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Introduction. Frontières : entre criminologie et interdisciplinarité[Notice]

  • Karine Côté-Boucher,
  • Luna Vives,
  • Adèle Garnier et
  • Mireille Paquet

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  • Karine Côté-Boucher
    Professeure agrégée, École de criminologie, Université de Montréal
    Équipe de recherche sur l’immigration au Québec et ailleurs (ERIQA)
    karine.cote-boucher@umontreal.ca

  • Luna Vives
    Professeure agrégée, Département de géographie, Université de Montréal
    Équipe de recherche sur l’immigration au Québec et ailleurs (ERIQA)
    luna.vives@umontreal.ca

  • Adèle Garnier
    Professeure agrégée, Département de géographie, Université Laval
    Directrice générale du Centre de recherche Cultures-Arts-Sociétés (CELAT)
    Équipe de recherche sur l’immigration au Québec et ailleurs (ERIQA)
    adele.garnier@ggr.ulaval.ca

  • Mireille Paquet
    Professeure agrégée, Département de science politique, Chaire de recherche de l’Université Concordia sur la politique de l’immigration, Université Concordia
    Équipe de recherche sur l’immigration au Québec et ailleurs (ERIQA)
    mireille.paquet@concordia.ca

L’étude des frontières connaît actuellement un essor remarquable dans le domaine des sciences sociales. Cette explosion est certainement liée à la plus grande visibilité de leurs réalités matérielles et humaines. La période pandémique a mis en lumière le rôle de la frontière terrestre en tant que mécanisme de contrôle biopolitique. Les États ont limité les déplacements, suspendu les régimes d’asile, réorganisé les systèmes d’immigration tout en mettant en place des mesures pour prioriser les flux de marchandises (Blue et al., 2021 ; Chalagain et al., 2022). Pourtant, ce jeu entre fermeture et ouverture représentait moins un renversement de paradigme qu’un changement de degré, exacerbant les dynamiques existantes de gouvernance des (im)mobilités que les travaux sur les frontières s’efforcent d’analyser. Dans un monde caractérisé par des mobilités multiples, l’étude des frontières permet de mieux appréhender les processus par lesquels les frontières se constituent, favorisant certaines mobilités tout en en restreignant d’autres. L’étude des frontières offre également un point de vue privilégié sur la mise en place des configurations contemporaines du pouvoir et des dominations. Elle rend visible la constitution des frontières en tant qu’espaces névralgiques pour la mise en place et le maintien de mécanismes de domination économique, mais aussi social et politique. En tant qu’appareillage fait de technologies, de bureaucraties, d’instruments légaux ainsi que de moyens sécuritaires et militaires, les frontières divisent la planète en zones « riches » et « pauvres », tout comme elles séparent les humains en deux catégories : ceux et celles détenant le droit et les capacités de bouger et les autres, forcés à l’immobilité. En effet, les recherches actuelles sur les frontières problématisent les classifications sociales serrées produites par cet appareillage frontalier et la manière dont elles assurent une distribution différentielle des droits et privilèges dans le monde. La demandeuse d’asile placée en détention migratoire, le jeune homme déporté, la migrante traversant avec peine la jungle du Darién ou celle assoiffée dans le désert à la frontière mexicano-américaine en sont bien conscients : les frontières sont placées au coeur des stratégies qui gouvernent les mobilités et qui maintiennent les inégalités mondiales d’accès aux ressources, ainsi qu’aux protections légales et sociales. Le dernier à être publié en version papier dans la revue Criminologie, le présent numéro spécial explore ces questions d’un point de vue interdisciplinaire. Malgré l’intérêt tardif de la criminologie pour l’étude des frontières, nous soulignons dans la prochaine section son apport, d’un point de vue empirique d’abord et théorique ensuite, qui a été et demeure significatif. Nous nous intéressons ensuite à la manière dont d’autres perspectives issues de disciplines, de théories et de méthodes différentes de la criminologie peuvent alimenter notre examen des frontières ainsi que souligner les remises en question des notions d’État et de territoire. Les articles que nous présentons dans ce numéro répondent d’une ouverture épistémologique dans les thèmes abordés, ainsi que dans les approches privilégiées. C’est dans cette interdisciplinarité que le regard que nous portons sur les frontières s’affine et nous permet d’approfondir notre compréhension des bouleversements contemporains de la gouvernance des mobilités. Au sein du vaste effort collectif de recherche sur les mécanismes frontaliers qui nous divisent et assurent une redistribution inéquitable des ressources et des droits, la criminologie des frontières occupe une place prépondérante. Elle rend explicite le rôle policier des frontières. Elle décortique la manière dont la pénalité et les systèmes de justice sont retravaillés de l’intérieur par le contrôle migratoire. Enfin, elle rend visible le rôle des frontières dans le maintien symbolique et physique d’une constitution raciste des relations sociales mondiales, ainsi que les limites qu’elles posent à l’appartenance pleine et entière …

Parties annexes