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Théologie africaine et vie[Notice]

  • René Heyer et
  • François Kabasele Lumbala

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  • René Heyer
    Théologie morale, Université de Strasbourg (France)

  • François Kabasele Lumbala
    Théologie des religions, Institut catholique de la Méditerranée, Marseille (France)

Depuis sa création, il y a vingt ans, la revue Théologiques n’avait pas encore eu l’occasion de braquer le projecteur sur l’Afrique. Les recherches en théologie pourtant y foisonnent, que ce soit dans les grands centres universitaires que sont Abidjan, Kinshasa et Yaoundé, pour ne parler que de l’Afrique francophone, ou qu’elles soient le fait de l’importante diaspora étudiante et enseignante de par le monde. Cette remarque, faite au comité scientifique de la revue par son membre strasbourgeois, a été immédiatement retournée par la direction en appel d’offre. C’est ainsi que, dans la suite d’un colloque sur divers aspects de la production et de la formation théologiques africaines tenu à la Faculté de théologie catholique de l’Université de Strasbourg (actes parus dans la Revue des sciences religieuses d’avril 2010), l’initiative d’une recherche thématique sur la vie dans la théologie africaine, uniquement sous forme de propositions d’articles pour Théologiques, a été lancée. Elle s’est trouvée rapidement relayée en plusieurs points d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Afrique, particulièrement au Congo. Le « local » ou le « continental » africain est ainsi saisi d’emblée dans une dimension mondialisée. Les théologiens d’Afrique subsaharienne ont conscience de développer une version originale de la théologie et ils ne manquent pas d’être surpris lorsque des Occidentaux déclarent en découvrir l’existence : cela fait plus d’un demi-siècle en effet que cette théologie africaine existe et elle a eu le temps de connaître courants et contre-courants. Le fil conducteur en est la compréhension de l’évangélisation et des conséquences de celle-ci. Après une « théologie de la fondation de la chrétienté » transposant localement, pour les catholiques, l’organisation romaine, sont venus des mouvements de réactions et de reprises qui font place de plus en plus nettement à des valeurs considérées comme spécifiquement africaines (Tchonang, 2010). C’est déjà le cas avec la « théologie de l’adaptation », amorcée par l’ouvrage collectif Des prêtres noirs s’interrogent (1956). Il s’agissait d’inviter les cultures africaines sur la scène de l’évangélisation. Cette perspective fut encouragée par Paul VI, qui appela à constituer un « christianisme africain » lors d’un déplacement en Ouganda en 1969 (Paul VI, 1969). Mais adapter le message évangélique n’est pas encore reconnaître son incarnation dans les pratiques et la culture africaines : « l’inculturation » exige de prendre au sérieux une vision du monde distincte de celle où s’est forgée la théologie occidentale. Ces courants théologiques de l’adaptation et de l’inculturation se sont cependant élaborés à une certaine distance de contextes socio-politiques particulièrement préoccupants : Jean-Marc Ela et Engelbert Mveng souligneront parmi bien d’autres la nécessité d’une théologie qui prenne corps dans l’histoire en vue de la libération d’une oppression séculaire, marquée par l’esclavage et la colonisation. Plus récemment, des théologiens tels que les protestants Jesse Mugambi et Kä Mana ont appelé à une refonte des habitudes de pensée par une « théologie de la reconstruction » qui doit être globale à leurs yeux ; elle passe par la reprise en mains de leur destin par les Africains eux-mêmes et est censée modifier jusqu’à leur imaginaire. Une précision : si l’on a pu parler de théologies de la libération en Afrique, c’est dans un sens nettement différent des théologies de l’Amérique latine. Sur le continent américain, la libération du peuple opprimé passait nécessairement par le renversement des structures économiques et la redistribution des terres ; en Afrique postcoloniale, la libération commençait par des efforts de recouvrement d’une identité niée et gommée, efforts de désaliénation, efforts d’une « décolonisation mentale » (Mabika Kalanda, 1967) ; c’est pour cela que l’accent culturel a semblé prédominer dans cette libération. Mais du reste, …

Parties annexes