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Introduction

Une vaste littérature porte sur l’acquisition bilingue du langage, soit l’acquisition de plus d’une langue, documentant l’influence de différents critères, notamment l’âge d’introduction de la deuxième langue, le pourcentage d’exposition dans chacune des langues ou, encore, le statut de langue majoritaire ou minoritaire des langues acquises (Elin Thordardottir[1], 2014; Mayer-Crittenden et al., 2014; Unsworth, 2016). Bien que certains avantages, en plus de la capacité à communiquer dans plus d’une langue, puissent être associés au bilinguisme, des trajectoires développementales différentes dans chacune des langues, parfois retardées comparativement à celles des enfants unilingues, sont aussi documentées (pour une revue de littérature, voir Paradis et al., 2021). Ainsi, lorsqu’une seule langue est considérée, l’identification d’un trouble développemental du langage (TDL) chez les enfants bilingues est particulièrement complexe (Bedore et Peña, 2008; Elin Thordardottir, 2015a; Genesee, 2015; Paradis et al., 2014). En effet, la manifestation principale d’un TDL est une acquisition plus lente du langage en l’absence de conditions médicales pouvant l’expliquer, par exemple un traumatisme crânien, une trisomie 21 ou une déficience intellectuelle (Bishop et al., 2017). Or, pour offrir les services pertinents aux enfants bilingues, il faut interpréter adéquatement leur performance lors des évaluations (Nader, 2022).

Pour l’ensemble des orthophonistes, incluant celles et ceux oeuvrant en milieu scolaire, il est donc important de mieux comprendre l’effet du bilinguisme sur la performance aux tests d’évaluation et de dépistage du langage. Lors de l’utilisation d’un test de dépistage, le niveau de risque qu’une personne présente un trouble est identifié; ainsi, en cas d’échec (une performance sous le point de repère), une évaluation plus approfondie devrait être effectuée par l’orthophoniste. Le choix du point de repère d’un outil de dépistage vise à en maximiser la sensibilité, c’est-à-dire l’identification correcte de la présence du trouble (Cohen et al., 2016). Une spécificité adéquate, soit l’identification correcte de l’absence du trouble, doit toutefois être maintenue pour éviter d’inquiéter les parents inutilement, et pour éviter les pertes de temps et de ressources en effectuant une évaluation inutile (Jullien, 2021). Il est par ailleurs recommandé d’identifier la sensibilité et la spécificité de chaque test de manière empirique (Elin Thordardottir et al., 2011).

L’objectif général de la présente étude est d’explorer différentes façons de prendre en compte le bilinguisme lors de l’utilisation d’un nouveau questionnaire de dépistage des difficultés langagières, le Milestones en français du Québec (MilBec) (Paul, M. et Elin Thordardottir, 2010). Le MilBec, un questionnaire à l’intention des parents d’enfants âgés entre 12 et 71 mois, est une adaptation du questionnaire aux parents de Luinge et al. (2006). L’adaptation des 26 items du questionnaire néerlandais a été effectuée en plusieurs étapes, dont les principales sont la traduction et l’analyse des items originaux, l’ajout de 3 items spécifiques au français, l’utilisation du questionnaire dans une étude pilote, la révision de certains items et l’ajout de 10 items. La version finale du MilBec comporte 39 items portant sur 7 domaines différents du langage, pour les volets expressif et réceptif. Cette version a ensuite été utilisée dans une étude exploratoire auprès de 85 enfants âgés de 12 à 71 mois. Les résultats principaux obtenus montrent une très forte relation entre le score obtenu et l’âge pour les enfants entre 12 et 39 mois (r = 0,92) et une forte relation entre 40 et 71 mois (r = 0,60), une très forte cohérence interne selon l’alpha de Cronbach (α = 0,967) et un début d’effet plafond chez les enfants de 5 ans (pour plus de détails, voir Paul, M. et Elin Thordardottir, 2019).

La prise en compte du bilinguisme lors des évaluations orthophoniques

L’orthophoniste possédant davantage de connaissances sur le bilinguisme va distinguer avec plus de précision les différences langagières associées au bilinguisme des difficultés causées par un trouble de langage (Levey et Sola, 2013). Bien que davantage de formation à ce sujet soit demandée par les orthophonistes (Mayer-Crittenden et al., 2024), différentes stratégies pour diminuer les risques d’une sur- ou sous-identification des enfants bilingues présentant un TDL peuvent être mises en place (Bedore et Peña, 2008; Freeman et Schroeder, 2022). Lorsque cela est possible, l’enfant devrait être évalué dans ses deux langues, puisqu’un TDL se manifestera dans toutes ses langues (Elin Thordardottir, 2014; Freeman et Schroeder, 2022; Paradis et al., 2021), même si les manifestations peuvent différer d’une langue à l’autre (Elin Thordardottir, 2015b; Leonard, 2014). L’utilisation de tâches d’évaluation dynamique pour évaluer la vitesse ou les stratégies d’apprentissage, plutôt que les connaissances elles-mêmes, devrait aussi être favorisée (Hunt et al., 2022; Orellana et al., 2019). Si un test normé est utilisé, les attentes concernant la performance des enfants bilingues selon leur niveau d’exposition à la langue, en fonction du domaine langagier et du volet évalué (réceptif ou expressif), devraient être adaptées. En effet, alors qu’un point de repère de -1 écart-type (ET) est généralement recommandé pour les enfants francophones unilingues (Elin Thordardottir et al., 2011), il est proposé d’utiliser des points de repère entre -1,25 ET et -2 ET pour un enfant bilingue, selon son historique d’exposition au français (Elin Thordardottir, 2011, 2015b). Au moment de l’interprétation du résultat obtenu, un score sous le point de repère adapté serait associé à un TDL; une performance supérieure au point de repère adapté, mais inférieur au point de repère habituel, serait quant à elle associée à la plus basse exposition à la langue reliée au contexte de bilinguisme.

L’effet d’une exposition réduite à la langue en raison du bilinguisme est variable selon les domaines du langage évalués (Elin Thordardottir, 2011, 2015a; Genesee, 2015; Paradis et Kirova, 2014). Par exemple, en français, Elin Thordardottir et Brandeker (2013) ont montré que le niveau d’exposition à la langue influence grandement le niveau de vocabulaire réceptif, mais a une influence moindre pour la répétition de phrases (une tâche s’appuyant davantage sur la mémoire verbale, une habileté cognitive) et a très peu d’influence pour la répétition de non-mots. Par contre, la méta-analyse effectuée par Schwob et al. (2021) montre que l’effet du bilinguisme peut aussi varier pour cette tâche selon le test de répétition de non-mots utilisé. Par ailleurs, l’effet de la quantité d’exposition à la langue sur la performance a été examiné dans une série d’études présentées dans Elin Thordardottir (2014) portant sur des enfants de 3 à 5 ans vivant à Montréal (Canada). Dans ces études, l’exposition à chacune des langues a été définie comme le pourcentage cumulatif du temps que l’enfant a passé depuis la naissance avec des locuteurs de chacune de ces langues. Cinq sous-groupes ont été formés selon les pourcentages d’exposition : unilingues francophones, bilingues français-anglais (exposition au français supérieure à 60 %), bilingues équilibrés (exposition entre 40 % et 60 % en anglais et en français), bilingues anglais-français (exposition au français inférieure à 40 %) et unilingues anglophones. Les résultats obtenus à 3 ans et à 5 ans indiquent que le développement du vocabulaire dans une langue est fortement lié au degré d’exposition dans cette langue. À 5 ans, les enfants bilingues équilibrés performent de manière globalement similaire aux enfants unilingues pour le vocabulaire réceptif, mais une exposition d’environ 60 % semble requise pour atteindre ce niveau pour le vocabulaire expressif. Ces résultats indiquent qu’il est important d’examiner dans quelle mesure la performance des enfants bilingues au développement typique (DT) diffère de celle des enfants unilingues avec ou sans TDL aux différents tests d’évaluation du langage, mais aussi selon leur degré d’exposition au français.

La présente étude

La présente étude vise à explorer l’influence sur la performance au MilBec de deux types de modifications pour tenir compte de la baisse d’exposition à la langue en raison du bilinguisme : 1) la prise en compte des domaines langagiers et 2) l’adaptation des points de repère selon le degré d’exposition à la langue. Pour ce faire, une première phase est effectuée pour analyser les items du MilBec afin de les séparer en deux sous-échelles : l’une regroupant les éléments spécifiques à la langue française qui devraient être particulièrement affectés par une exposition réduite au français (sous-échelle LF), et l’autre regroupant les items portant sur des habiletés langagières plus générales, pour lesquels un effet moindre est attendu (sous-échelle HG). La deuxième phase est exploratoire et vise à comparer la performance d’enfants unilingues et bilingues à ces deux sous-échelles pour déterminer si, et le cas échéant dans quelle mesure, les points de repère à utiliser pour chacune des sous-échelles devraient être adaptés pour les enfants bilingues selon leur niveau d’exposition au français.

Phase 1 : Classification des items du MilBec

Le classement des items du MilBec dans l’une ou l’autre des sous-échelles a été effectué sur la base d’une revue de littérature visant à identifier l’effet du bilinguisme sur le domaine langagier ciblé par chaque item.

La sous-échelle visant les habiletés spécifiques au français

La sous-échelle portant sur les éléments spécifiques à la langue française, particulièrement affectés par la diminution d’exposition associée au bilinguisme, comprend les items des domaines langagiers du vocabulaire et de la syntaxe. En effet, sur le plan du vocabulaire, la performance des personnes bilingues est inférieure à celle des personnes unilingues si une seule de leur langue est considérée (Bialystok et al., 2010; Elin Thordardottir, 2011; Paradis et al., 2021; Uccelli et Páez, 2007). Par exemple, Elin Thordardottir et al. (2006) ont documenté les habiletés langagières d’enfants de 2 ans et bilingues français-anglais exposés à chacune de leurs langues de manière équivalente. Les résultats montrent que, comparativement à leurs pairs unilingues anglophones ou francophones du même âge, leur performance dans chacune de leurs langues est inférieure pour le vocabulaire et la syntaxe, tant pour le volet réceptif qu’expressif. Des résultats similaires ont été obtenus pour les enfants d’âge préscolaire par Bornstein et al. (2004) concernant la composition du vocabulaire et par Elin Thordardottir (2015a) pour la longueur moyenne des énoncés et la morphologie grammaticale.

Concernant leur développement grammatical, Elin Thordardottir (2015a) rapporte que si la longueur moyenne des énoncés, une mesure très générale, n’est pas affectée outre mesure par le bilinguisme, un effet est observé pour la diversité et la précision des éléments morphologiques utilisés. Notamment, lorsqu’un enfant bilingue reçoit une exposition moindre dans l’une des deux langues, les habiletés grammaticales dans la langue avec une exposition réduite sont similaires aux habiletés des enfants présentant un TDL; par contre, la performance dans la langue avec une plus grande exposition est comparable à celle des enfants unilingues au DT. Pour les enfants ayant une exposition équilibrée (entre 40 % et 60 %), la performance est similaire aux enfants unilingues dans chacune des langues. Par ailleurs, les trajectoires d’acquisition (l’utilisation correcte et les erreurs observées) sont distinctes pour chacune des langues de l’enfant bilingue, leur développement étant cohérent avec ce qui est observé chez les enfants unilingues de la langue évaluée (Elin Thordardottir, 2015a). En effet, la performance des enfants unilingues peut varier, notamment sur le plan de la longueur moyenne des énoncés et du nombre de mots connus, selon la langue parlée (Elin Thordardottir et al., 2005). Des résultats similaires ont aussi été rapportés pour différents éléments morphosyntaxiques dans une série d’études de Paradis et al. (2014) auprès d’enfants unilingues et bilingues âgés de 4 ans ou de 6 ans.

Ces résultats soutiennent donc la relation étroite entre le développement du vocabulaire et de la syntaxe/morphosyntaxe avec le niveau d’exposition à la langue, particulièrement lorsque le niveau d’exposition est bas, d’où le classement de ces domaines dans la sous-échelle LF.

La sous-échelle portant sur les habiletés langagières plus générales

Les autres domaines langagiers inclus dans le MilBec sont beaucoup moins influencés par le bilinguisme, et les items les ciblant ont été classés dans la sous-échelle HG. Ces domaines incluent les habiletés narratives sur le plan de la macrostructure (c.-à-d. la structure narrative ou la grammaire de l’histoire), l’articulation/la phonologie, les habiletés métalinguistiques et la prélittéracie.

Les habiletés narratives en macrostructure peuvent être évaluées à partir de l’âge de 3-4 ans (Paul, M. et al., 2025; Paul, R. et Norbury, 2012) et sont des habiletés peu affectées par le bilinguisme (Andreou et Lemoni, 2020). Par exemple, Hipfner-Boucher et al. (2015) ont conduit une étude portant sur une tâche de rappel d’histoire auprès d’enfants bilingues simultanés de 4 et 5 ans fréquentant une école anglophone, mais étant exposés principalement à la maison à l’anglais ou à une langue minoritaire. Les auteurs ont conclu que la grammaire de l’histoire des deux groupes d’enfants bilingues était similaire à celle des enfants unilingues. Des résultats similaires sont aussi rapportés dans Paradis et Kirova (2014). Finalement, dans leur étude portant sur des enfants fréquentant une maternelle francophone, alors qu’ils avaient été peu exposés au français avant l’entrée à l’école, MacLeod et Pesco (2023) ont souligné que les habiletés narratives sur le plan de la macrostructure se développaient rapidement en quelques mois, plusieurs éléments étant par ailleurs déjà présents en début d’année scolaire.

L’articulation/la phonologie et les habiletés métalinguistiques sont aussi considérées comme relativement peu affectées par une baisse d’exposition à la langue associée au bilinguisme, avec une certaine relation entre le développement des langues acquises. Par exemple, Schmitt et al. (2015) ont examiné diverses habiletés langagières auprès d’enfants bilingues de 5 à 7 ans dont l’exposition au français était entre 7 % et 81 %. Sur le plan de la phonologie et de la métaphonologie, la performance des enfants bilingues était similaire à celle des enfants unilingues. Rvachew et al. (2013) ont aussi conclu que les habiletés articulatoires des enfants francophones unilingues ou bilingues fréquentant la maternelle et la 1re année étaient de niveaux similaires lorsqu’on les évaluait par une tâche d’élicitation de mots. Hambly et al. (2013) rapportent par ailleurs que l’acquisition des sons des enfants bilingues et unilingues en maternelle présente un certain niveau d’interaction entre les langues. Par contre, des différences de performance ont été identifiées pour les sons acquis plus tardivement (Ruiz-Felter et al., 2016), et les erreurs effectuées peuvent différer de celles des enfants unilingues (Hambly et al., 2013; Rvachew et al., 2013). Finalement, Chiang et Rvachew (2007) ont montré que le niveau d’habileté métaphonologique en anglais des enfants anglophones apprenant le français était le meilleur prédicteur du niveau d’habileté métaphonologique en français.

Les habiletés liées à la connaissance de l’écrit, une habileté de prélittératie associée à la compétence future en lecture, incluent divers aspects : l’intérêt envers l’écrit, la forme de l’écrit (incluant la connaissance des lettres, des mots, de l’organisation et de la directionnalité de l’écriture), les relations graphophonémiques (notamment la connaissance de l’alphabet) et les fonctions de l’écriture (Justice et Ezrel, 2004). Les résultats de Dickinson et al. (2004) indiquent que les enfants bilingues d’âge préscolaire performent de manière très similaire dans leurs deux langues à un test évaluant différents éléments de la connaissance de l’écrit. De plus, dans leur étude sur les enfants bilingues anglais-français fréquentant une école francophone, Chung et al. (2021) ont conclu que les connaissances de l’écrit en maternelle en anglais et en français étaient toutes deux des prédicteurs significatifs des habiletés en lecture de mots en français en première année.

Finalement, les items portant sur les aspects plus généraux sur le plan de la communication, soit l’utilisation des gestes et les fonctions communicationnelles de l’utilisation du langage, ainsi que le jugement global de normalité, ont aussi été classés dans la sous-échelle HG, étant jugés comme non associés à une langue en particulier.

Sur la base de cette revue de littérature, les 39 items du MilBec ont été classés dans les deux sous-échelles. La sous-échelle LF comporte les 21 items portant sur les domaines particulièrement affectés par l’exposition à la langue. Il y a 10 items ciblant le vocabulaire, 7 items pour le vocabulaire et la syntaxe, et 4 items ciblant uniquement la syntaxe. De son côté, la sous-échelle HG comporte les 18 items portant sur les domaines moins affectés par une baisse d’exposition à la langue. Il y a 3 items ciblant la macrostructure narrative, 5 la phonologie, 3 la métalinguistique, 3 la prélittératie et 4 la communication (voir l’Annexe 1).

Phase 2 : étude exploratoire

La deuxième phase du projet est une étude quantitative exploratoire pour déterminer si l’analyse du profil de performance aux deux sous-échelles des enfants bilingues au DT, selon leur niveau d’exposition au français, se distingue de celle des enfants unilingues au DT ou présentant un TDL. Sachant que les enfants présentant un TDL présentent des atteintes variables dans plusieurs domaines du langage (Bishop et al., 2017; Weiss et Paul, R., 2010), tant ceux inclus dans la sous-échelle LF (Elin Thordardottir et al., 2011; Elin Thordardottir et Namazi, 2007; Piérart, 2014) que ceux de la sous-échelle HG (Andreou et Lemoni, 2020; Boudreau et Hedberg, 1999; Hilaire-Debove et Kern, 2013; Maillart et Parisse, 2006; Piérart, 2014; Schwartz, 2009; Thal et Tobias, 1992; Wray et al., 2016; Zourou et al., 2010), les hypothèses de l’étude sont les suivantes :

  1. La performance aux deux sous-échelles du MilBec des enfants bilingues avec une haute exposition au français (groupe BIL-haut) sera similaire à celle des enfants unilingues francophones au DT (groupe DT-uni), avec la grande majorité des enfants présentant une performance au-dessus du point de repère.

  2. Uniquement la performance à la sous-échelle LF des enfants bilingues avec une basse exposition au français (groupe BIL-bas) sera plus faible que celle des enfants du groupe DT-uni, avec un certain nombre d’enfants présentant un score sous le point de repère. Selon la performance obtenue, la plus-value d’utiliser un point de repère adapté sera évaluée.

  3. La performance des enfants unilingues présentant un TDL (groupe TDL-uni) sera plus faible que celle du groupe DT-uni : une grande majorité des enfants du groupe TDL-uni obtiendra un score sous le point de repère, et ce, pour les deux sous-échelles.

MÉTHODE

Les personnes participantes

Les 120 enfants qui ont participé à l’étude ont entre 12 et 71 mois et sont séparés en 4 groupes : TDL-uni, DT-uni, BIL-Haut et BIL-bas. Le groupe TDL-uni inclut 15 enfants unilingues francophones entre 36 et 71 mois présentant un TDL modéré à sévère, ou un retard sévère, identifié lors d’une évaluation antérieure par une personne membre de l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec. Les enfants de ce groupe ont été principalement recrutés au centre de réadaptation Institut Raymond-Dewar, Montréal, pour une étude portant sur la précision diagnostique du MilBec (pour une description détaillée, voir Paul, M. 2017). Le groupe DT-uni, le groupe de référence auquel les autres groupes sont comparés, est composé des 85 enfants (n = 17 par tranches de 12 mois); ce sont les mêmes participants que ceux de l’étude exploratoire mentionnée plus haut (pour une description détaillée, voir Paul, M. et Elin Thordardottir, 2019). De leur côté, les deux groupes d’enfants bilingues au DT incluent des enfants parlant français et une autre langue, avec différents niveaux d’exposition cumulative depuis la naissance au français. Le groupe BIL-haut regroupe les enfants avec une exposition cumulative en français entre 55 % et 95 % (n = 12) et le groupe BIL-bas ceux avec une exposition entre 5 % et 54,9 % (n = 8). Le recrutement des participants au DT a été effectué par la diffusion d’une invitation à participer à un projet de recherche sur la validation d’un questionnaire aux parents dans des garderies, des centres sportifs et des écoles, ou par réseaux de contacts. Pour qu’un enfant soit considéré comme présentant un DT, les parents ne devaient pas avoir d’inquiétudes concernant son développement langagier, cognitif ou auditif. Les projets liés à la collecte de données ont été approuvés par le comité d’éthique de la recherche des établissements du Centre de recherche interdisciplinaire en réadaptation du Montréal métropolitain (CRIR-674-0112) et l’Institutional Review Board de la faculté de médecine de l’Université McGill (A05-E19-08B). Les données sociodémographiques (âge, éducation maternelle et pourcentage d’exposition au français) ont été collectées à l’aide d’un questionnaire rempli par un des parents (voir le Tableau 1).

Tableau 1

Caractéristiques des participants, incluant la moyenne (l’écart-type) et l’étendue

Caractéristiques des participants, incluant la moyenne (l’écart-type) et l’étendue

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Une analyse ANOVA montre que les groupes diffèrent sur le plan de l’éducation maternelle (< 0,001) et l’exposition au français (< 0,001). L’analyse posthoc Games-Howell indique que le groupe TDL-uni diffère significativement du groupe DT-uni (< 0,001) et du groupe BIL-haut (p = 0,007), avec un niveau d’éducation plus bas. Les groupes BIL-haut et BIL-bas diffèrent significativement l’un de l’autre (= 0,002), et avec les groupes TDL-uni et DT-uni (< 0,001).

Procédure

Les parents des participants devaient remplir le MilBec et le questionnaire sociodémographique (sondage en ligne créé avec LimeSurvey ou version papier). Les participants du groupe TDL-uni et certains participants du groupe DT-uni faisaient partie d’une étude de validité dans laquelle différents tests du langage étaient proposés aux enfants, et dont les résultats sont rapportés par Paul, M. (2016). Pour les participants bilingues, un questionnaire d’exposition à la langue (voir Elin Thordardottir et al., 2006 pour une description détaillée) a permis d’établir pour chaque enfant le niveau d’exposition relative à chacune des langues depuis la naissance. Pour chacun des items du MilBec, le parent devait juger si l’énoncé est vrai pour leur enfant en répondant « Oui », « Il me semble », « Je ne crois pas » ou « Non ». La cotation s’effectue en attribuant un point seulement aux réponses « Oui » et « Il me semble ». Le sous-total obtenu à chacune des deux sous-échelles a ensuite été déterminé. Les analyses statistiques, détaillées dans la section suivante, ont été effectuées dans la version 23 francophone de l’IBM Statistic SPSS.

Analyses

Afin d’identifier à partir de quel score une performance est jugée inférieure aux attentes pour l’âge, pour chacune des sous-échelles, un point de repère basé sur la performance des groupes DT-uni et la précision diagnostique a été déterminé. La même procédure que celle proposée dans Paul, M. et Elin Thordardottir (2018) pour le score total a été utilisée. D’abord, pour identifier la performance moyenne attendue en fonction de l’âge en mois, deux régressions linéaires ont été effectuées par sous-échelle (l’une pour les 41 mois et moins, et l’autre pour les 42 mois et plus), car les données sont non linéaires si elles sont traitées comme issues d’un seul groupe (voir la Figure 1).

Ensuite, pour identifier de manière empirique le meilleur point de repère à utiliser, chacune des lignes de régression a été abaissée pour tenir compte de l’écart-type (ET), d’abord à -1 ET, puis à -1,5 ET. Comme les participants varient grandement en âge (entre 12 et 71 mois) et la présence d’une relation entre le score et l’âge, l’utilisation des écarts-types calculés sur l’ensemble des participants n’aurait pas été représentative de la variabilité de la performance à un âge donné. Ainsi, pour identifier l’écart-type à utiliser, des sous-groupes de 6 mois d’intervalles ont été créés, afin de calculer les écarts-types pour chacun d’eux. C’est la moyenne de ces écarts-types qui a été utilisée pour abaisser la ligne de régression. Plus spécifiquement, pour les enfants de 41 mois et moins, les écarts-types des 5 sous-groupes de 6 mois d’intervalles ont été utilisés; la moyenne obtenue correspond à 2,26 points pour la sous-échelle LF et à 2,43 points pour la sous-échelle HG. Pour les enfants de 42 mois et plus, étant donné la présence d’un effet plafond à partir de 54 mois, seulement les deux sous-groupes d’enfants entre 42 et 53 mois ont été considérés pour déterminer la moyenne des écarts-types, qui correspond à 1,13 point pour la sous-échelle LF et de 2,71 points pour la sous-échelle HG. Pour chacune des sous-échelles, le meilleur des deux points de repère a été sélectionné pour maximiser la sensibilité tout en maintenant une spécificité adéquate pour les enfants unilingues. Le point de repère à -1 ET a été sélectionné pour la sous-échelle LF et celui à -1,5 ET pour la sous-échelle HG (voir la Figure 1). Finalement, pour confirmer si la prise en compte de l’âge dans l’identification du point de repère est adéquate, le nombre d’enfants unilingues au DT échouant aux deux sous-échelles a été identifié pour chacun des deux groupes créés pour tenir compte de la non-linéarité des données. La comparaison entre ces deux sous-groupes d’âge indique une différence non statistiquement significative (χ2(1) = 0,668, p = 0,414 pour la sous-échelle LF et χ2(1) = 0,605, p = 0,437 pour la sous-échelle HG). Étant donné l’absence de différence, il a été décidé de combiner les deux groupes d’âge pour les analyses subséquentes.

En utilisant les points de repère ainsi déterminés, le nombre d’enfants ayant échoué à l’une ou l’autre des sous-échelles a été identifié pour les quatre groupes de participants. Des tests de chi-carré ont été effectués pour comparer la proportion d’échecs des groupes avec le pourcentage du groupe DT-uni, le groupe de comparaison. La sensibilité du MilBec pour les enfants TDL-uni et la spécificité pour les enfants bilingues ont aussi été déterminées, en considérant comme critère l’échec aux deux sous-échelles.

RÉSULTATS

La performance de chacun des enfants à chacune des sous-échelles en fonction de leur âge en mois est présentée aux Figures 1 et 2, où les lignes indiquant les points de repère sélectionnés sont aussi indiquées. L’inspection visuelle de la Figure 1, portant sur la sous-échelle LF, indique que la distribution des scores des enfants bilingues au DT est similaire à celle des enfants unilingues au DT, bien que les scores les plus bas soient observés chez des enfants bilingues. Les enfants du groupe TDL-uni obtiennent globalement des scores beaucoup plus bas que le groupe DT-uni.

Figure 1

Sous-échelle portant sur les éléments spécifiques à la langue française (LF)

Sous-échelle portant sur les éléments spécifiques à la langue française (LF)

Note : Le nuage de points représente les scores obtenus en fonction de l’âge en mois pour les participants des quatre groupes : enfants bilingues au développement typique avec une haute exposition au français (groupe BIL-haut) ou une basse exposition (BIL-bas), enfants unilingues francophones présentant un développement typique (DT-uni) ou un trouble développemental du langage (TDL-uni). Les lignes pointillées représentent les points de repère sous lesquels un score était considéré comme un échec, et qui correspondent à -1 écart-type sous les lignes de régression du groupe DT-uni.

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Pour la sous-échelle HG, présentée à la Figure 2, une plus grande variabilité dans la performance est observée pour tous les groupes. De plus, certains participants du groupe TDL-uni performent à un niveau similaire à celui des participants au DT, bien que la majorité ait une performance beaucoup plus basse.

Figure 2

Sous-échelle portant sur les habiletés langagières plus générales (HG)

Sous-échelle portant sur les habiletés langagières plus générales (HG)

Note : Le nuage de points représente les scores obtenus en fonction de l’âge en mois pour les participants des quatre groupes : enfants bilingues au développement typique avec une haute exposition au français (groupe BIL-haut) ou une basse exposition (BIL-bas), enfants unilingues francophones présentant un développement typique (DT-uni) ou un trouble développemental du langage (TDL-uni). Les lignes pointillées représentent les points de repère sous lesquels un score était considéré comme un échec, et qui correspondent à -1,5 écart-type sous les lignes de régression du groupe DT-uni.

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Le nombre de participants par groupe ayant obtenu une performance sous le point de repère aux deux sous-échelles et à l’une ou l’autre des sous-échelles est présenté au Tableau 2. Des 85 participants du groupe DT-uni, 5 participants (5,9 %) ont obtenu un score sous le point de repère aux deux sous-échelles. Un participant a obtenu un score sous le point de repère pour la section LF uniquement, pour un total de six participants (7,1 %) échouant cette sous-échelle. Finalement, 3 participants ont échoué uniquement la sous-échelle HG, pour un total de 8 participants (9,4 %). Parmi les 12 participants du groupe BIL-haut, un participant (8,3 %) a obtenu un score sous le point de repère aux deux sous-échelles, 1 participant a échoué uniquement la sous-échelle LF, pour un total de 2 participants (16,7 %), et aucun participant n’a échoué uniquement la sous-échelle HG. Parmi les 8 participants du groupe BIL-bas, 2 participants ont obtenu un score sous le point de repère aux deux sous-échelles (25,0 %), aucun participant n’a échoué seulement l’une des deux sous-échelles. Pour les participants du groupe TDL-mono, 14 des 15 participants (93,3 %) ont échoué aux deux sous-échelles et ils ont tous échoué à la sous-échelle LF.

Tableau 2

Le pourcentage d’enfant ayant échoué aux deux sous-échelles, uniquement à celle portant sur les éléments spécifiques à la langue française ou à celle portant sur les habiletés langagières plus générales, pour chacun des groupes

Le pourcentage d’enfant ayant échoué aux deux sous-échelles, uniquement à celle portant sur les éléments spécifiques à la langue française ou à celle portant sur les habiletés langagières plus générales, pour chacun des groupes

Note : DT : développement typique; TDL : trouble développemental du langage; uni : unilingue; BIL : bilingue; haut : haute exposition au français; bas : basse exposition au français.

* : < 0,05, ** : < 0,001

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Les seules différences statistiquement significatives issues de la comparaison des proportions de participants bilingues ayant échoué avec le groupe de comparaison des enfants DT-uni sont observées pour le groupe BIL-bas pour la sous-échelle LF (p = 0,048) et l’échec aux deux sous-tests (p = 0,022). Dans les deux cas, une plus grande proportion d’enfants bilingues présentant un score sous le point de repère est observée. Pour les participants du groupe TDL-uni, des différences statistiquement significatives sont observées (p < 0,001), avec une plus grande proportion d’enfants du groupe TDL-uni obtenant une performance sous le point de repère pour les deux sous-échelles.

En utilisant comme critère d’identification de la présence d’un TDL l’échec aux deux sous-échelles, un seul participant unilingue présentant un TDL n’aurait pas été correctement identifié (sensibilité de 93,3 %) et un seul participant bilingue aurait été jugé à tort comme présentant un trouble (spécificité de 95 %, tous pourcentages d’exposition confondus).

Discussion

L’objectif de la présente étude était d’explorer deux méthodes pour prendre en compte l’effet du bilinguisme sur la performance au nouveau questionnaire aux parents Milestones en français du Québec (MilBec) (Paul, M. et Elin Thordardottir, 2010), qui vise le dépistage des difficultés langagières auprès des enfants francophones entre 12 et 71 mois. D’abord, les 39 items du questionnaire ont été séparés en une sous-échelle LF regroupant les items des domaines du langage particulièrement affectés par le niveau d’exposition au français, et une sous-échelle HG regroupant les items de domaines peu affectés par le bilinguisme.

Les hypothèses pour les enfants bilingues étaient que le groupe BIL-bas performerait moins bien à la sous-échelle LF, avec une performance globalement plus basse et un taux d’échec plus élevé, auquel cas l’utilisation d’un point de repère adapté pourrait être évaluée. Les résultats obtenus concordent en grande partie avec les hypothèses. En effet, pour les deux sous-échelles, l’analyse visuelle des données indique que l’ensemble des enfants bilingues ont obtenu des scores similaires au groupe DT-uni, même ceux du groupe BIL-bas. Malgré cette similitude, une proportion statistiquement significativement plus grande d’enfants du groupe BIL-bas seulement a échoué à la sous-échelle LF, comme attendu.

Les hypothèses pour le groupe TDL-uni étaient qu’ils performeraient moins bien, avec une majorité des enfants qui échoueraient aux deux sous-échelles. Comme attendu, tous les enfants présentant un TDL ont échoué la sous-échelle LF et un seul participant n’a pas échoué la sous-échelle HG. Cette haute proportion d’enfants présentant un TDL échouant au MilBec n’est pas surprenante, étant donné que les points de repère sélectionnés ont été choisis afin de maximiser l’identification correcte des enfants présentant un TDL. L’intérêt ici est que le profil de performance des enfants au DT bilingues, en utilisant ces points de repère, se distingue du profil de performance des enfants unilingues présentant un TDL. Les valeurs de sensibilité pour le groupe TDL-uni et de spécificité pour l’ensemble des enfants bilingues sont toutes deux supérieures à 90 %, ce qui correspond à une précision diagnostique adéquate (Plante et Vance, 1994). Par conséquent, la séparation des items du MilBec en deux sous-échelles pour considérer le profil de performance semble une avenue pertinente pour favoriser une bonne identification de l’absence ou de la présence d’un TDL pour les enfants bilingues d’âge préscolaire.

La performance globalement similaire pour les enfants bilingues au MilBec pourrait être liée au fait que les parents, n’ayant pas reçu explicitement l’instruction de répondre en considérant uniquement les habiletés langagières de leur enfant en français, aient répondu en tenant compte de l’ensemble de ses langues parlées. Ceci n’est pas problématique, car si l’enfant a un trouble du langage, cela se manifestera dans les deux langues (Freeman et Schroeder, 2022; Paradis et al., 2021). Il est aussi possible que la performance du groupe BIL-bas similaire à celle du groupe BIL-haut soit liée au pourcentage de 55 % utilisé pour séparer les enfants bilingues dans les groupes. Il est possible qu’un niveau d’exposition au français plus bas soit nécessaire avant que cela ait un effet sur la performance au MilBec. Des études additionnelles auprès d’un nombre élevé d’enfants avec une diversité d’exposition au français devront être effectuées pour confirmer si, à un certain pourcentage d’exposition, la performance à l’une ou l’autre des sous-échelles du MilBec est affectée. Le cas échéant, la pertinence d’ajuster les points de repère pourra être évaluée.

Un résultat inattendu concerne la plus haute variabilité dans la performance à la sous-échelle HG, pour tous les groupes. De plus, un sous-groupe d’enfants du groupe TDL-uni a performé d’une manière assez similaire aux enfants au DT. Ce résultat peut être simplement dû au profil de forces et faiblesses des enfants présentant un TDL, les manifestations du trouble pouvant être très variables. De plus, les items de cette sous-échelle couvrent un plus grand nombre de domaines langagiers incluant, notamment, les habiletés narratives dont l’évaluation n’est pas toujours associée à une sensibilité très élevée (ex. : Elin Thordardottir et al., 2011). Par ailleurs, la qualité de l’environnement littéraire familial et les habiletés attentionnelles sont proposées comme de meilleurs prédicteurs des habiletés en prélittératie que la présence d’un trouble (Cabell et al., 2010). Une analyse des items devrait être effectuée pour identifier si certains devraient être retirés, selon leur capacité discriminante pour identifier un TDL.

Différentes limites doivent être prises en considération lors de l’interprétation des résultats obtenus. Premièrement, le nombre de participants est petit, en particulier pour le groupe BIL-bas, ce qui limite la généralisabilité des résultats. Une grande variabilité est aussi observée sur le plan de l’âge et de la diversité linguistique des enfants bilingues (pourcentage d’exposition au français, le ou les autres langues parlées par l’enfant). Le fait que le jugement de normalité des enfants soit basé sur l’absence d’inquiétudes parentales est aussi une limite. L’identification du point de repère pour les sous-échelles en utilisant les participants de l’étude, présentant un trouble modéré à sévère ou un retard sévère, peut aussi avoir influencé les résultats. Pour réduire l’effet de cette limite, les données ont été présentées sous forme de nuage de points, permettant ainsi de visualiser l’effet qu’aurait eu l’utilisation de points de repère différents. Finalement, aucun groupe d’enfants bilingues présentant un TDL n’a été inclus dans l’étude. Lors d’études futures portant sur la précision diagnostique du MilBec, un nombre plus élevé d’enfants unilingues et bilingues présentant une atteinte du langage, de légère à sévère, devraient être inclus.

Conclusion

La disponibilité d’un outil validé est importante pour soutenir les orthophonistes travaillant auprès des enfants d’âge préscolaire dans l’identification des enfants à risque d’avoir un TDL. Le questionnaire de dépistage du MilBec, à remplir par les parents, est un outil d’évaluation du langage prometteur pour une utilisation dans ce contexte, tant chez les enfants unilingues que bilingues. Les résultats de cette étude exploratoire confirment la pertinence d’utiliser la stratégie visant à séparer en deux sous-échelles les items du MilBec selon l’effet attendu d’une réduction de l’exposition au français sur l’acquisition. Par contre, des études additionnelles auprès de la population bilingue sont requises pour identifier la plus-value d’utiliser des points de repère adaptés pour les enfants bilingues, à partir d’un certain pourcentage d’exposition cumulative en français.