Résumés
Résumé
Dans le contexte de recherches partenariales en sciences sociales, au défi méthodologique que constitue l’étude du travail émotionnel en situations professionnelles touchant notamment à la question de l’observabilité des affects s’ajoute un travail de réflexion éthique qui se doit de nourrir les pratiques de recherche elles-mêmes. Dans cet article, nous nous intéressons plus spécifiquement à la question du consentement des travailleur.e.s impliqué.e.s dans une étude sur la communication des émotions au travail dans un contexte non thérapeutique. Le travail émotionnel est défini comme un exercice de figuration, de mise en scène émotionnelle de soi, qui opère chez les travailleur.e.s de manière consciente ou non. Son analyse, dans un cadre non thérapeutique, implique pour le.la chercheur.se d’observer les salarié.e.s dans une prise en compte qui intègre celle des corps en interaction, au-delà du dire de ces dernier.e.s et de la notion même d’intentionnalité. La problématique se voit ici comme redoublée et achoppe sur les dynamiques de dissimulation à la fois au coeur du travail émotionnel lui-même, mais également qui ont cours dans la sphère professionnelle où les attendus restent ceux de la maitrise et de la régulation des émotions, largement intériorisés et incorporés par les individus au travail. Pour le.la chercheur.e en sciences sociales, comment se saisir des affects non-dits, non montrés et, ce faisant, parce qu’ils sont dissimulés à la fois aux autres, mais aussi à soi, quelle place octroyée aux travailleur.e.s eux-mêmes dans l’appréhension de ces affects cachés? Nous mettrons en discussion ces enjeux en nous appuyant sur plusieurs terrains de recherche partenariale (grande entreprise, association, hôpital).
Mots-clés :
- travail émotionnel,
- affects cachés,
- approche communicationnelle des affects en organisations,
- consentement,
- éthique
Abstract
Given the methodological challenge of studying emotional work in professional situations, particularly in relation to the observability of affects, w e must also include the need for an ethical reflection that nourishes the research practices themselves. In this article, we look more specifically at the question of the consent of workers participating in a study on the communication of emotions in a non-therapeutic work context. Emotional work is defined as an exercise in figuration, that is the presentation of self which operates in workers, either consciously or unconsciously. Analyzing this in a non-therapeutic context requires that the researcher observe the employees in a way that takes into account their interacting bodies, over and above what they say and intend to do. The problem here is twofold. It involves the concealment at the heart of emotional work, but also, in the professional sphere, the expectations of controlling and regulating emotions, which are largely internalized and incorporated by individuals at work. How can the social scientist capture these unspoken, unshown affects. And because they are hidden both from others and from oneself, what role can workers themselves play in understanding these hidden affects? We will discuss these issues by drawing on a number of partnership research projects (e.g., large companies, associations, hospitals).
Keywords:
- emotional labor,
- hidden affects,
- communication of affects within organizations,
- consent,
- ethics
Resumen
En el contexto de las investigaciones asociadas con el trabajo en ciencias sociales, al desafío metodológico que constituye el estudio del trabajo emocional en situaciones profesionales en lo que respecta particularmente a la cuestión de la observabilidad de los afectos, se adiciona un trabajo de reflexión ética que está obligado a nutrir las propias prácticas de investigación. En este artículo, nos interesamos más específicamente en el consentimiento de los trabajadores-as implicados-as en un estudio sobre la comunicación de emociones en el trabajo en un contexto no terapéutico. El trabajo emocional es definido como un ejercicio de representación, de puesta en escena emocional de uno mismo, que opera en los trabajadores-as de manera consciente o inconsciente. En un cuadro no terapéutico, su análisis implica para el investigador-a observar a los asalariados-as de manera que integre los cuerpos en interacción, más allá de las declaraciones de estos-as últimos-as y de la noción misma de intencionalidad. La problemática se ve aquí intensificada al toparse con las dinámicas de disimulo, tanto en el corazón del propio trabajo emocional, como con aquéllas en la esfera profesional, donde las expectativas siguen siendo el control y la regulación de las emociones, ampliamente interiorizadas e incorporadas por los individuos en el trabajo. Para el investigador-a en ciencias sociales, ¿cómo tratar los afectos no dichos, no manifestados y, al hacerlo, porque son disimulados tanto a los demás como a uno mismo, qué lugar otorgar a los propios trabajadores-as en la aprensión de estos afectos ocultos? Pondremos en discusión estas cuestiones apoyándonos en diversos terrenos de investigación asociados con el trabajo (gran empresa, asociación, hospital).
Palabras clave:
- trabajo emocional,
- afectos ocultos,
- enfoque comunicacional de afectos en las organizaciones,
- consentimiento,
- ética
Parties annexes
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