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ChroniquesIntervention éducative

La multitâche cognitive[Notice]

  • Rachel Sarr

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  • Rachel Sarr
    CUFR de Mayotte (France)

La confrontation entre les neuromythes proliférant à grande vitesse au point de devenir un objet d’étude à part entière (Pasquinelli, 2012 ; Howard-Jones, 2014, cité dans Sander et al., 2018) et les données de la recherche scientifique actuelle nous amène, ici, à réfléchir sur l’une des thématiques majeures dans l’ergonomie cognitive ou la psychologie du travail : l’attention divisée (Lieury, 2012). Cela concerne la gestion malaisée de la multitâche (multitasking) ou de la double tâche évoquée sous le terme de « goulot ou goulet d’étranglement » (Sarr, 2019, p. 146) identifié par Pashler (1984). Certes, avec sa théorie du filtre en 1958, Broadbent a pu montrer, en utilisant la technique de l’écoute dichotique (un son différent dans chacune des oreilles), la capacité d’entendre et de comprendre de manière simultanée une série de sons à condition qu’ils soient simples (Jarret et al., 2011). Mais dès lors que les signaux deviennent complexes, le travail du « filtre » intervient pour ne retenir que les informations pertinentes. Toutefois, on peut évoquer une exception à la règle : le cas particulier de l’expert qui, à force d’entraînement, peut faire deux choses à la fois (Hirst, et al., 1980, cité dans Lachaux, 2011, p. 327) : « Dans bien des cas, ces personnes ne font pas réellement deux choses à la fois, soit parce que les deux “choses” en question n’en font en réalité qu’une, comme dans le cas du jongleur, soit parce que l’une d’entre elles est une activité complètement automatisée, qui peut être menée sans y faire attention. […] l’expert a tendance à porter son attention à un niveau plus global que le novice. […] ce qui est “deux” pour le novice n’est en fait souvent qu’“un” pour l’expert. […] Par ailleurs, le cerveau finit aussi à force de répétition par automatiser certaines tâches au point de pouvoir les réaliser avec très peu d’attention. Depuis les travaux menés par les psychologues Walter Schneider et Richard Shiffrin dans les années 1970, nous savons que le cerveau peut alors rediriger son attention vers une seconde tâche, sans baisse de performance pour la tâche automatisée. » Mis à part cette situation particulière, fruit d’un apprentissage relativement long, rares sont les individus qui font deux choses à la fois ; l’attention bascule simplement d’une tâche à l’autre (Lachaux, ibid). C’est bien ce qui se passe dans la triple tâche communiquer-écrire-cuisiner donnée en exemple par Pasquinelli (2015) : l’absence d’automatisation dans chacune des trois actions exige du cerveau qu’il « jongle », en mettant une tâche en attente pendant qu’il se focalise sur l’autre. Bien entendu, comme le mentionne l’auteur, ce travail sollicite fortement l’attention et la mémoire, notamment la mémoire à court terme. Ainsi, la gestion simultanée de tâches devenant peu efficace, voire impossible, malgré l’illusion souvent entretenue avec cette croyance, le phénomène attentionnel agit comme un goulet d’étranglement. À ce sujet, Lieury (2012) mentionne plusieurs expériences permettant de mieux comprendre les retombées néfastes de l’attention partagée dans la vie quotidienne. Sur le plan des apprentissages, l’étude de Boujon et de ses collègues (n-d, cité dans Boujon et Quaireau, 1997) rapportée par Lieury (2012) vient confirmer une fois de plus une réduction notable du rendement. Des élèves de CM2 doivent lire une histoire dans une condition d’attention sélective en lecture silencieuse et dans trois autres conditions d’attention partagée : un groupe entend de la musique classique durant la lecture, un autre entend le vidéo-clip sans le voir et le dernier voit le vidéo-clip à la télévision. Les résultats sur le déclin du score en lecture sont effarants. Si la musique classique n’affecte pas la réussite, …

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