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Chronique bibliographique

Elaine Craig, Putting Trials on Trial. Sexual Assault and the Failure of the Legal Profession, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2018, 320 p., ISBN 978-0-7735-5277-7.[Notice]

  • Claudie-Émilie Wagner

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  • Claudie-Émilie Wagner
    Université Laval

Dans un contexte inédit de dénonciations provoquées, entre autres, par l’affaire Weinstein et le mouvement #MeToo, l’ouvrage rigoureux et étonnamment d’actualité publié par la professeure Elaine Craig, intitulé Putting Trials on Trial. Sexual Assault and the Failure of the Legal Profession, se révèle une critique acerbe du système de justice canadien et de son traitement envers les victimes d’agression sexuelle. Plus précisément, l’auteure y met en évidence les diverses façons par lesquelles le milieu juridique continue, malgré la réforme de 1983, à contribuer aux préjudices subis par ce type de victimes durant leur procès criminel. Et, loin de se limiter à mettre au jour les manquements du système, elle propose, afin de réduire les maux causés aux victimes, des changements concrets que peuvent apporter les acteurs visés. L’ouvrage compte huit chapitres traitant tour à tour du rôle des avocats de la défense, des procureurs de la Couronne et du juge dans la perpétuation des préjudices subis par les victimes d’agression sexuelle. Personne n’est oublié. Dans le but de soutenir sa thèse, l’auteure utilise, tout au long du livre, des exemples concrets tirés d’entrevues réalisées auprès d’avocats chevronnés, d’entrevues données par des avocats à des journalistes, de sites Web de bureaux d’avocats criminalistes, des mémoires des avocats, des manuels de la Couronne, des mémoires d’appel et des cas de jurisprudence. Le lecteur ne peut rater le message essentiel que livre ce texte : malgré les importants changements apportés depuis 1983, les préjugés en matière d’agression sexuelle subsistent encore. L’auteure s’attaque à l’idée répandue auprès des avocats de la défense (et parfois même de la population) que la protection des victimes d’agression sexuelle va trop loin et empêche maintenant un accusé de recevoir un procès juste et équitable. Se basant sur ses entretiens avec certains avocats de la défense, elle fait ressortir que ceux-ci croient à une surcorrection par le législateur et les tribunaux des problèmes entourant la poursuite des agresseurs sexuels. Aussi l’auteure pose-t-elle la question suivante : pourquoi, dans un pays où il existe un des meilleurs systèmes de protection des victimes d’agression sexuelle, le taux de dénonciation est-il encore aussi bas ? En guise de réponse, elle pointe du doigt, à l’aide d’extraits de procès parfois brutaux, les techniques archaïques dont usent certains avocats. En effet, ils n’hésitent pas à être agressifs, insultants, voire condescendants, avec les plaignantes. Leurs agissements frôlent parfois l’illégalité. Au dire de la professeure Craig, un important clivage règne entre l’opinion dominante d’après laquelle un bon avocat ne doit pas utiliser de techniques agressives contre les plaignantes et la célébration, par leurs pairs, d’avocats hostiles. En effet, bien que les avocats soutiennent qu’il n’est pas constructif de faire preuve d’agressivité envers une victime, les plus prisés d’entre eux se vantent pourtant d’être de vrais « pitbulls en cour » à l’égard des plaignantes. Pour illustrer les « vertus professionnelles » célébrées de ces avocats de la défense, l’auteure a examiné quatre dossiers, ce qui lui a permis de formuler l’explication suivante : les avocats criminalistes seraient plus portés à croire que leurs clients sont faussement accusés dans les cas de crimes sexuels que dans d’autres dossiers de nature criminelle. Par ailleurs, l’auteure a interrogé des avocats de la défense quant à leur perception relativement à leur propre rôle au sein de l’appareil judiciaire. Leur vision est diamétralement opposée aux techniques agressives qu’ils utilisent pourtant. Les victimes rapportent d’ailleurs que leur expérience en cour se révèle presque aussi traumatisante que l’agression sexuelle. Cette réalité est connue sous le vocable de « double victimisation ». La professeure Craig croit que, si l’on amène les avocats à …

Parties annexes