Certaines fonctionnalités et contenus sont actuellement inaccessibles en raison d'une maintenance chez notre prestataire de service. Suivez l'évolution

Comptes rendus

Maria Nengeh Mensah Ni vues ni connues? Femmes, VIH et médias. Montréal, Les éditions du remue-ménage, 2003, 221 p.[Notice]

  • Suzanne Desbiens

Cet ouvrage, issu de la thèse de Maria Nengeh Mensah rédigée pour l’obtention d’un doctorat en communication, s’intéresse à la visibilité des femmes séropositives et à la mise en discours de la séropositivité féminine dans les médias québécois. Il comporte cinq chapitres. Au premier chapitre, l’auteure se penche sur les différentes réponses à l’épidémie du sida. Le deuxième chapitre analyse le dispositif du sida et la façon dont il est reflété ou manipulé par les discours médiatisés occidentaux et plus précisément québécois tout au long des deux premières décennies de l’épidémie. La visibilité diagnostique et le sens donné à l’infection au VIH et à la perception de souillure et de saleté stigmatisant la femme vivant avec le VIH/sida (FVVIH) font l’objet du troisième chapitre. Le quatrième chapitre est consacré à la visibilité classificatoire et passe en revue toutes les catégories de femmes atteintes, ces catégories s’articulant autour des notions de victime innocente et de victime coupable. Enfin, au cinquième chapitre, Mensah traite de la visibilité militante par un retour sur le modèle d’infiltration pratiqué par les femmes séropositives québécoises dans les années 90. L’ouvrage est étayé par de nombreuses citations. Outre celles qui proviennent des auteures et des auteurs qui ont servi à définir le cadre théorique de la recherche, plusieurs sont tirées des publications produites par les groupes communautaires de FVVIH incluses dans le corpus étudié. La présence de la voix de ces femmes enrichit le travail de Maria Nengh Mensah et en fait une oeuvre de référence sur le sujet. De plus, parce que l’auteure connaît personnellement nombre des femmes citées, l’oeuvre est empreinte d’une sensibilité et d’une compréhension de la problématique du sida au féminin plutôt particulières. Au premier chapitre, touchant les réponses gaies et féministes à l’épidémie, Mensah examine le lien entre les modes de représentation du sida et la réponse dominante de la société à la maladie. Elle observe le sentiment de panique généralisé devant la contagiosité de la maladie, la manière dont l’accent est mis exagérément sur la dangerosité de la personne atteinte et la façon dont ce sentiment de panique et de rejet engendrera un resserrement du contrôle social des éléments contagieux. La revue des ouvrages en sciences sociales publiés à la fin des années 90 l’interpelle par l’importance donnée à l’exploitation du contexte de cette nouvelle maladie contagieuse par tout un courant « familiariste », défini comme « un courant marqué par l’idéologie du patriotismehétérosexuel ou du néo-conservatisme » (p. 24). Les images de sidéens décharnés et défigurés par la maladie suscitent la pitié dans la population et, comme Mensah le souligne, rien n’est plus éloigné du sentiment de solidarité que celui de la pitié. En réaction à la prolifération de ces images et à l’usage que les autorités sanitaires en font, la communauté gaie va vite se mobiliser et opposer une contre-image d’autohabilitation (empowerment) des personnes vivant avec le VIH/sida (PVVIH). Ce désir de ne pas se voir comme victime de la maladie, mais bien plutôt comme acteur ou actrice, donnera naissance aux grandes coalitions de PVVIH et au mouvement activiste des années 80. Comme Mensah l’expose par la suite dans le même chapitre, les réponses féministes s’articulent autour de la thèse de l’hégémonie gaie défendue par Linda Singer selon laquelle l’épidémie du sida serait une épidémie sexuelle. Singer fait le constat que « l’expérience quotidienne des femmes est exclue des réponses gaies » (p. 37). Les féministes vont jusqu’à affirmer que le « sécurisexe » prôné par les campagnes de prévention est conçu pour protéger les hommes et non les femmes. Le discours des hommes …