Résumés
Résumé
Parmi les différentes formes d’intervention s’adressant à des personnes engagées ou à risque de basculer dans la radicalisation violente qui ont vu le jour dans la dernière décennie, le mentorat a été présenté comme une avenue prometteuse pour briser l’isolement et améliorer l’intégration sociale. Cet article se penche sur un programme de mentorat destiné à des personnes suivies par une équipe clinique spécialisée en radicalisation violente au Québec (Canada). Il rapporte les résultats d’une étude qualitative menée auprès de mentorés, de mentors et de superviseurs cliniques ayant pris part au programme. L’analyse de quinze entretiens individuels semi-structurés et de deux groupes de discussion soulève la question du cadre implicite que le mentorat en contexte périthérapeutique suppose. La flexibilité de ce cadre est notamment discutée dans ses apports comme dans ses limites. Les implications de ces résultats pour une pratique de proximité qui mise sur un rétablissement des liens sociaux sont par la suite abordées.
Mots-clés :
- Intervention,
- mentorat,
- radicalisation violente,
- cadre,
- espace périthérapeutique
Abstract
Among the various types of interventions for individuals either engaged in or at risk of violent radicalization that have been deployed over the past decade, mentoring has been presented as a promising avenue for reducing isolation and improving social integration. This article focuses on a mentoring program focused on individuals who were monitored by a clinical team specializing in violent radicalization in Quebec, Canada. We present the results of a qualitative study conducted with mentees, mentors and clinical supervisors who partook in the program. The analysis of 15 semi-structured interviews and two focus group discussions calls into question the implicit framework implied by mentoring in a peri-therapeutic context. A reflection on the flexibility of this framework is presented that focuses specifically on its contributions and limitations. The implications of these results for practices seeking to reestablish social ties are then discussed.
Keywords:
- Intervention,
- mentoring,
- violent radicalization,
- frame-boundaries,
- peri-therapeutic context
Resumen
Entre las diversas formas de intervención dirigidas a personas implicadas o en riesgo de caer en la radicalización violenta que han surgido en la última década, la mentoría se ha presentado como una vía prometedora para romper el aislamiento y mejorar la integración social. Este artículo analiza un programa de mentoría de personas apoyadas por un equipo clínico especializado en radicalización violenta en Quebec (Canadá). Se presentan los resultados de un estudio cualitativo realizado con mentorados, mentores y supervisores clínicos que participaron en el programa. El análisis de quince entrevistas individuales semiestructuradas y dos grupos de discusión plantea la cuestión del marco implícito que supone la mentoría en un contexto periterapéutico. La flexibilidad de dicho marco aparece mencionada tanto en sus puntos fuertes como en sus límites. Se abordan luego las implicaciones de estos resultados para una práctica de proximidad centrada en restablecer los lazos sociales.
Palabras clave:
- Intervención,
- tutoría,
- radicalización violenta,
- marco,
- espacio periterápico
Corps de l’article
Dans un paysage mondial de plus en plus polarisé autour de tensions intergroupes, différentes formes de radicalisation violente (RV) se multiplient. Les conflits géopolitiques contribuent à accentuer le phénomène, lequel est aussi catalysé par un contexte pandémique ayant augmenté l’insécurité et les inégalités socioéconomiques (Krieger, 2020 ; Marone, 2022). Différentes mesures préventives ont vu le jour dans la dernière décennie dont des programmes de mentorat s’adressant à des personnes engagées ou à risque de basculer dans la RV. Le présent article porte sur un de ces programmes implantés au Québec par une équipe clinique spécialisée en RV. Nous y mettons en lumière l’expérience de mentors, de mentorés et de superviseurs cliniques ayant participé au programme par l’intermédiaire de l’analyse qualitative d’entretiens semi-structurés que nous avons menés auprès d’eux. Nous effectuons un survol des cadres conceptuel et pratique du programme de mentorat avant d’aborder le devis méthodologique sur lequel se fonde notre étude. Les résultats que nous présentons par la suite mettent en saillance les enjeux liés au cadre implicite dans lequel se déploie la relation de mentorat, lesquels sont réfléchis dans leurs implications pour la pratique.
Radicalisation violente : repères conceptuels
À la fois objet d’étude et objet politique et médiatique, la RV est un phénomène multidimensionnel délicat à cerner. Les nombreux usages sociaux de la notion en complexifient la saisie, ladite lutte contre la RV ayant notamment mis en évidence combien l’expression pouvait être récupérée à des fins politiques (Beunas, 2021 ; Heath-Kelly, 2013). Plusieurs définitions de la RV existent, celle que nous avons retenue dans le cadre de cet article veut que la problématique réfère à un « processus non linéaire au cours duquel un individu, un groupe ou un État subit des transformations systémiques qui le conduisent à soutenir ou à favoriser l’usage de la violence envers un individu ou un groupe, en vue de faire progresser sa cause et de susciter des changements sur le plan individuel ou sociétal[2] ». La RV emprunte des configurations variées allant notamment de l’antiféminisme à la xénophobie en passant par le conspirationnisme ou la radicalisation religieuse.
Sur le plan des facteurs en jeu, les écrits soulignent l’interaction complexe de déterminants individuels, sociaux et géopolitiques (Adam-Troian, Tecmen et Kaya, 2021 ; Schmid, 2013). Hautement contextuels, ces facteurs renvoient à des réalités hétérogènes et ne permettent pas le repérage de profil type menant à la RV (Clemmow et al., 2023 ; Sageman, 2014). Des différences en matière de facteurs criminogènes ont cependant été observées entre les acteurs solitaires et les membres de groupes terroristes (Gill et al., 2021 ; Misiak et al., 2019). Alors que l’influence des problèmes de santé mentale n’est pas marquée chez les seconds (Wolfowicz, Litmanovitz, Weisburd et Hasisi, 2021), elle semble plus présente chez les premiers (Trimbur, Amad, Horn, Thomas et Fovet, 2021). Les acteurs solitaires présenteraient ainsi un profil clinique se rapprochant davantage de celui des tireurs actifs, avec des antécédents de troubles mentaux diagnostiqués (Gill et al., 2021 ; Rousseau, Frounfelker, Ngov et Crocker, 2023). Le lien entre santé mentale et RV est cependant équivoque et occasionnel. Il peut poser problème lorsqu’il nourrit un réductionnisme psychologique qui dépolitise un enjeu aussi inscrit dans des rapports de pouvoir (Sedgwick, 2010) ou lorsqu’il renforce le raccourci déjà contestable entre santé mentale et dangerosité (Hewitt, 2008).
Il n’en demeure pas moins que les milieux cliniques sont susceptibles d’être interpellés par des problématiques à l’interface de la santé mentale et de la RV pour lesquelles peu de dispositifs d’intervention existent (Rousseau et al., 2023). Les repères quant aux bonnes pratiques à adopter en prévention de la RV se font déjà rares, les retombées des programmes mis en place étant encore sous-évaluées malgré l’augmentation d’études sur le sujet dans la dernière décennie (Charkawi, Dunn et Bliuc, 2024). Par ailleurs, la portée des recherches disponibles est parfois entamée par leurs faiblesses sur les plans méthodologique et éthique (Brouillette-Alarie et al., 2022). Cela dit, les dérives stigmatisantes de programmes ayant mené au profilage et à la surveillance de communautés entières en les désignant comme « à risque » de RV ont été bien documentées (Younis et Jadhav, 2020), les velléités de contrôle sous-tendant la lutte contre la RV dans les milieux carcéraux également (Chantraine, Scheer et Beunas, 2022). Il semble plutôt que les programmes misant sur le renforcement des facteurs de protection se démarquent positivement (Brouillette-Alarie et al., 2022). En matière de prévention tertiaire[3], le caractère prometteur d’approches axées sur la réhabilitation sociale et fondées sur la confiance (trust-based approaches) est de plus en plus documenté (Charkawi et al., 2024).
Le mentorat comme voie d’intervention
S’inspirant des approches centrées sur la réhabilitation sociale, des programmes de mentorat s’adressant à des personnes engagées ou à risque de s’engager dans la RV ont été mis sur pied. Bien qu’ils mériteraient des évaluations plus poussées, ces programmes semblent contribuer à l’établissement de liens sociaux avec des pairs diversifiés, au renforcement de la confiance des participants en leurs capacités, ou encore à la diminution d’attitudes ou de croyances en lien avec la RV (Dubois et Alem, 2017 ; Radicalisation Awareness Network, 2016).
Présentation du programme
Le programme de mentorat au coeur de notre étude a été implanté entre 2019 et 2020 par une équipe clinique spécialisée en RV. Basée à Montréal, cette équipe offre des services de consultation et de supervision clinique en prévention de la RV dans cinq régions du Québec[4]. Elle compte neuf cliniciens formés à l’intervention en contexte de RV : quatre psychologues, deux travailleurs sociaux, un psychoéducateur et deux psychiatres. Les membres de l’équipe cumulent des expertises en psychiatrie transculturelle, en traitement des troubles psychotiques, des troubles du spectre de l’autisme et du trauma, de même qu’en intervention familiale et communautaire (Rousseau et al., 2021).
Le programme de mentorat est destiné aux personnes suivies par cette équipe clinique spécialisée en RV et a pour objectif de diminuer l’isolement social et de favoriser l’acquisition d’habiletés de vie chez les mentorés. Il s’inspire en cela du modèle danois Aarhus, un programme de mentorat axé sur le renforcement du réseau relationnel et des compétences psychosociales (Agerschou, 2014). Il s’en distingue néanmoins par le fait qu’il intègre aussi un savoir lié à la psychiatrie légale. En effet, l’équipe clinique qui a créé le programme de mentorat offre du soutien à des personnes pouvant présenter à la fois des problèmes de santé mentale et un risque de RV, incluant ceux dont le profil s’apparente davantage à celui des acteurs solitaires.
Le programme mise sur un cadre flexible. Les activités entre mentor et mentoré, leur fréquence et leur durée sont ainsi définies en fonction des besoins des mentorés. Ces activités peuvent prendre des formes diverses (ex. soutien scolaire ou à la réinsertion socioprofessionnelle, activités de loisirs, réalisation de projets artistiques). Le nombre de mentors impliqués dans le programme depuis sa création a fluctué entre quatre et huit, suivant les années. À ce jour, une dizaine de pairages ont été réalisés, certains mentors ayant plus d’un mentoré[5]. Les cliniciens de l’équipe assurent le recrutement, la sélection et la formation des mentors. D’une durée d’une demi-journée, cette formation porte sur les fondements théoriques et pratiques de l’intervention en contexte de RV. Les cliniciens sont également responsables de la supervision des mentors. Ces derniers peuvent faire appel à eux pour recevoir des conseils (ex. comment ajuster leurs interactions en fonction du profil clinique du mentoré) ou, plus largement, pour obtenir du soutien par rapport à ce que la relation de mentorat leur fait vivre. Les mentors sont rémunérés et la participation des mentorés au programme est volontaire. Elle leur est proposée par les cliniciens impliqués dans leur dossier, à la lumière de leur jugement clinique et en concertation avec les autres membres de l’équipe. Les mentorés sont au fait que le programme implique une collaboration étroite entre clinicien et mentors.
En filigrane : enjeux liés au cadre implicite
Cette collaboration entre cliniciens et mentors situe le mentorat dans un espace périthérapeutique, à la lisière du soin et de l’accompagnement. Il s’agit d’un contexte qui s’apparente à celui dans lequel évoluent d’autres figures paraprofessionnelles de la relation d’aide comme les pairs ou proches aidants. À plusieurs égards, la posture des mentors rejoint celle de ces figures : souplesse et transversalité des modes de soutien, appui sur un savoir expérientiel et centration sur des rapports horizontaux misant sur la proximité (Demailly, 2014 ; Schweitzer, 2020). Cependant, le contexte de RV dans lequel se déploie la relation de mentorat a aussi ses particularités ; la juxtaposition des convictions haineuses et d’un haut risque de violence lui étant caractéristique. Par ailleurs, le programme met en jeu des liens entre mentors et mentorés, mais également entre mentors et cliniciens. Ces liens ayant en commun d’être peu définis à l’avance, ils soulèvent la question du cadre implicite à partir duquel se développe la relation de mentorat.
En mettant l’accent sur une saisie fine des référents souvent tacites qui façonnent les échanges sociaux, les travaux de Goffman (1974) sur la cadre-analyse fournissent un horizon référentiel de choix pour explorer cette question du cadre implicite. À partir d’une lecture microsociologique, Goffman éclaire ainsi les principes organisateurs qui sous-tendent les interactions sociales, c’est-à-dire leurs cadres. À la fois individuels et collectifs, puisque relevant d’un ordre normatif, ces cadres assurent une forme de lisibilité des rapports sociaux tout en orientant la façon dont les acteurs y prennent part. C’est cette perspective qui fera dire à Quéré (1991, p. 58) que « la personne des individus n’est pas en eux, mais entre eux », en d’autres mots, que l’identité des acteurs sociaux ne précède pas l’échange, mais plutôt prend forme à travers lui. De cet échange découlent des jeux de positionnement réciproques à travers lesquels se nouent les identités revendiquées et attribuées.
En concevant de la sorte l’interaction comme lieu de socialisation et de subjectivation, la perspective de Goffman permet d’explorer ce que la relation génère, au-delà de ce qu’elle reflète (Bonicco, 2007). Ainsi, les cadres préexistants ne sont pas seulement mobilisés dans l’échange, ils y sont aussi transformés, l’incomplétude des repères qu’ils fournissent face à la complexité du réel forçant notamment leur constant réaménagement.
La reconnaissance simultanée des cadres qui structurent les interactions et de ce qui leur échappe nous offre un ressort analytique intéressant pour sonder les processus relationnels que le programme de mentorat met en oeuvre. Elle permet d’interroger la triple exigence d’intelligibilité, d’assignabilité et de pertinence qui sous-tend toute interaction, mais que le cadre flexible du programme de mentorat rend ici particulièrement saillante (Quéré, 1991). Cette triple exigence se traduit par des questions au sujet de la nature de la relation de mentorat (de quoi s’agit-il ?), de sa signification (quel sens revêt-elle ?) et de la façon dont les rôles s’y créent (comment chacun s’y situe ?). Par ailleurs, notre étude recueillant le point de vue des mentors, des mentorés et des superviseurs cliniques au moyen d’entrevues, c’est à une saisie a posteriori de leur expérience qu’elle s’attarde, une mise en forme qui dépend aussi de la lisibilité des cadres en jeu : « ne pas pouvoir raconter ce qui s’est produit, c’est ne pas comprendre ce qui s’est passé : ce sont les situations elles-mêmes et les cadres qui sont mis à mal » (Joseph, 1991, p. 27).
Finalement, la prise en compte du potentiel transformateur de l’interaction que la lecture goffmanienne met de l’avant est intimement liée au pari autour duquel s’articule le programme de mentorat. Au fondement de la construction de soi comme de la vie sociale, les interactions nourrissent le « jeu de l’intégration sociale » (Marcellini et Miliani, 1999, p. 17). Or, les personnes à qui s’adresse le programme de mentorat étant plus susceptibles d’être mises hors-jeu socialement, il s’agit de miser sur le rapport à l’autre tout en interrogeant ses conditions de possibilité.
Méthodologie
L’étude au coeur de notre article avait pour objectif d’explorer en profondeur le regard posé par les cliniciens, les mentors et les mentorés sur leur expérience au sein du programme de mentorat. Nous avons privilégié un devis qualitatif, lequel s’inscrit dans un paradigme constructiviste interprétatif qui conçoit la réalité comme mouvante et multiforme et reconnaît au chercheur un rôle actif dans la coconstruction du savoir (Santiago Delefosse et Del Rio Carral, 2017). Par ailleurs, la démarche méthodologique adoptée s’inspire aussi de l’analyse phénoménologique interprétative (API) qui met l’accent, au-delà de la description, sur la façon dont les participants font sens de leur expérience (Smith, 2004).
Recrutement et échantillonnage
Au total, la recherche compte dix-sept participants, soit cinq mentorés, quatre mentors et huit cliniciens impliqués à titre de superviseurs auprès des mentors[6]. Le recrutement des participants s’est effectué entre avril 2022 et juin 2023, en collaboration avec l’équipe clinique spécialisée chargée du programme de mentorat. Nous avons privilégié un échantillonnage dirigé (Polkinghorne, 2005) pour le recrutement des mentorés afin d’obtenir des profils différents en ce qui concerne l’âge (avec un seuil minimal de 14 ans), le niveau d’éducation et le type de RV. Nous avons invité tous les mentors et les cliniciens impliqués dans le programme à participer à la recherche. Nous avons établi la fin du recrutement des participants en fonction de la suffisance théorique, ce critère ayant été préféré à celui de saturation théorique, plus difficile à atteindre avec un petit nombre de participants et au regard de l’objectif exploratoire de la présente recherche (LaDonna, Artino et Balmer, 2021, Malterud, Siersma et Guassora, 2016). C’est ainsi la diversité du matériel recueilli plus que sa capacité à saturer les thèmes par redondance qui nous a servi de repère pour clore le recrutement.
Caractéristiques des participants
Les cinq mentorés étaient des hommes – ce qui coïncide avec la surreprésentation masculine des personnes suivies par l’équipe clinique – et adhéraient à des types de radicalisation variés[7]. Deux d’entre eux étaient dans la quarantaine, l’un dans la trentaine et l’autre était âgé de moins de 20 ans. Sur le plan de l’éducation, trois avaient fait des études secondaires, l’un avait un diplôme collégial, tandis que le dernier avait fait des études universitaires. Deux participants prenaient part au programme depuis moins de deux mois, les trois autres y participaient depuis huit mois, neuf mois et deux ans et demi. La fréquence des rencontres avec leur mentor était variable (contacts hebdomadaires, bimensuels, mensuels ou quelques fois par année), et ces rencontres se faisaient en personne ou par téléphone. Les activités entre mentors et mentorés prenaient différentes formes : marches et discussions, soutien dans les démarches de recherche amoureuse, sorties au restaurant, visite d’un parc récréatif, réalisation d’un projet vidéo, soutien scolaire et exécution de menus travaux de construction.
Les mentors comptaient trois hommes et une femme[8]. Un d’entre eux avait moins de 30 ans, l’un était dans la trentaine, l’autre dans la quarantaine et le dernier était dans la cinquantaine. Tous avaient fait des études universitaires. Deux d’entre eux étaient dans le programme depuis moins de deux mois, les deux autres y participaient depuis plus de sept mois. À l’exception d’un mentor, tous avaient eu plus de deux pairages depuis leur implication dans le programme. Finalement, cinq femmes et trois hommes agissaient à titre de superviseurs cliniques. Deux d’entre eux avaient moins de 35 ans, cinq avaient entre 40 et 60 ans et une personne avait plus de 65 ans. Deux superviseurs cliniques avaient moins de trois ans d’expérience au sein de l’équipe clinique, trois cumulaient entre quatre et six ans d’expérience, tandis que les autres y étaient depuis plus de six ans.
Collecte de données
La collecte de données s’est échelonnée entre avril 2022 et juin 2023[9]. Nous avons recueilli le matériel au moyen d’entrevues semi-dirigées de groupe et individuelles menées par des assistants ou des chercheurs formés en prévention de la RV. Nous avons ainsi réalisé quinze entretiens individuels : six auprès des mentorés (l’un ayant été rencontré à deux reprises), quatre auprès de mentors et cinq auprès des superviseurs cliniques. Nous avons effectué deux entrevues de groupe, l’une auprès de trois mentors et l’autre auprès de huit superviseurs cliniques. Ces entrevues de groupe ont permis de compléter le matériel en abordant l’expérience générale de superviseurs cliniques et de mentors auprès de mentorés n’ayant pas été recrutés dans ce projet de recherche.
La durée des entretiens individuels était très variable (entre quinze minutes et une heure), tandis que celle des entrevues de groupe oscillait autour d’une heure et demie. Les rencontres se sont déroulées par visioconférence, par audioconférence, par téléphone ou en personne dans un local du CLSC, selon la préférence des participants. Les entrevues s’articulaient autour de grands thèmes tels que la motivation et les attentes des participants vis-à-vis du programme, de même que leur perception de ses forces et de ses limites. Finalement, nous avons invité les intervieweurs à rédiger des notes de terrain lors des entrevues, afin de favoriser la pratique réflexive et de contextualiser l’analyse.
Analyse
Toutes les entrevues sauf une ont été enregistrées[10], et leur contenu intégral a été transcrit et importé sur le logiciel NVivo. Nous avons soumis le matériel recueilli à une analyse thématique (Paillé et Mucchielli, 2021) suivant une démarche comparative constante, qui consiste à faire des allers-retours entre la collecte et l’analyse du matériel recueilli (Glaser et Strauss, 1967). Deux assistantes de recherche et la chercheuse principale y ont contribué, la triangulation de leurs regards sur le matériel recueilli contribuant à la rigueur de l’analyse (Savoie-Zajc, 2009), laquelle était également guidée par les critères d’authenticité et de crédibilité (Morrow, 2005). Pour chaque verbatim d’entrevue, les assistantes de recherche et la chercheuse principale ont mené séparément une analyse en deux temps, soit une analyse descriptive, suivie d’une analyse inférentielle. La première visait à dégager les thèmes des entrevues au plus près des propos des participants, tandis que la seconde avait pour objectif de mettre les propos des différents participants en relation, suivant une logique interprétative (Paillé et Muchielli, 2021). Nous avons par la suite mis en commun ces analyses afin qu’un consensus entre les trois membres de l’équipe soit atteint pour la codification finale de chaque entrevue. Finalement, le repérage des thèmes transversaux, c’est-à-dire liant les entrevues entre elles, a été effectué en équipe une fois ce consensus atteint. Notre article reprend plus spécifiquement les thèmes transversaux touchant à la question du cadre implicite de la relation mentorale.
Résultats
Il est possible de dégager trois axes autour desquels s’articulent les propos des participants. Le premier est lié à la teneur de la relation de mentorat, le second renvoie aux différents positionnements qui la sous-tendent, tandis que le dernier éclaire les dimensions éthiques en jeu. Pour tous les trois, les enjeux entourant le cadre implicite se devinent à travers l’insistance de la question du traçage des contours, que ceux-ci soient relationnels, professionnels ou éthiques.
La relation de mentorat : quelle teneur ?
Le regard que posent les participants sur la relation de mentorat varie. Certains adoptent une lecture centrée sur les effets de résonance, identitaire ou affective, entre mentor et mentoré. D’autres orientent plutôt leur regard sur l’inauthenticité du lien offert, laquelle fait obstacle à leur engagement dans le programme.
De différentes proximités
La dimension de la proximité revient dans le discours des participants lorsqu’ils évoquent la relation entre mentor et mentoré. Cette proximité se décline sous plusieurs formes. D’une part, l’accent est mis sur la similitude. Il est question d’affinités dans les champs d’intérêt, un mentoré soulignant combien il a « beaucoup de points communs » avec son mentor, tandis qu’un autre dit aimer le fait que son mentor soit « aligné » avec lui sur « plein de questions philosophiques ». Les recoupements dans les expériences de vie, notamment en lien avec certaines postures idéologiques, sont aussi reçus avec reconnaissance : « Il a par exemple partagé que lui aussi, il avait eu du trouble avec des idéologues genre extrémistes, puis j’ai trouvé ça intéressant » (mentoré).
D’autre part, la proximité affective entre mentor et mentoré est aussi abordée. « Il m’a beaucoup investi », dira un mentor au sujet de son mentoré, lui-même constatant s’être attaché à certains (« on se met à penser beaucoup à la personne, on se met à se préoccuper de lui »). Du côté des mentorés, le mentor est décrit « comme un bon ami » ou « un grand frère », une figure appréciée qui permet de briser la solitude (« ça me faisait quelqu’un à qui parler »). La valeur du lien tissé avec le mentor se laisse parfois aussi deviner dans l’oblique d’un commentaire. Un mentoré remarque par exemple qu’il guette l’arrivée de son mentor, alors qu’il n’a habituellement pas hâte de voir personne.
D’ailleurs, pour la grande majorité des mentorés, c’est sur fond d’isolement social que la relation de mentorat se dessine (« je me sentais extrêmement seul »), la solitude pouvant s’incarner aussi dans le sentiment d’être incompris (« ils sauront jamais ce que j’ai vécu, puis je veux pas leur faire comprendre ») ou d’être à part (« j’étais weird »). Les histoires relationnelles des mentorés sont marquées par différents types de difficultés : intimidation à l’école, violence dans les centres d’accueil (« j’étais entouré des pires fous, tout le temps »), ruptures répétées dans les relations d’aide offertes, rapports familiaux conflictuels (« de l’ostie de merde ») ou inauthentiques (« on fait chacun semblant qu’on a une bonne relation »). Un mentoré lance qu’il préférerait vivre avec les « ours et les coyotes », tant il a le genre humain en aversion.
La proximité affective qui se crée entre mentor et mentoré peut ainsi être lue à la lumière de cet héritage relationnel. Les mentors font parfois face à une importante méfiance, qui peut mener les mentorés à refuser un pairage ou à l’abandonner. Il semble cependant que certaines réticences puissent être vite dissipées, un mentor soulignant avoir été surpris par la rapidité à laquelle des liens se sont créés : « j’ai trouvé ça étrange de voir à quel point rapidement ils l’ont pris pour acquis que j’étais quelqu’un qui était là, qui était disponible pour eux ». Dans le même ordre d’idées, un mentor relève combien le mentoré qu’il voyait s’est confié sur des sujets personnels tôt dans la relation. La rapidité ou l’intensité avec laquelle le lien peut se tisser permet de réfléchir aussi aux glissements possibles qui peuvent avoir cours dans la relation.
Un autre versant de la proximité s’est illustré à travers la question du « trop près ». Confusion amoureuse, dans un cas où le mentoré s’est épris de son mentor, de même qu’allusions sexuelles formulées par un autre lors de ses rencontres avec le mentor, autant de situations ayant exigé que les limites et la nature du lien soient réitérées.
À ces glissements s’ajoutent les vécus d’empiétement rapportés par les mentors qui se sentent à l’occasion « envahis » sur différents plans. Un mentor décrit par exemple que les appels très fréquents de son mentoré l’ébranlaient et lui donnaient l’impression de ne pas pouvoir faire de coupure : « c’était tout le temps et je me sentais mal quand je répondais pas, mais j’ai l’impression que je pouvais pas mettre off ». L’insistance des préoccupations liées à des mentorés très à risque de passage à l’acte homicidaire ou suicidaire est aussi évoquée, tout comme l’intensité des contenus haineux auxquels les mentors sont parfois exposés. À ce sujet, un mentor dira « je me mettais à voir de l’antiféminisme partout, je me disais, mais quand même, mais mon Dieu, on en est encore là ». Pour un mentor, c’est aussi sous forme de cauchemars que les contenus haineux se sont parfois manifestés. Certains échanges ont aussi pu susciter découragement et fatigue (se sentir « brûlé, lessivé »). À l’inverse, le caractère potentiellement intrusif de l’accompagnement par un mentor peut aussi être redouté par les mentorés. Un mentoré explique avoir d’abord songé à décliner l’offre de mentorat parce qu’il n’avait pas envie « de parler à quelqu’un qui se mêle de (s)es affaires ». Une superviseure souligne elle aussi combien cette crainte peut jouer pour certains : « je veux pas qu’il soit dans mes pattes (…). Il va m’appeler. Ça, c’est comme trop proche, je veux pas trop me dévoiler. Le mentor peut être épeurant à cet égard ».
Le simulacre : « pourquoi vous m’achetez un ami » ?
Si la figure du mentor s’inscrit parfois dans le registre de la proximité, elle donne aussi lieu à des propos d’une tout autre tonalité, lesquels interrogent l’authenticité du lien offert. Ainsi, dans l’envers de la figure du bon ami se dessine celle du faux ami. Un mentoré souligne le caractère plaqué de la relation de mentorat en disant que son mentor est simplement payé pour « faire semblant » de s’occuper de lui. Un autre trouve que le contact était « comme un peu artificiel » avec son mentor, et ce, malgré le fait que celui-ci « voulait bien faire ». L’artificialité du lien est aussi évoquée par un mentoré qui soutient que le travail du mentor, comme des intervenants cliniques, se résume à l’encourager à la manière d’un « cheerleader ».
Un mentor souligne pour sa part que les mentorés qui remettent en question sa posture constituent plus l’exception que la règle. Il n’en demeure pas moins qu’il comprend leur doute, se sentant lui-même parfois « un peu traître là-dedans » parce que, soutient-il, il endosse un rôle qui n’est pas si loin de celui des intervenants. La question de la duperie pointe aussi vers les intentions réelles du mentor (« de toute façon vous, vous travaillez pour la police ») et son positionnement par rapport à l’équipe clinique. Les mentorés peuvent tour à tour craindre que le mentor soit en fait là pour « enquêter » sur eux ou relayer des informations à leur clinicien.
Rôles et postures au sein du programme
Les propos des participants mettent également en lumière la fonction de la relation de mentorat, qui soulève des questions liées à l’intervention. C’est à travers différents jeux de postures que ces questions sont abordées alors que les participants traitent du rôle du mentor, mais également de son positionnement vis-à-vis à la fois des mentorés et des superviseurs cliniques.
Le mentor : un rôle flou
Les participants ont maintes fois relevé le caractère flou de la posture du mentor. Il est question de la façon dont ce rôle s’apparente à plusieurs autres (« j’avais l’impression d’être un peu un psychothérapeute, d’autres fois c’est plutôt l’impression d’être un travailleur social ») sans y correspondre en entier. Les déclinaisons sont multiples « chaque mentor peut avoir un rôle différent, peut incarner quelque chose de différent » suivant les pairages. L’absence de contours clairs quant à la mission du mentor peut désorienter, remarque un superviseur : « leur rôle est tellement flou ou malléable ou changeant que ça peut être déroutant, autant pour les mentors que pour les mentorés. Parce que jusqu’où je peux aller ou jusqu’où je peux pas aller ? ».
La souplesse qui caractérise le rôle de mentor induit une « certaine ambiguïté » dont le double versant est souligné par une superviseure clinique : « c’est parce que c’est flexible que ça marche bien, et non spécifique, mais ça aussi, ça peut devenir un problème ». Le rapport entre superviseur clinique et mentor s’inscrit à son tour dans un cadre flou, les superviseurs s’interrogeant à savoir : « à quel point on supervise, à quel point on laisse de la place » pour soutenir les mentors tout en leur laissant une marge de liberté. Finalement, le chevauchement entre les rôles de mentors et de cliniciens implique parfois « certains degrés de confusion » lorsqu’il s’agit de départager ce qui relève du champ d’action de chacun, explique une superviseure.
Postures face aux idéologies radicales
L’importance de ne pas prendre les idéologies radicales des mentorés de front revient dans les propos des mentors. Il ne s’agit pas, souligne un mentor, de confronter les mentorés pour les amener à changer : « moi, j’arrive pas en étant moralisateur avec les gens que je suis ou j’arrive pas non plus [en disant :] il faut que je te change ». Pour un autre mentor, il s’agit parfois de multiplier les perspectives sans pour autant imposer un point de vue, un calibrage qui s’avère délicat : « c’est vrai que j’avais beaucoup de questionnements par rapport à ça[, au] degré avec lequel je pouvais par exemple gentiment inviter un mentoré à considérer une autre perspective, et si je fais ça, est-ce que c’est une intrusion, est-ce que c’est lui changer les idées ou pas ? ».
Cette invitation à considérer une autre perspective se traduit parfois différemment. Dans un des pairages, l’équipe a eu recours à un mentor qui incarnait, par ses ancrages identitaires, le groupe ciblé par l’idéologie haineuse du mentoré. Le mentor de cette dyade explique ce que sa présence pouvait signifier pour le mentoré : « le simple fait que moi j’existe devant lui, dans la même pièce que lui, je suis déjà en train de remettre en question tout ce qu’il haït ». Selon lui, ce sont leurs similitudes sur d’autres plans qui ont permis de surpasser cette différence, la relation s’articulant dans les pourtours de l’idéologie radicale. En lien avec ce type de jumelage, un superviseur ajoute : « intuitivement, on l’a fait dans le passé, de mettre quelqu’un d’une communauté ethnique avec un suprémaciste blanc, par exemple – il pourrait arriver que les caractéristiques personnelles du mentoré [fassent] qu’il pourrait passer [par-dessus] parce qu’il a besoin de relation ».
Composer avec les convictions haineuses des mentorés exige des mentors d’être conscients de leurs propres ancrages idéologiques et d’être en mesure de tolérer un certain bouleversement : « c’est d’être à l’aise dans ses propres idées et […] de tolérer d’être confronté, d’être capable de répondre, de pas s’enflammer donc… c’est pas évident » (superviseure). Le défi réside également dans la capacité à entendre des « choses assez horripilantes » sans pour autant avoir l’impression de « devenir complice » (superviseur). À l’inverse, la proximité idéologique entre certains mentors et mentorés évoquée plus haut peut aussi inquiéter. Une superviseure dit avoir constaté qu’un mentor et son mentoré partageaient plus d’idées qu’elle ne le croyait, ce qui l’a amenée à se questionner quant au risque de les voir nourrir leurs convictions respectives : « ils se sont peut-être un peu autofeedés là-dedans ».
« Un genre de trio thérapeutique » : les liens entre mentors, mentorés et superviseurs cliniques
Les superviseurs cliniques contribuent à l’accompagnement offert par les mentors de différentes façons. Une superviseure a par exemple aidé un mentor à doser la fréquence de ses rencontres avec un mentoré en tenant compte du profil relationnel de ce dernier. Les superviseurs peuvent aussi soutenir les mentors par rapport aux enjeux affectifs que la relation de mentorat soulève : « quand j’avais des moments où moi, je me sentais un peu challengé, elle était vraiment comme capable de désamorcer ça » (mentor). En grande majorité, les mentors soulignent leur appréciation de cet encadrement à la fois « très important » et « très rassurant ». Un mentor offre cependant un son de cloche différent en indiquant s’être senti exclu du programme de mentorat par l’équipe clinique lorsque sa relation de mentorat s’est terminée, en n’étant pas recontacté pour avoir un autre pairage.
Le soutien entre superviseurs cliniques et mentors n’est pas unilatéral : certains superviseurs mettent de l’avant la façon dont les mentors viennent eux aussi en appui à leur travail. Un superviseur mentionne qu’« introduire un tiers » dans une relation thérapeutique qui pèse parfois lourd sur les épaules des cliniciens en raison du risque de violence permet d’en diffuser le poids. Dans la même lignée, une superviseure soutient que les mentors agissent parfois comme un « filet de sécurité supplémentaire » ou représentent le dernier lien du mentoré à l’équipe : « le mentor était le seul véhicule, le seul contact qui nous a permis au moins un an d’avoir [un] contact, un lien et des nouvelles et d’être rassurés ». La circulation des informations entre mentors et superviseurs cliniques se fait « avec la permission du client » et peut emprunter plusieurs voies. Une clinicienne explique par exemple que le mentor qu’elle supervise l’a déjà contactée pour lui dire : « notre client commun, il traverse une période difficile, il se passe telle, telle, telle affaire, je lui ai suggéré qu’il en reparle en thérapie ». En revanche, il arrive également que des désaccords entre cliniciens et mentors sur la marche à adopter dans certains suivis avec les mentorés suscitent un inconfort avec lequel il faut composer, soutient une superviseure.
Hors cadre ? Dimensions éthiques
Alors que les participants soulèvent les enjeux liés à un mode d’intervention en dehors des cadres conventionnels, ce sont les dimensions éthiques du programme qui sont mises au jour. Elles éclairent notamment la responsabilité que l’accompagnement de mentorat fait porter aux mentors et aux superviseurs cliniques, une responsabilité qui touche également à leur engagement vis-à-vis le lien créé et ses suites.
L’en-dehors
Les différences entre superviseurs cliniques et mentors sont discutées en ce qui a trait aux balises qui jalonnent la pratique des seconds et dont les premiers ne disposent pas. Le fait que la relation de mentorat se déploie hors cadre, à la fois en dehors des lignes qui définissent la conduite professionnelle et hors les murs de l’institution, est perçu comme un avantage sur certains plans. Pour les mentors, ce type de relation donne accès à « tout un tas de données » sur le fonctionnement de la personne au quotidien et en contexte social. La portée concrète des changements induits par la relation de mentorat serait aussi directement observable. À ce titre, un mentor ayant accompagné un mentoré dans diverses situations, sources d’anxiété pour celui-ci, explique avoir pu constater une progression : « ça me permettait de voir comme très facilement l’impact du travail que je faisais ».
Par ailleurs, le hors-cadre peut être « soulageant » pour des mentorés parfois méfiants envers les institutions et les cliniciens qui y oeuvrent, comme l’explique un superviseur : « certains mentors ont accès à des informations auxquelles on n’aurait jamais eu accès en clinique parce que les clients auraient bien trop peur qu’on les fasse hospitaliser ou qu’on appelle les policiers ou d’autres choses, ou qu’on les considère comme fous. Donc c’est intéressant parce que ça permet finalement un lien moins menaçant pour certains de nos clients. »
Cependant, cette posture laisse aussi des questions en suspens, notamment celle du risque. Risque éthique pour les mentorés, du fait, par exemple, que les mentors ne soient pas tenus au secret professionnel : « qu’est ce qui arriverait si effectivement un de nos clients qui serait mentoré [était] accusé d’un quelconque crime ou agression : effectivement, un mentor n’est pas tenu devant un juge [de] ne pas divulguer les informations qu’on lui a confiées ». Risque également pour les mentors eux-mêmes qui se retrouvent parfois dans des situations tendues ou dangereuses et qui dépassent leurs compétences : « j’ai pas les skills de psychologue ! » Une superviseure souligne, au sujet de la confusion amoureuse d’un mentoré à l’endroit de son mentor : « on peut tomber amoureux du mentor, et ça arrive, ça va éveiller d’autres sentiments, plus de panique parce que y’a pas de barrière ». Ainsi, certains glissements abordés plus haut n’ont pas la même portée du fait qu’ils se déploient hors cadre.
La fin et l’après
La dimension de l’en-dehors fait également écho au positionnement de la relation de mentorat dans l’horizon social des mentorés. C’est en marge d’expériences relationnelles éprouvantes que le lien de mentorat prend forme, l’intensité avec laquelle certains mentorés s’y investissent rappelle d’ailleurs combien cette offre relationnelle n’est pas anodine. Les considérations éthiques qu’elle engage touchent notamment à la responsabilité des mentors et des superviseurs cliniques face à la relation créée et à son devenir. La question de la fin de la relation de mentorat revient ainsi dans les propos des mentors et des superviseurs cliniques ; le fait que cette fin ne soit pas fixée d’avance soulevant plusieurs questions. Un superviseur clinique insiste sur la responsabilité des mentors vis-à-vis d’une relation qui peut s’inscrire dans la durée : « c’est vraiment un engagement, que les gens avec qui on les matche, ils vont prendre ça au sérieux, que ça peut […] les blesser s’ils se désengagent de façon inattendue[,] que c’est quelque chose vraiment à prendre au sérieux ». Un mentor fait cependant remarquer que cette capacité d’engagement peut être complexe à assurer lorsque la relation de mentorat s’inscrit dans un cadre à long terme : « si parfois les mentors[,] si la vie les amène à un autre endroit […] alors que la plupart, la grande majorité de mes clients[,] ceux pour lesquels j’étais mentor, c’est quand même des cas lourds et chroniques ».
Le risque de répéter des vécus d’abandon ou de perte est grand et soulève « l’enjeu éthique de comment terminer la relation », rapporte un mentor. Un superviseur clinique explique par exemple être déjà intervenu auprès d’un mentor qui avait quitté abruptement la relation avec son mentoré pour s’assurer qu’un retour soit effectué auprès de ce dernier : « on a réussi à récupérer ça en demandant au mentor s’il pouvait appeler le client en lui expliquant qu’il était désolé[,] mais qu’il [ne] pouvait plus s’impliquer, que c’était pas personnel à lui et qu’ils allaient prendre le temps de se dire au revoir ».
Si elle peut être source d’appréhension pour les mentorés, il arrive cependant que cette fin soit mieux vécue du fait qu’elle relève d’une relation qui se situe en dehors des liens de la vie courante, avance une superviseure clinique. Le statut singulier de la relation de mentorat rendrait ainsi la fin « moins menaçante » pour certains, dit-elle. Il s’agirait cependant selon elle de mieux préparer cette fin en amont, à l’image de la façon dont les fins sont travaillées dans un cadre thérapeutique.
Le devenir de la relation de mentorat est réfléchi au-delà de la durée concrète de l’accompagnement, certains mentors et superviseurs cliniques disant souhaiter que les acquis liés à cette relation se transposent dans d’autres sphères de la vie des mentorés. L’idéal, souligne un superviseur clinique, serait que la relation de mentorat soit naturellement reléguée au second plan du fait qu’elle aurait permis au mentor de se relier avec d’autres personnes ou groupes. La question de savoir comment négocier cette fin lorsque ces ancrages à l’extérieur de la relation de mentorat ne se créent pas demeure cependant entière, ajoute-t-il.
Discussion
Sur plusieurs plans, la posture du mentor s’inscrit dans un espace mitoyen : entre l’ami et le faux ami, le grand frère et le thérapeute. Le mentor fait aussi office de passeur entre l’équipe avec laquelle il collabore et les mentorés qu’il accompagne. Les mentors adoptent aussi une position d’entre-deux vis-à-vis des convictions haineuses des mentorés, qui ne sont ni appuyées ni disqualifiées. Il s’agit de « jouer sur la ligne », pour reprendre les termes d’une superviseure, dans un espace liminal qui échappe aux classifications et aux repères habituels (Turner, 1987). Ainsi, l’analyse met en lumière que les cadres mobilisés dans le mentorat, qu’ils soient liés à la relation, à l’intervention ou à l’éthique, se caractérisent par leur précarité.
La précarité comme fondement
Bien que particulièrement prégnante dans la relation de mentorat, cette précarité fait écho à une composante fondamentale du cadre selon Goffman (1974) : sa vulnérabilité. Celle-ci renvoie à l’idée que le cadre est constamment susceptible d’être transformé, les rapports sociaux impliquant une redéfinition en continu de leurs contours. Dans cette perspective, les doutes, les impairs ou les malentendus ont une valeur révélatrice puisqu’ils éclairent les cadres en jeu dans une interaction sociale (Cefaï et Gardella, 2012). Ainsi, l’ambiguïté qui caractérise la relation de mentorat permet de réfléchir aux référents qu’elle met en tension.
Sur le plan de l’intervention, le mentor s’appuie sur un savoir expérientiel qui entremêle l’intime et le social, un savoir en marge des connaissances théoriques (Schweitzer, 2020). Ce faisant, la posture du mentor brouille et dévoile à la fois une frontière qui structure le champ psychiatrique, celle qui distingue savoir profane et institué, patients et soignants (Demailly, 2014). Cette posture ressemble à d’autres modèles flexibles d’intervention sociale, sauf que la question du risque lié aux dérapages relationnels et à la dangerosité de certains mentorés pour autrui ou pour eux-mêmes se pose avec plus d’insistance en contexte de RV. À cet égard, la valence protectrice de repères professionnels ou déontologiques est relevée par les mentors et superviseurs cliniques. Le savoir spécialisé de même que le cadre légal dont disposent les seconds par rapport aux premiers peuvent ainsi fournir des coordonnées à partir desquelles orienter les pratiques.
Il est cependant possible d’interroger ici aussi la netteté de cette démarcation entre les cadres d’intervention des mentors et des superviseurs cliniques dans la mesure où l’indétermination fait aussi partie intégrante de la pratique des cliniciens. Les repères, qu’ils soient diagnostiques, déontologiques ou liés à l’évaluation du risque, sont certes essentiels, mais n’enrayent pas la part d’inconnu inhérente à toute intervention, celle-là même qui impose des limites aux modèles axés sur une lecture anticipatoire de la dangerosité (Gheorghiev, de Montleau et Marty, 2010).
Quelles implications pour la pratique ?
Le programme de mentorat dont nous traitons dans le présent article est né de la nécessité d’adapter les pratiques à la réalité des personnes suivies par l’équipe clinique spécialisée. Son dispositif s’inspire des principes du travail de proximité, de l’outreach, en soutenant un travail interstitiel qui « vient occuper les espaces vides d’écoute spécialisée » auprès de populations marginalisées, exclues ou s’excluant des espaces de soins traditionnels (Mercuel, 2018, p. 149). Ce cadre particulier implique de placer l’offre au-devant de la demande, la demande étant rarement le point de départ de suivis qui, dans le cas des personnes accompagnées par l’équipe spécialisée, sont souvent initiés par les proches ou imposés légalement (Rousseau et al., 2023). « L’aller vers » au fondement de cette pratique inverse donc le mouvement habituel du soigné vers le soignant et mise sur « la qualité attractive du dispositif » (Mellier, 2006, p. 151).
La souplesse qui caractérise le cadre implicite du mentorat repose ainsi sur une double exigence d’attractivité et d’inventivité, mais elle a aussi ses revers. Inscrite dans un cadre trop flexible, la relation de mentorat est susceptible d’induire des investissements massifs dont les effets débordants peuvent être vécus tant du côté des mentors que des mentorés. Or, le risque de déception entraîné par ces investissements peut être à la hauteur de leur intensité. Évoqué par les participants qui abordaient les dimensions de la duperie et du simulacre, le potentiel trompeur de la relation de mentorat serait à réfléchir aussi dans ses articulations au cadre implicite, lequel peut mener à des échecs qui reproduisent ou renforcent les expériences relationnelles difficiles chez les mentorés. Ces considérations portent à croire que l’ouverture du cadre implicite serait à préserver, mais à condition que ses effets idéalisants soient pris en compte. À l’inverse, il s’agirait également de reconnaître la valeur structurante de certaines balises sans perdre de vue leur caractère fluide et partiellement illusoire (Bondi et Fewell, 2003).
Quelques pistes
Il serait possible d’abord d’articuler la formation et le suivi des mentors autour d’une vision double du cadre en tant qu’espace interne et externe, c’est-à-dire relevant à la fois d’éléments de disposition et de dispositif (Martin, 2001). Ainsi, l’exploration simultanée des enjeux liés au cadre interne des mentors et des mentorés (ex. attentes, appréhensions, modes relationnels, vécus) et de ceux liés au cadre externe (ex. les règles et balises du programme) permettrait d’éclairer la complexité des mouvements qui les lient. L’importance de réfléchir au positionnement interne des mentors est d’autant plus grande qu’ils sont privés de bon nombre d’ancrages externes puisque l’accompagnement offert varie en ce qui concerne sa fréquence, ses formes et ses lieux. Les repères du dehors étant dilués, ce sont les représentations intériorisées du cadre qui sont davantage sollicitées chez les mentors.
Ensuite, à la supervision individuelle offerte par les cliniciens pourraient s’ajouter des rencontres régulières entre mentors afin qu’ils puissent réfléchir à certaines règles à partir des expériences de chacun. Les échanges entre pairs constituant une autre façon de « mettre en travail la fonction de compagnonnage » (Blanquet, 2020, p. 18), ces espaces viendraient à la fois décloisonner les expériences de mentorat et contenir leurs effets.
Finalement, il y aurait également lieu d’interroger le cadre institutionnel dans lequel se déploie le programme de mentorat. Pour l’instant, ce programme de mentorat s’adressant à des personnes engagées dans la RV et aux prises avec des problématiques de santé mentale fait figure d’exception au Québec comme ailleurs dans le monde. Des études évaluatives centrées sur les retombées d’un tel dispositif pourraient contribuer à remettre en cause ce statut marginal.
Conclusion
« Es-tu de mon côté ? » La question, lancée par un mentoré à son mentor, l’invite à se positionner : être avec ou contre, d’un côté ou de l’autre, suivant une démarcation propre aux rhétoriques radicales qui, précisément, n’admettent pas d’entre-deux. Être aux côtés de, c’est plutôt autour de cette proposition que l’offre de mentorat s’articule, dans une forme d’accompagnement « d’épaule contre épaule » (Pagès, 2017, p. 439). Le cadre implicite dans lequel s’inscrit cette relation est caractérisé par une fluidité à la fois nécessaire et périlleuse. Ainsi, le mentorat peut constituer un espace d’expérimentation relationnelle qui permet au mentoré de sortir de l’isolement tout en revivant à bas bruit les frustrations et les limites d’un passé souvent marqué par l’exclusion. Cet espace de sécurité relative comporte aussi des écueils. Un accompagnement clinique solide est nécessaire pour contourner ou pour minimiser les risques de dérive, notamment vers une répétition d’expériences relationnelles éprouvantes, qui pourraient s’avérer préjudiciables tant pour le sujet que pour le mentor. De façon plus large, la relation de mentorat invite à réfléchir à la question de la précarité, celle qui caractérise son cadre implicite comme celle qui relève des cadres normatifs qu’elle éclaire.
Parties annexes
Notes
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[1]
Département des Sciences humaines, Lettres et Communication, TÉLUQ, 5800 Saint-Denis, bureau 1105, Montréal, Québec, H2S 3L4, 1 800 665-4333, p. 2061.
-
[2]
Tirée de CPN-PREV : https://cpnprev.ca/. Cette définition a l’avantage de mettre de l’avant le caractère dynamique, c’est-à-dire interactionnel, de la problématique.
-
[3]
Dans le vocabulaire de la santé publique, trois paliers de prévention se distinguent : prévention primaire (qui s’adresse à l’ensemble de la population), secondaire (qui cible des groupes considérés à risque) et tertiaire (destinée à ceux déjà aux prises avec la problématique) (Brouillette-Alarie et al., 2022). Bien que ce modèle ait comme défaut de laisser supposer un continuum entre les réalités ciblées de la prévention primaire à la prévention tertiaire, il est répandu dans les écrits en prévention de la RV.
-
[4]
Montréal, Laval, Québec, Sherbrooke et Gatineau.
-
[5]
Par ailleurs, deux ou trois personnes ont refusé la proposition de mise en relation avec un mentor depuis le début du programme.
-
[6]
Sur un total de dix mentorés, huit mentors et neuf superviseurs cliniques ont été impliqués dans le programme depuis ses débuts.
-
[7]
En raison de la très petite taille de l’échantillon des mentorés, nous n’avons pas mentionné les types de radicalisation auxquels ils adhéraient afin de ne pas compromettre leur anonymat. Cependant, une diversité de formes de radicalisation violente est représentée.
-
[8]
Le programme comptant très peu de mentors femmes, nous avons recouru, pour ce groupe de participants, au masculin générique afin que cette participante ne puisse être identifiée.
-
[9]
Cette étude a reçu une approbation éthique (no du projet 2021-2520).
-
[10]
À la demande d’un participant qui refusait que l’entretien soit enregistré, des notes manuscrites ont été prises et par la suite analysées.
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