Résumés
Résumé
Cet article rend compte des défis qui ont jalonné les premières étapes d’un projet de recherche sur l’expérience des élèves noir·e·s au préscolaire-primaire au Québec. L’étude ethnographique visait à analyser les dynamiques de racisme qui touchent ces élèves, à documenter les stratégies de la communauté éducative pour y faire face, et à soutenir les acteur·rice·s dans la transformation des pratiques et des politiques. Dès la rédaction du projet et lors des premiers contacts avec les milieux scolaires et communautaires, qui constituent le terrain de recherche, les réactions ont révélé l’existence d’un malaise à aborder frontalement la question du racisme. Cette problématique semble remettre en cause un certain ordre des choses et l’idéal de cohésion et de vivre-ensemble. L’article, basé sur les théories critiques de la race et les études noires, explore comment la violence raciste persiste sous des pratiques apparemment inoffensives.
Mots-clés :
- éducation préscolaire-primaire,
- postracialisme,
- déni du racisme,
- théories critiques,
- racisme anti-noir
Abstract
This article registers the many challenges involved in the early stages of a research project on the experiences of Black students in preschool and primary schools in Quebec. This ethnographic study sought to analyze dynamics of racism affecting these students, document strategies that the educational community can employ in response, and support actors working to transform practices and policy. As early as writing the project proposal and in first contacts with the communities and schools where the research would take place, reactions revealed a certain discomfort with the idea of overly addressing the issue of racism. This issue seems to highlight a need to question a certain order of things and the ideal of cohesion and inclusion. Drawing on critical race theory and Black studies, the article explores how racist violence persists by means of practices that appear inoffensive.
Keywords:
- Preschool-primary education,
- post-racialism,
- racism denial,
- critical theories,
- anti-Black racism
Resumen
El presente artículo describe los retos encontrados durante las primeras etapas de un proyecto de investigación sobre la experiencia de los/a alumnos/as negros/as en el preescolar y la escuela primaria en Quebec. Este estudio etnográfico tenía por fin analizar la dinámica del racismo que afecta a estos estudiantes, documentar las estrategias empleadas por la comunidad educativa para afrontarlas y apoyar a las partes interesadas en la transformación de prácticas y políticas. Desde la redacción del proyecto y durante los primeros contactos con los ámbitos escolares y comunitarios que constituían el campo de investigación, las reacciones revelaron la existencia de cierto malestar para abordar la cuestión del racismo con franqueza. Dicha problemática parece cuestionar el orden de las cosas y el ideal de cohesión y convivencia. El artículo, basado en la teoría crítica de la raza y los estudios negros, explora cómo la violencia racista persiste oculta tras el velo de prácticas aparentemente inocuas.
Palabras clave:
- Educación preescolar-primaria,
- posracialismo,
- negación del racismo,
- teorías críticas,
- racismo antinegro
Corps de l’article
introduction
Au Canada, ainsi que dans d’autres sociétés occidentales, le postracialisme est une des formes que prend le racisme (Goldberg, 2015). Selon le discours dominant qui sous-tend ce paradigme, le racisme est considéré comme un problème du passé qui, dans le présent, est marginal, à défaut d’être complètement résolu. En exagérant les contrastes avec les États-Unis, et en évoquant le chemin de fer clandestin par lequel les personnes noires asservies ont fui vers le Canada au xixe siècle pour obtenir leur liberté, les récits fondateurs du Canada dépeignent le pays comme une nation qui a toujours prôné l’égalitarisme. Cette perspective occulte le fait que le racisme, sous ses diverses formes, continue de structurer fortement les relations sociales.
Au Québec plus fortement encore, le terme « racisme » est souvent rejeté dans les sphères publiques et médiatiques, où un déni marqué persiste quant à son ancrage sociohistorique et à son évolution vers de nouvelles formes systémiques (Boatswain-Kyte, Dejean et Diakho, 2023). Cela se produit malgré des incidents, des pratiques et des politiques provinciales qui ont nettement un effet racial. Citons à titre d’exemple le débat sur les accommodements raisonnables qui a finalement abouti à La Loi sur la laïcité de l’État (projet de loi 21). Cette loi, tout en prétendant être racialement neutre, impacte de manière disproportionnée les groupes racisés[1], et en particulier les femmes (Rousseau et al., 2019 ; Taylor, 2022). D’autres exemples incluent la mort tragique d’hommes racisés et notamment noirs aux mains de la police, bien que ce phénomène ne soit pas propre au Québec ou au Canada (Giroux, 2023 ; Montreal Community Contact, 2020 ; Nerestant, 2023).
Selon certain·e·s auteur·rice·s, la nation québécoise se perçoit comme une « majorité fragile » (McAndrew, 2010), construite face à l’oppression du Canada anglophone dans une lutte pour conserver sa langue et sa culture. Ainsi, elle éprouve de la difficulté à se percevoir à son tour oppresseur vis-à-vis des groupes racisés (Austin, 2010 ; Bilge, 2012 ; Leroux, 2010). En ce qui concerne les personnes noires, le discours racial québécois oscille entre deux tendances. D’une part, il identifie le peuple québécois lui-même aux Noir·e·s en raison de sa condition de pauvreté et de subordination face au Canada anglophone. Cela a pour effet de détourner l’attention des revendications des personnes noires envers la province. D’autre part, il suggère que les plaintes des communautés noires concernant le racisme anti-noir sont des emprunts aux discours antiracistes des États-Unis ou du reste du Canada qui ne sont pas jugés pertinents au Québec (Austin, 2013 ; Hampton, 2020).
Ce discours dominant met l’accent sur la vision d’un Québec ouvert et accueillant (Gouvernement du Québec, 2020) et sur la célébration de la diversité comme une richesse, « une valeur ajoutée » pour la société québécoise (Gouvernement du Québec, 2008). Cette perspective est enracinée dans le modèle de l’interculturalisme qui prône l’harmonie entre les différents groupes culturels au sein d’une société qui se veut démocratique et égalitaire, mais historiquement blanche, effaçant ainsi l’appartenance de longue date et dès le début des personnes racisées à ce qui est aujourd’hui devenu la société québécoise (Dorais, 2020). Madibbo (2021) et Sall et al. (2021) ont également documenté ces phénomènes dans les contextes canadiens francophones minoritaires, en dehors du Québec, en mettant en lumière l’effacement des identités noires au profit de la promotion de la Francophonie. Bien que les populations noires soutiennent majoritairement la Francophonie, elles ne reçoivent pas de soutien en retour, ce qui révèle un manque de reconnaissance des intersections entre races, langue et culture dans leurs expériences.
Des enjeux de racisme en éducation
Dans le domaine de l’éducation, l’école est considérée comme l’une des institutions chargées d’inculquer ces valeurs égalitaires et ce discours postracialiste. Par exemple, la Politique d’intégration scolaire et d’éducation interculturelle (ministère de l’Éducation, 1998, p. 2), qui n’a pas été mise à jour depuis 25 ans, promeut une éducation interculturelle décrite comme :
Une démarche éducative visant à faire prendre conscience de la diversité, particulièrement ethnoculturelle, qui caractérise le tissu social et à développer une compétence à communiquer avec des personnes aux référents divers, de même que des attitudes d’ouverture, de tolérance et de solidarité.
Cette éducation vise le « savoir vivre ensemble dans une société francophone, démocratique et pluraliste » (ministère de l’Éducation, 1998, p.23). Trois grands principes d’action y sont ciblés : la promotion de l’égalité des chances en favorisant l’accessibilité des services pour tous ; la maîtrise du français, langue commune de la vie publique ; et l’éducation à la citoyenneté démocratique par la promotion des valeurs communes, du vivre-ensemble et de la responsabilité citoyenne. L’accent est mis sur la question linguistique qui doit notamment permettre aux élèves immigrants de s’intégrer à la société d’accueil (ministère de l’Éducation, 1998). Des auteur·rice·s soulignent néanmoins que la centralité de la question linguistique au Québec tend à évacuer les enjeux raciaux et de racisme (Darchinian, 2018 ; Thésée, 2021). Plus encore, pour de nombreux chercheurs et chercheuses, les prétentions de l’État à l’égalitarisme, les discours sur le multiculturalisme et l’interculturalisme, ainsi que la politique linguistique, sont des mécanismes postracialistes qui perpétuent et dissimulent une hiérarchie raciale au Canada et au Québec (Haque, 2012 ; Walcott, 2014).
À côté du déni postracialiste du racisme, et parfois en travaillant avec lui, se trouvent les approches libérales de la diversité axées uniquement sur les aspects individuels et sur les politiques de représentation plutôt que sur la recherche d’une justice substantielle. Ces approches permettent d’accroître la diversité raciale aux tables de pouvoir, mais ne parviennent pas à changer l’injustice raciale au coeur du fonctionnement de ce pouvoir (Bilge, 2020). De cette approche libérale naissent des idées aussi erronées que les « préjugés implicites » et le « racisme inversé ». Les préjugés implicites, en se concentrant sur les biais individuels, négligent la structure raciale de la société et ses impacts systémiques. De même, l’idée de racisme inversé, souvent avancée par des membres de groupes dominants pour contester des politiques et des pratiques visant à corriger les déséquilibres raciaux ou pour signaler les injustices dont ils et elles s’estiment victimes, détourne l’attention des dynamiques de pouvoir historiques et systémiques qui continuent de soutenir leurs privilèges (Austin, 2013 ; Bonilla-Silva, 2022).
Le déni et l’effacement du fait racisme ont aussi des répercussions sur la conception de recherche scientifique sur cette question, comme le rappelle Taher (2021) à la suite d’autres chercheurs (Berthelot-Raffard, 2019 ; Smith, 2017). De fait, les recherches sur le racisme dans le milieu scolaire québécois sont jusqu’ici quasi inexistantes, notamment si on les compare à la pléthore d’études portant sur les enjeux d’intégration scolaire et/ou linguistiques (voir St-Pierre, Borri-Anadon et Audet, 2023). Dans le secteur québécois francophone en particulier, le discours politique semble guider les travaux de recherche, avec une prédominance du cadre normatif majoritaire qui non seulement dicte le vocabulaire et les cadres théoriques utilisés, mais guide aussi en grande partie le financement, l’orientation et la visibilité des recherches dans le domaine (Borri-Anadon, Hirsch et Audet, 2023). Malgré ces lacunes, quelques travaux ont permis de faire connaître des expériences de racisme vécues par les jeunes dans les milieux scolaires (CDPDJ, 2010 ; 2022 ; Howard, 2022 ; Kanouté, 2004 ; Lafortune, 2019 ; Lewis, 2018 ; Magnan et al., 2019) ainsi que par les membres du personnel racisé·e·s (Lafortune et Kanouté, 2023 ; Larochelle-Audet, 2019). L’étude abordée dans cet article s’inscrit dans la continuité de ces travaux.
Le projet de recherche
Basée sur un partenariat entre l’équipe de recherche, des milieux scolaires et des organismes communautaires[2], cette étude avait pour objectif de documenter l’expérience des élèves noir·e·s au préscolaire-primaire au Québec. Les objectifs spécifiques étaient de comprendre les dynamiques de racisme qui les touchent dès l’entrée à l’école, de documenter les stratégies et les ressources mobilisées par les élèves, les familles, les membres du personnel scolaire pour faire face à ces dynamiques, et de soutenir l’agentivité des acteur·rice·s en vue d’une transformation des pratiques et des politiques. Le projet de recherche a été financé par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada dans le cadre d’un appel à projets visant à soutenir la recherche sur les obstacles systémiques auxquels se heurtent divers groupes, dont notamment les Autochtones, les Noir·e·s et les personnes racisées, les personnes handicapées et les membres de communautés LGBTQ (CRSH 2021- « Initiative sur la race, le genre et la diversité »), ainsi que par l’Observatoire des communautés noires du Québec. L’initiative du CRSH s’inscrivait dans le contexte des mouvements sociaux à l’échelle internationale, déclenchés par l’assassinat de George Floyd aux mains de la police aux États-Unis. D’autres événements à l’échelle nationale fortement médiatisés ont aussi suscité une relative prise de conscience et une certaine volonté d’action. On peut mentionner au Québec le décès de Joyce Echaquan, une femme autochtone de la nation Atikamekw, à la suite d’un traitement raciste à l’hôpital, la publication de rapports mettant en cause le profilage racial au sein de la police (Armony, Hassaoui et Mulone, 2019, 2021), les dénonciations devant les tribunaux par des parents d’élèves noir·e·s des traitements racistes vécus par leurs enfants à l’école (CRARR, 2020 ; CFNJ, 2021). C’est ainsi que sera mis sur pied le groupe d’action contre le racisme mandaté par le Gouvernement du Québec (2020), malgré par ailleurs le déni catégorique par ce gouvernement de l’existence du racisme systémique, le racisme étant réduit aux préjugés et maladresses de quelques individu·e·s ignorant·e·s. Cet exemple illustre bien comment la focalisation sur les préjugés individuels, évoquée précédemment, occulte une prise en compte globale des formes de racisme beaucoup plus profondes et structurelles exercées par et à travers l’État.
Dès l’étape d’écriture du projet de recherche, l’équipe s’est questionnée sur sa faisabilité et les stratégies éventuelles de contournement à mettre en oeuvre pour la réaliser (y compris si elle n’était pas financée par les organismes fédéraux). Étant donné qu’il s’agissait d’un projet de recherche-action ethnographique dans des environnements scolaires, nous anticipions des défis d’accès aux écoles ou à certaines classes dans ces écoles en raison des réticences éventuelles du personnel de différents secteurs d’activité à se laisser observer, dans le cadre d’une étude sur le racisme. Mais les défis se sont présentés bien avant. Cet article se concentre sur ceux qui ont jalonné le processus d’écriture du projet et les premières étapes de la recherche, depuis la demande d’approbation éthique jusqu’aux premières démarches pour entrer en contact avec les milieux. Nous montrerons que les questions soulevées, les demandes de clarification, voire de reformulation, des objectifs de recherche, les silences et non-réponses, et les refus laissent transparaître le malaise des acteur·rice·s à aborder frontalement la question du racisme, et le racisme ciblant les élèves noir·e·s en particulier. Nous aborderons aussi les percées qui ont pu se faire dans certains milieux et les conditions qui les ont permises.
En plus de mettre en lumière les défis entourant la conduite d’une recherche sur des questions considérées comme « sensibles », l’article soulève aussi des questions concernant l’identité des personnes chercheuses et son impact sur divers aspects de la recherche. Nous montrons comment cette identité peut faciliter ou compliquer l’accès au terrain et les interactions avec les personnes participantes.
Centrée sur les enjeux postracialistes du déni du racisme, notre réflexion s’appuie sur les théories critiques de la race[3] et sur les études noires. Elle met en lumière la manière dont la violence du racisme se perpétue à travers des pratiques dites inoffensives. Nous abordons aussi brièvement la place de l’identité des personnes chercheuses dans la recherche. L’article se conclut en mettant en évidence certaines logiques du discours dominant sur la race qui soutiennent le déni du racisme et créent des obstacles à la recherche.
cadre théorique : théories critiques de la race et études noires
Nous définissons le racisme comme étant, d’une part, une idéologie qui légitime les hiérarchies raciales et, d’autre part, un système de domination, d’oppression d’un groupe racial sur un autre. Bonilla-Silva (2022, p. 21) précise :
Racism is about the practices and behaviors that produce a racial structure- a network of social relations at the social, political, economic, and ideological levels that shapes the life chances of the various races. This structure is responsible for the production and reproduction of systemic racial advantages for some (the dominant racial group) and disadvantages for others (the subordinates races). Thus, racism as a form of social organization, places people in common social locations. As subjects face similar experiences, they develop a consciousness, a sense of “us” versus “them”.
Cette perspective s’inscrit dans la lignée des théories critiques et antiracistes qui rappellent que le racisme ne se limite pas à une pratique du passé révolue, mais constitue un système omniprésent qui impacte quotidiennement la réalité de nombreuses personnes racisées (Dei, 1997 ; Delgado et Stefanic, 1993 ; Dhume, 2021). Le déni du racisme permet de maintenir le statu quo et la survie de la structure raciale (Bonilla-Silva, 2015). Le cadre discursif post-racialiste normalise et permet la poursuite de la violence raciale étatique courante qui est légalisée, comme la violence qui accompagne les processus d’immigration et de déportation, la violence policière, les sanctions sévères infligées aux élèves racisé·e·s dans les écoles, et le nombre disproportionné d’enfants noir·e·s et autochtones retiré·e·s de leurs foyers et placé·e·s sous la garde de l’État (CDPDJ, 2010).
Les mécanismes de déni du racisme
Comme souligné précédemment, le déni du racisme s’opère par différents mécanismes. En font partie l’absence de conscience raciale, la mise à distance temporelle et spatiale du racisme, particulièrement dans le cas du Québec et du Canada, où il est souvent perçu comme une réalité lointaine, limitée au contexte des États-Unis (Gebhard, McLean et St. Denis, 2022 ; Walcott, 2003). Le déni agit aussi par la mise en avant des discours axés sur la culture et les relations interculturelles, célébrant la diversité, l’équité et l’inclusion qui occultent les rapports de domination raciale et les dynamiques racistes à la base des inégalités raciales (Ahmed, 2012 ; Tissot, 2007). À cet égard, ceux et celles qui dénoncent le racisme sont considéré·e·s comme des « fauteurs de trouble » et l’attention est alors focalisée sur les conséquences négatives que pourraient avoir les discussions sur le racisme sur les personnes blanches et détournée des oppressions vécues par celles qui subissent le racisme (Walcott, 2019). Ahmed (2012, p. 92) souligne avec justesse :
Nommer le racisme : cela seul peut être une preuve d’obstination, comme si le discours sur les divisions était ce qui divise. Comme la conscience sociale du racisme est en recul, mettre le sujet sur la table revient, semble-t-il, à le faire exister.
En effet, « ‘‘Promouvoir la diversité’’ fait consensus là où ‘‘lutter contre la discrimination’’ semble désigner des coupables et des victimes » (Bereni et Jaunait, 2009, p. 9).
Réduire au silence ceux qui parlent du racisme passe aussi par leur décrédibilisation et leur délégitimation, en les qualifiant de militant·e·s excessif·ve·s et en mettant en doute leur objectivité (Bonilla-Silva, 2022). Cette dynamique se retrouve également dans le domaine de la recherche, où les chercheurs et chercheuses (de groupes racisés notamment) se heurtent souvent à des remises en cause de la scientificité de leurs savoirs (Fricker, 2007).
Nous attirons l’attention sur les mécanismes d’individualisation des actes racistes qui permettent de minimiser le phénomène en l’associant à un problème de quelques individu·e·s « ignorant·e·s » sans remettre en cause le fonctionnement global du système (Walcott, 2003). Cette individualisation s’accompagne aussi dans certains cas d’une déresponsabilisation de la personne dont les comportements racistes sont associés à des maladresses. Les intentions bienveillantes des individu·e·s perçu·e·s « innocent·e·s » (Gebhard, McLean et St. Denis, 2022) sont mises de l’avant en évacuant les torts causés par cette bienveillance.
Plusieurs études canadiennes (Cloutier, 2007 ; Daniel et Escayg, 2019 ; Salomon et Lévine, 1996) et américaines (Boutte et al., 2011 ; Husband, 2012) ont souligné les manifestations de ce déni du racisme dans le système éducatif et les résistances vives des acteur·rice·s à aborder cette problématique. Au niveau préscolaire-primaire en particulier, de nombreux·ses acteur·rice·s du système scolaire québécois jugent que le racisme est inexistant (Charette, 2009 ; Cloutier, 2007). Les gestes et incidents s’y rapportant sont perçus inoffensifs et anodins, tandis que les inégalités en éducation sont naturalisées et normalisées ou attribuées aux manques de l’individu·e, de sa famille ou de sa culture (Lafortune, 2019). Parallèlement, de nombreux·ses adolescent·e·s et jeunes adultes, faisant la rétrospective de leurs expériences dans le système scolaire, affirment que les situations de racisme les plus marquantes qu’ils et elles ont vécues se sont produites au préscolaire-primaire. Ils et elles font notamment état de la mise en doute de leurs capacités scolaires, des interactions négatives avec les personnes enseignantes et un faible soutien de la part de ces dernières, des traitements disciplinaires inégaux, des violences verbales et physiques exercées par des pairs (CDPDJ, 2010 ; Kanouté, 2019 ; Louis, 2020).
Théories critiques et racisme anti-noir
En opposition au discours dominant qui nie l’expérience du racisme et marginalise ceux et celles qui subissent l’oppression, les théories critiques proposent de créer des contre-récits en donnant une voix à ces individu·e·s et en tirant des enseignements de leur vécu sur le fonctionnement du racisme au sein des institutions, ainsi que sur leurs moyens de résistance (Delgado, 1995 ; Dixon et Rousseau-Anderson, 2018 ; Solorzano et Yosso, 2002). Selon les théories critiques, les malaises doivent être considérés comme un point de départ pour engager la réflexion et les efforts communs vers le changement.
Par ailleurs, dans le cadre d’un projet de recherche se concentrant sur les expériences d’élèves noir·e·s et sur la spécificité du racisme anti-noir, nous attirons l’attention sur le récit souvent appliqué aux personnes noires et faisant partie de la façon dont le concept de l’humanité décente et rationnelle est construit en opposition au fait d’être noir·e (Daniel, 2019 ; Wynter, 1979). Les Noir·e·s, plus que les autres groupes raciaux sont posé·e·s en antagonistes, non seulement à tout ce qui est blanc, mais aussi à la construction occidentale de ce que signifie être humain. Donc, les Noir·e·s sont relégué·e·s au niveau le plus bas de la hiérarchie raciale mais, plus important encore, sont rejeté·e·s hors de la communauté des humains.
L’identité et le positionnement des personnes chercheuses
Nous terminons cette section théorique avec quelques mots sur l’importance des identités et des positions des personnes chercheuses dans la recherche. De nombreuses études ont souligné la manière dont celles-ci en influencent inévitablement la dynamique, que ce soit la perception de la réalité étudiée, l’accès au terrain ou la collecte et l’interprétation des données (Collins, 1990 ; Harding, 1991 ; Milner, 2007 ; Rose, 1997). Rejetant l’idée d’une recherche prétendument objective et neutre (Harding, 1991), nous avons adopté une approche qui intègre pleinement la subjectivité des personnes chercheuses (Cunliffe et Karunanayake, 2013), non seulement comme un aspect inévitable de notre pratique de recherche, mais aussi comme une source de connaissance précieuse qui enrichit notre compréhension de nous-mêmes et du sujet analysé. Cette démarche inclut une vigilance et une réflexion critique sur nos biais pour éviter qu’ils n’entravent la compréhension et la description du phénomène étudié (Rose, 1997). Étant donné que notre équipe était composée de sept personnes chercheuses et de cinq assistant·e·s de recherche, dont huit s’identifiaient comme noires (y compris la chercheuse principale), trois comme blanches et une comme maghrébine, nous avons porté une attention particulière à l’influence de nos identités raciales, marquées par nos expériences de vie respectives, sur le processus de recherche (Jean-Pierre et al., 2024 ; Hamisultane et al., 2021). Parmi les huit membres noir·e·s de notre équipe, on comptait des personnes issues de communautés diasporiques caribéennes et africaines, ainsi que des communautés afro-canadiennes historiques, illustrant aussi la diversité des héritages, des expériences et des perspectives. Il nous importait de réfléchir à la manière dont ces identités entrent en jeu. Comme nous le verrons plus loin, certain·e·s membres noir·e·s de l’équipe ont directement vécu les dynamiques raciales abordées dans cet article, ce qui nous offre ainsi un point d’entrée particulier dans la discussion.
Ces postures théoriques ont constitué le fondement même de la recherche exposée dans cet article. Après avoir présenté la démarche empruntée, nous mettons en lumière les moments où les phénomènes décrits ont émergé. Nous analysons les défis rencontrés, les résistances manifestées et les leçons apprises par l’équipe tout au long du projet. Ces réflexions offrent un aperçu essentiel de la manière dont les obstacles liés au déni du racisme et à la remise en question des voix racisées ont influencé notre travail et ont constitué une violence raciale et banale (Lentin, 2018), tout en soulignant les stratégies adoptées pour surmonter ces défis et progresser dans notre démarche de recherche.
démarche empruntée : une étude ethnographique multisite
La recherche reposait sur une étude de cas ethnographique menée sur deux ans, dans cinq environnements scolaires accueillant des élèves noir·e·s (au moins 15 %), soit trois écoles du réseau francophone et deux du réseau anglophone. L’étude incluait de l’observation non participante de l’environnement scolaire (classes, cour de récréation, gymnase, cafétéria, bibliothèque, etc.), puis des entretiens sur une base volontaire avec des parents d’élèves noir·e·s ciblé·e·s durant la phase d’observation ainsi qu’avec leurs enseignant·e·s et les enfants eux et elles-mêmes pour documenter leurs expériences. Les entretiens avec les enfants n’abordaient pas directement la question du racisme. Ils étaient réalisés dans le cadre d’ateliers créatifs qui les invitaient à raconter leur quotidien à l’école par le biais de dessins, de courtes histoires, de jeux de personnages ou de marionnettes, des images qui leur permettraient de projeter leurs ressentis, attitudes et comportements sans se sentir directement exposé·e·s/menacé·e·s. Enfin, la phase d’accompagnement, la deuxième année du projet, comprenait des ateliers de discussion avec les différentes personnes participantes, les équipes-écoles et les organismes communautaires (de loisirs, d’aide aux devoirs) oeuvrant autour de l’école sur les données recueillies. L’objectif était de déterminer collectivement ce qu’il convenait d’améliorer dans leur milieu (dans les politiques et dans les pratiques concourant au racisme et aux inégalités), les actions à poser, la mise en oeuvre des actions et leur évaluation.
L’équipe de recherche s’était parallèlement fixé pour objectif de documenter rigoureusement le processus de collecte de données qui, pour nous, informait en soi sur la problématique étudiée. Pour ce faire, un dossier partagé avait été créé afin de rendre compte des différentes démarches et de leurs résultats dans chaque milieu. Il incluait des informations sur le milieu ou la personne sollicitée (centres de services scolaires, écoles, organismes et intervenants communautaires, parents), la date et la nature des échanges, nos impressions sur ceux-ci et les suivis éventuels à effectuer. Lorsqu’une école confirmait son intérêt à participer au projet, un journal de bord propre à cet établissement était ajouté au dossier, dans lequel l’équipe de recherche consignait progressivement ses notes de rencontres et d’observations. Le dossier comprenait en outre les courriels échangés avec les partenaires et les documents qu’ils et elles nous transmettaient, les comptes-rendus écrits de nos rencontres d’équipe ainsi que des bilans détaillés (enregistrés et transcrits), réalisés sur chaque terrain ethnographique à la fin de la première phase d’observation de trois mois.
Les données présentées dans cet article proviennent de ce matériel collecté au cours des douze premiers mois du projet, couvrant ainsi la période des démarches d’approbation éthique (juin à décembre 2022), le processus de recrutement (janvier-février 2023) ainsi que les trois premiers mois de collecte de données par observation (mars-mai 2023).
principaux constats : la réception du projet entre tensions, résistances et appuis modérés
Les onze membres de l’équipe de recherche (sept personnes chercheuses et cinq assistant·e·s de recherche) provenaient d’universités francophones et anglophones du Québec, avec des expertises différentes. Deux partenaires, l’une du milieu communautaire (s’identifiant comme noire) et l’autre du milieu scolaire (s’identifiant comme blanche), ont également contribué à la problématisation de la demande en participant activement aux réflexions et à la rédaction.
La diversité des horizons et des expertises au sein de l’équipe représentait une force mais posait par ailleurs le défi de concilier les perspectives, allant d’approches plus libérales à des approches critiques. Ainsi, tout au long du processus d’écriture du projet, il a fallu « faire avec » cette tension. Un dialogue constant et ouvert, respectant les visions et les sensibilités de chacun·e, a permis d’élaborer un cadre commun jugé adapté à notre démarche. Cette tension s’est particulièrement manifestée dans nos échanges sur le racisme anti-noir. Comme mentionné précédemment, il s’agit d’un angle qui est relativement absent de la recherche québécoise en éducation et nous avons anticipé dès le début qu’elle pourrait rebuter les partenaires avec lesquels nous envisagions de travailler. Tout en faisant preuve de tact afin de préserver les relations établies avec ces partenaires, l’équipe a fermement soutenu la nécessité d’aborder cette dimension, soulignant l’importance d’affronter les problèmes de fond du racisme qui touche les communautés noires particulièrement.
L’écriture du projet : quand nommer est accusé de blesser
Il a également fallu faire avec les tentatives d’invalidation scientifique. À l’université, avant même la soumission de la demande de subvention, la description du projet a apparemment suscité un certain malaise au sein du comité de relecture institutionnel, l’un de ses membres le qualifiant de « long réquisitoire ». Les commentaires émis ont notamment porté sur la perspective théorique perçue comme étant « importée des États-Unis », et la nécessité de démontrer la pertinence et l’applicabilité de celle-ci dans le contexte québecois. Des membres du comité de relecture ont également exprimé verbalement des doutes quant aux chances de financement du projet dans un concours jugé « hautement compétitif ». Sur un ton paternaliste, la chercheuse principale s’est vu conseiller de ne pas trop se faire d’illusions à cet égard. Le deuxième commentaire sur la perspective théorique corrobore notre constat précédent selon lequel le racisme, en particulier le racisme à l’encontre des Noir·e·s, est souvent jugé comme un phénomène étranger au Québec et propre aux États-Unis (Gebhard, McLean et St. Denis, 2022 ; Walcott, 2003). Le troisième commentaire sur les chances de financement quant à lui met précisément en lumière une des dynamiques dénoncées dans le projet de recherche, à savoir la mise en doute des capacités de réussite des personnes noires (Sullivan, 2011 ; Thésée, 2003). Il faut aussi remarquer que ces deux commentaires (parmi d’autres plus constructifs) dépassent le mandat du comité de relecture, qui est de soutenir les personnes chercheuses de l’institution. Si les personnes relectrices du comité peuvent émettre un avis sur la clarté et la cohérence du cadre théorique en lien avec les objectifs, il n’est pas de leur ressort de juger de sa pertinence, les membres étant des collègues qui ne sont pas expert·e·s du domaine. De même, l’attitude attendue serait d’encourager leur démarche et non d’essayer de les démobiliser.
Le processus de demande d’approbation éthique
Ayant obtenu avec succès un financement fédéral, malgré les prédictions défavorables du comité de relecture institutionnelle, le processus de demande d’approbation éthique a été une étape laborieuse, marquée de résistances diverses. Cette démarche, s’étalant sur sept mois, comprenait une demande d’approbation auprès du comité d’éthique de l’université dans un premier temps, puis de chacun des huit centres de services scolaires (CSS) des réseaux scolaires francophones et des quatre commissions scolaires (CS) anglophones sollicités[4] à travers le Québec. Sur les douze demandes présentées aux CSS et CS, neuf ont été approuvées tandis que trois n’ont pas abouti. Les raisons avancées pour ces refus sont variées, incluant la participation du centre de services scolaires à d’autres recherches prioritaires, des contraintes de temps ou encore de timing inapproprié.
Sachant que le soutien d’une école, intéressée par le projet, pouvait faciliter le processus d’approbation éthique, les membres de l’équipe ont activement sollicité leurs collaborateur·rice·s des milieux scolaires et communautaires afin de trouver des écoles souhaitant participer au projet dans une perspective d’amélioration et de consolidation de leurs pratiques. Cette approche s’est avérée fructueuse et nos collaborateur·rice·s ont joué un rôle incontestable dans la mobilisation des milieux participants. L’un d’entre eux et elles nous a informé·e·s des débats animés au sein du comité d’éthique de son centre de services scolaire, où le projet risquait d’être rejeté, jusqu’à ce qu’il intervienne et plaide en sa faveur, s’engageant à trouver une école qui serait intéressée à y prendre part. Nous avons aussi organisé des rencontres préparatoires avec des personnes représentant la majorité des centres de services et commissions scolaires (8 sur 12), au cours desquelles nous avons présenté le projet et sollicité leur coopération.
Deux demandes d’approbation éthique sur neuf venant des centres de services et commissions scolaires ont été accordées d’emblée, tous les autres comités réclamant au préalable des clarifications, des précisions, des ajouts, des rencontres avec la chercheuse principale. Si ces demandes sont coutumières, indépendamment du sujet de recherche, nous attirons tout de même l’attention sur certains commentaires émis qui semblent révélateurs de la gêne à aborder la question du racisme et qui, dans certains cas, une fois de plus, dépassent le mandat du comité censé se prononcer uniquement sur des enjeux d’ordre éthique.
Les commentaires soulevés par les différents comités d’éthique portaient sur deux points principaux. Premièrement, le fait que la recherche cible les élèves noir·e·s est perçu, d’une part, comme un élément contribuant à les stigmatiser et, d’autre part, comme une forme d’injustice vis-à-vis des autres enfants qui peuvent aussi être touché·e·s par des phénomènes divers d’exclusion. Deuxièmement, on soulignait les risques encourus par les enfants et les personnes enseignantes d’être perçu·e·s comme responsables de comportements racistes lors des observations. Un comité souligne en ce sens :
Nous comprenons bien les raisons qui sous-tendent le libellé du projet de recherche, toutefois nous ressentons un certain inconfort du fait de (ne) cibler que les élèves noirs et nous craignons que ces derniers se sentent ostracisés, et ce, bien que l’objectif même de la recherche soit à l’opposé.
Comité d’éthique du CSS 2
Nous reprenons ci-dessous intégralement un autre commentaire du comité d’éthique de l’université, en mettant en gras les passages clés qui appuient notre argument, quant aux mécanismes de déni du raciste.
Le Comité vous invite notamment à procéder à une évaluation approfondie des risques d’inconfort éprouvés par les enfants à l’idée d’être perçus comme étant racistes à cause d’un comportement à l’égard de leurs camarades de classe. Le Comité vous demande également de procéder à une analyse des risques d’inconfort pour d’autres élèves issus de minorités ethnoculturelles qui pourraient avoir l’impression que les incidents racistes les impliquant sont moins significatifs ou importants que ceux vécus par les élèves noirs [...].
Dans la mesure où les interactions entre enfants d’âge préscolaire et scolaire sont parfois conflictuelles et frivoles (p. ex., chicane sur le partage d’un jouet), le Comité vous invite à faire preuve d’une attention particulière à la manière dont les événements négatifs sont abordés avec les élèves afin d’éviter d’imposer involontairement un cadre conceptuel et théorique général sur des situations particulières. Ainsi, le Comité ne remet pas en question les fondements scientifiques de votre projet de recherche et les objectifs visés, mais il vous invite à procéder à une analyse parallèle des risques pour les élèves si chaque interaction conflictuelle est abordée sous l’angle de la discrimination raciale entre les élèves. Les annexes démontrent une sensibilité de l’équipe de recherche visant à laisser la libre parole aux enfants sur des événements négatifs de leur choix, mais le Comité vous demande de préciser comment ces thèmes seront abordés (la question du racisme sera-t-elle explicitée pour l’enfant ou l’enfant devra-t-il simplement décrire des situations et ses sentiments ?[5]). Considérant que les chercheurs doivent être des observateurs neutres, il n’est pas de leur ressort d’éduquer les enfants à la réalité du racisme. Cette éducation revient aux parents, enseignants, partenaires communautaires, etc. (nous soulignons)
Ce passage illustre la tendance à minimiser le caractère structurel du racisme (Walcott, 2003), en le réduisant à des actes individuels, qualifiés par ailleurs de simples « interactions conflictuelles et frivoles entre enfants ». Les personnes chercheuses sont en outre rappelées à l’ordre quant à la posture neutre qu’elles sont censées endosser, dans une recherche-action visant explicitement la transformation sociale (Call-Cummins, Dazzo et Habuer-Özer, 2024). Il est ainsi suggéré que la recherche (peu importe sa nature et ses objets) serait neutre et que la rigueur scientifique suppose l’effacement des expériences et des perspectives (idéologiques) de la personne chercheuse. On pourrait s’interroger, à cet égard, dans quelle mesure il aurait été possible de demander à des chercheurs et chercheuses engagé·e·s dans une recherche féministe de demeurer neutres et de ne pas éduquer aux dynamiques sexistes et machistes.
Les tentatives d’approche des milieux scolaires
Ces mêmes commentaires sont revenus systématiquement à l’étape suivante, soit celle de la prise de contact avec les milieux scolaires. Cette démarche, également longue et exigeante, a impliqué de rencontrer treize établissements parmi les différents centres de services et commissions scolaires dans l’objectif d’en retenir cinq pour l’étude ethnographique. Dans une première étape, le projet était présenté à la direction de l’école qui pouvait d’emblée refuser de participer (3 cas sur 13). Le plus souvent, elle en discutait d’abord avec l’équipe-école et nous revenait deux ou trois semaines plus tard avec un avis favorable (5/13) ou défavorable (5/13).
Lorsque le projet de recherche suscitait un intérêt, l’équipe de recherche était invitée à faire une nouvelle présentation à l’ensemble des membres de l’équipe-école (direction, enseignant·e·s, autres professionnel·le·s et personnel du service de garde) pour leur expliquer les objectifs de la recherche, l’engagement attendu de l’école[6] et les retombées dont elle pourrait bénéficier. Nous profitions de ce moment pour aller au-devant de certaines appréhensions et répondre aux questions, l’expérience nous ayant permis d’anticiper les résistances relativement à la question du racisme, les réticences envers les observations, les préoccupations liées aux enjeux d’anonymat et de confidentialité.
Les présentations ont suscité des réactions diverses d’un milieu à l’autre. Elles étaient parfois suivies d’un silence fermé de l’ensemble de l’équipe dont les membres semblaient faire corps ; dans d’autres cas, les points de vue sur la pertinence du projet pour l’école semblaient divergents et nous pouvions observer, d’une part, les regards en coin et les têtes baissées et, de l’autre, les signes d’assentiment et d’enthousiasme manifestes. Nous avons pu observer que les personnes noires des établissements restaient souvent silencieuses et prudentes dans leurs commentaires, choisissant d’adopter une approche consensuelle en accord avec la majorité de leurs collègues. Ces réactions témoignent de la complexité et des risques des discussions sur le racisme dans ces contextes où les tensions et les désaccords peuvent être présents mais souvent sous-jacents ou non verbalisés. Sans attribuer de motivations à des individus avec lesquels nous n’avons pas eu de conversation directe, nous soulignons également les calculs auxquels les personnes noires peuvent se livrer pour décider s’il est opportun et quand il est opportun d’exprimer leur soutien aux initiatives antiracistes. Souvent, ces personnes comprennent que manifester ouvertement leur adhésion à un projet antiraciste peut compromettre celui-ci ou le vouer à l’échec. En outre, cela peut affecter leurs relations interraciales. Une direction d’école, qui est noire, nous a parlé, en privé, de son inquiétude quant à la fragilisation de la relation entre la direction et le personnel, en lien avec l’engagement de l’établissement dans le projet. Les directions d’école noires savent que ces relations délicates peuvent à tout moment se retourner contre elles et miner leur leadership. Deux autres directions noires sollicitées ont préféré ne pas participer au projet.
Une direction d’école francophone nous a demandé s’il serait possible de modifier les objectifs de recherche pour mettre l’accent sur la prévention du racisme plutôt que d’assumer qu’il existe et est structurel, posture, selon elle, accusatrice et démobilisatrice. Elle explique : « Notre équipe fait un travail magnifique, c’est un beau milieu avec beaucoup de bienveillance, donc parler de racisme comme ça pourquoi ne pas parler de prévention ? » Cette direction n’a pas été la seule à insister sur les efforts et « les bonnes choses » qui sont faits dans son milieu pour « bien accueillir » les élèves (notamment récemment immigré·e·s). Cette insistance sur les initiatives positives mises en place pour « tenir compte de la diversité » semble rassurer les acteur·rice·s dans leur sentiment de bien faire et reflète un désir de maintenir une certaine image de l’école comme un lieu d’égalité et de vivre-ensemble. Mais par ailleurs, la crainte des jugements portés sur leurs enseignant·e·s ou sur leur école semble indiquer une certaine prise de conscience que le projet pourrait révéler des pratiques ou des situations de racisme.
Une autre direction d’école anglophone nous a finalement écrit que son établissement n’avait pas « ces enjeux-là ». Nous avons reçu des commentaires tels : « Ben pourquoi une recherche sur les élèves noir·e·s ? Il n’y a que ça ici ! Il ne peut pas y avoir de racisme[7]… » (enseignante, école francophone). « C’est multiculturel, il n’y a pas de racisme ici, nothing that I’m aware of » (enseignante, école anglophone). Dans les milieux très diversifiés sur le plan ethnique ainsi que dans ceux où les élèves noir·e·s sont majoritaires, des acteur·rice·s semblent considérer qu’une recherche sur le racisme est à la limite saugrenue, assumant que la proportion importante de « figures de la diversité » est un signe en soi d’inclusion et d’équité. Dans la foulée, certain·e·s membres de la direction ou du personnel enseignant ont attiré plutôt l’attention sur la situation d’élèves blanc·he·s, minoritaires dans l’école, qui, de leur point de vue, sont exclu·e·s et vivent du « racisme inversé ». Ces personnes ont invité l’équipe de recherche à également documenter leur vécu dans le projet.
Une majorité de directions d’école du secteur francophone associait aussi les élèves noir·e·s à l’immigration récente et nous invitait à concentrer notre attention sur les classes d’accueil (pour soutenir l’apprentissage du français). L’absence de ces classes était ainsi évoquée comme un motif de ne pas participer au projet. Cette représentation des élèves noir·e·s comme étant des étranger·ère·s renvoie à l’idée que si problème il y a, celui-ci en est un « d’intégration » liée à l’immigration récente, et elle participe du même coup au déni du racisme vécu par ces élèves, qu’ils et elles soient nouvellement immigré·e·s ou non. De plus, cette perception invisibilise la présence, depuis plusieurs générations, des Noir·e·s au Québec et nie leur appartenance au « nous » québécois.
Deux autres directions nous ont demandé s’il était possible par l’intermédiaire du projet de « travailler sur [leurs] propres enjeux ». Dans les deux cas, la collaboration avec les familles a notamment été présentée comme un défi en raison de leur méconnaissance du système scolaire québécois, des difficultés de communication, de « la mauvaise interprétation » des parents, des « mesures de soutien » ou des mesures disciplinaires proposées/imposées à leurs enfants en lien avec des problèmes d’apprentissage ou des troubles de comportement. Il a été suggéré que le projet pourrait permettre de « les éduquer », d’autant que certaines familles noires ont tendance à « brandir rapidement la carte du racisme dès qu’elles ne sont pas d’accord » (accusation documentée par Bonilla-Silva, 2022 et Thobani, 2007). Cette proposition de se concentrer plutôt sur les relations avec les parents, avec l’intention de dissiper les plaintes perçues comme injustifiées, illustre une volonté de délégitimer les préoccupations des familles concernant le racisme. Dans la même lignée, la demande d’analyser les autres formes d’exclusion en dehors du racisme peut être perçue comme une stratégie visant à contourner le problème central, à le noyer dans une diversité d’enjeux. Il devient plus facile de minimiser l’importance et l’incidence du racisme, et spécifiquement le racisme anti-noir, en les considérant comme des problèmes parmi d’autres, affaiblissant ainsi leur caractère central et urgent. Paradoxalement, bien que certains acteur·rice·s scolaires soient réticent·e·s à nommer la race, ils et elles n’hésitent pas à formuler des hypothèses sur les groupes raciaux, notamment en ce qui concerne leurs difficultés d’intégration ou de réussite. Cette ambivalence révèle une certaine sélectivité dans la reconnaissance des dynamiques raciales, où l’on préfère éviter les termes concrets tout en perpétuant des stéréotypes et des préjugés implicitement et explicitement liés à la race.
La réception du projet par les familles et les milieux communautaires
En parallèle, il est intéressant de noter les réactions des familles noires et des milieux communautaires à l’annonce du projet. La plupart ont exprimé un sentiment d’encouragement face à l’attention enfin portée à la problématique du racisme. Le fait que le racisme soit franchement abordé semblait leur confirmer que leur vécu était enfin reconnu et légitimé. Plusieurs personnes, dont des parents, des étudiant·e·s universitaires et des intervenant·e·s communautaires, qui ont eu connaissance du projet, ont contacté la chercheuse principale pour partager les expériences de racisme qu’elles ont elles-mêmes vécues ou qui ont été vécues par leurs enfants et proches dans le milieu scolaire. Nous avons relevé une préoccupation constante chez ces personnes, qui insistaient sur la nécessité de confirmer les mesures d’anonymat et de confidentialité, craignant des représailles. Cette observation nous a porté·e·s à nous interroger sur la possibilité que la peur des représailles ou le besoin de protéger leurs enfants aient également conduit plusieurs parents noir·e·s des écoles participantes à refuser de prendre part au projet. Dans certains cas où nous avons pu recueillir les avis de quelques parents, les résistances et les refus semblaient résulter à la fois d’un déni du racisme et d’une prise de conscience indirecte du phénomène. La prise de conscience se manifestait par une inquiétude que la participation à la recherche puisse exacerber la stigmatisation de leurs enfants. Cette préoccupation, qui avait été soulevée par certains centres de services scolaires, est légitime et ne doit pas être prise à la légère. En effet, malgré les efforts déployés par l’équipe de recherche et les précautions prises pour bien expliquer le projet à toutes les parties prenantes (élèves, parents, personnel scolaire, intervenant·e·s communautaires), nous avons pu constater que les perceptions erronées persistent parfois et peuvent avoir des conséquences significatives sur les enfants. En témoignent ces deux commentaires de parents noirs : un père a qualifié le projet de « discriminatoire » car il cible les élèves noir·e·s tandis qu’une mère a rapporté qu’un camarade blanc de son fils de six ans lui aurait dit au sujet de la présence des chercheurs dans sa classe : « My mom told me that they were here for Black kids…not for me. Because you guys have some problems. »
Les organismes communautaires de leur côté ont unanimement soutenu le projet. Certains ont toutefois également exprimé des réserves à utiliser spécifiquement le terme « élèves noir·e·s », préférant des expressions telles que « minorités visibles », « minorités ethniques », « enfants immigrants », voire « élèves issu·e·s de la communauté noire ou afro-descendante ». En proposant ces solutions de rechange, les acteur·rice·s semblent vouloir se distancer d’une terminologie centrée sur la race, en cherchant à revenir aux catégories généralement utilisées et considérées comme « plus inclusives » et consensuelles. Ce malaise, exprimé par les différentes catégories de personnes actrices à nommer explicitement la race illustre le problème profond et structurel du déni de racisme en lui-même. Il est aussi difficile de distinguer, parmi les personnes racisées, celles qui adoptent ces comportements pour s’adapter à une société qui nie le racisme afin de garantir leur survie, et celles qui adhèrent avec conviction à cette approche libérale qui met l’accent sur des questions d’immigration et de culture au détriment d’une analyse critique de la racialisation dans la société.
Nous avons également été interrogé·e·s par des d’intervenant·e·s communautaires et des parents sur la catégorisation des « élèves noir·e·s ». Ils et elles ont soulevé des questions telles que : Qui sont les personnes considérées comme noires ? Qu’en est-il des enfants de couples mixtes ? Est-ce que quelqu’un d’origine indo-pakistanaise est considéré comme Noir ? Et que se passe-t-il si un·e enfant semble être noir·e, mais qu’il y a une incertitude à ce sujet ? Ces questions soulignent la complexité et la subjectivité de la catégorisation raciale et ethnique, et sa dimension socialement construite. Dans la recherche, nous prenons d’abord et avant tout en considération la manière dont les personnes elles-mêmes s’auto-identifient. Cependant, même si nous ne prétendons pas imposer à quiconque une identité raciale spécifique, comprendre que la race est socialement construite signifie reconnaître que la désignation raciale d’une personne dépend moins de son opinion personnelle que de la manière dont son corps est perçu dans une société où la race compte. Par conséquent, ces objections reposent toujours sur un engagement structurel et discursif en faveur du déni des effets historiques et actuels de la race et de la racialisation.
L’identité des chercheurs et chercheuses
Tel qu’il a été mentionné antérieurement, les membres de l’équipe de recherche ont été dès le début du processus attentif·ve·s à l’incidence de leurs identités sur le projet. Outre les sensibilités différentes en ce qui concerne les perspectives théoriques, nos identités influençaient aussi la manière dont nous étions reçu·e·s dans les milieux sollicités ainsi que nos interactions avec les participant·e·s, qu’ils et elles soient adultes ou enfants. Nous avons ainsi observé, dans certains contextes ou dans certaines circonstances, une forme d’aise ou de confiance accrue des acteur·rice·s lorsque les membres noir·e·s, blanc·he·s et d’autres groupes racisés de l’équipe se présentaient pour proposer le projet ensemble, comparativement aux situations où seul·e·s des membres noir·e·s étaient présent·e·s. De même, le niveau d’intérêt et de désir de collaborer de certaines personnes sollicitées semblait aussi varier parfois selon l’identité raciale du ou de la membre de l’équipe qui les abordait. Ainsi, des personnes du milieu scolaire qui semblaient plus réservées ou méfiantes par rapport au projet et à la présence de chercheurs et chercheuses noir·e·s dans l’établissement ont semblé plus réceptives lorsqu’elles étaient abordées par des membres de l’équipe partageant leur identité ethnique ou raciale. Nous avons pu observer la recherche de connivence de la part de certain·e·s de nos interlocuteur·rice·s blanc·he·s envers les chercheuses blanches de l’équipe. Ces personnes semblaient privilégier les interactions avec les chercheuses blanches dans les échanges ou se tourner vers elles pour valider leurs propos ou présomptions (sur les familles noires). Quelques personnes participantes noires, de leur côté, avoueront se sentir plus ouvertes à discuter de racisme avec des personnes partageant leur identité raciale, ou vouloir contribuer à un projet porté par celles-ci. Dans les écoles, la présence des personnes chercheuses noires semblait susciter un vif intérêt chez les enfants noir·e·s et d’autres minorités racisées, qui accouraient vers elles, le regard pétillant, et posaient des questions sur leurs activités. Ces enfants établissaient des liens spontanés, remarquant des similitudes telles que la couleur de peau, les traits, les prénoms, ou même le port du voile par une étudiante de l’équipe. Dans des contextes scolaires où le corps enseignant est très peu diversifié, la présence des personnes chercheuses noires et racisées était une rare occasion pour ces enfants de voir des adultes avec qui ils et elles peuvent s’identifier. L’exclamation d’une petite fille de 7 ans lors de la visite des membres de l’équipe dans sa classe est à cet égard significative. Rayonnante, elle s’exclama : « Elle s’appelle Assenatou[8] comme moi ! C’est la première fois que je rencontre quelqu’un qui s’appelle comme moi ! »
Quelques incidents ont aussi mis en lumière les méprises de la part des interlocuteur·rice·s sur l’identité de la personne à qui ils s’adressaient, qui peuvent aussi résulter de stéréotypes raciaux. Cela s’est manifesté de manière frappante dans le cadre d’interactions que nous avons eues avec une direction d’école anglophone. Après des échanges écrits très cordiaux entre la coordonnatrice du projet et le directeur de l’école, trois membres de l’équipe, soit la chercheuse principale, noire, un cochercheur et un étudiant au doctorat, noirs également, ont été très surpris à leur arrivée à l’école pour présenter le projet, par l’accueil très abrupt et méprisant du directeur, qui a annulé la rencontre séance tenante[9]. Cette réaction a choqué la chercheuse, le cochercheur et l’étudiant, qui l’ont vécue comme une agression raciale. Ils étaient également convaincus que le directeur n’aurait pas traité de la même manière des personnes blanches. D’ailleurs, dans les minutes suivant l’incident, il a jugé opportun de s’excuser par courriel auprès de la coordonnatrice en soulignant son regret que la rencontre avec « son équipe » n’ait pas pu se dérouler comme prévu. La coordonnatrice, qui est une personne noire, a été choquée par l’incident et s’est demandé si le directeur n’avait pas cru qu’elle était blanche lors de leurs échanges par courriel et par téléphone. Elle a noté que son nom de famille et son accent lorsqu’elle s’exprime en anglais pourraient avoir contribué à cette impression.
Outre l’identité ethnique ou raciale, l’appartenance de genre, la perception de l’âge et de la position sociale des chercheurs et chercheuses influencent aussi les perceptions des interlocuteur·rice·s quant à leurs compétences et leur légitimité ainsi qu’à la valeur de leur travail. Par exemple, ces interlocuteur·trice·s s’adresseront à plusieurs reprises à la chercheuse principale comme si elle était une étudiante, lui demandant si elle réalise le projet dans le cadre d’un mémoire de maîtrise. L’équipe de recherche inclut certes des étudiant·e·s et des stagiaires postdoctoraux·ales, mais les participant·e·s reçoivent par ailleurs dans les formulaires d’information et de consentement la liste des noms des chercheurs et chercheuses et leur affiliation institutionnelle. Cette perception de la chercheuse comme une étudiante non seulement implique un tutoiement systématique, mais est également teintée d’une attitude condescendante perceptible dans les regards et les gestes. Nous considérons que ce comportement revêt une signification, non pas lorsqu’il est pris isolément, mais lorsqu’il est considéré dans le contexte global des dynamiques des rapports de pouvoir, où la personne noire est perçue en position d’infériorité dans la hiérarchie sociale et raciale (Daniel, 2019 ; Wynter, 1979).
conclusion : surmonter les barrages, célébrer les percées et maintenir le cap
Cet article met en lumière les nombreux défis rencontrés au début d’une recherche sur le racisme en milieu scolaire. Nous avons souligné comment le déni généralisé du racisme dans la société postracialiste québécoise a influencé le processus de recherche, rendant difficiles la reconnaissance et la discussion d’une réalité souvent occultée. Ce déni se manifeste également par diverses formes de résistance, reflétant la volonté de maintenir le statu quo et d’éviter les sujets perçus sensibles (Bonilla-Silva, 2015 ; Walcott, 2003).
Le corpus de données a révélé plusieurs mécanismes de déni du racisme, que l’on peut regrouper suivant différentes logiques discursives. D’abord, la logique de disqualification scientifique, en remettant en cause la rigueur scientifique du projet et des chercheur·se·s, sous couvert d’objectivité, cherche à affaiblir la crédibilité des travaux qui traitent de questions de race. Ensuite, la logique de mise à distance spatiale et temporelle présente le racisme comme un phénomène lointain et non pertinent pour le Québec. L’accompagne l’absence de conscience raciale au profit d’un discours de célébration de la diversité et du vivre-ensemble. Dans le même sens, le rejet de la terminologie raciale et son remplacement par un vocabulaire axé sur l’immigration présentent les populations noires comme des étrangères permanentes faisant face à des problèmes d’intégration et détournent la discussion sur le racisme. La logique de réduction du racisme à des comportements individuels interprétés comme des maladresses ou de l’ignorance permet d’en minimiser le caractère structurel. Enfin, on note une logique de délégitimation et de détournement qui se manifeste par la délégitimation des préoccupations des familles noires face au racisme, une reconnaissance sélective des dynamiques raciales, et le recours au discours du racisme inversé.
Malgré ces défis, la recherche a pu être menée à bien grâce à un ensemble de facteurs favorables. Des circonstances sociétales favorables, marquées par des mouvements de revendication comme ceux autour de la mort de George Floyd, semblent avoir créé un contexte au moins un peu plus ouvert à l’émergence de ce type d’études (Jean-Pierre et al., 2024). De plus, la détermination sans faille de l’équipe de recherche et le soutien de partenaires clés ont été des éléments cruciaux. Ces partenaires, qu’ils et elles soient des centres de services scolaires, des écoles ou des organismes communautaires, ont ouvert les portes des établissements et ont facilité la mise en oeuvre du projet. Nous tenons à souligner tout particulièrement le rôle primordial de directions d’école dont le leadership a permis de rallier le reste de leur équipe éducative. Nous avons observé que les changements de direction survenus pendant le projet ont parfois entraîné la fin de la collaboration ou entamé sa qualité. Plusieurs enseignant·e·s, parfois isolé·e·s dans leur milieu, qui ont accueilli l’équipe de recherche dans leur classe, se démarquent aussi par leur perspective critique des enjeux soulevés dans la recherche et par un fort désir de changer les choses, malgré, par ailleurs, un sentiment de désarroi quant au quoi et au comment faire pour y parvenir.
Il est important de souligner que certains centres de services et commissions scolaires ainsi que des directions d’école ont accueilli le projet avec enthousiasme, le considérant comme un outil essentiel pour répondre à des besoins spécifiques en matière de « gestion de la diversité », bien que ce ne soit pas l’angle privilégié dans le projet. Cependant, même si ces partenaires expriment leur volonté de participer, ils et elles peuvent être réticent·e·s à s’attaquer ouvertement aux enjeux de racisme dans leur milieu, craignant des réactions hostiles de certain·e·s membres de la communauté scolaire/éducative ou la complexité des processus de changement nécessaires. Ainsi, une partie de notre stratégie d’approche a consisté à mettre l’accent sur l’aspect coconstructif du projet qui partirait de leurs réalités concrètes, et à souligner les avantages tangibles que le projet pourrait apporter à leur école.
L’article a aussi abordé l’influence de l’identité de la personne chercheuse sur divers aspects de la recherche et mis en exergue les dynamiques de pouvoir qui façonnent les perceptions et les interactions dans ce contexte. Nous avons mis en lumière des manifestations, tant explicites que subtiles, de racisme anti-noir auxquelles certain·e·s membres de l’équipe ont dû faire face, telles que le manque de respect et de considération, la condescendance et l’infériorisation. Reconnaître et mieux comprendre ces dynamiques permet de sensibiliser aux défis auxquels les personnes chercheuses issues de groupes racisés font face, particulièrement lorsqu’elles sont amenées à travailler sur des sujets sensibles et polarisants qui les touchent directement (Hamisultane et al., 2021).
Parties annexes
Notes
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[1]
Nous utilisons de manière plus large le terme « racisé » dans cet article lorsque nous faisons référence non seulement aux personnes noires, mais aussi à d’autres groupes touchés par le phénomène de racisation.
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[2]
Un comité de partenaires a été formé à cet effet. Il rassemble des représentants d’organismes communautaires engagés auprès des communautés noires francophones et anglophones du Québec, offrant des services tels que le soutien scolaire, les loisirs et la défense des droits. Les milieux scolaires étaient représentés par des délégués du ministère de l’Éducation ainsi que des centres de services et des commissions scolaires des deux secteurs. Le comité de partenaires est consulté sur le contenu du projet et sur sa mise en oeuvre, il contribue aux réflexions sur l’analyse des données et sur les moyens visant à maximiser les retombées de la recherche.
-
[3]
Dans le contexte francophone, le terme race est souvent mis entre guillemets pour exprimer une certaine réserve critique, soulignant que cette catégorie est socialement construite et non biologique. Dans cet article, nous l’utilisons explicitement pour montrer son rôle déterminant dans le contexte étudié. Étant donné que la question raciale est au coeur de notre analyse, il nous paraît essentiel de la reconnaître pleinement et de l’aborder directement.
-
[4]
Le processus de demande éthique commence obligatoirement par la soumission du dossier de demande d’approbation au comité d’éthique de l’université. En plus du formulaire en ligne à remplir, le dossier inclut la description complète du projet, les instruments de collecte de données et les formulaires d’information et de consentement destinés aux participants ainsi que les messages d’invitation et les scénarios de sollicitation. Une fois seulement l’approbation du comité d’éthique de l’université obtenue, peuvent être entreprises les démarches de demande d’approbation éthique auprès des centres de services et des commissions scolaires. Selon les institutions, les comités d’éthique sont composés de trois à six membres qui se réunissent pour évaluer les dossiers et émettre leur avis. Les membres des comités des CSS et des CS ne sont pas des chercheur·se·s et parmi les membres figure souvent un avocat.
Nous avions fait des demandes d’approbation éthique dans ces différents centres de services scolaires pour deux raisons : d’une part, anticipant de possibles refus, nous cherchions à élargir le bassin de réponses potentielles ; d’autre part, nous souhaitions accéder à des milieux variés sur les plans géographiques, démographique et socioéconomique.
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[5]
Il était clairement indiqué dans la description du projet, dans le formulaire de demande d’approbation éthique et dans les annexes présentant les instruments de collecte que les entretiens avec les enfants étaient réalisés dans le cadre d’ateliers créatifs et que le racisme ne serait pas abordé frontalement.
-
[6]
Il était important que la direction de l’école soit engagée dans le projet, mais toutes les classes n’étaient pas tenues de participer, il suffisait d’une seule par niveau (de la maternelle à la cinquième année).
-
[7]
Ces commentaires sous-entendent que le racisme existerait plutôt dans les milieux où les élèves noir·e·s sont minoritaires. Des données de la recherche en cours et des travaux antérieurs (Lafortune, 2014 ; Lafortune et Kanouté, 2007) confirment que lorsque les élèves noir·e·s et racisé·e·s sont très peu nombreux·ses dans les milieux scolaires, ils et elles se heurteraient plus souvent à des comportements individuels racistes manifestes, qui se traduisent notamment par des insultes, des moqueries, des violences physiques et des formes variées d’exclusion, outre les violences systémiques.
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[8]
Pseudonyme pour préserver l’anonymat de la participante.
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[9]
Il a annulé la rencontre qui était planifiée à 9 h lors d’une journée pédagogique des enseignant·e·s (journée où les élèves étaient absent·e·s) au motif que les membres de l’équipe de recherche étaient en retard. En réalité, il ne leur avait pas correctement communiqué l’emplacement exact de la réunion, ce qui a fait perdre douze minutes aux chercheurs et chercheuses pour le trouver. À notre arrivée à 9 h 12, sans même un bonjour, il a ostensiblement scruté sa montre et toisé les membres de l’équipe en leur signifiant rapidement qu’il n’avait plus de temps à leur accorder.
Bibliographie
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