Résumés
Résumé
Depuis le début de la guerre en Syrie, en 2011, plus de 5 000 citoyens européens se sont rendus en zone de conflit irako-syrienne. Face aux départs de certains de ses ressortissants, et ensuite au retour d’une partie d’entre eux, la Belgique, comme d’autres pays, a dû répondre à de nouveaux défis. S’appuyant sur une analyse documentaire et sur des entretiens menés auprès de différents acteurs du système d’administration de la justice pénale impliqués dans la prise en charge post-sentencielle des returnees, cette contribution vise à comprendre comment s’opérationnalise l’approche multi-agences dans le cadre de la prévention tertiaire en Belgique.
Mots-clés :
- Returnees,
- approche multi-agences,
- réinsertion,
- prévention tertiaire,
- terrorisme
Abstract
Since the war in Syria began in 2011, over 5,000 European citizens have travelled to the Iraq-Syria zone. Faced with the departure of a number of its citizens, and in certain cases with their subsequent return, Belgium has like other countries found itself at the centre of new challenges. Based on a documentary analysis, as well as interviews conducted with various stakeholders in the criminal justice system involved in the post-sentencing management of returnees, this contribution seeks to explore how a multi-agency approach in Belgium is operationalized within the framework of tertiary prevention.
Keywords:
- Returnees,
- multi-agency approach,
- reintegration,
- tertiary prevention,
- terrorism
Resumen
Desde el comienzo de la guerra en Siria en 2011, más de 5.000 ciudadanos europeos han viajado a la zona del conflicto iraquí-sirio. Ante la salida de algunos de sus nacionales y posteriormente el regreso de algunos de ellos, Bélgica, como otros países, ha tenido que responder a los nuevos desafíos que se le plantean. Basándose en un análisis documental y en entrevistas realizadas a diversos actores del sistema de administración de justicia penal involucrados en la atención posterior a la sentencia de los retornados, esta contribución tiene como objetivo comprender cómo se pone en práctica el enfoque multiinstitucional en el contexto de la prevención terciaria en Bélgica.
Palabras clave:
- Retornados,
- enfoque multiinstitucional,
- reintegración,
- prevención terciaria,
- terrorismo
Corps de l’article
Depuis le début de la guerre en Syrie, en 2011, plus de 5 000 citoyens européens se sont rendus en zone irako-syrienne consécutivement aux différents soulèvements contre le régime syrien de Bachar al-Assad et à l’avènement du groupe « État islamique ». Avec ses 430 ressortissants ayant quitté le pays pour ces zones de conflit[2], la Belgique détient un ratio élevé de personnes parties par nombre d’habitants comparativement aux autres pays européens et un taux de retour qui se situe dans la moyenne européenne (+/- 30 %) (Pisoiu et Renard, 2022). Les conséquences sociales du retour de ces personnes – communément appelées returnees[3] – au sein de la société belge posent un certain nombre de défis particuliers dans les domaines de la justice, de la sécurité, de l’intégration et plus largement de la démocratie. Identifiées par les autorités comme des combattants terroristes étrangers, ces personnes ont majoritairement été poursuivies par la justice[4] et leurs retours ont ensuite été fortement encadrés par les autorités. De leur surveillance par les services de sécurité, à leur arrestation, en passant par la condamnation et l’exécution de la décision judiciaire, jusqu’à leur retour dans la société, les returnees sont pris en charge par une pluralité d’acteurs issus notamment du système d’administration de la justice pénale.
Dans le cadre de ses programmes de lutte contre le terrorisme et de prévention de la radicalisation[5] déployés ces dernières années, la Belgique a adopté l’approche multi-agences. Considérée par d’aucuns comme prometteuse, cette approche consiste à identifier précocement et efficacement les individus susceptibles de s’engager dans un processus de radicalisation violente en prônant la coopération entre les services, un meilleur partage de l’information, une prise de décision conjointe et des efforts coordonnés (Hardyns et al., 2021 ; Lewis et al., 2024). Le Radicalisation Awareness Network (RAN)[6] plébiscite également le travail multi-agences dans ses documents d’orientation[7]. Si cette approche est mobilisée dans différents pays européens tels que les Pays-Bas (Lenos, 2019), la Suède (Örell, 2019) ou encore le Royaume-Uni (Chapman, 2019), les manières dont chaque pays en fait usage et se l’approprie diffèrent tant au niveau de la législation adoptée que des procédures mises en oeuvre et des objectifs poursuivis (Hardyns et al., 2021).
En Belgique, l’approche multi-agences a été déployée dans le cadre de la Stratégie Extrémisme et Terrorisme (dite Stratégie T.E.R.) et détaillée dans une note stratégique intitulée « Extrémisme et Terrorisme. Pour une approche multidisciplinaire en Belgique »[8]. L’approche est envisagée pour tous les niveaux de prévention mais nous nous limiterons dans le cadre de cette contribution à la prévention tertiaire, laquelle s’entend comme l’ensemble des interventions mises en place à l’égard d’un individu ou d’un groupe d’individus – en l’espèce, les returnees – à la suite d’une infraction et dont l’objectif principal est d’éviter la récidive (Brantingham et Faust, 1976)[9]. En vue d’asseoir cette approche multi-agences, une série d’espaces de concertation ont vu le jour afin de mieux coordonner les actions sur le terrain mais aussi d’avoir une vue d’ensemble sur la problématique[10]. Les plus emblématiques de ces espaces sont les Cellules de Sécurité intégrale locales en matière de radicalisme, d’extrémisme et de terrorisme (CSIL-R)[11], dont l’objectif légal est de « prévenir les infractions terroristes[12] » par la prévention et la détection, mais aussi – dans le cadre de la prévention tertiaire – en offrant un trajet de réintégration aux cas identifiés comme les plus problématiques[13]. En leur sein, peuvent se tenir des concertations de cas[14] qui permettent aux différents dépositaires d’un secret professionnel d’échanger des informations sur une situation individuelle. Cette nouvelle disposition a suscité de vives critiques et une levée de boucliers de la part des acteurs sociaux[15].
Le défi annoncé dans la note stratégique concerne la nécessité de structurer cette approche multidisciplinaire sur base d’une confiance mutuelle entre les acteurs « qui ne peut être prise en otage ni par les différentes compétences des différents niveaux de pouvoir, ni par la logique [sécuritaire versus socio-préventive] propre de chaque service[16] ». Il s’agit en effet d’un enjeu majeur du développement d’une approche multi-agences en Belgique.
L’objectif de cette contribution est double. Il s’agira premièrement de donner un aperçu de la manière dont l’approche multi-agences s’est opérationnalisée dans le cadre de la prévention tertiaire. Notons que la complexité institutionnelle de la Belgique, liée notamment à l’éclatement des compétences entre le niveau fédéral et les entités fédérées, rend peu lisibles les diverses initiatives mises en place et la manière dont les acteurs articulent leurs interventions, mais elle cache aussi des enjeux d’indépendance et d’autonomie vis-à-vis des services issus d’un autre niveau de pouvoir. Qui plus est, les différences culturelles entre le nord et le sud du pays affectent également les pratiques professionnelles et expliquent des approches différenciées sur le terrain. Deuxièmement, il s’agira d’appréhender ce que l’approche multi-agences occasionne sur le terrain et comment elle parvient à influencer le fonctionnement de l’administration de la justice pénale. La présente contribution s’ancre dès lors dans une réflexion criminologique sur les rationalités à l’oeuvre au sein du système d’administration de la justice pénale et les recompositions qu’elles accompagnent, voire qu’elles induisent sur ses acteurs professionnels (Vigour, 2008) à la suite de la mise en oeuvre de cette approche multi-agences. La contribution s’inscrit enfin dans la continuité de travaux récents portant sur les changements induits dans divers secteurs d’action publique et dans différentes administrations par les politiques de contre-terrorisme et de prévention de la radicalisation (Chantraine et al., 2022 ; Jonckheere et al., 2021 ; Michon, 2020 ; Puaud, 2018).
Après une mise en contexte résumant les positions des différentes autorités belges (politique, judiciaire, sécuritaire) à l’égard des retours de ses ressortissants, une brève présentation du dispositif méthodologique sera esquissée. Ensuite, les acteurs, leurs missions et la manière dont ils collaborent désormais seront présentés, tant sur le plan pénitentiaire que dans le cadre de l’exécution des peines et des mesures dans la communauté, à quoi s’ajouteront les blocages et les adjuvants relatifs à l’accompagnement de ce public.
Contextualisation : la Belgique face aux retours de ses ressortissants
Comme d’autres pays européens, la Belgique s’est retrouvée au coeur d’un défi sans précédent. Malgré les limites d’une comparaison européenne objectivement chiffrée, en raison notamment des différences entre les nombreuses définitions adoptées par chaque État (Renard et Coolsaet, 2018a), mais aussi du caractère fragmenté et parfois contradictoire des informations disponibles (Coolsaet et Renard, 2019), il est communément admis que la Belgique comptabilise un nombre important de Foreign Terrorist Fighters et de returnees au regard de l’ensemble de sa population. Cette situation a poussé les autorités politiques belges à se positionner rapidement sur le sort de ces derniers (Delhaise et al., 2020 ; Renard et Coolsaet, 2018b).
Sur le plan des autorités politiques, la position du gouvernement fédéral a varié au fil du temps et des remaniements de l’Exécutif, les approches privilégiées étant différenciées selon le statut de l’individu (adulte versus enfant) et, parmi les adultes, selon le genre (homme versus femme). En décembre 2017, le gouvernement fédéral prônait un rapatriement systématique des enfants âgés de moins de 10 ans et une approche au cas par cas pour les mineurs âgés de 10 à 17 ans. Cette distinction, sans fondement juridique, a été sévèrement critiquée par les défenseurs des droits de l’enfant (rapport annuel du DGDE 2019). Dans la pratique, ce sont les parents ou les proches qui ont été tenus responsables de l’organisation concrète des rapatriements ; ces derniers devaient emmener les enfants auprès de l’ambassade ou du consulat belge le plus proche (en Turquie). Ce n’est qu’en juin 2019, à la suite d’un accord conclu entre les autorités kurdes gérant les camps au nord-est de la Syrie et le gouvernement fédéral, que le premier rapatriement de six enfants orphelins a été coordonné par l’État belge (Delhaise et al., 2020). En février 2020, le ministre des Affaires étrangères et celui de la Défense confirmaient la volonté du gouvernement de rapatrier les enfants toujours présents dans les camps, mais sans leurs mères[17]. En ce qui concerne les individus adultes, l’Exécutif s’est en effet toujours farouchement opposé au retour des hommes comme des femmes. Aussi, le retour des mères a-t-il davantage suscité le débat en raison de la présence dans les camps des enfants auprès de leurs mères. En mars 2021, à la surprise générale, le gouvernement fédéral a annoncé sa volonté de rapatrier tous les enfants de moins de 12 ans et, au cas par cas, après une analyse de leur menace potentielle pour la sécurité nationale, leurs mères[18] (Delhaise et al., 2021). À l’été 2021 et au suivant, en 2022, deux opérations de rapatriement d’enfants et de leurs mères ont été réalisées au départ du camp d’Al Hol.
Bien que le gouvernement fédéral se soit montré réticent face aux retours de ses ressortissants, de nombreuses personnes (hommes, femmes et enfants) sont malgré tout rentrées en Belgique par leurs propres moyens. Les modalités et les circonstances de ces retours ont varié en fonction du moment et du contexte dans lesquels ils ont eu lieu[19], ce qui a en retour influencé les différentes prises en charge des personnes concernées. Ces données sont cruciales et doivent être prises en considération, notamment pour comprendre pleinement la complexité et la singularité des parcours socio-judiciaires des returnees (infra).
À l’inverse des autorités politiques, les autorités judiciaires ainsi que les services de sécurité et de renseignement ont toujours plaidé en faveur d’un rapatriement contrôlé de tous les ressortissants belges présents dans les zones de conflit, en faisant valoir des arguments humanitaires et en insistant principalement sur des considérations sécuritaires[20]. Par ailleurs, sans attendre leur retour, le parquet fédéral a pris la décision de poursuivre l’ensemble des personnes parties vers les zones de conflit (Remacle et al., 2022).
Une fois rentrés en Belgique, les returnees sont généralement appréhendés par les autorités policières et soumis à un juge d’instruction. Certains sont d’ailleurs jugés par défaut alors qu’ils se trouvent toujours « sur zone[21] ». À leur retour, ces condamnations doivent être exécutées mais les individus concernés ont la possibilité soit de faire opposition à ces jugements, soit de faire appel afin de solliciter un nouveau procès. Pendant la période d’attente de ces nouveaux procès, les personnes peuvent être libres (éventuellement sous conditions judiciaires) ou placées en détention préventive. Dans la suite de cette contribution, les réponses et les pratiques des acteurs de terrain seront examinées en ce qui a trait à l’exécution des peines afin de mieux comprendre la prise en charge post-sentencielle envisagée pour ce public dans le cadre du système d’administration de la justice pénale.
Méthodologie
Dans le cadre de cette étude, menée lors de la phase exploratoire d’un projet de recherche plus vaste d’analyse de dossiers de returnees faisant l’objet d’un contrôle judiciaire, nous avons adopté une démarche inductive s’appuyant sur des analyses documentaires et des entretiens semi-directifs réalisés auprès de divers acteurs de terrain.
L’analyse documentaire s’appuie sur la législation belge, sur des documents provenant de différentes administrations et de services de sécurité auxquels nous avons eu accès (il s’agit principalement de documents confidentiels[22]), ainsi que sur la littérature scientifique.
Les entretiens semi-directifs (N = 19) ont été menés auprès d’une série d’acteurs du système d’administration de la justice pénale qui sont amenés à intervenir à différents moments dans les parcours socio-judiciaires des returnees, parmi lesquels des juges et assesseurs des tribunaux d’application des peines, des intervenants des services d’aide sociale aux justiciables et aux personnes détenues, des représentants des directions de prison, des assistants de justice des maisons de justice (agents de probation), des membres de commissions de probation ainsi que des intervenants de différents services spécialisés dans la prise en charge de la radicalisation et de l’extrémisme violent. En outre, une rencontre collective (RC) s’est également tenue avec onze assistantes de justice (Tableau 1).
Les entretiens, qui se sont tenus entre avril et décembre 2022, ont été enregistrés, retranscrits et analysés. L’analyse a été réalisée selon les prescrits de l’analyse thématique : elle a consisté en plusieurs lectures approfondies des retranscriptions afin d’en identifier les idées récurrentes, lesquelles ont par la suite été regroupées en thèmes principaux. Ces entretiens visaient un double objectif : il s’agissait d’une part, de compléter, de préciser, voire de nuancer les informations issues des textes légaux et de la littérature grise et, d’autre part, d’entendre les retours d’expérience des acteurs dans le cadre de leur pratique professionnelle par rapport aux dossiers spécifiques des returnees. L’analyse des entretiens a donc été faite dans une perspective compréhensive en vue de dresser un état des lieux le plus fidèle possible du cadre de travail dans lequel les acteurs sont impliqués et des procédures mises en place. Les résultats de l’analyse ont été soumis aux acteurs interrogés pour validation finale.
TABLEAU 1
Caractéristiques des personnes interrogées
Une politique pénitentiaire marquée par l’émergence de services spécifiques centraux et par une nouvelle culture de la concertation
La plupart des returnees ont été incarcérés, que ce soit pour une période de détention préventive ou à la suite d’une condamnation[23]. L’exploration du processus de réinsertion sociale[24] nécessite notamment de considérer la période de détention car les autorités pénitentiaires jouent un rôle crucial à différentes étapes de ce processus (p. ex., un rôle d’avis ou un pouvoir décisionnel sur la suite du parcours). De plus, l’expérience carcérale laisse une empreinte sur les parcours socio-judiciaires des individus.
Dans la lutte contre le terrorisme et la radicalisation, les autorités politiques considèrent depuis de nombreuses années la prison comme un lieu propice à la radicalisation et au recrutement, sans engager toutefois d’initiative concrète sur le terrain[25]. Il faut attendre mars 2015 pour que le ministre de la Justice présente son Plan d’action contre la radicalisation dans les prisons (dit Plan P) visant à prévenir la radicalisation des personnes détenues durant leur détention et à encadrer spécifiquement ceux déjà considérés comme radicalisés[26]. Ce plan prévoyait une double politique de placement : la concentration des personnes suspectées de recrutement, de leadership et de prosélytisme au sein d’une section spéciale nommée « D-Rad : ex » et la dispersion des autres personnes concernées dans la population carcérale (Crahay, 2022).
Au sein de l’administration pénitentiaire, des services spécifiques centraux ont émergé et jouent un rôle crucial dans la gestion de cette nouvelle catégorie de détenus. Ainsi, la Cellule Extrémisme (ci-après, la CelEx) a été créée au sein de la Direction générale des établissements pénitentiaires (ci-après, la DG EPI) en vue de superviser la mise en oeuvre du Plan P. L’une de ses missions principales est de « renforcer la collaboration entre les services de sécurité et la DG EPI en améliorant l’échange d’informations en interne et en externe dans le cadre de l’analyse du risque en matière d’extrémisme, radicalisme et terrorisme » (Detry et al., 2021, p. 59). Les « détenus CelEx » (Crahay, 2022) sont considérés comme nécessitant un suivi particulier et sont soumis durant leur détention à des normes spéciales édictées dans des documents confidentiels internes à l’administration pénitentiaire appelés les Instructions Particulières Extrémisme (IPEX). Les returnees qui se retrouvent en détention sont de facto repris comme devant faire l’objet d’un suivi par la CelEx. Faire l’objet d’un tel suivi entraîne des conséquences sur la manière dont se déroulera la détention, mais aussi sur les modalités d’exécution de la peine privative de liberté et la sortie de prison (infra). En effet, au niveau du régime de détention, il est à souligner que les personnes faisant l’objet d’un suivi par la CelEx connaissent davantage de recours aux mesures de sécurité particulières (Comité T, 2022) même si elles semblent aujourd’hui davantage limitées dans le temps selon les directions de prison rencontrées. Par ailleurs, les IPEX prévoient aussi des procédures particulières relatives aux visites, à l’usage du téléphone ou encore à l’accès à l’informatique. En mars 2023, les personnes détenues faisant l’objet d’un suivi par la CelEx représentaient 1,2 % de la population carcérale belge[27].
Dans la foulée de la création de la CelEx, le Service Psychosocial Central Extrémisme (ci-après, le SPSC(EX)) a également vu le jour. Celui-ci est chargé de superviser l’évaluation des risques et de fournir des conseils sur le suivi de la radicalisation et de l’extrémisme dans le système pénitentiaire. Il doit essentiellement soutenir et superviser le personnel des Services Psychosociaux (ci-après, SPS) locaux dans leurs suivis des dossiers des personnes détenues considérées comme radicalisées, contribuer à la sélection des personnes détenues devant faire l’objet d’un placement dans une section spécifique ou encore donner des conseils aux différentes directions dans le cadre de la gestion de la détention. En somme, le SPSC(EX) possède une vue d’ensemble sur ces dossiers pénitentiaires et est un agent de liaison entre les SPS locaux (Braspenning et Jansen, 2020).
La création de ces deux services spécifiques centraux répond pleinement à l’idéal de l’approche multi-agences. Selon les acteurs interrogés, la différence majeure entre les dossiers pénitentiaires « classiques » et les dossiers CelEx réside dans la fréquence accrue et la structuration des échanges d’informations entre les services, notamment de sécurité. La CelEx est perçue comme une plaque tournante permettant la circulation des informations entre l’administration pénitentiaire et les autres services partenaires.
La mise en oeuvre de cette stratégie ne peut toutefois se faire sans le concours des acteurs pénitentiaires locaux chargés de faire remonter aux services spécifiques centraux les informations récoltées au sein des prisons. Ces derniers se sont donc vu attribuer de nouvelles missions de détection du radicalisme et de l’extrémisme. Pour les mener à bien, des outils tels que des fiches d’observations à compléter quotidiennement par les agents pénitentiaires ont été mis en place. Sur base des informations contenues dans ces fiches, les directions des établissements pénitentiaires et les SPS locaux rédigent des rapports bimestriels à destination des services spécifiques centraux en vue de réaliser un screening des personnes détenues visant notamment à déterminer la politique de placement la plus adaptée mais aussi à catégoriser les individus. Dans le cadre de leurs missions, les SPS locaux mentionnent des modifications telles que la rédaction de rapports spécifiques pour cette catégorie de détenus, un contrôle plus important de leur travail par la hiérarchie ou encore une pression plus importante, notamment quant à la manière dont les informations contenues dans leurs rapports sont désormais utilisées. Tout un circuit d’information visant à faire remonter fréquemment des observations de terrain (fouilles, incidents) s’est instauré, induisant un accroissement important de la charge de travail, selon les acteurs de terrain pénitentiaires rencontrés.
Le développement de plateformes de concertation, qui rassemblent divers acteurs impliqués dans la prise en charge des personnes faisant l’objet d’un suivi par la CelEx, est également un signe de l’appropriation de l’approche multi-agences au sein du système pénitentiaire. En effet, de nouveaux lieux de concertation intra-muros ont vu le jour dans le but notamment de préparer la réinsertion sociale. Depuis 2018, les assistants de justice néerlandophones (infra) sont également invités à ces réunions, par exemple, lorsque la personne détenue bénéficie d’une modalité d’exécution de la peine (De Pelecijn et al., 2018). Pour les intervenants des maisons de justice néerlandophones, cette concertation offre d’une part l’occasion d’avoir un aperçu de ce qui a déjà été entrepris avec la personne détenue pendant la détention et, d’autre part, aux partenaires pénitentiaires de faire appel à l’expertise des maisons de justice en ce qui concerne l’élaboration d’un programme de probation après la détention (Beckers et Pletincx, 2018, p. 27). Jusqu’alors, ces plateformes, aussi appelées casusoverleg, n’existaient qu’au sein des prisons néerlandophones, mais un texte a été voté récemment pour entériner légalement leur tenue au sud du pays. En raison du respect du secret professionnel, certains acteurs de terrain – en particulier les acteurs de l’aide sociale francophones – demeurent particulièrement réticents à participer à ces concertations. L’administration pénitentiaire ainsi que les acteurs qui y participent d’ores et déjà se disent convaincus de l’utilité de ces espaces de concertation pour ce public cible et d’aucuns nourrissent l’espoir que ces expériences puissent un jour être étendues à d’autres catégories de personnes détenues (Beckers et Pletincx, 2018). Sur le plan politique, la volonté d’ancrer de tels lieux de concertation existe déjà puisque le ministre de la Justice souhaite mettre en place des Cellules de Sécurité Intégrale Pénitentiaires-Radicalisme (CSIP-R) au sein de chaque établissement pénitentiaire, à l’image des CSIL-R qui existent extra-muros.
Toujours dans une volonté de travailler les ponts entre les services en vue d’oeuvrer de concert à l’objectif de réinsertion sociale, et partant du constat de « l’importance d’une approche structurée de la problématique en concertation et en collaboration avec toutes les institutions et services concernés », le ministre de la Justice et les ministres compétents des entités fédérées ont signé une circulaire commune en février 2019 pour une approche globale des radicalismes et extrémismes violents et du terrorisme. Les objectifs généraux de cette circulaire sont « la maîtrise du problème de la radicalisation dans les murs de la prison, la création d’un parcours de désengagement au niveau individuel et l’assurance que tout ce qui est lancé ou préparé pendant la détention dans le cadre d’un parcours de désengagement soit également poursuivi après la période de détention[28] ». En vue d’y répondre, deux objectifs opérationnels ont été fixés, à savoir : orienter les personnes détenues concernées vers une offre de parcours de désengagement et d’accompagnement dans les prisons, et confier un mandat spécifique au service compétent des entités fédérées durant la détention par le biais de la mise en place d’un projet-pilote. Sans entrer plus en avant dans les détails de cette circulaire, il apparaît qu’aucun des acteurs rencontrés n’a eu connaissance de cette circulaire et de sa mise en oeuvre au moment de nos entretiens, en 2022.
Des sorties freinées par les difficultés d’accès aux aménagements de la peine
En fin de peine, les modalités d’exécution de la peine privative de liberté (ci-après, les modalités) permettent différents aménagements qui peuvent être octroyés à une personne condamnée à une telle peine, en vue de préparer sa réinsertion sociale. Il s’agit notamment des permissions de sortie, des congés pénitentiaires, de la libération provisoire, de la surveillance électronique, de la détention limitée ou encore de la libération conditionnelle. En Belgique, la compétence d’octroyer ou non une telle modalité relève soit du ministre de la Justice (pouvoir exécutif), soit du tribunal d’application des peines (ci-après, le TAP), soit du juge de l’application des peines (ci-après, le JAP) (pouvoir judiciaire). La détermination de la compétence entre ces deux niveaux de pouvoir en vue de prendre une décision relative à l’aménagement de la peine repose sur « la question de savoir si la modalité d’exécution de la peine entraîne une modification de la nature de la peine » (Guillain et Nederlandt, 2022, p. 345). Si elle n’entraîne pas de modification de la nature de la peine (p. ex. : une permission de sortie) alors la compétence relève du pouvoir exécutif, tandis que si elle entraîne une modification de la nature de la peine (p. ex. : libération conditionnelle), alors elle relève du pouvoir judiciaire. Par ailleurs, tandis que les modalités relevant du pouvoir judiciaire disposent d’une base légale, celles qui relèvent du pouvoir exécutif sont régies par des circulaires ministérielles, ce qui crée une incertitude juridique, car ces dernières sont souvent peu accessibles et sujettes à des modifications fréquentes (Guillain et Nederlandt, 2022). Concrètement, en ce qui concerne le pouvoir exécutif, la compétence revient au ministre de la Justice et à son administration pénitentiaire. Au sein de cette dernière, c’est la Direction Gestion de la Détention (ci-après, la DGD) qui est chargée de prendre les décisions relatives aux modalités et, dans certains cas, c’est le directeur de l’établissement pénitentiaire qui intervient directement. Quant au pouvoir judiciaire, il y a une répartition des compétences entre le TAP et le JAP. Sans entrer dans les détails, cette sous-répartition des compétences existe pour certaines modalités et se détermine en fonction du seuil de la peine.
Bien que les services de sécurité s’inquiètent depuis quelques années de la libération prochaine de plusieurs personnes condamnées pour des faits de terrorisme ou considérées comme radicalisées (Comité R, 2022, p. 8) – ce qui met en avant le risque des sorties « à fond de peine », c’est-à-dire sans un parcours progressif sous contrôle dans la société par le biais de modalités –, il est constaté dans le même temps que tout a été fait pour empêcher ce public de pouvoir en bénéficier. En effet, une série de nouvelles dispositions légales concernant les personnes condamnées pour des faits de terrorisme ou présentant des signes d’extrémisme violent ont été votées. Celles-ci visent notamment à renforcer l’obligation pour le pouvoir exécutif de motiver leurs décisions mais aussi de prévoir un régime particulier à l’égard de ce public[29]. Dans le même temps, des circulaires ministérielles[30] ont également été prises en vue de surveiller davantage, de limiter, voire souvent d’interdire l’accès aux dites modalités pour les personnes condamnées pour des faits de terrorisme.
Interrogés, les acteurs de terrain reconnaissent cette situation mais soulignent toute de même une évolution au fil des années, s’accompagnant d’un assouplissement des décisions prises par la DGD et un retour progressif à une marge de manoeuvre plus importante pour les directions des établissements pénitentiaires. En effet, celles-ci considèrent que leur autonomie décisionnelle avait notamment été réduite, car les nouvelles dispositions prévoyaient que l’octroi de modalités pour ce public se ferait désormais à un autre niveau de pouvoir, occasionnant par le fait même des situations dites de « blocage »[31] en raison du refus quasi systématique de la DGD d’octroyer des modalités pour ce type de dossiers. Les acteurs de terrain interrogés expliquent qu’il existait encore, il y a peu de temps, une « position de principe » émanant du pouvoir exécutif qui consiste à bloquer d’office toutes les demandes de modalités introduites par ce public. Concernant les dossiers de returnees – et plus largement, les dossiers de personnes condamnées pour des faits de terrorisme – les acteurs rencontrés confirment que ceux-ci sont essentiellement arrivés devant le TAP en raison d’une situation de « blocage ». Cette situation s’explique par le fait qu’une exception légale prévoit qu’à titre exceptionnel, le TAP ou le JAP « saisi d’une procédure d’octroi d’une modalité d’exécution de la peine, peut accorder une modalité d’exécution de la peine autre que celle demandée si cela est absolument nécessaire pour permettre l’octroi à court terme de la modalité d’exécution de la peine sollicitée »[32]. Grâce à cet article, le TAP a pu débloquer certaines situations. Sans entrer plus avant dans des explications, il ressort de notre première analyse que les dossiers francophones et néerlandophones connaissent des trajectoires fort différentes. En effet, toutes proportions gardées, il apparaît que les dossiers néerlandophones arrivent davantage devant le TAP que les dossiers francophones. Cet état de fait semble s’expliquer en amont par une différence notable au niveau de la décision judiciaire initiale.
Alors que l’accent est mis sur l’échange d’informations et sur la collaboration entre les acteurs, ces dossiers semblent induire certaines formes de rétention d’information de la part de plusieurs acteurs, ce qui pose problème à des acteurs comme le TAP dans leur prise de décision. En effet, dans ce type de dossiers, des informations considérées comme confidentielles ne sont pas communiquées au TAP en raison de la procédure contradictoire qui impliquerait que ces dernières soient également portées à la connaissance de la défense. Pour les acteurs du TAP rencontrés, cette situation est problématique dans la mesure où ceux-ci doivent prendre des décisions sans être au fait avoir été mis au fait d’éléments importants du dossier, par ailleurs connus par d’autres acteurs comme les directions de prison, la CelEx, le parquet fédéral ou les services de sécurité. Des TAP sont allés jusqu’à convoquer certains d’entre eux en audience pour obtenir des éclaircissements lorsque la situation d’un dossier ne leur permettait pas de prendre une décision suffisamment éclairée mais, selon ces derniers, les acteurs convoqués ne se présentaient jamais. Des dires des personnes rencontrées, cet état de fait affecte dans une certaine mesure les relations que peuvent entretenir les acteurs entre eux et constitue un frein supplémentaire quant à l’accès aux aménagements de peine pour ce public ; aménagements déjà de plus en plus difficiles à obtenir de manière générale (Nederlandt, 2021).
Un accompagnement robuste par des services spécialisés
En Belgique, la configuration institutionnelle de l’aide sociale aux justiciables et aux personnes détenues est complexe en raison, d’une part, d’un partage de compétences éclaté entre les différents niveaux de pouvoir et d’autre part, d’un développement fort différent du secteur entre le nord et le sud du pays (Nederlandt et Remacle, 2019).
Dans le contexte des différents programmes de prévention tertiaire mis en place pour prendre en charge les personnes poursuivies ou condamnées pour terrorisme et les personnes considérées comme radicalisées, deux services se sont imposés dans le paysage belge : le Centre d’Aide et de Prise en charge des personnes directement concernées par les Radicalismes et Extrémismes Violents (ci-après, le CAPREV) du côté francophone et le Centrum Algemeen Welzijnswerk van Limburg (ci-après, le CAW) du côté néerlandophone[33]. Les choix politiques quant à ces dispositifs ont été différents de part et d’autre de la frontière linguistique (Varga et Renard, 2022) avec la création d’un nouveau service pour la Fédération Wallonie-Bruxelles et le développement d’une équipe spécifique (la « Team Extremisme ») au sein d’un service existant pour les autorités néerlandophones. Ces deux services sont les seuls à travailler uniquement auprès des personnes poursuivies ou condamnées pour des faits de terrorisme ou des personnes considérées comme radicalisées ou potentiellement vulnérables à la radicalisation et à l’extrémisme violent, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la prison et sur l’ensemble du territoire linguistique dont ils relèvent. Cet état de fait a permis à ces services de développer une expertise fine, d’établir une continuité de la prise en charge pendant (en cas de transfert dans une autre prison) et après la période de détention mais aussi d’avoir une vue d’ensemble sur la problématique.
Ces deux services ont une philosophie de travail similaire, basée sur le secret professionnel et la confidentialité du contenu des échanges. Le CAPREV se décrit comme un service d’aide et d’accompagnement « avec l’idée d’accompagner la personne dans son chemin réflexif par rapport à son engagement radical et aussi par rapport à son engagement dans le cheminement vers la réinsertion sociale.[34] » La volonté du CAPREV est de créer un réseau de soutien autour de la personne durant sa détention et à la sortie. Pour ce faire, le service a développé de nombreux contacts avec d’autres services et professionnels afin de répondre aux différentes demandes et problématiques. En vue de se coordonner au mieux avec certains acteurs, des conventions ont également été formalisées. Par exemple, une note de service spécifique entre le CAPREV et les maisons de justice a été rédigée afin de baliser les interventions de chacun et de formaliser les échanges d’informations. À l’image de la manière dont les assistants de justice collaborent avec d’autres services, des entretiens tripartites (infra) entre le CAPREV, l’assistant de justice (infra) et le justiciable ont été instaurés et sont régis dans le cadre de cette note. Un protocole de collaboration a également été conclu avec l’Administration Générale de l’Aide à la Jeunesse (AGAJ) puisque le CAPREV prend également en charge des mineurs d’âge et leur famille. Il est à noter que si le CAW participe pleinement aux échanges d’informations au sein des plateformes de concertation instaurées (supra), le CAPREV s’y montre plus frileux.
Ces services travaillent tous les deux sur une base volontaire même si une partie de leur intervention peut se réaliser dans le cadre d’un mandat particulier. Contrairement au CAPREV, qui intervient davantage de manière réactive, le CAW est proactif dans ses démarches pour entrer en contact avec les personnes concernées. La durée maximale de l’accompagnement proposé est indéterminée pour le CAPREV et d’a priori six mois maximum après la détention pour le CAW, qui précise par ailleurs que le suivi peut se prolonger au-delà de cette période si nécessaire. Contrairement aux services « classiques » d’aide sociale aux justiciables, ces deux services ont pris le parti de rédiger des rapports en co-construction avec les justiciables qu’ils accompagnent. Ce rapport est mis à la disposition du justiciable qui peut s’en saisir s’il le souhaite dans le cadre de l’une ou l’autre des procédures. Cette particularité a initialement pris de court certains acteurs (comme le TAP), qui n’étaient pas familiers avec ce mode de fonctionnement, mais cette nouveauté a également été vue comme une plus-value aux pièces communément disponibles dans les dossiers pour se forger un avis. Ces rapports ont parfois également soulevé des interrogations dans le chef de leurs destinataires en raison des fortes différences de contenu qu’il pouvait y avoir avec d’autres types de rapports comme ceux des SPS (supra). Au contraire, pour les deux services concernés, ces rapports permettent d’en contrebalancer d’autres, souvent perçus comme « uniquement à charge », peu actualisés et ne prenant pas suffisamment en compte la progression de la personne et les aspects positifs du dossier. Un autre point intéressant à mentionner est que contrairement aux services d’aide aux justiciables, aucune liste d’attente pour rencontrer ces services n’est à relever. Ce public apparaît donc comme privilégié dans l’accès à l’accompagnement dont il peut bénéficier, là où d’autres justiciables attendent parfois de longs mois pour rencontrer un intervenant psycho-social.
Parcours de désengagement : la gestion de la problématique par les maisons de justice
Autant dans le contexte pré-sentenciel que post-sentenciel, les maisons de justice (ci-après, MJ) sont susceptibles de prendre en charge des justiciables dans le cadre de leurs missions pénales. Ces MJ assurent notamment une mission de guidance et de suivi des justiciables, qu’ils soient prévenus ou déjà condamnés, qui doivent exécuter une peine ou une mesure autre qu’une peine privative de liberté ou en plus de celle-ci (par exemple, dans le cadre d’une modalité d’exécution de la peine (supra)). Ces peines et ces mesures sont communément appelées « les peines et les mesures alternatives » ou « les peines et les mesures dans la communauté », spécifiant qu’elles se déroulent en dehors du milieu carcéral. Il s’agit notamment de l’alternative à la détention préventive, de la peine de travail autonome, des mesures probatoires (suspension probatoire du prononcé de la condamnation et sursis probatoire), de la libération conditionnelle, de la surveillance électronique, de la détention limitée, etc. Les MJ peuvent également produire des rapports à la demande d’une autorité judiciaire (p. ex., un juge d’instruction) ou administrative (p. ex., directeur de prison) dont l’objectif est d’éclairer l’autorité demandeuse en vue d’une prise de décision. Il s’agit des « enquêtes sociales » et des « rapports d’informations succincts ». Les premières visent à replacer les faits dans un contexte psycho-social avec le justiciable ou une personne de son milieu d’accueil et les seconds visent à répondre à une question particulière posée par l’autorité demanderesse. Dans la pratique, ce sont les assistants de justice (ci-après, AJ) qui réalisent ces missions confiées aux MJ. Ils travaillent sous mandat et sont chargés d’une part de vérifier que les justiciables respectent bien les conditions qui leur ont été imposées (mission de guidance) et d’autre part, d’éclairer une autorité mandante (mission d’enquête sociale).
Dans le cadre de la prise en charge des dossiers de returnees et plus largement des dossiers en matière de terrorisme, de radicalisme et d’extrémisme violent, les MJ ont mis en place des processus de travail spécifiques pour prendre en charge ces dossiers tout en balisant leur position dans l’approche multi-agences adoptée par le gouvernement belge (Mine et al., 2022). La Conférence interministérielle des Maisons de Justice du 5 septembre 2016 a constitué un moment clé dans la manière d’envisager l’accompagnement des justiciables concernés par cette problématique, car les différents ministres se sont accordés sur la nécessité de travailler autour de la notion de parcours de désengagement. Cette notion envisage la réinsertion sociale comme une trajectoire individuelle sur mesure qui intervient dans l’ensemble des domaines de vie du justiciable (p. ex., emploi, logement, santé mentale, assuétudes).
La méthodologie de travail de l’ensemble des AJ du pays se base donc sur cette approche même si les manières d’organiser les processus de travail ont pris des chemins différents au nord et au sud du pays (infra). Par ailleurs, en tant que maillon de la chaîne des acteurs du système d’administration de la justice pénale, les MJ sont désormais soumises à une série de nouvelles directives relatives à la gestion des informations dans ce type de dossiers. En effet, dans le cadre de l’approche multi-agences, elles ont dû s’inscrire dans un nouveau réseau de relations (renforcement des collaborations existantes mais aussi développement de nouvelles collaborations) et travailler avec de nouveaux outils (Jonckheere et al., 2021 ; Mine et al., 2022). Des « référents radicalisation » ont été aussi désignés au sein des administrations centrales comme point de contact et comme personne centralisant les informations.
À cet égard, la manière d’échanger de l’information et de communiquer apparaît d’ailleurs comme une spécificité de ces dossiers puisque les AJ sont amenés à interagir avec de nouveaux acteurs (OCAM, Sûreté de l’État, CAPREV, etc.) et à intensifier leurs contacts avec les partenaires habituels (police, parquet, autorité mandante) (Jonckheere et al., 2021). Ces échanges se formalisent principalement au sein des nouveaux espaces de concertation et des nouvelles plateformes d’enregistrement d’informations (notamment la BDC[35]) mais aussi via des canaux plus classiques tels que les entretiens tripartites, les échanges de courriels ou les entretiens téléphoniques. Enfin, l’étape de rédaction des rapports est modifiée en raison de nouvelles démarches de vérification préalables exigées par ce type de dossier (consultation de bases de données, demande d’actualisation de la fiche d’évaluation de la menace auprès de l’OCAM, débrief avec sa hiérarchie, etc.) (Mine et al., 2022). Tout comme les membres des SPS locaux (supra), les AJ rencontrés soulignent d’une part la supervision de leur travail par leur hiérarchie dans la gestion de ces dossiers et d’autre part, la lecture de leurs rapports par d’autres acteurs. Les AJ reconnaissent une attention plus grande quant à la manière dont ils rédigent leur rapport. Malgré ces constats, les AJ envisagent avant tout ces nouvelles pratiques comme des garde-fous dans la prise en charge de ces dossiers perçus comme « sensibles ».
Du côté néerlandophone, dès 2015, un plan d’action[36] du gouvernement flamand comprenant notamment des mesures pour les MJ a été lancé et un groupe de travail s’est constitué pour réfléchir à la nécessité d’adopter une approche particulière pour ces dossiers (Beckers et Pletincx, 2018). Une note de service spécifique relative aux processus de travail dans le cadre des dossiers de radicalisation, datant du 18 juin 2019[37], balise le travail des AJ. Contrairement aux MJ francophones, une équipe d’AJ spécialisés et formés à la matière a été mise en place en 2017 : la Team Expert Radicalisation. Ce parti pris s’est notamment fait car les MJ néerlandophones ont d’emblée souligné l’importance de l’expertise pour travailler auprès de ce public cible (Beckers et Pletincx, 2018). En ce qui concerne leur manière de travailler, tout comme les MJ francophones, le département flamand des MJ a fait le choix de poursuivre sa philosophie d’action habituelle, c’est-à-dire en travaillant la relation entre l’AJ et le justiciable de la manière la plus transparente possible et en poursuivant la mission fondamentale de réinsertion et de prévention de la récidive.
Bien que les AJ soient coutumiers du travail en collaboration avec d’autres services, les AJ de la Team Expert Radicalisation notent qu’en ce qui concerne ces dossiers, de nouveaux services sont désormais rencontrés, et qu’ils sont amenés à prendre part à de nouveaux espaces de concertation. Les MJ néerlandophones ont insisté sur le fait que la collaboration entre les différents partenaires était une condition sine qua none pour envisager une approche efficace et sur mesure des dossiers concernés. Pour elles, cette nécessité s’explique par le fait que les différents plans d’action exhortent de nombreux services à adopter des mesures spécifiques à l’égard de ce public et que si chacun met en place des mesures de manière indépendante et sans concertation pour une même personne, cela risque de créer des doublons voire d’être contre-productif (Beckers et Pletincx, 2018). Deux partenaires clés ont été identifiés par les MJ néerlandophones : le secteur pénitentiaire (supra), afin de faire le pont entre l’intra et l’extra muros et les CSIL-R, pour assurer la coordination du suivi à l’extérieur, avec les partenaires locaux (Beckers et Pletincx, 2018).
Discussion conclusive
Dans une volonté d’appréhender la prise en charge des returnees au stade post-sentenciel de leur parcours socio-judiciaire, cette contribution a tenté, d’une part, de rendre compte de la manière dont l’approche multi-agences s’est opérationnalisée sur le terrain belge de la prévention tertiaire, et d’autre part, d’appréhender ce que cette approche a occasionné sur le fonctionnement et sur les pratiques des acteurs du système d’administration de la justice pénale.
Si la réintégration des returnees dans la société est considérée par d’aucuns comme un défi social majeur, elle reste à ce jour très peu étudiée (Amadio et al., 2023). Pour sa part, la littérature relative à l’évaluation du travail multi-agences dans le domaine de la radicalisation et de l’extrémisme violent relève un manque de recherche évaluative, une mauvaise qualité des recherches déjà menées, en raison notamment de la difficulté à mesurer l’efficacité des partenariats multi-agences, ou encore une absence de théories adéquates d’actions et de développements qui se focalisent sur les mécanismes clés (Dorme et al., 2022, p. 21). Face à ces constats, notre recherche permet d’apporter certains éclairages intéressants sur le terrain belge.
En ce qui concerne le type d’approche à préconiser à l’égard de ce public, la littérature recommande d’adopter une approche globale dans la mesure où il est considéré que des mesures ciblant des groupes ou des communautés spécifiques peuvent être contre-productives, puisque générant davantage de polarisation et de stigmatisation (Dorme et al., 2022). Or, si aujourd’hui le travail multi-agences tel qu’il est envisagé en Belgique concerne toutes les formes de radicalismes et d’extrémismes violents, force est de constater qu’il reste encore fortement axé sur l’islamisme. Le type de dossiers traités par les cours et les tribunaux (Remacle et al., 2022) ou par les maisons de justice (Jonckheere et al., 2021) en témoignent, alors que parmi la multiplicité des groupes idéologiques considérés à risque et suivis par les autorités policières, ce public est loin d’être majoritaire (Mine et al., 2021). Le travail multi-agences est donc conditionné par le fonctionnement de l’entonnoir pénal (Robert, 1977) et la focale politique des dernières années.
En ce qui concerne les returnees, les acteurs rencontrés sont unanimes sur le fait qu’énormément de moyens humains et financiers ont été déployés pour gérer un public somme toute fort restreint[38]. Nonobstant les obstacles soulevés dans les processus de réinsertion sociale, ce public est considéré par les acteurs interrogés comme bénéficiant d’un encadrement auquel n’ont pas accès les autres justiciables pris dans les rouages du système d’administration de la justice pénale. En effet, les returnees sont accompagnés par des services spécialisés proposant un suivi global, personnalisé et continu des problématiques rencontrées, sans délai d’attente pour y accéder et sans limite dans le temps. Certains voient dans cette prise en charge et cet accompagnement un laboratoire de « bonnes pratiques » qui pourraient, voire devraient être étendues à l’accompagnement de la réinsertion sociale de toutes personnes condamnées.
La collaboration entre les différents services apparaît comme un élément central dans la manière d’envisager l’approche de ce public. Alors que des échanges avaient déjà lieu de manière informelle, l’analyse réalisée témoigne d’une intensification et d’une formalisation de ceux-ci dans le cadre de la Stratégie T.E.R., notamment par la mise sur pied des différentes plateformes rassemblant autour de la table une série d’acteurs ayant des missions diverses. La multiplication des canaux de communication, le souci du partage de l’information, l’émergence de services spécialisés (qu’ils soient sociaux ou sécuritaires) sont autant de changements qui rendent compte de la mise en oeuvre des principes de l’approche multi-agences sur le terrain de la prévention tertiaire. Cependant, ces bouleversements ont occasionné certaines craintes et résistances émanant essentiellement des acteurs psycho-sociaux francophones. Bien que les relations entre les politiques de sécurité et les politiques sociales sont anciennes et complexes (Ragazzi, 2017), le développement d’une approche multi-agences dans le contexte des politiques de lutte contre le terrorisme et de prévention de la radicalisation semble avoir accentué et renforcé une approche dominée par le contrôle et par la surveillance au sein du travail social (Stanley et al. 2017 ; Stanley et al., 2018). Par ailleurs, à l’instar d’autres pays européens, l’approche multi-agences s’est développée rapidement et est venue brouiller les frontières habituelles entre les différents niveaux de prévention, atténuant ainsi les distinctions entre le maintien de l’ordre, la protection publique et le travail de soins et d’accompagnement (Heath-Kelly, 2024). Il est observé que si le partage d’informations entre les services de sécurité et de renseignement semble fluide, il l’est moins avec d’autres partenaires (p. ex., TAP, MJ, travailleurs sociaux). D’aucuns ont relevé que ce partage est encore fort unilatéral et ascensionnel (Jonckheere et al., 2021 ; Mine et al., 2022). Dans une logique de travail multi-agences, cette situation est susceptible de mettre à mal l’une de ses pierres angulaires : la confiance mutuelle entre les partenaires du réseau. Soulignons que l’opérationnalisation de cette approche a néanmoins permis un certain décloisonnement en proposant un cadre pour la mise en place et la formalisation de nouvelles formes de collaboration, là où auparavant chacun travaillait de son côté.
Enfin, il semble exister sur le plan politique une certaine dissonance entre, d’une part, l’injonction de réinsertion sociale (adressée tant aux returnees qu’aux acteurs de terrain) et, d’autre part, la crainte persistante de permettre le retour dans notre société de personnes qui représenteraient un risque pour la sécurité nationale et qui pourraient potentiellement ne pas adhérer aux valeurs démocratiques de l’État. Pour garantir une réinsertion sociale « réussie », il est essentiel que les politiques et les pratiques soient alignées sur une vision commune qui dépasse la seule gestion des risques et intègre pleinement la notion de confiance (Axelsson et al., 2023), qui est au centre de l’approche multi-agences.
Parties annexes
Notes
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[1]
Tour des Finances, INCC – DO Criminologie, Boulevard du Jardin Botanique 50/71, 1000 Bruxelles, Belgique
-
[2]
Docs. Parl., CRI, Ch., 2019-2020, nr.55-032/001, p. 5, https://www.lachambre.be/doc/CCRI/pdf/55/ic032.pdf.
-
[3]
Le terme returnee est entendu comme se référant à une personne ayant quitté la Belgique pour se rendre dans une zone de conflit djihadiste et étant ensuite revenue en Belgique. Cette définition renvoie à la définition de la catégorie 3 des Foreign Terrorist Fighters de l’Organe de Coordination pour l’Analyse de la Menace (OCAM). Les personnes ayant tenté de partir ne sont pas concernées. Si le terme returnee peut être utilisé pour qualifier tant les adultes que les enfants, seule la population adulte sera abordée dans cette contribution, à l’exception de la partie consacrée à la contextualisation.
-
[4]
En mars 2023, parmi les returnees présents dans la base de données commune (BDC) de l’OCAM et localisés en Belgique, seuls 8 individus sur 86 n’avaient pas connu de poursuite judiciaire. Ces chiffres sont issus d’une extraction de la BDC de l’OCAM demandée par les chercheurs.
-
[5]
Ces concepts sont définis à l’article 8, 1°, b) et à l’article 3, 15° de la loi organique des services de renseignement et de sécurité du 30 novembre 1998, M.B. 18/12/1998.
-
[6]
Réseau porté par la Commission Européenne qui rassemble des praticiens de première ligne provenant de partout en Europe et travaillant quotidiennement avec des personnes considérées par les autorités comme radicalisées ou – selon elles – à risque de l’être.
-
[7]
https://home-affairs.ec.europa.eu/networks/radicalisation-awareness-network-ran_en.
-
[8]
https://ocad.belgium.be/wp-content/uploads/2023/10/Note-strategique-Extremisme-et-Terrorisme_WEB.pdf.
-
[9]
Ce type de prévention se distingue d’une part de la prévention primaire, qui vise à empêcher en amont la commission d’une infraction en agissant sur les conditions de l’environnement dans lequel évoluent les individus, conditions qui sont susceptibles de créer des occasions de commettre des infractions et, d’autre part, de la prévention secondaire, qui se concentre plutôt sur l’identification précoce des individus ou d’un groupe d’individus considérés comme à risque, ce dans le but de prévenir la commission d’une infraction.
-
[10]
Ces plateformes de concertation sont centralisées – Taskforce nationale (TFN) et groupes de travail nationaux – et décentralisées – Taskforce locales (TFL) et CSIL-R. Elles comportent par ailleurs des dimensions stratégique et opérationnelle.
-
[11]
Loi du 30 juillet 2018 portant création de Cellules de Sécurité intégrale locales en matière de radicalisme, d’extrémisme et de terrorisme, M.B. 14/09/2018.
-
[12]
Art. 2 de la loi du 30 juillet 2018 portant création de Cellules de Sécurité intégrale locales en matière de radicalisme, d’extrémisme et de terrorisme. Cette disposition doit être interprétée au sens large, conformément à l’exposé des motifs relatif à l’article 458ter du Code pénal.
-
[13]
Note stratégique : « Extrémisme et Terrorisme. Pour une approche multidisciplinaire en Belgique », https://ocad.belgium.be/wp-content/uploads/2023/10/Note-strategique-Extremisme-et-Terrorisme_WEB.pdf, octobre 2023, p.12.
-
[14]
L’article 458ter du Code pénal introduit une exception au secret professionnel en permettant la tenue de concertations de cas dont l’objectif annoncé est de pouvoir échanger des informations entre les différentes dépositaires d’un secret professionnel sur un cas donné.
-
[15]
Voir Janssens, L ; Fadil, N., Kolly, M. (2022). La négociation du secret professionnel et le partage d’information dans la lutte contre la radicalisation violente. Rapport de recherche, KUL, 93 p.
-
[16]
Note stratégique : « Extrémisme et Terrorisme. Pour une approche multidisciplinaire en Belgique », op. cit., p. 3.
-
[17]
La Libre Belgique, https://www.lalibre.be/international/asie/la-belgique-se-dit-prete-a-rapatrier-42-enfants-de-syrie-5e42ff409978e22123cd402f, 11 février 2020, consulté le 16 avril 2024.
-
[18]
Chambre des Représentants, séance plénière du 4 mars 2021, CRIV 55 PLEN 090.
-
[19]
Nous renvoyons le lecteur au rapport de recherche susmentionné pour davantage de détails.
-
[20]
Commission des relations extérieures, C.R.I.V., Ch. repr., sess. ord. 2019-2020, séance du 16 octobre 2019, CRIV55 COM32.
-
[21]
Locution utilisée par les acteurs de terrain pour qualifier le fait que les individus sont toujours présents au sein des zones de conflit.
-
[22]
Dans le cadre de leurs travaux, les chercheurs impliqués dans le projet de recherche se sont vu accorder une habilitation de sécurité leur donnant accès à une série d’informations confidentielles. Il s’agit essentiellement de notes internes de service, d’instructions particulières et des procédures administratives, d’analyses internes, de canevas-type pour réaliser des évaluations ou des rapports.
-
[23]
En mars 2023, parmi les returnees présents dans la base de données commune (BDC) de l’OCAM et localisés en Belgique, seuls 10 individus sur 86 n’ont connu aucune détention.
-
[24]
La notion de « réinsertion sociale » a été choisie dans le cadre de cette contribution car c’est celle communément utilisée par l’ensemble des acteurs du système d’administration de la justice pénale. Pour une réflexion sur les différentes terminologies (réinsertion, réhabilitation, réintégration, etc.), voir Amadio, N., Benbouriche, M., Domingo, B., Sarg, R., (2023). « Introduction aux enjeux de la réintégration sociale en matière d’extrémisme violent », Cahiers de la sécurité et de la justice, n° 58, Éditions Institut des Hautes Études du ministère de l’Intérieur, 4-12.
-
[25]
Depuis 2006, la DG EPI et la Sûreté de l’État collaborent d’ailleurs autour de cette problématique et ont conclu un accord de coopération dans le cadre du plan fédéral de lutte contre la radicalisation (Plan R).
-
[26]
SPF Justice, « Plan d’action contre la radicalisation dans les prisons », publié le 11 mars 2015.
-
[27]
Ces chiffres ont été communiqués par la CelEx aux chercheurs le 6 mars 2023. Il s’agit de 139 personnes détenues sur une population pénitentiaire globale de 11 402 personnes.
-
[28]
Circulaire ministérielle commune du 18 février 2019 pour une approche globale des radicalismes et extrémismes violents et du terrorisme, p 3.
-
[29]
Loi du 5 mai 2019 portant des dispositions diverses en matière pénales de cultes, et modifiant la loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie et le Code pénal social, M. B., 24 mai 2019.
-
[30]
Circulaire ministérielle n° 1817 bis du 29 avril 2016 modifiant la Circulaire ministérielle n° 1817 du 15 juillet 2015 relative à la libération provisoire des condamnées subissant une ou plusieurs peines d’emprisonnement dont la partie exécutoire n’excède pas trois ans ; Circulaire ministérielle n°ET/SE-2 bis du 26 novembre 2015 modifiant la Circulaire ministérielle n°ET/SE-2 du 17 juillet 2013 concernant la réglementation de la surveillance électronique en tant que modalité d’exécution de la peine d’emprisonnement lorsque l’ensemble des peines en exécution n’excède pas trois ans d’emprisonnement.
-
[31]
Celles-ci peuvent se produire lorsque la DGD refuse à maintes reprises d’octroyer des modalités ou lorsque le dossier est considéré comme sensible et qu’il est alors directement traité par le cabinet du ministre de la Justice (« dossiers cabinet »).
-
[32]
Article 59 de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d’exécution de la peine, M. B., 15 juin 2006.
-
[33]
Ces deux services prennent place dans un champ d’action occupé par de nombreux autres acteurs (Nederlandt et Remacle, 2019) susceptibles de prendre également en charge ce public cible, mais nous avons fait le choix de nous concentrer uniquement sur ceux-ci car ce sont eux qui apparaissent de manière récurrente dans les dossiers des assistants de justice relatifs aux returnees et ce sont aussi ceux dont nous ont parlé les différents acteurs du système de la justice pénale rencontrés dans le cadre de cette recherche.
-
[34]
Extrait d’entretien avec un intervenant du CAPREV.
-
[35]
La BDC a été créée par les autorités belges à la suite du départ de ressortissants belges vers les zones de conflits irako-syriennes, en vue de partager des informations concernant des entités (personnes, groupements ou phénomènes) considérées comme une menace pour la sécurité nationale. Elle est gérée par l’OCAM et peut être consultée et alimentée par divers acteurs dont ceux du système d’administration de la justice pénale et des services de sécurité et de renseignement. Voir Detry, I., Mine, B., Jeuniaux, P., « La radicalisation au prisme des banques de données », Rapport de recherche n° 47, Institut National de Criminalistique et de Criminologie, Direction opérationnelle de Criminologie, Bruxelles, 2021, 65 p.
-
[36]
Le « Actieplan ter preventie van radicaliseringsprocessen die kunnen leiden tot extremisme en terrorisme » qui a été actualisé en 2017 par le « Actieplan ter preventie van gewelddadige radicalisering en polarisering ».
-
[37]
Afdelingnota 7- Werkwijze in radicalisering dossiers”, Departement Welzijn, Volksgezondheid & gezin.
-
[38]
Au total, 171 individus ont, à un moment donné, été catégorisés comme returnees par les autorités et encodés comme tels dans la BDC de l’OCAM. En mars 2023, 113 individus faisaient toujours partie de la BDC et 58 étaient d’ores et déjà sortis de cette base de données, puisqu’on considérait qu’ils ne constituaient plus une menace.
Références
- Amadio, N., Benbouriche, M., Domingo et B., Sarg, R. (2023). Introduction aux enjeux de la réintégration sociale en matière d’extrémisme violent. Cahiers de la sécurité et de la justice, 58, 4-12.
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Liste des tableaux
TABLEAU 1
Caractéristiques des personnes interrogées