Depuis une quarantaine d’années, de nombreuses démarches ont été entreprises par le gouvernement du Canada dans un objectif de (ré)conciliation avec les différents peuples autochtones des territoires sur lesquels le pays a été fondé. Bien qu’il reste encore énormément de progrès et de changements à réaliser jusqu’à l’achèvement du processus de (ré)conciliation en soi, une place toujours plus importante est laissée aux Autochtones et à leurs représentants lors d’événements publics. Il s’agit d’une présence qui peut être d’ores et déjà considérée comme un premier pas vers cette susdite (ré)conciliation. C’est justement le cas des membres du groupe musical wolastoqiyik Pokuhulakon Witsehkehsu (Sisters of Drums), qui ont donné une prestation sur scène aux tambours à main, lors du 43e discours sur l’état de la province du Nouveau-Brunswick livré en 2017. Le présent article vise donc, d’une part, à décrire la prestation du groupe aux tambours autochtones Pokuhulakon Witsehkehsu et, d’autre part, à décrire les circonstances de sa présence lorsque cet important discours a été prononcé le 26 janvier 2017 par le premier ministre Brian Gallant. Enfin, il sera expliqué comment, à mon sens, cette prestation est perçue par les autres communautés autochtones au pays et en quoi elle peut être considérée comme un acte de résurgence autochtone. Le groupe Pokuhulakon Witsehkehsu fondé par Krista Paul est composé de neuf femmes wolastoqiyik (malécites), qui jouent du tambour à main traditionnel (Bordeleau 2019). Kelsey Nash-Solomon, Aaron Hatty, Cole Hatty, Jessica Paul, Emily Paul, Jenny Perley-Martin, Rosanne Clark, Nisha Nicholas et Krista Paul se rencontrent les mardis de chaque semaine pour pratiquer les morceaux de leur répertoire, le tout interprété au tambour et accompagné de leurs voix (Musique nomade 2018). Ces musiciennes sont issues de la communauté St Mary’s; elles se joignent aux quelque 4 000 Wolastoqiyik qui habitent la province du Nouveau-Brunswick (gouvernement du Nouveau-Brunswick s.d.). Depuis 2017, le groupe se produit fréquemment à des événements publics pour le plaisir, mais surtout dans l’optique de faire rayonner la langue, la culture et les traditions de ses membres. Dans une entrevue avec VOIR, Cole Hatty affirme que, bien que le groupe ait été créé dans un désir de « garder la langue vivante » (Bordeleau 2019), il a été constaté que celui-ci a un effet tout aussi important sur la vie de chacune de ses membres et sur celle des femmes au sein de leur communauté. En outre, elle s’explique en ces termes : « Le groupe les fait se sentir plus puissantes, leur remonte le moral, les fait reconnecter avec leur culture traditionnelle. […] C’est notre temps de guérison qui nous permet de nous sentir mieux et de grandir ensemble en tant que femmes » (Bordeleau 2019). Chaque année au Nouveau-Brunswick, organisé par la Chambre de commerce de Fredericton, le premier ministre fait un discours visant à mettre à jour les citoyens et citoyennes sur divers points importants et à leur faire part d’autres nouveautés concernant la province (gouvernement du Nouveau-Brunswick 2021). En 2017, au début de ce discours provincial, huit membres du groupe Pokuhulakon Witsehkehsu ont interprété les chants Wolastoq et Warrior Woman, positionnées sur scène en demi-lune et portant chacune leur tambour à la main (voir Figure 1). Celles-ci ont été invitées par le gouvernement provincial à faire l’ouverture de cet événement politique. Comme Pokuhulakon Witsehkehsu est le seul groupe dans la région de Fredericton qui soit composé de femmes des Premières Nations joueuses de tambour, elles sont la référence de premier plan pour une présence autochtone à divers événements publics dans la région. Les tambours à main utilisés par le groupe Pokuhulakon Witsehkehsu sont en fait …
Parties annexes
Bibliographie
- AUDET, Véronique, 2012, Innu nikamu – L’Innu chante : Pouvoir des chants, identité et guérison chez les Innus. Québec : Les Presses de l’Université Laval.
- BORDELEAU, Antoine, 2019, « Pokuhulakon Witsehkehsu (Sisters of Drums) ». VOIR, 3 juin 2019. En ligne : https://voir.ca/musique/artiste-nikamowin/2019/06/03/pokuhulakon-witsehkehsu-sisters-of-drums/, [consulté le 14 février 2022].
- DELAMOUR, Carole. 2019. « Les multiples résonances du teuehikan (tambour) des Ilnuatsh de Mashteuiatsh dans le renouvellement d’une éthique de l’attention », Revue d’anthropologie des connaissances, 13(3) : 793-816.
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