Dans le cadre de ce tout premier volume Variation(s) de la revue Multimodalité(s), nous avons rassemblé des textes qui sont liés, par des perspectives diverses, à des pratiques et initiatives de médiation que nous souhaitions mettre en lumière. Ce concept de « médiation » est éminemment polysémique, entre autres parce qu’il est mobilisé dans plusieurs disciplines qui interpellent des réalités, des techniques et des paradigmes multiples. De sorte, Cette position – et les actions qu’elle suppose – d’être au milieu ou d’agir en intermédiaire diffère bien entendu largement dans ses objectifs selon qu’il soit question de médiation juridique, familiale, sociale, culturelle, littéraire, interculturelle, citoyenne, pédagogique, etc. Cependant, on peut avancer que toute activité de médiation, finalement, souhaite faciliter la communication ou la circulation des idées, rendre accessible, participer à la compréhension d’une situation ou en éclairer des aspects; elle peut aussi établir des relations, voire réconcilier ou mettre d’accord en ou accord. Considérant les préoccupations de la revue Multimodalité(s) pour, entre autres, les pratiques de culture, de création et de communication à l’école et hors du contexte scolaire, nous avons réuni dans ce volume des articles qui touchent davantage à la médiation culturelle, littéraire ou pédagogique. La médiation culturelle, et ses dérivés, comme la médiation littéraire, renvoient à des définitions et des pratiques fortement éclatées (Jacob et Bihan-Youinou, 2009; Montoya, 2008). Le concept de médiation culturelle traverse en effet de nombreuses réalités, entre autres dans les champs culturels, mais aussi dans le domaine social et dans le monde de l’éducation. De sorte, beaucoup de professionnel·le·s porté·e·s par des conceptions et pratiques hétérogènes s’en réclament (Dufrene et Gellereau, 2000, 2004). C’est entre autres vrai des bibliothécaires, de plusieurs intervenant·e·s dans les musées, des animateur·rice·s socio-culturel·le·s et des services éducatifs et pédagogiques. Au-delà des distinctions qu’il importe de reconnaitre, il est possible toutefois d’identifier dans les actions dites de médiation culturelle quelques caractéristiques qui nous semblent transversales et davantage unificatrices. À titre d’exemple, ces actions visent à mettre en relation des gens (un public, un groupe, une communauté, une classe, etc.) avec des oeuvres ou des propositions culturelles pour ultimement favoriser la démocratisation culturelle, le développement social, voire l’émancipation (Bellavance, 2000; Fontan et Quintas, 2007; Fourcade, 2014; Lafortune, 2012). Les finalités des actions de médiation culturelle peuvent conséquemment être tout autant récréatives, éducatives, sociales ou citoyennes. Dans ce volume, nous avons particulièrement porté notre attention sur des initiatives ou des dispositifs qui mettent en relation des objets culturels divers (particulièrement les oeuvres multimodales narratives) et des publics (surtout les publics scolaires ou jeunesse). La médiation littéraire, un dérivé de la médiation culturelle, se concentre plus spécifiquement sur le partage et la mise à disposition des oeuvres littéraires; elle permet d’aborder la diversité des pratiques de lecture et de réception des oeuvres, dont celles qui sont numériques. Cette forme de médiation, intimement liée aux pratiques éditoriales (Doga, 2013) et aux choix que celles-ci impliquent (Chartier, 2002), met en dialogue des pratiques professionnelles habituellement cloisonnées que sont l’édition, l’enseignement et l’animation auprès des publics. Les réflexions qui y sont liées s’ancrent autant dans l’accessibilité des savoirs (Melançon, 2005), la possibilité concrète de lecture des textes (Unger, 2015) ou encore la présentation et l’accompagnement de la rencontre entre formes narratives émergentes et publics (Bréan, 2018). La diversité actuelle des pratiques culturelles et leurs médiations ne peuvent être séparées d’un double courant médiatique fortement interconnecté : la popularisation des productions de fan (Jenkins, 2006; Chatelet, 2022) et l’émergence de productions natives du numérique. Leur importance grandissante sur le marché traditionnel culturel et l’apparition de cultures contemporaines en mutation permanente créent un continuum de pratiques populaires …
Parties annexes
Bibliographie
- Balmer, A. et Hébert, J. (2009). Les médiations en question. Nouvelles pratiques sociales, 21(2), printemps 2009, 20-30.
- Barnabé, F. (2014). La ludicisation des pratiques d’écriture sur Internet : une étude des fanfictions comme dispositifs jouables. Sciences du jeu, 2. https://doi.org/10.4000/sdj.310
- Bellavance, G. (dir.). (2000). Démocratisation de la culture ou démocratie culturelle ? Deux logiques d’action publique. Les éditions de l’IQRC.
- Bréan, S. (2018). La prescription littéraire en science-fiction française. Dans B. Chapelain & S. Ducas (éds.), Prescription culturelle. Presses de l’enssib. https://doi.org/10.4000/books.pressesenssib.9361
- Chartier, R. (2002). Préface : Création littéraire et médiation éditoriale. Cahiers Charles V, 32(1), 7‑13. https://doi.org/10.3406/cchav.2002.1327
- Châtelet, M. (2022). Les univers partagés de science-fiction : pour une transauctorialité. ReS Futurae, 20. https://doi.org/10.4000/resf.11286
- Doga, M. (2013). Processus de médiation littéraire : les enjeux éditoriaux. Tractations et concurrences éditoriales autour de Francis Ponge. Mémoires du livre, 4(2). https://doi.org/10.7202/1016744ar
- Dufrene, B. et Gellereau, M. (2000). La médiation culturelle : métaphore ou concept ? Propositions de repères, actes du XIIe congrès Sfic, Émergences et continuité dans les recherches en communication.
- Dufrene, B. et Gellereau, M. (2004). La médiation culturelle. Enjeux professionnels et politiques. Revue Hermès, p. 199 à 206.
- Fontan, J.-M. et Quintas, E. (dir.). (2007). Regards croisés sur la médiation culturelle, Cahiers de l’action culturelle, 6(2).
- Fourcade, M.-B. (2014). La médiation culturelle et ses mots clés. Québec.
- Hadji, C. (2008). La médiation : un concept pour repenser la pédagogie ? L’agir pédagogique à la recherche d’une cohérence. La nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation, 42, 33-52.
- Jenkins, H. (2006). La culture de la convergence. Armand Colin.
- Laurent, J. M. (2008). Être un enseignant médiateur ? Approche d’une définition de la fonction à travers les différentes occurrences. La nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation, 42, 15-32
- Montoya, N. (2008). Médiation et médiateurs culturels : quelques problèmes de définition dans la construction d’une activité professionnelle. Lien social et Politiques, (60), automne 2008, p. 25–35.
- Lafortune, J.-M. (dir.). (2012). La médiation culturelle. Le sens des mots et l’essence des pratiques. Presses de l’Université du Québec.
- Lenoir, Y. (2009). L’intervention éducative, un construit théorique pour analyser les pratiques d’enseignement. Nouveaux cahiers de la recherche en éducation, 12(1), p. 9–29.
- Melançon, B. (dir.). (2005). Le savoir des livres. Presses de l’Université de Montréal.
- Myara, N, (2018). La médiation pédagogique ! Quoi ? Qui ? Quand et comment ? Vivre le primaire, 80-83.
- Paris, J. et Bihan-Youinou, B. (2008). La médiation culturelle : enjeux, dispositifs et pratiques. Lien social et Politiques, (60), automne 2008, p. 5–10. https://www.erudit.org/fr/revues/lsp/2008-n60-lsp2511/019441ar/
- Unger, G. (2015). Pendant la lecture. B42.
- Vinatier, I. et Laurent, J. M. (2008). Médiation, enseignement-apprentissage – Présentation du dossier. La nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation, 42, 5-14.