Résumés
Résumé
Les soulèvements de 2011 en Tunisie ont projeté la « société civile » sur le devant de la scène, à la fois comme catégorie d’action publique des bailleurs internationaux et comme catégorie de présentation de soi et d’action pour un ensemble d’acteurs hétéroclites dont des d’organisations non gouvernementales (ONG) et associations. Le soutien à la « société civile » dans une logique partenariale fait partie de la rhétorique et de l’ingénierie politique conventionnelles de l’action extérieure de l’Union européenne (UE). Celui-ci correspond à un ensemble de programmes et lignes de financement, présentés comme une interface « dépolitisée » de l’action extérieure de l’Union et permettant de sélectionner, labelliser et financer des organisations en tant que vis-à-vis de l’action extérieure européenne. À partir d’une focale sur les entrepreneurs de la « société civile », reconnus et financés par la délégation de l’UE en Tunisie, cet article étudie les usages militants et professionnels des financements européens ainsi que les formes de conformation induites. Ces intermédiaires négocient leur position au sein du « dialogue avec l’Union européenne et la Tunisie » en fonction de réseaux militants préexistants, de clivages perçus entre « islamistes » et « gauchistes » et procèdent ainsi à une politisation des enjeux du « dialogue ».
Mots-clés :
- politisation,
- dispositifs participatifs,
- réseaux militants,
- instruments d’action publique,
- société civile,
- Politique européenne de voisinage,
- Tunisie
Abstract
The 2011 uprisings in Tunisia brought the concept of 'civil society' to the forefront, both as a category of transnational public action and as a means of self-definition for diverse non-governmental and voluntary organizations. 'Civil society' support, and its rhetoric of ‘partnership’ has been incorporated into EU external action through funding instruments and dedicated programs which are presented as a 'depoliticized' interface for EU external action. They enable the selection, labelling and funding of organizations considered to be partners in such external action. Beyond the institutional framing of 'civil society', this article seeks to understand how European funds are used for professional and activist purposes and how they induce forms of compliance. These intermediary organizations negotiate their position in the 'dialogue between the European Union and Tunisia' based on pre-existing activist networks and perceived divides between 'islamists' and 'leftists', thereby politicizing the issues at stake in the 'dialogue'.
Keywords:
- politicization,
- participatory schemes,
- public action instruments,
- advocacy networks,
- civil society,
- European Neighbourhood Policy,
- Tunisia
Parties annexes
Bibliographie
- Aldrin, P. et Dakowska, D. (2011). Légitimer l’Europe sans Bruxelles?: Un regard sur les petits entrepreneurs d’Europe, entre décentrement et recentrages. Politique européenne, 34(2), 7. https://doi.org/10.3917/poeu.034.0007
- Aldrin, P. et Hube, N. (2016). L’Union européenne, une démocratie de stakeholders: Des laboratoires du participationnisme à l’expérimentation démocratique. Gouvernement et action publique, 2(2), 125. https://doi.org/10.3917/gap.162.0125
- Arnaud, L. et Guionnet, C. (Éd.). (2005). Les frontières du politique: enquêtes sur les processus de politisation et de dépolitisation. Rennes: Presses Univ. de Rennes.
- Ayari, M. B. (2016). Le prix de l’engagement politique dans la Tunisie autoritaire: gauchistes et islamistes sous Bourguiba et Ben Ali (1957-2011). Tunis; Paris: IRMC; Karthala.
- Becker, H. (1985). Outsiders. Etudes de sociologie de la déviance. Paris: Editions Métailié. https://www-cairn-info.lama.univ-amu.fr/outsiders--9782864249184.htm
- Blundo, G. (2012). Du plaidoyer à l’engagement politique. État, ONG et politiques de «bonne gouvernance» au Sénégal. In Pétric, Boris-Mathieu (Éd.), La fabrique de la démocratie (p. 35-64). Paris: Maison des sciences de l’Homme.
- Breton, É. (2014). Répondre à l’appel (à projets): Récits d’un apprentissage silencieux des normes de l’action publique patrimoniale. Politix, 105(1), 213. https://doi.org/10.3917/pox.105.0213
- Camau, M. (2002). Sociétés civiles “réelles” et téléologie de la démocratisation. Revue internationale de politique comparée, 9(2), 213. https://doi.org/10.3917/ripc.092.0213
- Camau, M. et Geisser, V. (2003). Le syndrome autoritaire: politique en Tunisie de Bourguiba à Ben Ali. Paris: Presses de sciences po.
- Carothers, T. (2016). Closing Space for International Democracy and Human Rights Support. Journal of Human Rights Practice, 8(3), 358. https://doi.org/10.1093/jhuman/huw012
- Cheynis, E. (2008). L’Espace des transformations de l’action associative au Maroc: Réforme de l’action publique, investissements militants et légitimation internationale (Thèse pour le doctorat de science politique). Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Paris.
- Chouikha, L. et Gobe, É. (2009). Les organisations de défense des droits de l’Homme dans la formule politique tunisienne: acteurs de l’opposition ou faire-valoir du régime? L’Année du Maghreb, V, 163. https://doi.org/10.4000/anneemaghreb.560
- Dakowska, D. et Neumayer, L. (2005). Introduction: repenser l’impact de l’adhésion. Politique européenne, 15(1), 5. https://doi.org/10.3917/poeu.015.0005
- Dubois, V. (2013). The sociology of administrative work, a study of ‘street-level bureaucracy’ à la française. In J.-M. Eymeri-Douzans & G. Bouckaert (Éd.), La France et ses administrations: un état des savoirs (p. 169-176). Bruxelles: Bruylant.
- Ferguson, J. (1994). The anti-politics machine: « development, » depoliticization, and bureaucratic power in Lesotho. Minneapolis: University of Minnesota Press.
- Geisser, V. (2015). El Túnez del antiguorégimen y de la Revolución: en busca de la sociedad civil. In M. Tahar-Chaouch (Éd.), Protestas, conflictos y cambio político en el mundo árabe y en América Latina (Primera edición, p. 10-32). México: Universidad Veracruzana.
- Geisser, V. et Perez, D. (2016). De la difficulté à «faire parti» dans la Tunisie post-Ben Ali. Confluences Méditerranée, 98(3), 21. https://doi.org/10.3917/come.098.0021
- Hibou, B. (2006). La force de l’obéissance: economie politique de la répression en Tunisie. Paris: Découverte.
- Jobert, B. et Kohler-Koch, B. (Éd.). (2008). Changing images of civil society: from protest to government. London; New York: Routledge.
- Lagroye, J. (Éd.). (2003). La politisation. Paris: Belin.
- Lascoumes, P. et Le Galès, P. (Éd.). (2004). Gouverner par les instruments. Paris: Presses de la Fondation nationale des sciences politiques.
- Lipsky, M. (1980). Street-level bureaucracy: dilemmas of the individual in public services. New York: Russell Sage Foundation.
- Martens, K. (2005). NGO’s and the United Nations. Institutionalization, Professionalization and Adaptation. Basingstoke: Palgrave Macmillan. https://doi.org/10.1057/9780230511880
- Massicard, E. (2011). Le mouvement Fethullahçı en Turquie: une « société civile » musulmane? Dans A. Bozzo & P.-J. Luizard (Éd.), Les sociétés civiles dans le monde musulman (p. 201-214). Paris: Découverte.
- Michel, H. (2007). La «société civile» dans la «gouvernance européenne»: Éléments pour une sociologie d’une catégorie politique. Actes de la recherche en sciences sociales, 166-167(1), 30. https://doi.org/10.3917/arss.166.0031
- Ollion, É. (2015). Des mobilisations discrètes: sur le plaidoyer et quelques transformations de l’action collective contemporaine. Critique internationale, 67(2), 17. https://doi.org/10.3917/crii.067.0017
- Ottaway, M. et Carothers, T. (Éd.). (2000). Funding virtue: civil society aid and democracy promotion. Washington, D.C: Carnegie Endowment for International Peace.
- Pasquier, R. et Weisbein, J. (2004). L’europe au microscope du local. Manifeste pour une sociologie politique de l’intégration communautaire. Politique européenne, 12(1), 5. https://doi.org/10.3917/poeu.012.0005
- Pétric, B.-M. (Éd.). (2012). La fabrique de la démocratie. Paris: Maison des sciences de l’Homme.
- Pressman, J. L. et Wildavsky, A. B. (1973). Implementation: how great expectations in Washington are dashed in Oakland: or, Why it’s amazing that Federal programs work at all, this being a saga of the Economic Development Administration as told by two sympathetic observers who seek to build morals on a foundation of ruined hopes. Berkeley: University of California Press.
- Ruhlman, M. A. (2015). Who participates in global governance: states, bureaucracies, and NGOs in the United Nations. London; New York, NY: Routledge.
- Sanchez Salgado, R. (2011). La société civile européenne: les usages d’une fiction. Raisons politiques, 44(4), 201. https://doi.org/10.3917/rai.044.0201
- Schade-Poulsen, M. (2017). The making of Euro-med Rights the euro-méditerranean human rights network. In Abdelaziz Bennani. L’éclaireur (La Croisée des chemins). Casablanca.
- Siméant, J. (2001). Urgence et développement, professionnalisation et militantisme dans l’humanitaire. Mots, 65(1), 28. https://doi.org/10.3406/mots.2001.2485
- van Hüllen, V. (2009). Transnationalising Euro-Mediterranean Relations. The Euro-Mediterranean Human Rights Network as an Intermediary Actor. In I. Schäfer & J.-R. Henry (Éd.), Mediterranean policies from above and below (1. Aufl, p. 390-411). Baden-Baden: Nomos.
- Visier, C. (1999). L’«Euro-Méditerranée» ou l’invention d’une cohabitation culturelle entre l’Europe et son Sud. Hermès, 1(23-24), 205.
- Visier, C. (2003). À la recherche de la « société civile internationale »: le cas de la coopération non gouvernementale en Méditerranée. Politiques et management public, 21(2), 165. https://doi.org/10.3406/pomap.2003.2799
- Visier, C. (2013). Les politiques européennes de soutien à la « société civile » en Turquie. L’incarnation d’une forme d’action publique. In M. Aymes, B. Gourisse, & É. Massicard (Éd.), L’art de l’État en Turquie: arrangements de l’action publique de la fin de l’Empire ottoman à nos jours (p. 223-257). Paris: Éditions Karthala.
- Weisbein, J. (2003). Sociogenèse de la « société civile européenne ». Raisons politiques, 10(2), 125. https://doi.org/10.3917/rai.010.0125