bord du Coriolis II avec l’équipe scientifique, d’ateliers de création, d’une résidence d’écriture et de photos prises au cours du projet « Risques naturels associés à la remobilisation sédimentaire et impacts sur les dynamiques de productivité primaire dans l’estuaire du Saint-Laurent/Monitoring natural hazards during coastal to offshore sediment remobilization and its impacts on primary productivity dynamics in the Lower St. Lawrence Estuary », dirigé par Jean-Carlos Montero-Serrano (UQAR-ISMER) et Audrey Limoges (Université du Nouveau-Brunswick), en ligne : https://www.rqm.quebec/temps-navire/risques-naturels-associes-a-la-remobilisation-sedimentaire-et-impacts-sur-les-dynamiques-de- productivite/ (page consultée le 2 décembre 2023). Nous avons aussi participé à l’écriture d’un carnet de bord électronique, continu et collectif à l’occasion de l’Expédition Bleue, un projet de recherche et de recherche-création portant sur la pollution plastique et les changements climatiques dans le golfe du Saint-Laurent, en ligne : https://www.organisationbleue.org/expeditionbleue (page consultée le 12 novembre 2022).
-
[25]
Roland Barthes, cité dans Willy Paillé, L’exercice de l’intime d’après Roland Barthes, thèse de doctorat, Pessac, Université Bordeaux III-Michel de Montaigne, 2011, f. 120, en ligne : https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-02517109 (page consultée le 12 novembre 2022).