Cette monographie se propose de comparer doublage et sous-titrage des films américains indépendants et présente, de fait, une étude de cas basée sur un corpus de cinq films, soit À l’ombre de la haine (Monsters’ Ball, Marc Foster, 2001), Sans issue (In the Bedroom, Todd Field, 2001), Les heures (The Hours, Stephen Daldry, 2002), Éléphant (Elephant, Gus Van Sant, 2003) et Traduction infidèle (Lost in Translation, Sofia Coppola, 2003). Dans le prologue de Frederic Chaume, celui-ci avance, dès le titre, que les modes de traduction ne seraient pas simplement deux modes de visionnement d’un film, mais plutôt le visionnement de deux films très différents. Cette question, sans être nouvelle (voir notamment Pettit 2004 ou Ramière 2004), demeure essentielle et pique l’intérêt du lecteur. Dans l’introduction, Martí Ferriol décrit son amour du cinéma indépendant, l’ayant poussé à étudier plus précisément ce genre filmique. Il souligne entre autres que l’un des avantages du genre est que les films indépendants bénéficient souvent de deux traductions avant même leur sortie en DVD. En effet, ils sont dans un premier temps sous-titrés et destinés plutôt à une clientèle « d’intellectuels ». Or, cette élite, plus éduquée, premièrement, ne rechigne pas à lire les sous-titres et, deuxièmement – l’anglais ayant quasiment un statut de lingua franca – pourrait fort bien comprendre la version originale sans avoir besoin des sous-titres. Par la suite, certains de ces films indépendants retiendront l’attention d’une plus grande frange du public, notamment s’ils gagnent des prix dans des festivals prestigieux (ce qui est le cas de tous les films du corpus), et bénéficieront d’une seconde traduction, cette fois-ci par doublage. En somme, en étudiant les films indépendants, le mode de traduction n’est pas le seul élément qui change : le public visé devrait être pris en compte, ce qui n’est pas le cas ici. L’hypothèse de base, qui est d’affirmer que l’on traduit différemment en sous-titrage qu’en doublage (vérité de La Palisse s’il en est, ne serait-ce que par les contraintes techniques) est donc mise à mal, vu le corpus retenu. Il nous semble que les blockbusters américains, par exemple, auraient été un meilleur choix pour étudier l’impact du mode de traduction, à l’exclusion de tout autre facteur. Dans le premier chapitre, l’auteur s’attache plus spécifiquement à la notion de genre filmique et souligne que tous les films retenus sont des drames. Il fait valoir que le film indépendant est un genre en soi, vu qu’il est décrit par une certaine tonalité et qualité visuelle, par la volonté de montrer le monde tel qu’il est ou tel que le réalisateur l’envisage plutôt qu’une fiction. Il s’agit généralement de films à petit budget (et, à cet égard, soulignons que le film Les Heures bénéficie d’un budget équivalant au double des quatre autres films retenus). Pourtant, plus qu’un genre, les films indépendants représentent plutôt un sous-genre (terme que l’auteur utilise, par ailleurs), puisque les films retenus sont d’abord et avant tout des drames. Parmi les drames, ils appartiennent à un sous-genre particulier, ou plutôt à une approche cinématographique particulière : les drames indépendants. L’uniformité du corpus ne permet pas de savoir si le mode de traduction diffère au sein du genre dramatique (un drame indépendant est-il traduit différemment d’un drame à plus gros budget ?) de même qu’il ne permet pas de déterminer si le sous-genre des films indépendants bénéficie d’un mode de traduction distinct (la traduction d’une comédie indépendante sera-t-elle faite selon les mêmes règles que la traduction d’un drame indépendant ?). Poser cette dernière question, c’est déjà y répondre. Enfin, on regrette …
Parties annexes
Bibliographie
- Blum-Kulka, Shoshana (1986) : Shifts of Cohesion and Coherence in Translation. In : Juliane House et Shoshana Blum-Kulka, dir. Interlingual and Intercultural Communication : Discourse and Cognition in Translation and Second Language Acquisition Studies, 17-35.
- Delabastita, Dirk (1989) : Translation and Mass-communication : Film and TV Translation as Evidence of Cultural Dynamics. Babel. 35(4): 193-218.
- Gambier, Yves (2002) : Les censures dans la traduction audiovisuelle. TTR. 15(2):203-221.
- Pettit, Zoe (2004) : The Audio-visual Text : Subtitling and Dubbing Different Genres. Meta. 49(1):25-38.
- Pym, Anthony (1993) : Epistemological Problems in Translation and its Teaching : A Seminar for Thinking Students. Teruel, Spain : Edicions Caminade.
- Ramière, Nathalie (2004) : Comment le sous-titrage et le doublage peuvent modifier la perception d’un film. Meta. 49(1):102-114.
- Valentini, Cristina (2011) : La traduction des références culturelles. In : Jean-Marc Lavaur et Adriana Şerban, dir. Traduction et médias audiovisuels. Lille : Septentrion Presses universitaires, 93-110.