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La « Nouvelle Hanse » de Björn Engholm a-t-elle vraiment été un échec ?[Notice]

  • Nicolas Escach

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  • Nicolas Escach
    Centre interdisciplinaire d’études et de recherches sur l’Allemagne, École normale supérieure de Lyon
    nicoescach@hotmail.com

Les années 1980 et 1990 ont été des années d’intense maturation en matière de reconstruction d’une unité baltique tant par les chercheurs que par les politiques. Alors que de nombreuses villes des espaces riverains s’étaient associées dans le cadre de jumelages dès 1975 et que la « Convention d’Helsinki pour la protection de la mer Baltique » avait été signée dès 1974, Björn Engholm, président du Land Schleswig-Holstein, futur président du SPD et futur candidat au poste de chancelier lance l’idée à Kiel en 1988 d’une « Nouvelle Hanse », faisant ainsi référence à une période historique glorieuse au cours de laquelle les comptoirs de la Baltique avaient activement coopéré pour sécuriser les approvisionnements maritimes et lutter contre la piraterie. Un retour du mythe de la Hanse aurait, selon lui, après plusieurs années de division au sein de l’Europe, une visée mobilisatrice tant les mémoires hanséatiques pourraient constituer une part indispensable à l’accomplissement des projets européens. Les villes de la Baltique semblent donc avoir redécouvert, en partie grâce à lui, depuis une trentaine d’années, l’héritage matériel et immatériel de la Hanse du Moyen Âge, qu’elles ont tenté d’ériger en ressource afin de fonder des réseaux économiques, politiques, institutionnels. Ces réseaux de villes, au coeur d’une gouvernance européenne de plus en plus multi-scalaire et multi-niveau, sont une manière de dépasser les frontières étatiques et les ferveurs nationalistes, constituant des espaces de coopération transnationaux fondés sur une prétendue identité hanséatique régionale. Pourtant, malgré ces nombreux apports, le personnage et son projet ont été, depuis son retrait politique en 1994, fortement critiqués à tel point que Rainer Burchart et Werner Knobbe, deux journalistes allemands, ont choisi comme titre pour leur biographie de Björn Engholm, Récit d’un espoir déçu. Accusé de nationalisme et de réactivation d’idées nazies, lâché par son camp politique le Ministre-Président a dû répondre de son action politique. La « Nouvelle Hanse », critiquée par plusieurs gouvernements et intellectuels des espaces riverains de la Baltique a-t-elle rassemblée ou divisée la région dans son ensemble ? Au-delà du concept en lui-même, il semble que le parcours, les idées et les actions de Björn Engholm aient permis d’esquisser théoriquement l’émergence d’une région baltique qui s’est développée en pratique par la suite. Les définitions de la région et donc du processus de régionalisation peuvent varier : nombre limité d’États liés par une relation géographique et par un degré d’interdépendance mutuelle pour le géopoliticien Joseph Nye, unité d’aspects géographiques, politiques, économiques ou culturels et/ou une identité régionale qui sont caractérisés par un certain degré d’homogénéité et/ou de fonctionnalité pour le professeur en sciences politiques de l’université de Iéna Helmut Hubel. Les années 1980 voient en effet le retour du concept de région permis par la fin d’un monde bipolaire. Or ces régions sont indéniablement construites par les politiques. Joseph Nye affirmait que les régions sont « ce que les politiciens et le peuple veulent qu’elles soient ». Marko Lehti, chercheur finlandais, va dans ce sens lorsqu’il définit la construction régionale comme un processus politique où images et truismes sont construits politiquement. Iver B. Neumann, spécialiste des relations internationales et géopoliticien ayant travaillé à l’Institut des affaires internationales de Norvège, s’inscrit donc dans cette lignée : « Les qualités spécifiques individuelles comme des particularités culturelles, économiques, géographiques et ou des événements historiques sont choisis consciencieusement pour imaginer sur leur base une identité temporelle et spatiale autour de l’unité ou de la communauté ». Les régions sont définies par des actes de langage politiques (speech acts) qui les font exister. Ce qui est présenté par les politiques comme pertinent culturellement est plus important que …

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