Résumés
Résumé
Comme toute oeuvre littéraire, celle de Marie Vieux-Chauvet porte les traces d’une mémoire littéraire plus ou moins lisible dont l’analyse permet de mieux cerner certains enjeux. Cet article s’intéresse aux « souvenirs » intertextuels des romans emblématiques Madame Bovary et L’amant de Lady Chatterley dans la première partie d’Amour, Colère et Folie (1968), qui ne propose pas une simple réécriture des scénarios de ces amours inavouables aujourd’hui classiques. Nous partons du postulat que cette « bibliothèque » sert avant tout à interroger le champ des possibles, du dicible et de l’indicible des fantasmes féminins, et à explorer les « moeurs de province » haïtiennes, où le désir se heurte à un discours social beaucoup plus contraignant que ceux qu’affrontèrent les deux héroïnes légendaires. Il s’avère que la stratégie narrative du journal intime fictif, de longue mémoire littéraire, est, chez Vieux-Chauvet, habilement employée pour mettre en question la crédibilité des propos de la narratrice. Face à tant de fiction dans la fiction, les lectrices et les lecteurs ne sont-ils pas amenés à se demander si, même dans l’intimité de son journal, le personnage de Claire ne construit pas aussi sa propre fiction destinée à cacher l’essentiel ?
Abstract
Like all literary works, Marie Vieux-Chauvet’s bears the traces of a more or less readable literary memory, the analysis of which helps us to better understand certain issues. This article looks at the intertextual “memories” of the emblematic novels Madame Bovary and Lady Chatterley’s Lover in the first part of Amour, Colère et Folie (1968), which does not propose a simple rewriting of the scenarios of these now-classic unmentionable loves. Our premise is that this “library” serves first and foremost to interrogate the realm of the possible, the speakable and the unspeakable in women’s fantasies, and to explore Haitian “provincial mores,” where desire comes up against a social discourse far more restrictive than those faced by the two legendary heroines. It turns out that Vieux-Chauvet’s narrative strategy of the fictitious diary, with its long literary memory, is skillfully employed to call into question the credibility of the narrator’s words. Faced with so much fiction within fiction, aren’t readers led to wonder whether, even in the intimacy of her diary, Claire’s character isn’t also constructing her own fiction designed to conceal the essential?