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Comptes rendus

Zeimbekis, John. Qu’est-ce qu’un jugement esthétique? Vrin, coll. Chemins philosophiques, 2006, 128 p.[Notice]

  • Mélissa Thériault

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  • Mélissa Thériault
    UQAM/Université de Provence

Cette nouvelle parution relève le défi de présenter une notion incontournable qui a alimenté les querelles et débats en esthétique au dix-huitième siècle. En effet, la notion de jugement esthétique, conçue à l’époque en tant qu’affirmation portant sur la beauté d’un objet (« x est beau », « y est élégant », etc.) a alimenté des querelles épistémologiques sur la nature et le statut de tels jugements. Par exemple : à quelles conditions puis-je dire, si j’affirme que « x est beau », que mon affirmation est vraie? On l’aura deviné : l’enjeu est de déterminer à quelles conditions ce type d’affirmation peut avoir un caractère objectif et par conséquent à quelles conditions on pourrait en faire la pierre d’assise d’un discours sur le beau et sur la notion de plaisir. Le traitement philosophique de cette notion a connu des suites multiples. Si Kant a proposé une analyse suffisamment convaincante aux yeux de certains pour qu’ils élèvent sa proposition au statut de dogme (sous la forme du jugement de goût), d’autres, en revanche, ont relégué le jugement esthétique au rayon de l’indiscutable en raison de son caractère (en apparence du moins) hautement subjectif. Si « des goûts et des couleurs, il ne faut pas discuter », comment prétendre construire un discours argumentatif fondé sur des jugements portant, justement, sur l’appréciation de ceux-ci? L’ouvrage est divisé en deux sections : dans la première, la problématique est présentée et analysée d’un point de vue général. La seconde est une analyse de textes portant sur un extrait de « De la règle du goût » de Hume (la section où il est question de la figure de l’homme de goût est toutefois amputée) et un texte plus récent de Malcolm Budd traduit sous le titre « Jugements esthétiques, principes esthétiques et propriétés esthétiques ». La toute première phrase de l’ouvrage est une mise en garde non superflue : la possibilité même de l’existence du jugement esthétique est remise en question. À cette fin, l’auteur explique comment l’expression s’est imposée dans le langage et précise qu’elle est peut-être, justement, en quelque sorte un abus de langage puisque « il est possible que les jugements esthétiques ne soient pas des jugements en un sens substantiel et philosophiquement admis du terme » et que l’on « ne peut exclure qu’ils soient fondés sur une forme d’appréciation qui relève de la raison pratique » (p. 7). Autrement dit, bien que cette manière d’exprimer la problématique propre au langage des Lumières soit entrée dans les conventions langagières, la fréquence de son emploi ne met pas la notion à l’abri de la remise en question, et le débat qui l’entoure est loin d’être clos. Toutefois, c’est l’ambition de plusieurs philosophes de montrer « qu’il existe des jugements proprement esthétiques » et dans quels cas ils peuvent être bien fondés, notamment en tentant de cerner les conditions de possibilité des jugements esthétiques ainsi que les circonstances dans lesquelles celles-ci pourraient être satisfaites, ne serait-ce qu’en principe (p. 8). L’ouvrage donne la parole à deux figures historiques incontournables de la discipline (Hume et Kant) ainsi qu’à un interlocuteur plus récent (Frank Sibley) en établissant les parallèles et distinctions qui s’imposent entre leurs solutions respectives. On souligne aussi à juste titre que la problématique des jugements esthétiques est revue dans le contexte actuel à la lumière de spécialisations telles que la psychologie cognitive, l’épistémologie et la philosophie de la perception plutôt que dans le cadre d’une philosophie de l’art, qui ne recoupe aujourd’hui que partiellement les préoccupations qui étaient celles de l’esthétique philosophique classique. Comme le rappelle à juste …