Résumés
Résumé
En mobilisant une large enquête qualitative conduite à l’échelle locale, l’article examine les rationalités entremêlées du travail mené au sein des cellules préfectorales de prévention de la radicalisation (CPRAF) en France. Il réinterroge l’hypothèse d’un processus de sécuritisation du travail sociosanitaire induit par le paradigme préventif de la lutte contre le terrorisme. L’analyse montre plus précisément que la logique de sécuritisation ne se restreint pas ici à l’enrôlement des acteurs psychosociaux dans la détection des personnes constituées comme des menaces pour la sécurité et l’ordre publics. Elle passe plutôt par un brouillage des mandats professionnels au sein de ces partenariats. Le contrôle préventif des populations « à risque » et l’accompagnement éducatif ou thérapeutique des individus dits vulnérables apparaissent en ce sens comme des objectifs placés tour à tour au service de l’autre, transformant la conception traditionnelle du soin et de l’accompagnement social.
Mots-clés :
- Prévention de la radicalisation,
- sécuritisation,
- travail sociosanitaire,
- partenariats locaux,
- France
Abstract
Based on a qualitative survey carried out in France at the local level, this article examines the intertwined rationalities involved in the work carried out by local radicalization prevention units (CPRAF). The hypothesis of the securitization of social work and the mental health sector is re-examined. Specifically, this article demonstrates that the logic of securitization has not limited itself to the enlistment of social and mental health actors in the detection of people constituted as threats to security and public order. Instead, this logic involves a blurring of professional mandates within these partnerships. The preventive control of “at-risk” populations and the educational or therapeutic support offered to so-called vulnerable individuals tend to overlap and reinforce one another, thereby transforming the traditional function of care.
Keywords:
- Prevention of radicalization,
- securitization,
- social work and healthcare,
- local partnership,
- France
Resumen
A partir de una amplia encuesta cualitativa realizada a nivel local, el artículo examina las racionalidades entrelazadas del trabajo realizado en el seno de las células prefecturales de prevención de la radicalización (CPRAF) en Francia. El texto reexamina la hipótesis de un proceso de securitización del trabajo sociosanitario inducido por el paradigma preventivo de la lucha contra el terrorismo. El análisis muestra de forma más precisa que la lógica de la securitización no se limita aquí al reclutamiento de actores psicosociales en la detección de personas constituidas como amenazas a la seguridad y al orden público. Más bien, se trata de una difuminación de los mandatos profesionales dentro de esas asociaciones. El control preventivo de las poblaciones "de riesgo" y el apoyo educativo o terapéutico a los individuos llamados vulnerables emergen en este sentido como objetivos puestos una y otra vez al servicio de los otros, transformando la concepción tradicional de la atención y del apoyo social.
Palabras clave:
- Prevención de la radicalización,
- seguridad,
- trabajo social y sanitario,
- colaboraciones locales,
- Francia
Corps de l’article
Par contraste avec d’autres États européens comme le Royaume-Uni et les Pays-Bas qui expérimentent dès le milieu des années 2000 des programmes dits de « contre-radicalisation » incluant des travailleurs et des travailleuses des secteurs social et éducatif (Baker-Beall, Heath-Kelly et Jarvis, 2016), la France s’est longtemps refusée à remettre officiellement en cause le monopole policier et judiciaire en matière de lutte contre le terrorisme (Ragazzi, 2014). Ce n’est qu’au printemps 2014, à la faveur des départs de citoyens et de citoyennes vers le djihad armé en Irak et en Syrie, des critiques internes relatives à l’organisation du renseignement après les attaques terroristes de Mohammed Merah[2] et du travail de sensibilisation mené par des réseaux experts européens (Bonelli et Ragazzi, 2019) que ce monopole s’effrite. Pour la première fois, le gouvernement français adopte des mesures préventives visant explicitement la « radicalisation » de ses propres résidents et résidentes (Sèze, 2019) : installation d’un numéro vert permettant à la population de signaler aux autorités les personnes de leur entourage « à risque », création de structures psychosociales pour prendre en charge les individus signalés, production de contre-discours censés réduire l’influence de la propagande des organisations armées, etc. Désormais, et de manière encore plus affirmée après les attentats à Paris et dans sa région en janvier et novembre 2015, l’État français enrôle les acteurs du travail social, de l’éducation, de la santé et des cultes dans la détection et dans la prise en charge de comportements pensés comme « pré-criminels » (Heath-Kelly, 2017) et annonciateurs d’un possible engagement dans la violence terroriste.
En dehors du milieu carcéral, très tôt perméable à l’injonction à la lutte contre la radicalisation (Galembert, 2016), l’une des manifestations concrètes de cette nouvelle orientation étatique est la création des cellules de prévention de la radicalisation et d’accompagnement des familles (CPRAF), objet du présent article. Installées par une circulaire du ministère de l’Intérieur en avril 2014 et progressivement mises en place sur l’ensemble du territoire après les attentats de 2015[3], ces cellules institutionnalisent le partenariat entre police, renseignement, justice, Éducation nationale, associations et travailleurs et travailleuses sociosanitaires dans le domaine de la lutte contre la radicalisation. Elles ont pour objectif d’évaluer les signalements de personnes considérées comme « à risque » de radicalisation et d’orienter ces individus ainsi que leur famille vers une prise en charge psychologique ou socioéducative. Les CPRAF françaises réactualisent ainsi une approche de coproduction de la sécurité aujourd’hui bien ancrée en matière de lutte contre la délinquance outre-Manche (Crawford et Cunningham, 2015) et en France (Gautron, 2010). Mais elles s’inspirent également des approches intersectorielles déjà développées à l’étranger dans le domaine de la prévention du terrorisme, comme le « modèle d’Aarhus », mis en place en 2009-2010 au Danemark, ou le programme Channel, généralisé au Royaume-Uni en 2011. Ceux-ci reposent sur la mise en place de panels au niveau local réunissant des acteurs de la sécurité et des acteurs du travail social et de l’éducation autour de la prise en charge préventive de personnes supposément « vulnérables » à l’engagement terroriste (Malmros et Sivenbring, 2023).
Une partie de la littérature consacrée à cette nouvelle approche gouvernementale de la lutte contre le terrorisme, largement concentrée sur le programme britannique Prevent, l’a analysée sous l’angle de la sécuritisation des politiques et du travail social (voir notamment Arènes, 2016 ; Finch et McKendrick, 2019 ; Ragazzi, 2017). Développé d’abord dans le champ des relations internationales par l’« école de Copenhague » (Buzan, Waever et de Wilde, 1998), le concept de sécuritisation a fait l’objet de vastes débats théoriques ces dernières décennies (Balzacq, 2018). On retiendra ici la définition minimale proposée par Philippe Bourbeau selon laquelle la sécuritisation désigne le « processus par [lequel] une question est incluse à l’intérieur de cadres sécuritaires qui mettent l’accent sur le contrôle, la défense et la police » (2013, p. 131). Dans le domaine qui nous occupe ici, l’usage d’un tel concept permet de pointer l’instrumentalisation des relations entretenues par les acteurs du secteur sociosanitaire avec leurs publics. Ces derniers, en particulier lorsqu’ils appartiennent à des populations racialisées, apparaissent désormais comme de potentiels suspects, et le lien de confiance qu’établissent les acteurs sociosanitaires avec eux doit leur permettre de recueillir de l’information de première main pour identifier un éventuel risque sécuritaire (Ragazzi, 2017). L’usage du concept vise ainsi à souligner la perte d’autonomie de ces secteurs qui voient leurs pratiques routinières remises en cause par des logiques d’action hétéronomes (Ragazzi et Walmsley, 2023). En France, les quelques travaux qui se sont penchés sur l’implication des intervenants et des intervenantes du secteur social dans la politique de prévention de la radicalisation reprennent cet argument (Bounaga et Esmili, 2020 ; Clariana, 2021 ; Michon, 2020 ; Puaud, 2018), en décrivant un travail d’accompagnement ou de protection qui se trouverait « colonisé » (Michon, 2020, p. 53) ou « phagocyt[é] » (Puaud, 2019, p. 156) par des logiques policières.
Le présent article, fondé sur une large enquête qualitative prenant pour objet le fonctionnement d’une CPRAF dans la seconde moitié des années 2010, entend prolonger les analyses susmentionnées tout en les précisant : dans ce type de dispositif, la sécuritisation signifie moins l’enrôlement unilatéral de ces acteurs non sécuritaires dans la détection des personnes considérées comme des menaces qu’un brouillage des « mandats » professionnels (Hughes, 1996). Ce résultat s’explique par l’absence de définition officielle stabilisée autour de la notion de radicalisation (Sedgwick, 2010), mais aussi par la faible institutionnalisation de la politique de prévention de la radicalisation en France. L’action de ces cellules semble en effet se situer dans un cadre flou au sein duquel on observe un aller-retour continuel entre logiques sécuritaires et logiques socioéducatives.
Méthodologie
Nous avons recueilli les données sur lesquelles repose cet article dans le cadre d’un doctorat en science politique, inscrit dans une perspective d’ethnographie de l’action publique (Dubois, 2012). Le terrain d’enquête principal est un département français duquel une trentaine d’individus sont partis en Syrie et en Irak entre 2013 et 2016, et où ont résidé certains auteurs d’attentats djihadistes. Ce contexte a occasionné un investissement assez significatif des services de l’État, des collectivités locales et des associations dans la prévention de la radicalisation.
L’enquête s’est déroulée pour l’essentiel entre l’automne 2017 et l’automne 2019. Elle repose sur cinquante-quatre entretiens semi-directifs et sur une quarantaine d’observations de réunions et de formations auprès des cadres ainsi que des agents et agentes de terrain participant à la CPRAF, qui, dans le département concerné par l’enquête, se focalisaient sur les individus mineurs. Nous avons ainsi enquêté auprès de la préfecture, du parquet, de la Protection judiciaire de la jeunesse, de l’Éducation nationale, de collectivités locales, d’associations et d’organismes médicosociaux[4]. C’est de manière plus ponctuelle, au cours de discussions informelles pour la plupart, que nous avons recueilli le point de vue des représentants de la police et de la gendarmerie, moins actifs dans la cellule étudiée. Par ailleurs, nous avons conduit une dizaine d’entretiens complémentaires, mobilisés pour partie dans cet article, dans six autres départements de 2020 à 2022 afin de consolider les résultats issus de l’enquête monographique.
Nous avons négocié l’autorisation d’accéder au terrain auprès de chaque institution concernée. Si nous n’avons pas pu observer les réunions de la CPRAF pour des raisons de confidentialité, nous avons établi une convention avec l’une des structures médicosociales partenaires de la cellule, qui nous a donné accès à l’intégralité des dossiers concernant les personnes qu’elle suivait à l’époque pour risque de radicalisation (une soixantaine de dossiers manuscrits). Ces matériaux présentent toutefois de nombreuses limites du point de vue de la problématique de cet article : très parcellaires, ils ne concernent qu’une faible proportion des personnes prises en charge au sein de la cellule, et surtout, ils ont été établis par une structure ayant rapidement fait le choix de limiter la coopération avec la préfecture, la justice et les échanges d’information en CPRAF (Soussoko, 2023). Aussi, s’ils sont venus nourrir notre compréhension des pratiques de terrain, ces matériaux ne sont pas directement mobilisés dans l’analyse qui suit. Celle-ci se fonde prioritairement sur les récits des participants et des participantes à la cellule. Le statut de ces données, tout comme le caractère instable et partiellement informel des pratiques décrites, rend pour le moins utopique toute ambition d’analyse exhaustive des signalements traités par la cellule – d’où une description qui se limitera ici à restituer les logiques générales de son fonctionnement.
Par ailleurs, afin de préserver l’anonymat des personnes rencontrées, nous ne donnons pas davantage d’indications sur le territoire concerné par l’enquête ni sur les spécificités institutionnelles des services étudiés[5]. Nous faisons ainsi primer une logique de confidentialité autour d’un sujet particulièrement sensible sur une logique ethnographique attentive aux particularités des contextes locaux (Fadil, Janssens et Kolly, 2022).
L’article se divise en deux parties. La première expose le fonctionnement concret de la CPRAF étudiée[6], montrant que celui-ci reflète l’entrecroisement de rationalités distinctes, entre anticipation maximale du risque d’attentat, protection des personnes mineures en danger et externalisation des déviances à caractère religieux repérées dans l’enceinte scolaire. Dans une seconde partie, nous interrogeons les effets de ce fonctionnement du point de vue de l’articulation entre objectifs sécuritaires et logiques de care[7].
La gestion préventive des « bas bruits »
Alors que les précédents européens accordent généralement un rôle important aux gouvernements locaux, à l’image du programme Prevent qui, jusqu’à sa révision en 2011, repose essentiellement sur l’action des collectivités locales (Arènes, 2016), la prise en charge du « risque de radicalisation » en France demeure dans le giron de l’État, représenté par les préfectures au sein de chaque département. Comme le schématise l’infographie diffusée par le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) en 2019[8] (cf. figure 1), une unité policière rattachée au ministère de l’Intérieur centralise les signalements individuels remontés par les services de sécurité, les agentes et agents de terrain et le public. À l’échelle départementale, la prise en charge de ces signalements repose sur une division du travail entre deux types de cellules : les groupes d’évaluation départementaux (GED) et les CPRAF.
Les GED associent les préfectures, les services de renseignement, de police, de gendarmerie et l’autorité judiciaire. Ils ont pour objectif de coordonner le suivi sécuritaire des personnes suspectées de terrorisme, qu’elles soient poursuivies pour une infraction terroriste – association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste (AMT), pour un départ en Syrie ou un projet d’attentat[9], provocation au terrorisme, apologie du terrorisme, etc. – ou sous le coup de mesures administratives – assignations à résidence, perquisitions, expulsions, etc[10].
Figure 1
Articulation officielle du dispositif national de lutte contre la radicalisation
De leur côté, les CPRAF, placées elles aussi sous l’égide des préfectures, réunissent une partie des acteurs présents dans les GED ainsi qu’un large éventail d’institutions et de structures socioéducatives : Éducation nationale, Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), services sociaux, collectivités locales et associations. Elles ont pour mission d’assurer le suivi social des personnes qui présenteraient des risques de radicalisation et d’accompagner leur famille.
Derrière une division théorique du travail entre les deux instances (répression d’une part et prévention d’autre part), on repère aussi une différenciation fondée sur le degré de dangerosité imputé aux personnes signalées : alors que les GED se consacrent aux individus jugés les plus dangereux, l’activité des CPRAF est tournée vers l’évaluation et le traitement des « bas bruits », expression indigène désignant les situations qui apparaissent préoccupantes aux yeux des institutions sans constituer toutefois une menace immédiate. En pratique, les logiques qui président à l’identification des individus suivis par les CPRAF et à leur prise en charge suggèrent que ces instances obéissent avant tout à une logique de gestion des risques en contexte d’urgence, entraînant une délimitation floue de leur fonctionnement et une hétérogénéité des situations sociales susceptibles d’entrer dans leur champ d’intervention.
Le recueil des signalements au sein de la CPRAF : entre détection civile et repérage scolaire
Dans le département retenu pour l’étude, le travail de coordination est assuré par les représentants de la préfecture (chargés et chargées de mission) et du parquet (magistrats et magistrates, ainsi qu’assistants et assistantes judiciaires), qui centralisent l’information sur les individus mineurs[11]. Au plus fort de son activité, c’est-à-dire durant les années 2015 et 2016 marquées par le contexte post-attentats, la cellule peut traiter une centaine de situations, lors de réunions trimestrielles de plus de quatre heures. Entre ces échéances, les échanges se font à flux tendu, par téléphone ou par courriel. À l’été 2019, le parquet comptabilisait environ 350 signalements de personnes mineures depuis la création de la CPRAF (entretien magistrat, été 2019).
Trois principales sources d’informations alimentent le travail de la cellule, donnant à voir différentes logiques d’étiquetage. Il y a d’abord les situations transmises par les acteurs policiers et judiciaires du GED, lorsque ces derniers estiment que le cas relève d’une prise en charge socioéducative ou psychologique (laquelle peut se déployer en parallèle d’un traitement sécuritaire).
Ensuite, le signalement peut être le fait des proches des personnes suspectées de radicalisation, pour lesquels un numéro vert a été mis à disposition au printemps 2014 – selon un principe de « surveillance latérale » (Codaccioni, 2021) qui fait des familles, et plus largement du grand public, des acteurs centraux de la détection initiale du risque. Adossé à une campagne de sensibilisation lancée par le gouvernement après les attentats de janvier 2015 (affiches dans les lieux publics, plateforme web dédiée, liste d’indicateurs et de « signaux faibles »), ce numéro vert est géré par l’unité du ministère de l’Intérieur susmentionnée, qui retransmet ces signalements aux préfectures. De ce fait, une partie des situations suivies par la CPRAF repose sur l’appel au numéro vert effectué par un proche, généralement le père ou la mère de la personne mineure. C’est alors souvent un changement de comportement en lien avec la religion musulmane qui motive l’appel au numéro vert : de nouvelles pratiques rituelles (prière, lecture du coran, ramadan, etc.), un changement d’habitudes vestimentaires ou de l’apparence (port du djilbab, port de la barbe, etc.) ou alimentaire (régime halal ou végétarien, critique de la consommation d’alcool, etc.), combinés à un repli de l’adolescent ou de l’adolescente, une fréquentation assidue des réseaux sociaux, une rupture des relations avec les membres de la famille, etc. Dans certains cas seulement, les parents reportent également la volonté du jeune d’effectuer un voyage en Turquie ou en Afrique, ou la consultation de contenus en ligne associés au djihad armé. Dans ces différents cas, c’est donc avant tout la conversion du jeune – qu’elle soit secrète ou affichée – qui semble faire problème et déclencher l’acte de signalement par le parent. Cela est d’autant plus le cas qu’une part importante de ces familles ne sont pas musulmanes, ce qui les amène à percevoir la conversion de leur enfant sous l’angle du danger, comme une altérité que la construction du « problème musulman » en France (Beaugé et Hajjat, 2014) par les discours politiques, médiatiques et experts a largement associée au risque terroriste. Dans de plus rares cas, la détection civile n’est pas le fait de l’entourage direct du jeune, mais du voisinage, voire de personnes inconnues qui signalent un changement de comportement ou des propos inquiétants entendus dans l’espace public – c’est particulièrement le cas au cours des séquences post-attentats.
Cela dit, le troisième et dernier canal de signalement, le repérage par les institutions chargées de l’encadrement de ces jeunes, est largement majoritaire parmi les situations traitées en CPRAF. C’est particulièrement vrai pour les établissements scolaires qui, au moment de l’enquête et selon plusieurs interlocuteurs et interlocutrices, avaient effectué entre 80 et 90 % des signalements recueillis par la cellule. À première vue, les raisons conduisant le personnel éducatif à signaler un ou une élève correspondent à celles motivant les appels au numéro vert : un certain nombre de personnes mineures se retrouvent sur les listes de la cellule à la suite d’une conversion à l’islam ou parce qu’elles ont émis des propos à caractère religieux ou arboré une tenue jugée incompatible avec le cadre scolaire et la loi de 2004[12]. Toutefois, les motifs d’inquiétude dépassent cette seule catégorie : ils incluent également des propos, des écrits ou des comportements d’élèves manifestant leur soutien à l’idéologie djihadiste, leur désir de partir en Syrie ou leur refus de rendre hommage aux victimes des attentats. Parfois, les propos suscitant l’inquiétude des personnels ont davantage à voir avec des revendications jugées identitaires, lorsque, par exemple, l’élève conteste la parole de l’enseignant au nom de l’islam.
En entretien, une assistante de justice ayant pour mission de centraliser les signalements au sein de la CPRAF donne des exemples de signalements remontés par les établissements :
Des fois, ce sont les camarades qui disent leur inquiétude. Ou alors, il y en a un, il a pour surnom « jihad », un autre pour surnom « boum », alors on se dit : « bon, ce n’est peut-être pas par hasard non plus ». Des fois, ils n’y sont pour rien, c’est parce que c’est le grand frère, enfin voilà. Pour les mineurs, les signalements, c’est souvent quand même parce qu’il y a une inquiétude, c’est souvent un changement de comportement, en fait. Mais après le changement de comportement ça peut être, si c’est une jeune fille, elle se met à porter le voile ; un garçon, une fille, à arrêter de manger du porc. Les garçons souvent, c’est parce qu’ils essaient d’imposer les règles de l’islam à des jeunes filles dans leur entourage. On va être beaucoup sur du changement de comportement. Et des propos. Des fois, ça va être aussi des choses qui ressortent de dissertations. Ou de dessins. On a eu une dissertation en anglais, il fallait faire une chanson, je ne sais plus quel était l’objet, il nous a fait une chanson sur le djihad !
Entretien, printemps 2018
Cette description recoupe l’analyse de Claire Donnet (2020) fondée sur le recueil d’une cinquantaine de signalements produits par les établissements primaires et secondaires à l’échelle d’une académie, lesquels se répartissent selon l’auteure entre quatre types de signalements : pour « conversions » et signes d’appartenance à l’islam (42 %), motivés par la crainte de l’influence négative de l’entourage proche, souvent familial (30 %), rapportant des propos et comportements perçus comme intolérables (22 %) et enfin concernant des élèves jugés ingérables (5 %). Tout en manifestant une logique d’anticipation du risque extrêmement poussée (un simple surnom pouvant devenir suspect), les ressorts des signalements scolaires ne rejoignent donc qu’en partie ceux de la détection « civile », puisqu’au souci de protection des personnes suspectées (empêcher un départ, par exemple) s’agrègent des enjeux d’ordre disciplinaire.
La surreprésentation de l’institution scolaire, confirmée sur nos autres terrains d’enquête, s’explique d’abord mécaniquement : l’obligation scolaire jusqu’à seize ans en fait l’institution la plus à même d’exercer une surveillance prolongée sur des publics « captifs ». Mais l’importance de cette proportion a sans doute aussi à voir avec la politique adoptée par la hiérarchie ministérielle, laquelle enjoint les personnels de terrain à faire remonter toute inquiétude par précaution. Plus précisément, deux dynamiques expliquent la forte contribution de cette institution à la détection des « bas bruits » ou « signaux faibles » de radicalisation : d’une part, la montée en puissance, depuis les années 1990, de « dispositifs interinstitutionnels de surveillance et de répression » (Geay, 2012, p. 145), qui ont contribué à banaliser le signalement des élèves au nom de la lutte contre la violence scolaire et l’absentéisme ; de l’autre, l’intériorisation par les protagonistes du monde scolaire d’une nouvelle « norme laïque » désormais définie « sous l’angle du contrôle et de l’interdit de l’expression religieuse – principalement musulmane – à l’école » (Bozec, 2020, p. 90)[13].
Au-delà des établissements scolaires, les professionnels et les professionnelles en contact avec la jeunesse au sein des services de l’État, des collectivités locales et des associations peuvent également transmettre des cas à la cellule, comme le font ponctuellement les services sociaux, la PJJ, les centres socioculturels ou les associations. La spécificité de ces pratiques de signalements réside toutefois dans le double stigmate qu’elles induisent, puisqu’elles concernent la plupart du temps des individus déjà pris en charge pour d’autres raisons, liées notamment à des situations de grande précarité, de conflits intrafamiliaux, de problématiques d’enfance en danger, ou encore de délinquance.
Le traitement des signalements : entre action pénale, infrapénale et infrajudiciaire
En pratique, seule une faible proportion de ces signalements donne lieu à une prise en charge pénale. Les AMT relevant de la compétence de la section antiterroriste du parquet de Paris[14], ce sont essentiellement les actes susceptibles d’entrer dans la qualification d’apologie du terrorisme et de provocation au terrorisme, en recrudescence après les attentats de janvier 2015, qui sont traités par le parquet local. Dans les faits, cependant, ce type de qualification reste difficile à manier, puisqu’elle suppose une diffusion publique de messages de soutien au terrorisme par les personnes mises en cause. Aussi, les procédures menées à leur terme par le parquet étudié se comptent sur les doigts de la main[15].
Pour autant, le rôle de l’autorité judiciaire dans le traitement de ces signalements est loin d’être anecdotique. Cela s’explique par le fait que la très grande majorité des cas judiciarisés correspondent à des mesures prises par le juge en assistance éducative, selon le principe de la double compétence pénale et civile de la justice des mineurs. La fréquentation assidue de sites de propagande djihadiste, un changement de comportement en lien avec un intérêt nouveau pour la religion musulmane, des propos évoquant le djihad sont autant de situations susceptibles d’être recodées par le parquet comme caractérisant une situation d’enfance en danger au titre de l’article 375 du Code civil, comme dans cet exemple donné par une magistrate du parquet :
Comment est-ce qu’on saisit le juge des enfants, et comment on motive le danger ? Donc là (elle lit un document archivé sur son ordinateur) : « le mineur a brusquement changé de religion en 2015, il tient des propos de plus en plus extrêmes, il est plongé dans le visionnage de propagande sur YouTube et Facebook, il parle de partir en vacances au Maghreb, son père le décrit comme influençable ». Voilà donc ça, c’est une motivation de saisine du juge des enfants.
Entretien, été 2020
Dans de tels cas, le danger évalué est multicausal, sans être toujours défini explicitement. Pour les responsables de la CPRAF, le danger réside d’abord dans la potentielle radicalisation du jeune : il s’agit alors de le protéger de lui-même, en l’empêchant de rejoindre une zone de conflit à l’étranger ou d’entrer dans une forme de « désocialisation complète » due à l’influence d’une « religion dévoyée » (entretien magistrate, été 2020). Cependant, la mesure peut aussi avoir pour objectif de le protéger d’un tiers considéré comme dangereux : un recruteur en ligne, une personne adulte ou bien mineure dans l’entourage de l’individu dont les autorités perçoivent l’influence comme néfaste du point de vue du développement de l’enfant – ainsi, certains individus présents dans différents dossiers sont soupçonnés d’être à l’origine de la « conversion » des jeunes signalés. La source de danger peut également résider dans les pratiques et le comportement des parents déjà suivis pour radicalisation, impliquant parfois l’inscription de très jeunes enfants sur les listes de la cellule.
Enfin, durant les premières années de fonctionnement du dispositif, alors que la principale crainte des autorités réside dans le départ d’individus en zones de conflit syriennes ou irakiennes, la cellule s’appuie sur l’outil jugé très efficace que constituent les mesures d’interdiction de sortie du territoire (IST). Prononcées par le juge en assistance éducative puis directement par le parquet depuis la loi du 3 juin 2016[16], ces mesures permettent de réagir en urgence lorsque les partenaires de la CPRAF suspectent une velléité de départ.
Les ressorts de la judiciarisation des personnes mineures considérées comme présentant des risques de radicalisation témoignent ainsi des logiques d’hybridation entre sphères pénale et civile (Bugnon et Vernay, 2022) dans la prise en charge de ces situations. Le recours à l’assistance éducative, qui entraîne une intervention des services de la PJJ ou des services sociaux, apparaît à double tranchant : il ancre ces prises en charge dans une logique de protection, contrastant avec l’approche répressive de la « guerre au terrorisme » (Guittet, Mégie et Weill, 2021), mais il constitue également une extension des comportements juvéniles et parentaux régulés par la justice, puisque le risque terroriste justifie ici une immixtion inédite de celle-ci dans l’intimité des familles.
Évidemment, tous ces signalements ne conduisent pas à la mise en oeuvre d’une IST, ni à l’ouverture d’une enquête pénale, ni même à la saisine du juge pour enfants. L’intérêt du nouveau dispositif est précisément d’agir sur les premiers signes d’inquiétude, ce qui entérine la création d’un espace infrajudiciaire de prise en charge du risque sécuritaire. Celui-ci se manifeste d’abord dans les pratiques de croisement des informations détenues par les institutions représentées dans la CPRAF. Lorsqu’un nouveau signalement entre dans le dispositif, les représentants de la préfecture et du parquet peuvent contacter les partenaires de la cellule pour en savoir plus sur le comportement de l’enfant à l’école, pour savoir si la famille est déjà suivie par les services sociaux ou par des associations, si elle bénéficie de prestations sociales, si les parents sont connus des services de police, etc. Les réunions trimestrielles de la CPRAF sont aussi l’occasion de recouper les informations détenues par chaque institution : en amont de ces réunions, la liste des noms des derniers individus signalés est envoyée aux partenaires, qui sont encouragés à vérifier l’existence d’informations sur ces personnes dans leurs fichiers internes.
Ensuite, la dimension infrajudiciaire de l’activité de la CPRAF repose sur les associations et les organismes parapublics mandatés par la préfecture pour évaluer et prendre en charge les personnes mineures signalées (elles seront évaluées et prises en charge par la suite en coopération avec les services de l’aide sociale à l’enfance [ASE] du conseil départemental). Au nombre de trois dans le département étudié, ces structures s’appuient sur des équipes pluridisciplinaires composées de travailleurs sociaux et de travailleuses sociales, de psychologues, voire de psychiatres, faisant parfois ponctuellement appel à des imams pour accompagner les personnes suivies. Contrairement à l’intervention de la PJJ et des services sociaux du conseil départemental, celle de ces partenaires ne nécessite pas d’être judiciairement ou administrativement motivée, ce qui inscrit leur action dans une zone grise entre adhésion des publics et des familles d’une part, et contrainte symbolique liée à la présence de l’autorité judiciaire et de la préfecture dans le dispositif d’autre part.
En somme, l’activité de la CPRAF relève essentiellement d’un travail de tri des signalements entre les situations relevant d’un traitement pénal, celles impliquant l’intervention du juge au titre de la protection de l’enfance et celles situées hors de la contrainte judiciaire, mais sous la surveillance active des partenaires de la cellule (cf. figure 2). En parallèle, comme le souligne un représentant de la préfecture, tout signalement entrant dans le dispositif fait l’objet d’une évaluation par le GED (entretien, printemps 2018). Ce fonctionnement amène les partenaires médicosociaux à échanger des informations avec les services de police et de renseignement concernant des situations qui, dans un autre contexte, auraient probablement été traitées en interne. Comment caractériser dès lors l’action conduite au sein de ces nouvelles instances ? Et qu’en conclure du point de vue de l’articulation entre missions sociales et objectifs sécuritaires ?
Figure 2
Fonctionnement de la CPRAF étudiée au moment de l’enquête
La nature hybride du travail en CPRAF ou le déploiement informel d’une surveillance éducative
Comme le suggère l’exemple étudié dans la première partie, le fonctionnement des CPRAF implique que les protagonistes du travail sociosanitaire qui y participent subordonnent leur cadre d’intervention ordinaire à des préoccupations sécuritaires, mais selon des modalités spécifiques. Le processus de sécuritisation suppose dans ce cas la participation active de ces protagonistes et entraîne moins une disparition des missions sociales au profit du sécuritaire qu’une confusion entre les deux.
Une vassalisation du travail sociosanitaire
D’abord, la sécuritisation n’opère pas ici par la voie de la contrainte, mais repose sur la participation active de ces acteurs non sécuritaires. Si la politique française de lutte contre la radicalisation reste largement sous le contrôle de l’État à travers les préfectures, elle se caractérise néanmoins par une faible institutionnalisation qui rend aléatoire et très dépendante des contextes locaux sa mise en oeuvre concrète. La composition des CPRAF, leurs règles de fonctionnement ou encore les modalités du partage des informations en leur sein varient en fonction de l’acuité locale du problème et de la teneur des relations entre préfectures, parquets et autres acteurs locaux[17]. Par contraste avec d’autres contextes nationaux au sein desquels les autorités ont fait du signalement une obligation légale[18] et ont adossé la détection du risque à l’introduction d’outils d’évaluation standardisés (Thomas, 2020)[19], la participation des acteurs sociosanitaires à cette politique en France est peu encadrée juridiquement et repose largement sur leur conception individuelle du « risque » radical (Soussoko, 2023).
Dans ce contexte, l’introduction d’enjeux sécuritaires dans le travail des agents et des agentes du secteur sociosanitaire obéit plus à une « injonction douce » (Puaud, 2018, p. 15) qu’à la contrainte. La notion de vassalisation, développée par Fabrice Dhume (2013) pour décrire la position ancillaire des associations vis-à-vis de l’institution scolaire au sein des partenariats de réussite éducative en France, est particulièrement ajustée aux mécanismes décrits ici : elle intègre la dimension volontaire, du moins partiellement active du processus au cours duquel des acteurs se mettent au service d’autres, et ce, au nom de l’impératif de la lutte contre le terrorisme. C’est ce que résume en entretien une psychologue travaillant avec la préfecture sur l’un de nos autres terrains d’étude :
Alors quand on parle d’évaluation, voilà on ne revient pas avec des chiffres, avec des choses… Mais on revient quand même avec un regard sur la situation au titre de la radicalisation. On est quand même là pour ça, donc je pense qu’il ne faut pas être hypocrite. Eux [les services préfectoraux et policiers], leur question, elle est d’ordre sécuritaire. C’est ça, en fait. Et puis, c’est notre mission aussi. Qu’on le veuille ou non. Même si nous on n’est pas une équipe axée sécurité, et qu’on se défend d’ailleurs de l’être, vraiment. Malgré tout, l’objet est quand même là. Donc on va pouvoir renseigner, en fait, sur ce qui les intéresse entre guillemets. C’est de pouvoir dire : « eh bien voilà, nous est-ce qu’on est inquiet par rapport à cette situation sur un plan sécuritaire ou pas ? »
Entretien, été 2022
Ainsi, bien que les CPRAF soient placées, comme le témoigne leur intitulé officiel, sous le sceau de la prévention, cet extrait suggère que les demandes adressées aux partenaires du secteur psychosocial sont largement motivées par l’objectif d’évaluation de la dangerosité présumée des individus signalés. En d’autres termes, l’approche traditionnelle de la prévention est « “contaminée” par la dimension proactive et par l’anticipation du risque » (Bigo, 1997, p. 424). Le mandat octroyé à ces agents et à ces agentes par les préfectures implique qu’ils et elles transforment leur positionnement habituel, en glissant d’une attitude d’écoute et de recueil de la souffrance ou des difficultés des personnes vers une démarche d’investigation, scrutant les signaux potentiellement caractéristiques d’un risque d’engagement violent. Ce contexte rend la relation avec les publics particulièrement malaisée, comme le souligne lors d’un séminaire un psychologue employé par une association travaillant avec la préfecture sur un autre terrain :
Là, il se trouve qu’on est dans un contexte de sécurité publique, avec une démarche d’investigation […]. Du coup, on est porté par un désir, notre neutralité n’est plus vraiment de mise parce qu’on doit aller chercher des signes.
Journal de terrain, été 2018
Ce malaise est d’ailleurs renforcé par le constat partagé par nombre des personnes enquêtées d’un échange d’informations à sens unique (des acteurs sociaux vers les acteurs sécuritaires), ce qui renforce la position ancillaire des partenaires sociosanitaires vis-à-vis des acteurs de la sécurité.
Un brouillage des mandats professionnels
Ensuite, la sécuritisation telle qu’elle s’observe ici traduit moins la relégation des logiques d’accompagnement social et de soin qu’un brouillage des frontières entre surveillance et soin. Les CPRAF se présentent en effet comme un espace au sein duquel ces deux fonctions, habituellement séparées et prises en charge par des acteurs distincts, se trouvent dorénavant confondues derrière l’objectif flou de prévention de la radicalisation.
La littérature sur le traitement des déviances juvéniles a récemment mis au jour deux grandes évolutions. D’une part, les travaux sur la justice des mineurs ont montré le poids croissant de la contrainte dans la prise en charge des jeunes délinquants depuis les années 1990, prenant la forme d’une « politique éducative de la contrainte » (Sallée, 2016) qui pose « la pertinence dans le travail d’éducation de l’usage de la sanction, de la contrainte et de la contenance » (De Bruyn, Choquet et Thierus, 2012, p. 281). Dans le même temps, le traitement des déviances juvéniles en France et au-delà a été largement influencé par une injonction à la gestion des risques, dans laquelle la protection de l’ordre public prime de plus en plus sur les perspectives de réinsertion (Sallée, 2020). L’espace d’intervention ouvert par la création de dispositifs tels que les CPRAF semble se situer à la croisée de ces deux évolutions. Largement concentré sur le traitement des personnes mineures et des jeunes femmes et hommes majeurs[20], le travail qui y est conduit peut être analysé comme le déploiement informel d’une surveillance éducative.
En entretien, un magistrat impliqué dans la CPRAF expose les modalités d’inscription et de maintien des noms des jeunes signalés sur les listes de la cellule :
Si la situation est un petit peu complexe, eh bien on va garder [le mineur] en veille, et puis quand ça ira mieux, ou si ça va mieux, eh bien à ce moment-là on va dire que c’est plus la peine qu’il soit présent dans cette liste. Parce que peut-être que les signes, ou les signaux qu’il émettait, c’était passager, et qu’il a pu en discuter, [avec] l’éducateur, ça se passe bien, etc. Il a pu décharger un peu son sac, et en fait il a plus ces idées-là. Ou il a trouvé d’autres intérêts, parce qu’un adolescent aussi… C’est… ça change. Donc on va essayer, oui, on le sort. On le sort, et à ce moment-là, nous on n’a pas vocation à en entendre reparler. Après, bien sûr, si au bout de six mois, il commence à redéconner à l’école ou à recrier je ne sais pas quoi, ou à vouloir tuer tous ses amis avec une kalachnikov à billes à la sortie de l’école, bon on va peut-être le réintégrer (rires). Et puis voir s’il y a un autre biais pour travailler avec lui.
Entretien, été 2019
Dans cet extrait, la fonction éducative de la CPRAF prend la forme d’une disciplinarisation douce des comportements (« travailler avec lui ») fondée sur une dimension thérapeutique (« quand ça ira mieux », « [pouvoir] décharger un peu son sac »). L’idée est de s’appuyer sur la mobilisation de l’ensemble des partenaires pour proposer la prise en charge la plus adaptée au jeune et à sa famille. L’usage par le magistrat de termes relativisant la gravité du comportement (« redéconner », « kalachnikov à billes ») indique l’adoption d’une posture paternaliste visant à remettre les jeunes dans le droit chemin.
Mais l’objectif de réforme individuelle se double toujours d’un objectif de surveillance qui reste extrêmement prégnant. D’abord, le travail en CPRAF est intimement articulé à celui conduit par les acteurs de la sécurité, et notamment les services de renseignement à travers le GED. Ensuite, si la prise en charge décidée en CPRAF s’inscrit souvent dans un cadre judiciaire ou administratif, nous avons vu qu’elle peut aussi se déployer dans une zone grise rappelant l’opacité propre au travail de renseignement. Enfin, contrairement aux mesures éducatives ou aux sanctions pénales qui se déploient sur une durée bien délimitée, la surveillance informelle ne paraît pas nécessairement bornée dans le temps, la seule limite temporelle étant l’atteinte de la majorité (bien que les associations puissent continuer de suivre l’individu après ses dix-huit ans s’il y consent) et l’éventuel passage de relais aux seuls acteurs sécuritaires. En entretien, un assistant judiciaire explique que certains mineurs « sortis » du dispositif ont pu être réintégrés trois ans plus tard après le repérage de nouveaux signaux inquiétants :
On a par exemple des situations où voilà on pense que c’est calme, et puis tout à coup on trouve… un tapis de prière, on retrouve un coran, on retrouve des photos de groupes armés pas clairement identifiés.
Entretien, hiver 2020
Dans ces exemples, le fonctionnement des CPRAF semble octroyer à l’État un « droit de regard illimité sur les situations individuelles et familiales » (Clariana, 2021, p.23) que n’autorisent pas les outils classiques de la protection de l’enfance. La prise en charge des personnes suspectées ou leur « déradicalisation » apparaît alors moins comme une « condition pérenne » que comme un « processus possiblement extensible à l’infini » (Galonnier, Lacroix et Marzouki, 2022, p. 15).
Le propre de la surveillance éducative n’est donc pas de remplacer l’accompagnement social et le soin par le contrôle et la prédiction des risques, mais plutôt d’enchevêtrer ces différentes fonctions : elles sont assurées par le même dispositif (la cellule préfectorale) et par un ensemble de professionnels et de professionnelles incarnant tour à tour la face répressive et la face protectrice de l’État. Ce brouillage atteint son paroxysme lorsque des mesures administratives relevant de la contre-radicalisation « dure » (Ragazzi, 2014) sont reconverties, dans le discours des personnes enquêtées, en outils éducatifs permettant de susciter un changement de comportement chez l’individu suspect. Ainsi, un agent de la préfecture relate une anecdote en entretien :
C’est un gamin, d’ailleurs, qui évolue je dirais très, très bien, qui effectivement à un moment donné a été tenté de faire le con. Il a bénéficié de tout ce que l’on peut faire, y compris en matière de coercitif. Et qui aujourd’hui, d’ailleurs, nous en sait gré, hein.
C’est-à-dire ? Par exemple ?
Alors, je vais prendre d’autres exemples de manière à ne pas trop identifier. Mais on a des gens… On le fait maintenant, on le fait recueillir sur PV [procès-verbal]. On leur dit : « vous acceptez qu’on prenne un PV ? » Il y a des gens qui sont venus nous dire : « Bon, vous nous avez assigné à résidence, on était vraiment très en colère, pointer trois fois par jour, etc. Mais ça m’a fait réfléchir. » Et le mec aujourd’hui il bosse, hein ! Il a un boulot, il a un job. Et quand on lui reparle de la période pour laquelle on l’a… : « Ah oui, bon j’ai fait des conneries » (rire).
Entretien, printemps 2018
Cette anecdote fait écho à une autre situation évoquée par certaines des personnes enquêtées, celle d’un mineur pour lequel le choc produit par l’intervention musclée des services de renseignement à son domicile a enclenché, selon les protagonistes de la CPRAF, une réflexion personnelle et une distanciation d’avec ses fréquentations suspectes. Dans l’exemple ci-dessus, l’assignation à résidence devient un support d’introspection (« ça m’a fait réfléchir ») propice à la réhabilitation de l’individu, qui passe ici par l’insertion professionnelle. Selon cette logique, le « coercitif », pour reprendre le terme de l’enquêté, ne s’oppose pas à l’éducatif, mais il en constitue la pierre angulaire. Le détail de l’inscription sur le PV, détail sur lequel s’attarde l’enquêté, traduit l’importance que celui-ci accorde à cette dimension éducative comme constitutive de sa mission. À l’instar de certains dispositifs probatoires outre-Atlantique, la privation de libertés est ici considérée comme un « électrochoc » paré de vertus réhabilitantes (Sallée, 2018).
En outre, ce fonctionnement des CPRAF a pour effet de banaliser les cas de « faux-positifs » (Chantraine, Scheer et Depuiset, 2018, p. 173) : non seulement les partenaires participant à ces dispositifs estiment qu’il vaut mieux signaler et prendre en charge un individu « non radicalisé » que de laisser sans surveillance un individu « radicalisé » (un « faux-négatif »), mais ils soulignent aussi à certaines occasions les conséquences bénéfiques d’une telle prise en charge, et ce, même en l’absence de signes censés refléter une trajectoire de radicalisation. Le psychologue d’une association mandatée par la préfecture estime par exemple qu’au moins la moitié des situations évaluées par sa structure relevait de « fausses alertes » (entretien, été 2018). Or, la plupart des personnes mineures évaluées se sont tout de même vu proposer un accompagnement psychologique ou social au titre des dysfonctionnements intrafamiliaux ou des fragilités psychiques repérés à cette occasion[21].
En arrière-plan de ces pratiques réside l’idée que des vulnérabilités individuelles ou familiales constituent des facteurs propices à l’engagement violent. Les « faux-positifs » sont rarement perçus par les partenaires psychosociaux à l’aune de leurs potentielles conséquences délétères, pouvant se traduire par la stigmatisation de la pratique de l’islam et l’instauration d’un rapport de défiance entre institutions et personnes administrées. Au contraire, ces signalements tendent à être considérés comme participant à leur manière à la prévention de la radicalisation. Ainsi, la logique de la surveillance éducative ne se limite pas aux seuls individus dont on estime qu’ils présentent effectivement des signes d’entrée dans une trajectoire d’engagement violent : elle a vocation à englober l’ensemble des individus qui affichent des fragilités familiales, psychologiques ou sociales, les rendant particulièrement exposés à une future « radicalisation ».
Conclusion
Au-delà de ses spécificités nationales (mise en oeuvre plus tardive, faible institutionnalisation, importance accordée au principe de laïcité), la politique française de prévention de la radicalisation peut être analysée, comme l’ont été auparavant ses équivalents dans d’autres pays européens, sous l’angle de la sécuritisation du travail sociosanitaire. L’examen empirique de sa mise en oeuvre, abordée ici à travers le fonctionnement des CPRAF, amène toutefois à en préciser ses modalités. Le flou qui caractérise ces instances et l’urgence produite par le contexte post-attentats viennent brouiller le mandat traditionnellement assigné à chaque partenaire, troublant la frontière entre surveillance à visée répressive et prévention à visée éducative ou thérapeutique. Si un accompagnement social ou psychologique est envisagé comme le moyen de maintenir une forme de contrôle diffus sur des individus présentant des risques de passage à l’acte violent, les mesures coercitives liées au champ d’action de l’autorité administrative sont en sens inverse parfois présentées comme des outils favorisant la prise de conscience des personnes tentées par la violence politique.
L’analyse de ce cas d’étude apporte ainsi une contribution décalée au débat sur l’articulation entre les dimensions réhabilitante et punitive de la contrainte pénale. Ce qu’ont montré les sociologues de la prison sur la transformation de l’objectif de réinsertion des personnes détenues en instrument d’évaluation des risques de récidive et de dangerosité (Chantraine, 2006 ; Cliquennois, 2006) trouve ici un écho inédit, prenant la forme d’un espace d’intervention hybride qui se déploie dans les marges du traitement pénal des populations « à risque ». Les résultats de notre enquête vont ainsi largement dans le sens de ce qu’ont récemment avancé Charlotte Heath-Kelly et Sadi Shanaah (2023) sous un angle plus théorique : dans le domaine de la prévention de la délinquance et, plus récemment, dans celui de la prévention de l’extrémisme violent ou de la radicalisation, l’enracinement d’une logique anticipatoire de gestion des risques ne signifie pas la disparition de rationalités plus traditionnelles visant la réforme ou la réadaptation des individus. Seulement, dans ces exemples, les mesures de réinsertion ou de réhabilitation des individus n’opèrent plus après la commission du délit ou de l’acte violent, mais avant celle-ci.
Cela dit, les résultats présentés dans cet article ne doivent pas faire penser que cette logique d’action hybride s’impose sans heurts ni résistance du côté des acteurs psychosociaux. Dans certaines configurations, ces derniers semblent en mesure de proposer un traitement social des risques d’engagement violent, se tenant à distance de l’intervention policière (Baillergeau, 2021), ou de s’adapter à l’impératif sécuritaire en préservant leur propre éthique de travail et leur réflexivité, comme l’avancent Mine, Jonckheere, Jeuniaux et Detry (2022), pour citer des travaux propres au contexte belge. Sur le cas français, nous avons analysé ailleurs les résistances à la fois symboliques – requalification de l’objectif de la politique publique – et pratiques – mise en place de dispositifs « alternatifs » de signalement – que certains acteurs sociaux opposent à l’approche promue par les acteurs sécuritaires (Soussoko, 2023).
Parties annexes
Notes
-
[1]
Faculté des sciences sociales, Bâtiment B31, Quartier Agora, Place des Orateurs 3, 4000 Liège, Belgique.
-
[2]
En mars 2012, dans le sud de la France, Mohammed Merah assassine sept personnes au cours de plusieurs opérations ciblant notamment trois enfants d’une école juive et des militaires, avant d’être tué dans son appartement lors d’un assaut policier. Les meurtres sont revendiqués par une organisation liée à Al-Qaïda.
-
[3]
Pour une présentation plus détaillée de la genèse et des évolutions de ces cellules jusqu’à la fin de la décennie 2010, nous nous permettons de renvoyer à notre article à paraître (Beunas et Soussoko, à paraître).
-
[4]
Onze entretiens, non cités dans cet article, ont été réalisés par un collègue sociologue que nous tenons à remercier anonymement pour préserver la confidentialité du territoire enquêté.
-
[5]
Certaines caractéristiques personnelles des personnes enquêtées telles que leur genre ont pu être modifiées pour protéger l’anonymat des personnes encore en poste au moment de l’écriture de l’article.
-
[6]
Entre 2015, année de son installation, et 2020, année de réalisation des derniers entretiens.
-
[7]
Comprises ici au sens de logiques d’accompagnement social et/ou thérapeutique.
-
[8]
Cet organisme interministériel est officiellement chargé de coordonner la politique publique de lutte contre la radicalisation depuis 2016.
-
[9]
Notons toutefois que ce type d’infractions, considérées comme les plus sérieuses, relèvent de la compétence d’un parquet spécialisé à Paris (cf. infra).
-
[10]
Après les attentats de novembre 2015 et jusqu’en novembre 2017, l’état d’urgence permet aux préfets et aux préfètes de prendre des mesures visant à contrôler préventivement les personnes suspectes, sans intervention du juge. Une partie de ces mesures est intégrée au Code pénal en novembre 2017.
-
[11]
Le double pilotage préfecture/parquet et la focalisation de la CPRAF sur les personnes mineures est une spécificité locale, liée en partie à l’investissement personnel d’une vice-procureure particulièrement tournée vers les questions de prévention sociale.
-
[12]
En France, la loi du 15 mars 2004 interdit le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les établissements scolaires publics, au nom du principe de laïcité.
-
[13]
D’ailleurs, l’introduction en 2018 d’un dispositif de signalement des « atteintes à la laïcité » à l’école coïncide avec une forte baisse des signalements pour radicalisation ; on peut donc faire l’hypothèse qu’au-delà des évolutions du contexte international, ce nouveau dispositif a « absorbé » une partie des remontées auparavant effectuées au nom de la lutte contre la radicalisation (Donnet, 2020).
-
[14]
Devenue en 2019 le parquet national antiterroriste (PNAT).
-
[15]
Certaines personnes mineures suivies en CPRAF peuvent être poursuivies pour des délits connexes intervenant dans le contexte post-attentats, tels que les délits de diffamation ou d’injure publique.
-
[16]
Loi no 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.
-
[17]
Sur ce point, voir à nouveau Beunas et Soussoko (à paraître).
-
[18]
C’est le cas, au Royaume-Uni, de l’introduction en 2015 du Prevent Duty qui s’applique entre autres aux professionnels et aux professionnelles des écoles, du travail social et des services de santé (Ragazzi, 2017).
-
[19]
En France, c’est surtout au sein de l’administration pénitentiaire que ce type d’outil a été introduit, à l’image de l’outil canadien VERA-2 (Chantraine et Scheer, 2020), tranchant avec les tableaux d’indicateurs de risque relativement flous et partiellement contradictoires disséminés par le CIPDR, et dont les professionnels et les professionnelles de terrain font un usage très limité.
-
[20]
Rappelons que sur notre terrain principal, la cellule est entièrement dédiée à la prise en charge de personnes mineures.
-
[21]
Une situation qui fait fortement écho à ce que décrivent Charlotte Heath-Kelly et Erzsébet Strausz s’agissant des signalements professionnels pour risque de radicalisation au Royaume-Uni après l’introduction du Prevent Duty : une part très importante de ces signalements (45 % dans l’article) auraient donné lieu au déploiement de prises en charge individuelles éloignées de toute préoccupation antiterroriste (accès au logement, soins de santé mentale, éducation), dans un contexte d’austérité budgétaire affectant fortement le fonctionnement ordinaire du secteur public (Heath-Kelly et Strausz, 2019).
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- Thomas, P. (2020). Britain’s Prevent strategy : Always changing, always the same ? Dans Busher J. et Jerome L. (dir.) The Prevent duty in education : Impact, enactment and implications (p. 11-31). Springer International Publishing.
Liste des figures
Figure 1
Articulation officielle du dispositif national de lutte contre la radicalisation
Figure 2
Fonctionnement de la CPRAF étudiée au moment de l’enquête