FR :

Si, ces dix dernières années, nos dossiers thématiques nous ont permis de faire la part belle aux images, le dossier « Portraits sonores de pays » ouvre les pages de la revue au traitement du son et exploite cette capacité citationnelle permise par notre plateforme de publication. Au sein des pages du présent numéro, on ne fera pas que lire sur les expériences sonores analysées, on pourra entendre par soi-même les sons captés en Inde, à Tchernobyl ou encore dans une gare de triage à Montréal, et ainsi prendre position.

EN :

Over the past ten years, our thematic dossiers have devoted a great deal of space to images, but the “Sound Portraits of Places” dossier opens up the pages of the journal to the sound arts and takes advantage of the citation possibilities offered by our platform. In the pages of this issue, you can not only read about the sound experiments analysed, but also listen to the sounds recorded in India, Chernobyl and a Montreal marshalling yard, and take a stand.

FR :

Le modèle générique du portrait apparaît comme un format pertinent pour faire entendre, voire faire sonner un pays, un format qui guide aussi bien la création que l’écoute d’oeuvres sonores consacrées à des territoires particuliers. C’est à la variété d’une pratique de la découverte du monde audible que la notion fait appel, tout aussi bien qu’à la singularité des entités que l’on y rencontre ou que l’on y figure.

EN :

The portrait model seems relevant to making a place audible, or even to making a place sound, a format that guides both the creation and the listening of sound works dedicated to specific territories. The notion appeals to the diversity of ways of discovering the audible world, as well as to the singularity of the entities we encounter or represent in it.

FR :

L’oeuvre de la compositrice Hildegard Westerkamp montre que le son est ce qui nous relie au monde. Plusieurs de ses pièces travaillent avec des lieux ou des personnes dont elle rend la présence quasi tangible à travers l’expérience sonore. L’auteur s’intéresse ici à la pertinence de l’expression « compositions à base de paysages sonores » que la compositrice utilise pour parler de la plupart de ses pièces. Il se demande si l’on pourrait également parler de « compositions à base de portraits sonores », avant de mettre l’accent sur l’expérience et l’écoute.

EN :

The work of composer Hildegard Westerkamp, a pioneer of acoustic ecology, shows that sound connects us to the world. Several of her pieces work with places or people that she brings close to us through the experience of sound. Here the author explores the relevance of the term “soundscape compositions”, which the composer uses for most of her pieces. He wonders whether we could also speak of “sound portrait compositions”, before placing the emphasis on experience and listening.

FR :

Michel Neault, artiste du son, a passé des nuits dans une gare de triage enclavée dans un quartier résidentiel de Montréal. Il accompagne les répartiteurs, les wagonniers, les mécaniciens; il loge son silence dans leurs conversations, intercepte leurs communications radio, répète les gestes inhérents à leur métier. L’artiste compose un portrait sonore, Y Bush Corrida, non seulement avec des matériaux auxquels ces travailleurs se frottent, mais aussi avec leur écoute et leur capacité à décrire la sonorité de leur gare de triage. C’est ce dont la présente analyse veut rendre compte.

EN :

Sound artist Michel Neault spent nights in a marshalling yard enclosed in a residential area of Montreal. He follows radio dispatchers, car mechanics, train conductors. He places his silent microphone between their verbal exchanges, he intercepts their radio communications, and imitates the essential actions of their profession. The artist composes a sound portrait not only from the materials they rub up against, but also from their listening habits and their ability to describe the sound of their marshalling yard. The result is a two-parts radio documentary entitled Y Bush Corrida; its analysis will make audible its gestures, materials and figures.

FR :

Cet article explore la démarche de Knud Viktor, artiste danois installé dans le sud de la France au début des années 1960. Sur le mode de l’enquête et en s’appuyant sur les archives de l’artiste, cette contribution dessine un double portrait : celui d’un « peintre sonore » et celui du territoire qui l’aura tant fasciné, entre montagnes du Petit Luberon et Durance. En la comparant à celle de « paysage sonore », l’autrice propose en outre de mesurer la pertinence de la notion de « portrait sonore de pays » à l’aune de l’oeuvre de Knud Viktor.

EN :

This article delves into the work of Knud Viktor, a Danish artist who settled in the south of France in the early 1960s. Using an investigative approach and the artist’s own archives, it draws a double portrait: that of a “sound painter” and that of the territory between the Petit Luberon mountains and the Durance river, which so fascinated him. By comparing it with the concept of “soundscape”, the author also proposes to measure the relevance of the notion of “sound portrait of a land” in the light of Knud Viktor’s work.

FR :

Le volume de Sounds From Dangerous Places de Peter Cusack consacré à la zone d’exclusion de Tchernobyl problématise des thèmes transversaux pour la pensée de l’enregistrement, s’articulant autour de certains motifs : perte, deuil, exil, nostalgie trace, empreinte, exposition. Pour étudier ces motifs, l’article se concentre sur les samoseli, ceux qui peuplent illégalement la zone d’exclusion. En rompant avec toute fascination pour l’aspect spectaculaire de Tchernobyl, ce portrait sonore permet de repenser comme un pays ce qui n’est représenté, dans l’imaginaire contemporain, que sous le format de la zone.

EN :

This article examines the volume of Sounds From Dangerous Places by Peter Cusack which is devoted to the Chernobyl exclusion zone. Cusack develops a practice known as audio journalism. However, his work problematizes themes that cut across all aspects of recording theory, revolving around motifs that resonate with this territory in a singular way: loss, mourning, exile, nostalgia, trace, exposure. To explore these motifs, the article focuses on the samoseli, the illegal inhabitants of the exclusion zone. Moving away from any fascination with the spectacular aspect of Chernobyl, the sound portrait proposed by Cusack allows us to rethink as a land what is represented in the contemporary imagination only in the form of a zone.

FR :

Au sein du champ de la création sonore, le portrait de pays ne trouve place au sein de la palette générique usuelle, comme si ce genre ne se révélait pas nécessaire aux nomenclatures de cet univers de création. S’agissant d’un secteur qui met en avant sa dimension sonore, le portrait semble d’autant plus faire l’objet d’une réticence qu’il se trouve associé de prime abord au domaine visuel. Toutefois, les discours d’accompagnement des oeuvres sonores — sachant qu’il y en a toujours — configurent à l’occasion une généricité qui participe bel et bien du portrait de pays et, le plus souvent, de ville.

EN :

Within the field of sound creation, the portrait of place is not part of the usual generic palette, as if this genre were not necessary to the nomenclatures of this creative universe. In a field that emphasizes its sonic dimension, the portrait seems all the more subject to reticence as it is primarily associated with the visual domain. However, the discourses that accompany sound works — and there are always some — sometimes create a genericity that is very much linked to the portrait of place and, more often than not, of a city.

FR :

Cet article revient sur l’exposition Foyer Fantôme présentée par l’artiste palestinienne Ahlam Shibli au Jeu de Paume en 2013. Le travail de la photographe a soulevé la controverse, permettant une analyse fine des enjeux politiques liés à la photographie documentaire contemporaine, ses contestations et ses justifications. Ces débats mettent au jour des tensions importantes, entre dépolitisation et repolitisation de l’art.

EN :

This article examines the exhibition Phantom Home by Palestinian artist Ahlam Shibli at the Jeu de Paume in 2013. The photographer’s work sparked controversy, enabling a detailed analysis of the political stakes associated with contemporary documentary photography, how it can be challenged or defended. These debates reveal significant tensions between the depoliticization and repoliticization of art.