FR :

Cet article vise à saisir les mécanismes d’ajustements et de reconfigurations politiques au sein d’un territoire rural et industriel de l’est de la France dans les premiers temps du mouvement des Gilets jaunes. Pour ce faire, une attention particulière est portée aux trajectoires et aux représentations sociales d’un couple de gauche d’origine populaire à la retraite sur un territoire qu’il qualifie d’extrême droite. Pour comprendre dans quelle mesure ces classes populaires de gauche en viennent à se mêler à d’autres catégories sociales dont elles se sentent politiquement et socialement éloignées, cet article entrecroise une analyse socio-spatiale du territoire et s’appuie sur une enquête ethnographique. Il vise ainsi à saisir la perception du champ politique et des groupes sociaux côtoyés au sein d’une mobilisation locale d’ampleur nationale. Ce couple tente alors de se faire le relais d’une culture militante, montrant par la même occasion comment celle-ci peut être incorporée à long terme et se diffuser sur la scène locale. Jouer sur les appartenances locales tout comme sur un rejet partagé des dirigeants politiques nationaux permet de dépasser les divergences de manière à reconfigurer les contours d’un « nous » populaire.

EN :

This article aims at exploring adjustment mechanisms and political reconfigurations within the context of a rural and industrial area of Eastern France during the early days of the “Gilets Jaunes” movement. Particular attention is paid to the social perceptions and trajectories of a left-wing working-class retired couple who live in an area they qualify as far-right territory. In order to understand to what extent these left-wing working-class individuals come to mingle with other social classes whom they feel politically and socially distant from, this article combines a socio-spatial analysis of the area and an ethnographic survey. This article thus aims to show the couple’s perceptions of the political field and of the social groups met in the context of a local mobilization of national scale. This couple has been trying to pass on their activist culture, showing while doing so how activist capital can play a part in the long term and spread throughout the local scene. Putting forward local roots along with a shared rejection of national political elites enables them to overcome their differences in order to reconfigure some sort of popular “us.”

FR :

Cette recherche examine la prolifération du discours d’extrême droite sur les médias sociaux, spécifiquement dans le contexte français, en analysant le contenu produit par sept vidéastes français d’extrême droite dans 55 vidéos. L’étude vise à comprendre comment les messages suprémacistes blancs sont rendus plus acceptables pour le grand public, malgré les interdictions juridiques et réglementaires des plateformes. L’analyse révèle que l’essentialisation du genre des individus crée les conditions d’une essentialisation de la race, conduisant à un renforcement mutuel entre masculinisme et suprémacisme, qui permet un cadrage plus acceptable du message suprémaciste blanc. L’étude identifie également des phénomènes tels que les emprunts idéologiques et rhétoriques inspirés de la métapolitique d’Alain de Benoist. L’article contribue à une meilleure caractérisation des aspects spécifiques de l’extrême droite en ligne dans le contexte français.

EN :

This research examines the proliferation of far-right discourse on social media, specifically in the French context, by analyzing the content produced by seven French far-right YouTubers in 55 videos. The study aims to understand how white supremacist messages are made more acceptable to the general public, despite legal and regulatory prohibitions on platforms. The analysis reveals that the essentialization of individuals’ gender creates conditions for the essentialization of race, leading to a mutual reinforcement between masculinism and supremacism which allows for a more acceptable framing of the white supremacist message. The study also identifies phenomena such as ideological and rhetorical borrowings inspired by Alain de Benoist’s metapolitics. The article contributes to a better characterization of specific aspects of online far-right discourse in the French context.

FR :

Comment (re)cadrer le discours protestataire d’un mouvement de façon à inclure d’autres luttes sociales et politiques ? Pour explorer une telle question, notre recherche prend pour objet les slogans de la Manifestation pour la justice climatique du 24 septembre 2021 à Montréal. Cette manifestation constitue la tentative d’une organisation militante, à travers la mise sur pied d’une coalition événementielle, de dépasser la seule revendication climatique en incorporant le définancement de la police, la souveraineté autochtone et la justice migratoire à sa demande d’une société carboneutre. Notre article soutient qu’un alignement partiel s’observe entre les organisateur·rices de l’événement et les manifestant·es faisant partie plus largement de la communauté de mouvement social, conduisant à deux défis organisationnels pour le mouvement climatique étudiant au Québec.

EN :

How can a social movement (re)frame its protest message in a way that includes other social and political struggles? To investigate this puzzle, our research examines the slogans of the Manifestation pour la justice climatique that took place on September 24, 2021, in Montréal. This march shows the attempt of an activist organization, through the creation of an event coalition, to transcend its demand for climate action by incorporating police defunding, Indigenous sovereignty, and migrant justice into its call for a carbon-neutral society. Our paper argues that there is partial cohesiveness between event organizers and demonstrators forming the larger social movement community, which creates two organizational challenges for the youth climate movement.

FR :

Comment différents acteurs gèrent-ils les tensions causées par leurs disparités, travaillent-ils ensemble et convergent-ils dans la rue ? Pour répondre à cette question, les tensions du militantisme dans le mouvement chilien contre les pensions privées (No más Afp) sont examinées. L’organisation d’une marche a servi de prétexte pour faire converger l’activisme syndical et l’activisme indigné, ce qui a donné lieu à plusieurs tensions. En utilisant le cadre conceptuel de Geoffrey Pleyers pour analyser le mouvement altermondialiste, l’article soutient que ces tensions ont été gérées en trois phases : dichotomisation, combinaison et absorption. La gestion de ces tensions est interprétée comme un défi pour les mouvements sociaux actuels.

EN :

How do different actors manage tensions caused by their differences, work together, and converge in the streets? To answer this question, the tensions of activism in Chile’s movement against private pensions (No más Afp) are examined. Organizing a march served as a pretext to bring together trade union activism with indignant activism, which resulted in several tensions. By using Geoffrey Pleyers’s conceptual framework to analyze the alter-globalization movement, it is argued in this article that these tensions were managed in three phases: dichotomization, combination, and absorption. Managing these tensions is discussed as a challenge for contemporary social movements.

FR :

Cet article propose une analyse socio-historique d’un moment de convergence entre trois associations : féministe (la Maison des femmes de Paris), lesbienne (le Mouvement d’information et d’expression des lesbiennes) et homosexuelle (le Comité d’urgence anti-répression homosexuelle), à Paris, France, au cours de la décennie 1980, puis de son progressif délitement. Il a pour ambition de mener une réflexion autour de la création de liens de solidarité et de pratiques et stratégies d’alliance entre les mouvements féministes et LGBTQI+. L’argumentation met en évidence la nécessité de décentrer le regard, à un niveau méso, sur les modalités et les pratiques concrètes du travail spécifique de coalition, et sur les stratégies d’interaction et la réflexivité concernant la collaboration militante ; puis de s’intéresser, à un niveau micro, à l’impact de la multipositionnalité des acteur‧rices. Ce double niveau d’analyse permet de mieux cerner et d’illustrer d’autres mécanismes propres à la convergence des luttes et à leurs difficultés en se décentrant du niveau macro souvent privilégié dans le champ d’étude des alliances et des coalitions des mouvements sociaux. Il s’avère notamment pertinent pour l’étude des relations établies entre les mouvements féministes, lesbiens et homosexuels puisque, comme le révèlent les perspectives féministes, les questionnements et les enjeux concernant la mixité réelle et les modalités d’organisation non hiérarchique, inclusive, voire coalitionnelle, se posent particulièrement pour les groupes intégrés au sein de ces mouvements.

EN :

This article proposes a socio-historical analysis of a moment of convergence between three associations: the feminist association “La Maison des femmes de Paris,” the lesbian association “Le Mouvement d’information et d’expression des lesbiennes,” and the homosexual association “Le Comité d’urgence anti-répression homosexuelle,” in Paris, France, during the 1980s, then its gradual disintegration. Its ambition is to reflect on the creation of links of solidarity and practices, and alliance strategies between feminist and LGBTQI+ movements. The argument highlights the need to decentre the gaze, at a meso level, on the concrete modalities and practices of specific coalition work; and on the interaction strategies and reflexivity concerning activist participation; then to focus, at a micro level, on the impact of the multipositionality of actors. This double level of analysis allows us to better understand and illustrate other mechanisms specific to the convergence of struggles and their difficulties by decentring ourselves from the macro level often favoured in the field of study of social movements alliances and coalitions. It is particularly relevant for the study of the relationships established between feminist, lesbian, and homosexual movements because, as revealed by feminist perspectives, the questions and issues concerning real diversity and the modalities of non-hierarchical, inclusive, or even coalitional organization, arise particularly for the groups integrated within these movements.

FR :

La sociologie du mouvement des Gilets jaunes en France a fait apparaître la surreprésentation des travailleurs de la route sur les ronds-points occupés. Au croisement de deux enquêtes ethnographiques, cet article s’intéresse aux déterminants et aux modalités pratiques de la participation des chauffeurs routiers aux blocages. Il révèle l’importance des ressorts professionnels de cette alliance, tant du point de vue de la reconversion de savoir-faire professionnels en ressources militantes que celui de la réappropriation d’une autonomie professionnelle le temps des blocages.

EN :

The sociology of the Yellow Vests movement in France in 2018 and 2019 has highlighted the over-representation of road workers on occupied roundabouts. At the intersection of two ethnographic surveys, this article looks at the determinants and practical modalities of truck drivers’ participation in blockades. It reveals the importance of the professional roots of this alliance, from the point of view of the reconversion of professional know-how into militant resources and the reappropriation of professional autonomy during the blockades.