La conjoncture actuelle met en avant-scène des conflits sanglants, des violences insoutenables (tortures, viols, assassinats, kidnapping, massacres, etc.) et leurs impacts traumatisants sur les membres de la société civile. Si différents auteurs pointent, et à raison, les responsabilités étatiques, les violences politiques inédites et le ravage du néolibéralisme (Klein, 2008), d’autres, comme ceux mobilisés dans l’ouvrage de Fatima Moussa-Babaci, tentent aussi de relire ces histoires de guerre et de violence à partir, et à travers, les expériences des premiers concernés : les victimes des traumatismes. Cette relecture suppose alors un dispositif de soin qui table sur le désir de vivre en premier lieu, les solidarités et l’incontournable interpellation des droits humains. Le manuscrit démontre ainsi que les pays aux prises avec des tragédies barbares, des violences quotidiennes, constituent aussi des laboratoires de guérison et de réparation individuelle et collective. À la violence perpétrée, on répond justice, solidarité, réparation, prise en charge, dédommagement et respect des droits fondamentaux. Cet ouvrage publié en 2019 fait référence à des périodes peu glorieuses de l’Histoire certes, mais aussi à l’Histoire contemporaine telle qu’elle se construit aujourd’hui avec ses « trous » et ses zones sombres. Il évoque la colonisation, les génocides, les violences multiples et les guerres civiles. Les terrains se déploient dans plusieurs pays comme le Cambodge, le Rwanda ou la France, mais essentiellement en Algérie. L’Algérie et les Algériens tentent un éclairage sur leur héritage troublant et dramatique. Ce legs est principalement associé à la guerre de décolonisation et aux conflits nébuleux entourant le Front islamique de Salut (FIS). Le Cambodge et le Rwanda sont évoqués à travers leur génocide respectif. La France est interpellée directement à travers la situation de ses migrants, réfugiés et personnes issues de l’immigration. La plupart des auteurs de cet ouvrage s’évertuent à démontrer « qu’une centration sur le contexte historico-culturel et idéologique de la situation traumatique » (Op et Lescarret, p. 59) est nécessaire pour mieux comprendre et accompagner les victimes. Ce livre s’adresse autant aux chercheurs, aux praticiens qu’aux étudiants travaillant sur les enjeux humains des guerres, sur la reconnaissance des victimes, la mobilisation des solidarités individuelles, familiales, collectives et associatives. Il constitue un ouvrage de référence, qui présente un état de la recherche à jour sur ce sujet et, spécifiquement, dans ces aires géographiques. Il devient aussi un outil pédagogique pour former les professionnels oeuvrant auprès des victimes des traumatismes. En soi, il matérialise un foisonnement de témoignages riches qui peuvent sensibiliser tous les acteurs de la société civile, y compris les citoyens « ordinaires ». Le manuscrit est composé de 319 pages et est divisé en cinq parties, soit 21 chapitres, qui apportent une contribution significative sur le sujet des victimes de violences multiples et leur prise en charge. La première partie donne le ton en documentant le travail de mémoire, la transmission du traumatisme et le devenir des victimes. Cette thématique forte se déploie à travers quatre chapitres. Il est intéressant de noter ici que l’ouvrage s’ouvre sur une population directement impliquée dans les terreurs quotidiennes et tragédies des guerres : les militaires et paramilitaires. Signifiant ainsi qu’aucune classe sociale n’est épargnée par la terreur et la violence. Cette partie se ferme avec une lecture psychologique du mouvement populaire juvénile appelé Harak en Algérie. Si la première partie porte d’emblée sur les processus de la mémoire associés aux traumas, la deuxième partie, elle, aborde la place de la culture, la psychothérapie et la résilience. Là encore, quatre chapitres développent diverses formes de réception, d’expression et de guérison des traumatismes à travers le potentiel et les ressources de chaque culture. La notion …
Parties annexes
Bibliographie
- Ajari, N. (2019). La dignité ou la mort : éthique et politique de la race. Paris : La Découverte.
- Cohen-Emerique, M. (2011). Pour une approche interculturelle en travail social : théories et pratiques. Rennes : Presses de l’EHESP.
- De Genova, N. (2010). Migration and race in Europe : the trans-Atlantic metastases of a post-colonial cancer. European journal of social theory, 13(3), 405-419.
- Klein, N. (2008). La stratégie du choc. La montée du capitalisme du désastre. France : Lemeac, Actes sud.
- Legault, G. (2000). L’intervention interculturelle. Montréal : Gaétan Morin Éditeur.
- Mbembe, A. (2016). Politiques de l’inimitié. Paris : La Découverte.