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Débat : Où va la psychiatrie ?

De quelques théories et pratiques en santé mentale communautaire[Notice]

  • Paul Morin

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  • Paul Morin
    Sociologue, professeur à l’Université de Sherbrooke. Au moment d’écrire ces lignes, Paul Morin était coordonnateur du Collectif de défense des droits de la Montérégie.

Cet essai est imprégné de l’idée suivante : la réalité doit changer et déterminer notre travail dans le domaine de la santé mentale. La psychiatrie communautaire et ses prolongements contemporains, la psychiatrie citoyenne (Roelandt et Desmonds, 2002) et la santé mentale communautaire (Carling et Palmer, 2003) constituent en ce sens un savoir pratique qui, tout en intervenant sur la souffrance psychique des personnes, vise à transformer la situation d’exclusion imposée à ces personnes. Pourtant ce savoir pratique demeure fort méconnu au Québec, notamment du milieu communautaire qui fait coïncider ressources communautaires et approche communautaire. Prenant acte de la divergence croissante entre la réalité sociale et les théories et pratiques qui dominent le champ de la santé mentale, nous nous situons donc dans cette perspective citoyenne qui vise l’épanouissement des êtres humains dans la communauté des êtres humains. « Il est à peu près temps que nous cessions d’associer santé mentale et organisation et distribution de services. Ceci n’est pas juste en regard de ce que les personnes ont besoin mais aussi en fonction de ce qu’elles peuvent contribuer. Cela est la signification de la citoyenneté ». (Laurance, 2002, 16, traduction libre) Il n’y a pas à présent une théorie unificatrice en santé mentale communautaire comme il peut y en avoir pour les tenants du paradigme médical ou de la psychanalyse. Toutefois, la pratique en santé mentale communautaire ne doit pas rester en attente d’une théorie spécifique pour affronter le réel et ce qui doit être mis en place pour changer la vie des personnes ayant des problèmes de santé mentale, pour transformer l’organisation et la distribution des services de santé mentale et construire des communautés solidaires. D’autant plus que la sociologie du sujet d’Alain Touraine constitue une solide base sur laquelle s’appuyer dans notre pratique tant auprès des institutions que des personnes : « … l’idée de dépendance réciproque est centrale, le rapport avec l’autre étant prioritaire. On ne devient sujet qu’en reconnaissant l’autre comme sujet et la démocratie est une politique du sujet » (Talboni, 2003, 26). Cette théorie du lien social de l’interdépendance s’appuie sur les valeurs collectives de dignité et de reconnaissance des droits citoyens qui sont l’antithèse de l’humiliation quotidienne et de l’identité de malade mental imposée aux personnes en souffrance. Shulamit Ramon (2000), dans A Stakeholder’s Approach to Innovation in Mental Health Services s’appuie également sur le principe de réciprocité ; la participation sociale, l’action participative et la solidarité constituent les voies pour parvenir à : Nous situons toutefois le devenir de la psychiatrie dans un ensemble plus vaste de santé publique où se rejoignent développement local, cohésion sociale et santé mentale. Nous développerons ces réflexions dans la section où nous présenterons la santé mentale d’une société comme intimement liée aux problèmes sociaux tels que la pauvreté et l’exclusion. Mais auparavant, nous préciserons ce qui doit être mis en pratique pour améliorer la qualité de vie des personnes et comment nous concevons l’organisation et la distribution des services de santé mentale. Nous tenons ici à préciser que nous privilégions cette école de pensée, mais sans toutefois la mythifier, parce qu’elle nous semble la plus pertinente au niveau de l’organisation des services tout en étant holistique. En cela, nous nous inspirons de la réflexion de Jean-Luc Giribone, l’analysant de Lacan, selon qui il importe d’appréhender la souffrance à travers de multiples approches et de créer des passerelles entre les écoles de pensée. « Ce qui compte à mes yeux, en effet, ce n’est pas la vérité, mais l’ouverture à de nouveaux possibles » (Giribone dans Birnbaum, 2003). En regard des personnes psychiatrisées, cela implique, comme nous …

Parties annexes