
Revue Gouvernance
Governance Review
Volume 3, Number 1, 2006
Table of contents (6 articles)
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Lettre du rédacteur en chef
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Gomery: prequel and sequel
S.L. Sutherland
AbstractEN:
The following text will first characterize the sponsorship scandal and then review the consequences for the shape of the inquiry created by its terms of reference. My view is that although the intent of establishing the inquiry was to demonstrate that all was well in an open democracy, the event itself, pulled out of the past, selectively refreshed grievance and outrage. The televized proceedings followed by daily headlines so inflamed the general public with the repetitive detailing of money losses that the public came to understand sponsorship’s root evil as only financial waste, and only Liberal Party corruption (« entitlement »). The inquiry as it was conducted thus forestalled more significant conversations that might have filled in between the criminal and civil trials. Worse, the inquiry created a view that the political corruption it emphasized, which it was at pains to emphasize as « artisan, » could have been almost casually forestalled at any point by ordinary levels of vigilance on the part of senior public servants. More specifically, the terms of reference either forced or normalized a selective approach to calling, questioning and recalling witnesses. Further, the judge the government of Prime Minister Paul Martin chose to lead the inquiry was the first to acknowledge that he lacked an understanding of responsible government, political institutions and public law. He therefore was swiftly provided with advisers on the political system and settled views he was in no position to know of or judge.
FR:
Le texte suivant commence par brosser un portrait détaillé du « scandale » des commandites, pour par la suite discuter des conséquences que créent les événements de références sur la nature de l’enquête. Mon point de vue est que, bien que l’objectif initial de la Commission était de démontrer que tout va bien dans une démocratie transparente, la reconstruction ex post de l’évènement à plutôt entraîner la résurgence sélective de vieilles complaintes et indignations. La télédiffusion en direct des travaux et le sensationnalisme du traitement médiatique ont cristallisé la colère publique en réduisant les enjeux à la dimension financière (gaspillage de fonds publics) et à la corruption au sein du Parti libéral du Canada ( « culture du tout-m’est-dû » ). La conduite de l’enquête, ainsi définie, n’a pas permis la prise en compte d’éléments plus significatifs qui auraient notamment pu d’établir des liens entres les procès criminels et civils dont font l’objet certains de ses acteurs principaux. Pire encore, les travaux de la Commission créèrent au sein du public l’impression que la corruption politique au coeur du « scandale », dont elle martelait sans cesse la dimension partisane (libérale), aurait pu être arrêtée à plusieurs reprises par la simple vigilance d’un ou plusieurs hauts fonctionnaires. Plus spécifiquement, le déroulement de l’enquête a privilégié une démarche sélective d’appel, de comparution et d’appel à nouveau de certains témoins, au détriment d’autres. De même, le juge en chef de la Commission fut le premier à reconnaître ses connaissances limitées eu égard au gouvernement responsable, aux institutions politiques et administratives, ainsi qu’au niveau du droit public. Conséquemment, il dû compter sur le soutien continu de conseillers sur le système politique dont il ne pouvait mettre en doute ni l’expertise, ni les biais personnels...
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Quebec’s Institutional Reconfiguration and the Reengineering Process: Lessons from Ontario
Alain-G Gagnon and Olivier de Champlain
AbstractEN:
The sustained interest in the potential of the public-private partnership formula (PPP) to take on the challenges relating to public finance crises and a gap in infrastructure faced by several countries is fuelled by a discourse on efficiency, and by the novelty and uniqueness of the way every political entity (state, province) is managing its PPPs. The discourse surrounding PPPs, built around themes like cooperation, corporate accountability and service improvement, is replacing the language of competition that was commonplace during the late 1970s and early 1980s. To some, these discourses represent the latest chapter in “the privatization of government services”, whereas others criticize the confusion and rhetoric built around a concept in the process “of becoming just another public policy reform fad.” Inspired by a text written by Neil Bradford, we explore the outcomes of two economic innovation strategies that occurred respectively under the reign of Bob Rae’s NDP government (1990-1995) and Mike Harris’ Conservatives (1995-2002) in Ontario. Bradford makes the point that the Conservatives narrow and market-based partnership approach succeeded where the NDP’s broad partnership approach failed. This was in part due to an inadequate institutional configuration. Based on this observation, the case of Quebec will be assessed in order to determine whether there is a better institutional fit between the reengineering process being considered and the Quebec government’s potential for innovation and its state capacity.
FR:
L’intérêt croissant qu’entretiennent de nombreux gouvernements envers les partenariats public-privé pour diminuer la pression sur les finances publiques et renouveler les infrastructures, repose d’abord sur des prétentions d’efficience (efficacité et économie), ainsi que sur la capacité des gouvernements de gérer ces nouveaux contrats. Le discours gouvernemental sur les PPP insiste longuement sur les notions de coopération, d’imputabilité et de reddition de comptes, de même que d’amélioration de la prestation des services publics, reléguant au passé la notion de concurrence qui domina le discours public durant la seconde moitié des années soixante-dix et la majeure partie des années quatre-vingts. D’aucuns considèrent le discours actuel sur les PPP comme un nouveau chapitre dans l’histoire de la privatisation des services publics, alors que pour d’autres il s’agit plutôt d’une rhétorique passagère dans l’histoire des politiques publiques et des réformes administratives. Influencé par une analyse de Neil Bradford, le texte qui suit se penche sur les résultats de deux stratégies de développement et d’innovation économiques en Ontario durant les années quatre-vingt-dix, soit celle du gouvernement néo-démocrate de Bob Rae (1990-1995) et celle des gouvernements conservateur de Mike Harris (1995-2002). Les leçons tirées de ces deux expériences, à plusieurs égards antinomiques, permettront de mieux saisir la compatibilité institutionnelle de l’État québécois pour la démarche de réingénierie mise en oeuvre en 2003, ainsi que son potentiel d’innovation économique.
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A Deductive Analysis of Public Private Partnerships for Health Technology
Eric Montpetit
AbstractEN:
In several countries, consulting firms, think thanks and even government agencies spend a considerable amount of energy trying to expand the scope of public private partnerships (PPPs). Initially confined to the construction and maintenance of public infrastructures, PPPs are currently discussed and experimented with in sectors as diverse as health care provision, crime reduction, immigrants’ integration and even the organization of elections. This paper discusses the way PPPs are likely to transform the adoption of novel medical technology in countries where health care is publicly funded. I believe, however, that several ideas presented here can be useful to consider in applying PPPs to all sectors of state intervention relying on expensive technologies. In the first section, I begin by presenting the economic understanding upon which PPPs rest. I then present the simple and uncontroversial assumption that, in democratic countries, PPPs are negotiated by politicians. Withholding the rationality assumption upon which economic theory rests, I argue that rational politicians are unlikely to prefer a PPP contract appealing to a private partner, unless politicians accept occasional renegotiation of given clauses of PPP contracts. Where this occurs, however, the alleged economic efficiency of PPPs is seriously undermined. In the second section, I present a series of reasons to contest economic theory’s treatment of health technology choices as economic choices. These reasons, I suggest, made significant contributions to health technology assessment and purchase reforms. The economic reasoning behind PPPs, I conclude, poses a serious threat to these reforms.
FR:
Dans plusieurs pays, des firmes d’experts-conseil, des instituts de recherché privés, ainsi que des agences gouvernementales consacrent temps et énergie à accroître l’étendu des partenariats public-privé (PPP) pour reconfigurer la gouvernance. D’abord limités au renouvellement et à l’entretien des infrastructures publiques, les PPP font maintenant l’objet de discussion dans des secteurs aussi divers que la gestion des soins de santé, la lutte contre la criminalité, l’intégration des immigrants et, même, dans certains cas, l’organisation d’élections générales. Le texte qui suit discute des principales conséquences que risquent d’entraîner les PPP sur le choix et l’adoption des technologies médicales de pointe dans les pays où le secteur de la santé fait l’objet d’un financement essentiellement public. Toutefois, plusieurs des idées avancées dans ce texte sont, à mon avis, pertinentes pour élargir la réflexion sur les PPP au-delà du secteur de la santé, et ainsi inclure les secteurs où l’interventionnisme soutient l’implantation et l’utilisation de technologies dispendieuses. Dans la première section, je présente l’argumentation économique sur laquelle repose traditionnellement les PPP. Par la suite, en faisant l’hypothèse simple et non contestée que les PPP, au sein d’un État démocratique, sont toujours négociés par des politiciens, je développe un argument selon lequel les politiciens rationnels sont peu enclins à privilégier un contrat avec un partenaire privé, à moins que ce contrat ne prévoit des renégociations ponctuelles de certaines de ces clauses. Or, de telles renégociations représentent des facteurs d’amenuisement de l’efficience économique de laquelle se réclament les PPP. Dans la seconde section du texte, je présente un ensemble d’arguments qui rejettent l’idée courante que les technologies de pointe dans le secteur de la santé sont des choix économiques. Ces arguments permettent, à mon avis, d’élargir la réflexion sur l’évaluation des choix technologiques dans le domaine de la santé, ainsi que sur la réforme de leurs modalités d’achat et de financement. En conclusion, j’avance que le raisonnement économique traditionnel sur lequel reposent les PPP représente une menace significative pour cette réforme.
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Observer l’observateur - Perspective épistémologique sur l’usage de la notion de gouvernance pour l’étude politique de l’administration publique
Dalie Giroux
AbstractFR:
Ce texte propose de discuter le concept de gouvernance, son rôle dans l’étude politique de l’administration publique et les défis théoriques et épistémologiques que son usage présente. Sans prétendre offrir le dernier mot dans ces débats qui sont l’objet d’une littérature très diversifiée et de grande qualité, je souhaite spécifier certaines questions qui se posent dans le cadre de la qualification et du développement d’un champ particulier qui appartient aux sciences sociales, l’étude proprement politique de l’administration publique. Participant par ce texte de la construction de cette réflexion encore à venir, je vais dans un premier temps définir le concept de gouvernance, en insistant sur la redéfinition du distinguo public/privé (articulation à la fois théorique et pratique de l’objet de l’administration publique) qui est implicite à l’articulation de celui-ci. Dans un deuxième temps, je vais soulever les questions théoriques et épistémologiques liés à l’usage du concept de gouvernance, en tant que cet usage est symptôme de la direction de la recherche actuelle, et dans le but d’y trouver l’indication de pistes à suivre pour constituer une version forte de l’étude politique de l’administration publique. Je vais dans un troisième et dernier temps suggérer d’incorporer de manière systématique dans l’épistémologie de la réflexion politique sur l’étude de l’administration publique deux dimensions qui, à la lumière de la critique de l’usage du concept de gouvernance, m’apparaissent essentielles.
EN:
Building bridges between political philosophy, political sociology and administrative studies, this paper aims to critically analyze the heuristic concept of governance, its role in the political study of public administration, as well as the theoretical and epistemological challenges that come with its increasing use by scholars and practitioners alike. Without claiming to offer the last word on these debates rooted in diverse and rich literature, the paper wishes to emphasize a number of issues relevant to the rise of a particular field of research in social sciences, i.e. the inherently political study of public administration. In order to do so, the paper will start with a conceptual clarification of governance, stressing the need to revisit the traditional public/private dichotomy. Secondly, the paper will identify and discuss the main theoretical, ontological and epistemological questions inherent to the use of governance as a concept, in order to participate in the political study of public administration, as an emerging field. Finally, the last section will propose to strongly de-emphasize the scientific and self-referential epistemology of governance, order to make room for its much neglected systemic and social dimensions. It is suggested here that these last two dimensions are fundamental components of any political study of public administration.
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Péril en la demeure - Les effets pervers de la lutte contre le terrorisme sur la citoyenneté en Grande-Bretagne
Helen Irving
AbstractFR:
Un mois après les attentats d’août 2005 au système de transport public de Londres, le premier ministre britannique, Tony Blair, a convoqué une conférence de presse pour annoncer une série de mesures, à la fois administratives et législatives, pour accroître l’ampleur de sa campagne contre le terrorisme. Blair a énuméré dix mesures, y compris la détention étendue de suspects, des limites au droit d’asile, l’augmentation des accords d’extradition avec d’autres pays, ainsi que l’établissement d’une nouvelle infraction dans le cas où il y a « approbation ou glorification du terrorisme ». Cette série de mesures allait manifestement bien au-delà du simple but de renforcer et d’étendre les moyens d’interrogation, d’emprisonnement ou de déportation. Leur intention ne se limitait pas à la préemption ou la punition. Au coeur de celle-ci, se trouvait un message sur la nature de la société britannique - sur ce que veut dire, aujourd’hui, la citoyenneté en Grande-Bretagne. Blair a résumé sa position comme suit : « Ceux qui veulent être des citoyens britanniques devraient partager nos valeurs et notre style de vie. » Il y aurait, disait Blair, « un test de citoyenneté britannique. » En pratique, une telle proposition pose des difficultés de mise en oeuvre. Elle soulève notamment des questions juridiques complexes, parmi lesquelles la dimension internationale de la déportation. Ceci dit, la légalité de la proposition n’est pas le sujet de ce texte ; celui-ci s’intéresse plutôt aux éléments constitutifs de la citoyenneté que reconduit cette initiative du gouvernement britannique. Dans cette perspective, il tentera de répondre aux questions suivantes : Qui est citoyen ? Qui a droit à la citoyenneté ? Qu’est-ce que l’État peut demander aux citoyens ? Qu’est-ce que les citoyens peuvent demander à cet État ?
EN:
Barely a month after the bombing of the London public transport system in August 2005, the British Prime Minister, Tony Blair, made public a number of legal and bureaucratic measures to sustain his ongoing fight against terrorism. Blair introduced ten measures, including the prolonged detention of suspects, new limits to the rights of refugee, bilateral and multilateral agreements on extradition with other countries, as well as the enactment of a new law regarding the alleged support and glorification of terrorist acts. All of these measures evidently go well beyond the simple task of reinforcing and expanding standard means of interrogation, imprisonment and deportation. Their intent is not limited to pre-emptive and punitive actions. At the heart of these measures lies a redefinition of the British society, i.e. the very nature of citizenship in contemporary Great Britain. From now on, said Prime Minister Blair, there would be a “test of British citizenship”. Though such a test entails complex legal issues, they are not the focus of the following paper. Rather, its emphasis is on the meaning of this (re)definition of citizenship and its consequences for democratic governance, through the following questions: Who is a citizen ? Who has a right to citizenship ? What can a democratic (post)modern state ask from its citizens ? What can citizens ask from their state and government?