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La publication de ce nouveau manuel de traduction catalan-français tombe à point en venant combler un vide dans l’offre de matériel pédagogique pour cette combinaison de langues. En effet, outre le Guide pratique de traduction catalan-français de Martine Berthelot, paru en 2007, les enseignants et apprenants de la traduction catalan-français n’avaient jusqu’ici que peu de matériel sur lequel s’appuyer, à moins bien sûr de concevoir le leur.
Miguel Tolosa Igualada et Loïc de Faria Pires offrent donc une solution clés en main autour de laquelle les enseignants de la traduction catalan-français peuvent concevoir leurs cours. De plus, grâce à des consignes claires et à une marche à suivre pas à pas, le manuel permet aussi un apprentissage autodidacte pour ceux et celles qui le préfèrent ou qui n’ont pas accès à un cours, ce qui est souvent le cas pour une combinaison de langues relativement rare en dehors des territoires de langue catalane.
Bien que le manuel se veuille essentiellement pratique, les auteurs présentent les fondements théoriques de l’ouvrage, au nombre de trois : a) les approches fonctionnelles (Nord 1997), qui concernent l’aspect socioprofessionnel de la traduction (le mandat, le public cible, etc.) ; b) les compétences en traduction (PACTE 2003), qui concernent la cognition (connaissance des langues source et cible, des outils, etc.) ; et c) la métacognition, qui concerne la conscience qu’a le traducteur ou la traductrice de sa propre façon de fonctionner. Cela étant dit, l’ouvrage est construit autour d’un principe théorique essentiellement pratique, soit celui susmentionné du mandat de traduction, ce qui permet un enseignement et un apprentissage ancrés dans la pratique professionnelle.
Après la présentation de l’ouvrage, les auteurs dédient un chapitre complet à la façon d’utiliser le manuel. Celui-ci comprend des consignes fort étoffées qui viennent guider l’apprenant en lui proposant une séquence de travail que les auteurs nomment SEPTAM (sensibilisation, exécution du projet de traduction, autoévaluation et métacognition). La phase de sensibilisation est réalisée avant la traduction, celle d’exécution, pendant la traduction et celles d’autoévaluation et de métacognition, après la traduction. Chacune de ces phases est divisée en activités ou tâches, au nombre de dix. La phase de sensibilisation comprend la première lecture, la traduction à vue et les défis de traduction. La phase d’exécution comprend l’analyse du mandat, la traduction en soi, la révision et l’enregistrement audio, et l’analyse du processus. L’autoévaluation comprend l’autocorrection et l’autonotation à l’aide d’une traduction type et d’une grille composée de huit critères d’évaluation précis (sens, grammaire, lexique, terminologie, orthographe et typographie, style et logique, aspects culturels et fonction de la traduction) et d’une évaluation de la qualité globale du texte. Enfin, la séquence de travail se termine par la métacognition, activité qui consiste à réfléchir sur le travail accompli et à intérioriser les apprentissages. Le chapitre se termine par une liste d’outils en ligne à la disposition des enseignants et apprenants, dont des dictionnaires de langue catalane et de langue française, des bases de données terminologiques multilingues, des correcteurs, etc.
Les sept chapitres suivants présentent les textes à travailler et constituent ainsi le coeur de l’ouvrage. Chacun de ces chapitres est consacré à un domaine de spécialité « classique » et propose des textes déjà publiés. Les sept domaines choisis par les auteurs sont : scientifique, technique, médical, économique, juridique, touristique et humanistique. A priori, on pourrait croire qu’il s’agit de textes spécialisés plutôt que de textes relevant de la traduction générale ; il s’agit en fait de textes provenant d’ouvrages de vulgarisation s’adressant à un public général, notamment de journaux. Ce sont donc des textes portant chacun sur un domaine de spécialité, mais dont la terminologie n’est pas hautement spécialisée. Les auteurs qualifient les textes de « quasi authentiques », en ce sens qu’ils sont inspirés de véritables projets professionnels, mais modifiés et adaptés afin de répondre aux besoins des apprenants. Cela permet, selon les auteurs, de familiariser les apprenants avec certaines réalités du monde de la traduction professionnelle.
Pour chacun des sept domaines traités, Tolosa Igualada et de Faria Pires présentent trois textes de niveaux croissants de difficulté. Les auteurs proposent d’adopter une approche verticale, c’est-à-dire de traduire les trois textes d’un même domaine en augmentant le niveau de difficulté, ou une approche horizontale, qui consiste à traduire les textes d’une même complexité dans les divers domaines proposés. Certains des textes peuvent évidemment être omis en fonction des besoins de l’enseignant ou du niveau des apprenants. Le nombre de textes et les divers degrés de difficulté offrent une grande flexibilité à l’enseignant, qui peut facilement sélectionner le contenu en fonction de ses besoins et contraintes, notamment le nombre d’heures et de séances de son cours, qui varient selon les programmes, les universités et les pays. La grande quantité de textes permet par ailleurs à l’enseignant d’en réserver pour ses évaluations, ce qui fait en sorte que les apprenants ne se trouvent pas devant des textes décalés de ce qui a été vu en classe au moment d’effectuer des travaux notés.
À chacun des chapitres, c’est-à-dire pour chacun des domaines de traduction, les auteurs reviennent à la séquence de travail SEPTAM. Alors que la séquence est expliquée de façon générale en début d’ouvrage, elle est maintenant mise en relation avec le domaine particulier et les textes à traduire à chacun des chapitres. On présente donc aux apprenants chacun des trois textes du domaine : auteur, lieu et année de publication, nombre de mots (de 400 à 900 mots environ), résumé du contenu, niveau de difficulté et variété linguistique. Ce dernier élément est plus que bienvenu puisqu’il permet aux apprenants, surtout ceux qui ne sont pas catalanophones, de travailler sur des textes écrits dans l’une des diverses variétés de catalan, comme celle d’Andorre, de Valence ou des Baléares, et non seulement de la variété centrale, qui est la principale variété parlée en Catalogne et, forcément, celle que la majorité des apprenants connaissent le mieux.
En plus de répondre à un besoin criant dans la combinaison catalan-français, le manuel de traduction de Miguel Tolosa Igualada et Loïc de Faria Pires offre aux apprenants et enseignants une méthode complète, claire et précise, flexible et même agréable à suivre. Rédigé dans une langue qui n’est pas trop technique, il convient à la fois aux non-initiés, aux traducteurs et traductrices d’expérience et aux enseignants, qu’ils soient eux aussi débutants ou expérimentés.
Appendices
Bibliographie
- Berthelot, Martine (2007) : Guide pratique de traduction catalan-français. Perpignan : Trabucaire.
- Nord, Christiane (1997) : Translating as a Purposeful Activity : Functionalist Approaches Explained. Manchester : St. Jerome.
- PACTE (2003) : Building a translation competence model. In : Fabio Alves, dir. Triangulating Translation : Perspectives in process oriented research. Amsterdam : John Benjamins, 43-66.