McGill Law Journal
Revue de droit de McGill
Volume 68, numéro 2, april 2023
Sommaire (3 articles)
Articles
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To Whom Are Directors’ Duties Owed? Evidence from Canadian M&A Transactions
Camden Hutchison
p. 123–159
RésuméEN :
One of the most contentious issues in corporate law is the proper scope of fiduciary duties. Many scholars have argued that fiduciary duties are owed exclusively to shareholders, while others have advocated a broader conception of directors’ fiduciary obligations, potentially encompassing a wide variety of stakeholder and community interests. This debate has both normative and positive dimensions: Not only are there theoretical disagreements as to whom directors’ duties should be owed, there are also more basic disagreements as to what the law actually requires, including the extent to which business norms supplement (or undermine) legal rules. In Canada, at least, jurisprudential and statutory reforms have broadened the scope of fiduciary duties to extend their protections to stakeholder groups including creditors, employees, and the environment.
Or have they? In reality, there are reasons to believe that legal standards play a limited role in corporate governance, not least with respect to the fundamental question of in whose interests the corporation is to be governed. For public corporations, a variety of factors, including the professional norms of corporate managers, the realities of public financial markets, and the central role of shareholders in the mechanisms of corporate democracy, strongly encourage directors to prioritize shareholder interests. This article finds evidence of this phenomenon through an empirical study of “fiduciary out” provisions in Canadian M&A agreements. These provisions, which allow directors to abandon committed transactions in order to fulfill their fiduciary duties, are almost universally drafted in terms of maximizing shareholder value. Indeed, in two samples containing more than one thousand M&A agreements, only a single agreement permitted directors to consider non-shareholder interests. This evidence indicates that fiduciary duties are broader in theory than in practice.
FR :
L’une des questions les plus controversées du droit des sociétés est celle de l’étendue des obligations fiduciaires. De nombreux chercheurs ont soutenu que les obligations fiduciaires sont dues exclusivement aux actionnaires, tandis que d’autres ont défendu une conception plus large des obligations fiduciaires des administrateurs, englobant potentiellement une grande variété d’intérêts des parties prenantes et de la communauté. Ce débat a des dimensions à la fois normatives et positives : il y a non seulement des désaccords théoriques sur les personnes auxquelles les administrateurs devraient être redevables, mais il y a également des désaccords plus fondamentaux sur ce que la loi exige réellement, y compris la mesure dans laquelle les normes commerciales complètent (ou affaiblissent) les règles juridiques. Au Canada, en tout cas, les réformes jurisprudentielles et législatives ont élargi la portée des obligations fiduciaires pour étendre leur protection aux groupes de parties prenantes, y compris les créanciers, les salariés et l’environnement.
Ou l’ont-elles fait ? En réalité, il y a des raisons de croire que les normes juridiques jouent un rôle limité dans la gouvernance des entreprises, notamment en ce qui concerne la question fondamentale de savoir dans l’intérêt de qui l’entreprise doit être gouvernée. Pour les entreprises publiques, divers facteurs, notamment les normes professionnelles des gestionnaires d’entreprise, les réalités des marchés financiers publics et le rôle central des actionnaires dans les mécanismes de la démocratie d’entreprise, encouragent fortement les administrateurs à donner la priorité aux intérêts des actionnaires. Cet article met en évidence ce phénomène par une étude empirique des clauses de « retrait fiduciaire » contenues dans les accords de fusion et d’acquisition canadiens. Ces dispositions, qui permettent aux administrateurs de renoncer à des transactions engagées afin de remplir leurs obligations fiduciaires, sont presque toutes rédigées en termes de maximisation de la valeur actionnariale. En effet, dans deux échantillons comprenant plus de mille accords de fusion et d’acquisition, un seul accord autorisait les administrateurs à prendre en considération les intérêts des non-actionnaires. Ces éléments indiquent que les obligations fiduciaires sont plus larges en théorie qu’en pratique.
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Cooperative Difference in Insolvency Proceedings: Pre-Pack Sales, Fiduciary Duty and the Oppression Remedy
Anna Lund
p. 161–201
RésuméEN :
Mountain Equipment Co-operative used insolvency proceedings under the Companies’ Creditors Arrangement Act to sell its business to a private equity firm. A group of members unsuccessfully challenged the sale in court, raising arguments about the court’s power to approve the sale, the fiduciary obligations of the cooperative’s directors and the oppression remedy. This article suggests that the court would have been justified in granting a remedy to the dissenting members if it had attended to how cooperatives differ from standard corporations. This article highlights salient differences between cooperatives and corporations and then analyzes how these differences were relevant to the court’s analysis of its power to approve the sale, the director’s fiduciary obligations, and the oppression remedy. The sale of Mountain Equipment Co-operative underlines the importance of paying careful attention to a debtor’s legal form in insolvency when the debtor is not a standard corporation.
FR :
Mountain Equipment Co-operative a eu recours à une procédure d’insolvabilité en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies pour vendre son entreprise à une société de capital-investissement. Un groupe de membres a contesté sans succès la vente devant les tribunaux, soulevant des arguments concernant le pouvoir du tribunal d’approuver la vente, les obligations fiduciaires des administrateurs de la coopérative et le recours en oppression. Cet article suggère que le tribunal aurait été en droit d’accorder une réparation aux membres dissidents s’il avait tenu compte des différences entre les coopératives et les sociétés ordinaires. Cet article met en évidence les distinctions importantes entre les coopératives et les sociétés de capitaux, et analyse ensuite la manière dont ces différences ont été prises en compte dans l’analyse par le tribunal de son pouvoir d’approuver la vente, des obligations fiduciaires des administrateurs et du recours en oppression. La vente de Mountain Equipment Co-operative souligne l’importance d’accorder une attention particulière à la forme juridique du débiteur en cas d’insolvabilité lorsque le débiteur n’est pas une société classique.
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La Loi 101 et l’égalité linguistique au sens de la Charte canadienne
Érik Labelle Eastaugh
p. 203–247
RésuméFR :
Le paragraphe 16(3) de la Charte canadienne des droits et libertés permet au Parlement et aux législatures provinciales de légiférer afin de « favoriser la progression vers l’égalité de statut ou d’usage du français et de l’anglais ». Le présent texte cherche à mieux comprendre le rapport entre la Charte de la langue française (CLF) et cette disposition. Selon une hypothèse très répandue, il y aurait une incompatibilité structurelle fondamentale entre le régime linguistique de la CLF et celui de la Charte canadienne. L’auteur analyse cette hypothèse et conclut qu’elle doit être rejetée, pour trois raisons principales. Premièrement, elle comporte des faiblesses méthodologiques importantes qui faussent l’analyse du rapport entre leurs cadres conceptuels respectifs. Deuxièmement, elle soutient que les deux instruments seraient fondés sur des principes structurels discordants, voire antinomiques (« territorialité » c. « personnalité », « interculturalisme » c. « multiculturalisme », « droits collectifs » c. « droits individuels »), alors qu’il s’agit de fausses dichotomies qui ne démontrent aucunement l’existence d’une antinomie sur le plan juridique. Troisièmement, contrairement à ce que prétendent certains auteurs, la jurisprudence relative à la constitutionnalité de la CLF ne révèle pas qu’elle serait foncièrement incompatible avec le régime linguistique de la Charte canadienne. En dernière analyse, l’hypothèse de l’incompatibilité structurelle repose sur des considérations de nature idéologique ayant très peu de pertinence d’un point de vue juridique. L’auteur propose donc que la CLF pourrait en effet s’avérer une loi visant l’égalité linguistique au sens de la Charte canadienne, mais que la portée des intérêts visés par ce principe doit être précisée davantage avant qu’il ne soit possible d’offrir une réponse définitive.
EN :
Subsection 16(3) of the Canadian Charter of Rights and Freedoms allows Parliament and the provincial legislatures to enact legislation to “advance the equality of status or use of English and French”. This article seeks to better understand the relationship between the Charter of the French Language (CFL) and this provision. According to a widely held view, there is a fundamental structural incompatibility between the CFL’s underlying language policy scheme and that of the Canadian Charter. The author argues that this view must be rejected, for three main reasons. First, it suffers from significant methodological weaknesses that distort the analysis of the relationship between their respective conceptual frameworks. Second, it holds that the two instruments are based on discordant, even anti-nomic structural principles (“territoriality” v. “personality”, “interculturalism” v. “multiculturalism”, “collective rights” v. “individual rights”), when these are in fact false dichotomies that in no way demonstrate the existence of a contradiction from a legal perspective. Third, contrary to what some authors claim, the case law on the constitutionality of the CFL does not demonstrate that it is fundamentally incompatible with the principles of the Canadian Charter’s language policy scheme. In the final analysis, the structural incompatibility thesis is based on ideological considerations that have very little relevance from a legal standpoint. The author therefore proposes that the CFL could indeed be viewed as a law aimed at achieving linguistic equality as understood by the Canadian Charter, but that the scope of the interests targeted by the principle of linguistic equality must be further clarified before it is possible to offer a definitive answer.