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Contexte de la recherche

La Suisse est plus multiculturelle que jamais. Le pourcentage de population résidente permanente âgée de 15 ans et plus issue de la migration a atteint pour la première fois les 40 % en 2022 (Office fédéral de la statistique [OFS], 2023). Parmi ces immigrants, 80 % sont nés à l’étranger et appartiennent donc à la première génération de migration. Si l’on considère leur citoyenneté, environ 29 % des personnes issues de la première génération possèdent un passeport suisse, généralement obtenu par naturalisation, alors qu’ils sont près de 71 % au sein de la deuxième génération de migration.

Si l’on s’intéresse à la population résidente permanente de moins de 15 ans, soit celle qui fréquente les structures d’accueil préscolaires et les classes de scolarité obligatoire, la structure est différente. Les chiffres disponibles ne permettent pas de déterminer le statut migratoire et se limitent à la citoyenneté. Ils montrent cependant que la part de jeunes qui possèdent un passeport étranger se monte à 27 %. Parmi eux, plus de 70 % sont nés en Suisse et appartiennent vraisemblablement à la deuxième génération de migration.

Si l’on souhaite favoriser l’intégration des personnes issues de la migration dans leur pays d’accueil, il semblerait fondé de prioriser une action visant les personnes issues de la première génération de migration. Cependant, les membres de la deuxième génération de migration ne sont pas à négliger non plus. Ces descendants de migrants, pour la plupart nés en Suisse, constituent par ailleurs une population qui, par certains aspects, se montre vulnérable et plus sujette aux inégalités scolaires.

La présence importante d’élèves issus de la migration dans les classes suisses est un phénomène relativement récent et en augmentation régulière depuis les années 1980. À cette époque, l’État a renoncé au statut de saisonnier qui interdisait aux travailleurs étrangers, pour leur grande majorité des hommes, de séjourner en Suisse en compagnie de leur conjointe et de leurs enfants. Progressivement, le regroupement familial a été autorisé, jusqu’à la conclusion avec l’Union européenne de l’accord sur la libre circulation des personnes entré en vigueur en 2002. À titre d’illustration, selon l’OFS, le taux d’élèves d’origine étrangère dans l’école obligatoire au niveau suisse en 2000 était de 22 % et s’élevait à 26 % dans l’école vaudoise. En 2023, ces taux étaient respectivement de 29 % et de 36 % (OFS, 2025). Cependant, comme le souligne Bauer (2018), la catégorie statistique « élèves étrangers » à laquelle se substitue de plus en plus celle « d’élèves issus de la migration » ne révèle pas la multiplicité des statuts migratoires et des situations familiales qu’elle renferme et une approche plus fine est donc nécessaire.

L’augmentation relativement récente du pourcentage d’élèves issus de la migration dans les classes a coïncidé avec les premiers constats de surreprésentation de ces élèves dans les voies de formation à exigences élémentaires et dans l’enseignement spécialisé. Les premières recommandations de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique [CDIP] ont été émises dans les années 1970 (Kronig, 2003) et ont été renforcées régulièrement sans qu’un véritable progrès de cette situation ne puisse être constaté. L’enquête PISA 2000 a fourni une impulsion particulière à un rapport traitant notamment de l’égalité des chances et de l’origine sociale (Coradi Vellacott et Wolter, 2002) et du rapport entre scolarité et diversité culturelle (Moser, 2002). Rosenberg (2003) signale quant à elle qu’en Suisse, l’allophonie, l’immigration et les conditions sociales influencent les résultats scolaires plus fortement que dans la majorité des pays concernés par l’étude PISA. Vingt ans plus tard, force est de constater que la situation ne s’est pas améliorée. À l’échelle du canton de Vaud (Statistique Vaud, s.d.), en 2022, le pourcentage d’élèves « étrangers » s’élevait à 33,4 % dans l’école obligatoire. Au terme de la huitième année de scolarité, lorsque la sélection s’opère vers le secondaire I, constitué des trois dernières années de scolarité obligatoire et séparé en deux sections, nous constatons que ces élèves étaient 21,9 % à être orientés vers la voie à exigences étendues préparant à une formation de type « études » au post-obligatoire et 38,2 % vers la voie à exigences élémentaires préparant davantage à une formation professionnelle. Les chiffres pour l’enseignement spécialisé sont encore plus éloquents, avec 61,6 % d’élèves « étrangers » dans les classes d’enseignement spécialisé des établissements scolaires et 48,1 % dans les autres structures d’enseignement spécialisé.

Les constats sont similaires si l’on s’intéresse au redoublement ou au décrochage scolaire, et les chiffres concernant les élèves d’origine étrangère nouvellement arrivés en lien avec la guerre en Ukraine montrent par ailleurs que l’orientation vers les voies de formation à exigences élémentaires ne repose pas uniquement sur des critères fondés sur plusieurs années de scolarisation, mais sont potentiellement en lien avec des critères plus subjectifs mobilisés dès l’entrée dans l’école suisse ou en lien avec une maîtrise jugée insuffisante de la langue d’enseignement. Force est donc de constater que le système scolaire perpétue, au travers de la sélection, une approche déficitaire et une sélection basée sur des difficultés en principe passagères d’apprentissage de la langue, inhérentes à l’allophonie et, ce faisant, prétérite d’emblée les perspectives de formation ultérieure des élèves issus de la migration.

Les futurs enseignants pour le primaire issus de la migration dont il est question dans cette recherche ont pour la plupart suivi un cursus de scolarité dans ce contexte. Ils sont en dernière année de formation à la Haute école pédagogique du canton de Vaud à Lausanne (HEP Vaud), l’une des treize institutions de formation des enseignants du pays. Ces hautes écoles sont de type universitaire et rattachées à ce qui est nommé « formation tertiaire » en Suisse. Dans le cas de la HEP Vaud, la formation des futurs enseignants est caractérisée par une alternance intégrative entre les cours dispensés au sein de l’institution de formation des enseignants et la formation dans les classes des établissements scolaires du canton.

Cadre théorique

Notre cadre théorique s’articule autour de deux axes principaux, d’une part la scolarité des élèves issus de la migration et, d’autre part, l’apport potentiel des enseignants issus de la migration à la réussite scolaire et éducative des élèves issus de la migration.

La scolarité des élèves issus de la migration

Les statistiques et les recherches concernant la réussite scolaire des élèves issus de la migration, que ce soit par exemple en Suisse ou en France (voir Kronig, 2003; Lischer, 2003; Moguérou, Brinbaum et Primon, 2015), mettent en évidence des différences persistantes importantes en termes de réussite en comparaison de la population d’élèves non issus de la migration, et la pertinence d’une attention particulière à porter à leur scolarisation.

Il est aisé de concevoir le lien entre une scolarité marquée par la réussite et l’atteinte d’objectifs visant l’intégration sociale et professionnelle et le développement de la citoyenneté. Comme nous le montrent certains auteurs (Bolzman, Fibbi et Vial, 2003; Bouloudani, 2019; Manço, 2006), le processus d’intégration sociale et d’acculturation se déploie sur plusieurs générations. Il est intéressant de constater que l’acculturation des élèves issus de la migration, notamment au travers de leur réussite scolaire et éducative (Feyfant, 2014) et de l’accès à des formations professionnelles ou générales de qualité, constitue aussi un vecteur d’intégration pour la génération qui les précède. En effet, comme nous le montrent par exemple Gremion et Hutter (2008), la scolarité des enfants a un impact sur le processus d’acculturation des parents, notamment au travers de l’accès à la culture scolaire et de l’évolution des pratiques langagières au sein de la famille. Les enjeux d’une amélioration de la réussite éducative et scolaire des élèves issus de la migration dépassent donc le cadre scolaire et peuvent être considérés dans une perspective sociétale d’amélioration de l’intégration de la part grandissante de population issue de la migration.

L’impact d’une sélection précoce vers des voies de formations distinguées par leur niveau d’exigence

La recherche met en évidence l’incidence des processus d’évaluation, de sélection et d’orientation scolaire sur la fabrique des inégalités scolaires touchant les élèves issus de la migration. En matière de comparaison internationale, la Suisse est l’un des pays où la sélection est la plus précoce. Elle intervient en fin d’école primaire, soit après huit années de scolarité. Cette caractéristique, cumulée avec la structuration du secondaire I en voies de formation distinguées par leur niveau d’exigences et qui préfigurent donc la suite du parcours scolaire des élèves et leurs perspectives d’accès aux différentes structures de formation postobligatoire, représente un risque de discrimination accrue (Baeriswyl, 2015). L’existence de « passerelles » vise à corriger les effets de cette sélection précoce en proposant une certaine perméabilité entre les voies de formation du secondaire I. L’objectif est de permettre de modifier la première orientation et donc d’autoriser l’accès à une voie de formation caractérisée par des exigences plus élevées et débouchant potentiellement sur des perspectives de formation professionnelle davantage valorisées. Cependant, ces opportunités sont peu sollicitées par les élèves concernés (Meyer, 2009).

Une évaluation reposant sur des critères subjectifs

Au-delà de la précocité de la sélection, ce sont les critères mobilisés et les moyens d’évaluation à disposition des enseignants qui sont remis en question. La recherche (Allemann-Ghionda, Auernheimer, Grabbe et Krämer, 2006; Kronig, 2003; Moser, 2002) montre une tendance à sous-estimer le potentiel des élèves issus de la migration et notamment des allophones. L’appartenance à un milieu social populaire – c’est souvent le cas des élèves issus de la migration dans le contexte helvétique – cumulée à une langue parlée dans la famille différente de la langue d’enseignement entraînent des représentations négatives quant aux possibilités parentales d’accompagnement de la scolarité de leurs enfants, ce qui tend à entraîner une réduction des attentes en matière de performance scolaire.

Pour Meyer (2009, p. 69), en plus de l’effet « classe » et de l’effet « maître », la décision de sélection dépend surtout « de caractéristiques sans rapport avec les performances, telles que le sexe, la couche sociale ou l’origine migratoire ». Ogay (2011) attire également l’attention sur les aspects subjectifs de l’évaluation en rappelant que la réussite d’un élève n’est que partiellement en lien avec son potentiel et son investissement personnel. Au-delà du recours à ces critères subjectifs d’évaluation, influencés par des stéréotypes et une vision déficitaire des élèves issus de la migration, certaines recherches mentionnent également le manque de moyens d’évaluation à disposition et le risque de confusion entre le manque de compétences linguistiques des élèves allophones et d’autres difficultés (Allemann-Ghionda et al., 2006). Le risque que le manque d’outils différenciés débouche sur une surestimation des difficultés de l’élève en minimisant les difficultés temporaires posées par l’allophonie est mentionné. La conséquence potentielle peut être une proposition d’orientation vers une voie de formation à exigence élémentaire ou une mesure d’enseignement spécialisé. Il est à noter, à l’inverse, qu’il existe également un risque de sous-estimation des difficultés de l’élève, toujours en raison de l’allophonie. La conséquence en est alors de retarder la mise en place de mesures d’aides qui lui seraient indispensables.

L’importance des facteurs familiaux

À ce cumul d’effets caractérisant l’évaluation des élèves issus de la migration ou allophones et qui peuvent expliquer en partie leur surreprésentation dans les voies de formation à exigences élémentaires ou dans l’enseignement spécialisé, certains facteurs davantage en lien avec les familles ou les élèves eux-mêmes peuvent être ajoutés. Parmi ces facteurs, la question de la proximité des familles issues de la migration par rapport à la culture scolaire semble jouer un rôle conséquent sur les performances scolaires des élèves issus de la migration (Coradi Vellacott et Wolter, 2002). Nous pensons que les enseignants peuvent jouer un rôle pour en atténuer la portée. Il convient notamment de considérer l’importance, pour les parents, de posséder des représentations réalistes des enjeux liés à la scolarité de leurs enfants et des rôles respectifs des acteurs de cette scolarité (Bourdieu, 1966).

Une meilleure sensibilisation de l’ensemble des enseignants au problème posé par le recours à des critères subjectifs ou basés sur des préjugés lors de l’évaluation et de l’orientation des élèves, mais également aux difficultés posées par l’évaluation de ces élèves et à la nécessité d’un rapprochement entre culture familiale et culture scolaire, constitue une piste impliquant de fait formation de base et formation continue.

Les enseignants issus de la migration et leur apport potentiel à la réussite scolaire et éducative des élèves issus de la migration

Nous nous interrogeons particulièrement sur l’apport potentiel d’enseignants issus de la migration à l’évolution des pratiques au sein des établissements scolaires et des classes (Delévaux, 2024). Le recours à ces enseignants pour favoriser l’intégration et la réussite scolaire et éducative des élèves issus de la migration fait l’objet de recherches depuis un certain nombre d’années. Dans le contexte québécois, les travaux de Niyubahwe, Mukamurera et Jutras (2019) notent qu’on peut considérer que le manque de réussite des élèves issus de la migration est à mettre en lien avec le faible nombre d’enseignants issus de la migration et les faibles compétences interculturelles des enseignants en place. Les auteures relèvent le rôle de modèle (voir aussi Bauer et Akkari, 2016) des enseignants issus de la migration en termes d’intégration, d’identité et de réussite. Même si cette recherche empirique ne permet pas d’affirmer que les élèves issus de la migration réussissent mieux avec des enseignants issus de la migration qu’avec d’autres enseignants, elle met notamment en évidence les attentes élevées des enseignants issus de la migration envers ces élèves, leur volonté de promouvoir une scolarité plus inclusive et une sensibilité interculturelle accrue, facteurs qui peuvent être jugés favorables à la réussite scolaire des élèves issus de la migration. Ces caractéristiques sont également mentionnées dans les travaux de Changkakoti et Broyon (2013) en Suisse. Les auteures relèvent que si la sensibilité interculturelle n’est pas l’exclusivité des enseignants issus de la migration et qu’elle peut être acquise au cours de la formation, ces enseignants font cependant preuve d’une « sensibilité accrue aux questions interculturelles et aux effets de l’environnement sociopolitique local et international » (Changkakoti et Broyon, 2013, p. 102).

Considérer que le renforcement de la présence d’enseignants issus de la migration dans les établissements scolaires constitue la solution pour améliorer la réussite scolaire et éducative des élèves issus de la migration procède cependant d’un raccourci qu’il convient de signaler. D’une part, cela relève d’un « syllogisme essentialiste » (Charles et Legendre, 2006) voulant que tous les enseignants issus de la migration manifestent des dispositions « naturelles » pour intervenir auprès des élèves appartenant à des minorités ethniques (Karakaşoğlu, Wojciechowicz et Gruhn, 2013). Le fait de privilégier le recrutement de ces enseignants pour contribuer à résoudre les difficultés de relation entre l’école et les familles et communautés d’origine étrangère reviendrait à les confiner à un rôle et à un espace définis, ce qui constitue en soi une forme de ségrégation. Par ailleurs, cela contribue à minimiser la part de responsabilité qui devrait revenir à l’institution scolaire dans son ensemble et aux enseignants issus de la majorité culturelle en particulier dans le projet d’améliorer la réussite scolaire et éducative des élèves issus de la migration.

La scolarité des élèves issus de la migration tout comme l’apport potentiel d’enseignants issus de la migration soulèvent donc un certain nombre de questions auxquelles nous avons souhaité apporter des éléments de réponse au travers de notre recherche.

Aspects méthodologiques

La thèse doctorale (Delévaux, 2024) sur laquelle se base cet article est de type qualitatif, à visée compréhensive (Schurmans, 2009 et 2011). Colliot-Thélène (2014) parle de sociologie compréhensive et précise qu’elle vise deux objectifs : l’explication du déroulement de l’action sociale et ses effets. En adoptant une posture compréhensive, nous cherchons donc à analyser l’expérience, les perceptions et les actions des futurs enseignants issus de la migration et à en extraire leur compréhension.

Nous avons mené des entretiens semi-directifs (Savoie-Zajc, 2009) auprès de 36 futurs enseignants du primaire issus de la migration en troisième et dernière année de formation à la Haute école pédagogique du canton de Vaud à Lausanne. Six des participants ont été rencontrés à nouveau quelques mois après l’obtention de leur diplôme, alors qu’ils enseignaient dans des classes du primaire. Au total, 42 entretiens semi-directifs ont ainsi été menés. Les étudiants constituant l’échantillon de départ ont été recrutés par le biais d’un appel à participation adressé à l’ensemble de la cohorte et visant à définir les personnes ciblées par la recherche et à présenter les objectifs de cette dernière. Cette manière de faire a montré ses limites, en particulier en attirant l’adhésion quasi exclusive d’étudiants ouverts à l’idée de faire état de leurs liens avec la migration et d’aborder les caractéristiques de leur parcours marquées par cette particularité. Cependant, l’appartenance de ces étudiants à la même institution de formation des enseignants et leur connaissance partagée du même système éducatif, de même que, pour la plupart d’entre eux, l’expérience d’une scolarité dans l’école vaudoise ou dans un canton voisin, ont facilité certains constats et permis d’établir des comparaisons en maîtrisant certaines variables.

Nous avons recouru à une analyse thématique des données assistée par le logiciel NVivo 1.7 en procédant par codage et catégorisation des transcriptions (Paillé et Mucchielli, 2021). Le traitement des données, leur anonymisation ainsi que l’incidence de notre posture de chercheur au sein d’une institution dans laquelle nous travaillons comme formateur ont fait l’objet d’une réflexion déontologique et éthique et à l’établissement de précautions particulières.

L’échantillon est composé de 33 femmes et de 3 hommes. Les âges se répartissent entre 21 et 45 ans, la moyenne étant d’un peu moins de 26 ans. Neuf participants appartiennent à la première génération de migration, mais seuls trois d’entre eux sont arrivés en Suisse à l’âge adulte. Les six autres ont accompli une partie de leur scolarité dans le pays d’accueil et ont immigré en Suisse avec leur famille en cours de scolarité obligatoire. Parmi les 27 étudiants issus de la deuxième génération de migration, nous avons compté trois personnes arrivées en Suisse avant l’âge d’un an.

Les pays d’origine sont très diversifiés : 25 nationalités sont représentées. Le pays le plus souvent représenté est le Kosovo, avec 8 occurrences, suivi de l’Algérie, du Portugal et de la France, chacun avec 4 occurrences. Des pays d’Amérique du Sud, d’Afrique et d’Asie figurent parmi les autres origines.

Résultats et discussion

Notre questionnement de recherche visait donc à montrer en quoi les parcours biographique et scolaire de futurs enseignants issus de la migration pouvaient influencer leur accès à la profession et leurs pratiques pédagogiques. Nous concentrerons ici nos résultats sur les aspects en lien avec l’intégration et la réussite scolaire et éducative des élèves issus de la migration.

Interroger les futurs enseignants issus de la migration sur leur propre parcours et leur demander de faire part de leurs observations relatives à la scolarité des élèves issus de la migration dans le cadre de leur stage a permis de distinguer des données relatives à des moments différents de leur vie et d’établir une potentielle évolution des caractéristiques de cette scolarité. Ce choix méthodologique a favorisé également l’établissement de liens entre le vécu des futurs enseignants en tant qu’élèves et leurs pratiques et propositions visant la réussite scolaire et éducative des élèves issus de la migration. Nos résultats sont organisés de manière à faire apparaître tout d’abord l’exposition des participants à des facteurs de risque et à des manifestations de discrimination durant leur scolarité, puis leurs observations de ces mêmes manifestations dans le cadre de leurs stages et enfin à faire émerger des propositions visant une meilleure réussite scolaire et éducative des élèves issus de la migration.

Exposition personnelle à des facteurs de risque

Bien que les trajectoires de formation des futurs enseignants issus de la migration soient caractérisées par la réussite – ils se situent lorsque nous les rencontrons en fin de formation d’enseignant pour le primaire à la HEP du canton de Vaud – ils ont, pour la plupart d’entre eux, rencontré des obstacles qui viennent corroborer les constats faits par la recherche. En particulier, la sélection en fin de 8e année de scolarité est souvent citée pour avoir été vécue comme une inégalité. La conséquence la plus visible en est la non-linéarité des trajectoires de formation. L’expérience de Judite (22 ans, origine brésilienne) offre un bon exemple de rallongement de la scolarité obligatoire :

J’ai été orientée en VSO [voie de formation à exigences élémentaires] alors que j’aurais pu avoir des notes pour aller en VSG [voie de formation à exigences intermédiaires]. Mais à l’époque, il y avait quand même l’appréciation des enseignants qui faisait qu’on pouvait aller dans un niveau ou pas, ou autres. Et donc, j’ai été en VSO, j’ai fait ma 7 VSO puis j’ai fait un « Rac » en 7 VSG. Puis après, j’ai fait 7-8-9 en VSG. Puis j’ai fait le gymnase en voie diplôme [école de culture générale]. Puis après, j’ai fait la maturité spécialisée en pédagogie.

Ici, c’est l’appréciation des enseignants en fin de scolarité primaire qui a contribué à une orientation initiale vers une voie de formation à exigences élémentaires et n’ouvrant pas les mêmes perspectives de formation que d’autres voies plus valorisées. Cet exemple n’est pas unique et illustre le recours à une « passerelle » (Rac) pour réintégrer une autre voie au secondaire I. La suite du parcours est plutôt linéaire, ce qui n’est pas toujours le cas.

La discrimination qui a prévalu lors de l’orientation première au secondaire I est également relatée par plusieurs autres futurs enseignants. Elle ne constitue cependant pas le seul facteur de risque auquel les participants à notre recherche ont été exposés. Les facteurs personnels d’ordre motivationnel ou comportemental viennent également peser sur les parcours de scolarité. Parfois, ce sont les attentes irréalistes des parents et la valorisation de formations universitaires irréalistes qui ont été évoquées pour expliquer ces trajectoires indirectes.

L’attitude négative d’enseignants, se traduisant à divers moments de la scolarité par une perception négative des capacités personnelles ou une dévalorisation du travail fourni, est également mentionnée. Ainsi, Yousra (25 ans, origine algérienne) nous dit :

Ils savaient très bien que j’avais de bonnes capacités, mais je n’ai pas de souvenirs d’un enseignant qui me disait : « tu vas aller loin » ou « continue comme ça » ; c’était plutôt l’inverse : « si tu continues comme ça, tu ne vas rien faire, tu ne vas aller nulle part », enfin ce genre de choses, ouais.

Parfois aussi, le groupe de pairs et le souci de loyauté a joué un rôle et contribué, en lien avec une délégation de la responsabilité de l’orientation au jeune, à une auto-assignation dans une voie de formation moins ambitieuse que celle à laquelle il pouvait prétendre en regard de ses compétences.

À l’inverse, le rapport positif des parents avec l’institution scolaire, la valorisation de la scolarité et le type d’éducation reçue sont largement mentionnés pour le rôle qu’ils ont pu jouer dans la réussite scolaire et éducative qui prévaut chez les répondants, malgré les difficultés rencontrées. Par ailleurs, si nous signalons la responsabilité de l’institution scolaire dans les mécanismes de création d’inégalités mis en évidence, il convient également de relever que l’attitude bienveillante et encourageante des enseignants est souvent citée comme facteur de protection efficace.

Observation de discriminations touchant les élèves issus de la migration

Considérant les trajectoires de formation des futurs enseignants issus de la migration et la spécificité de leur choix professionnel, l’influence de leurs expériences personnelles sur la perception de la scolarité des élèves migrants ainsi que sur les pratiques et pistes pédagogiques favorisant leur réussite scolaire et éducative revêt un intérêt particulier.

Les entretiens ont confirmé leur importante sensibilité interculturelle. En particulier, ils se montrent attentifs à des manifestations de discrimination indirecte (De Rudder, Poiret et Vourc’h, 2000) ou systémique (Dhume, 2016) qui semblent plutôt ignorées ou minimisées par leurs auteurs.

L’approche déficitaire de la migration et la réduction des difficultés scolaires constatées à des déficits culturels constituent les formes les plus courantes et les plus banalisées de discrimination. À ce propos, Selan (28 ans, origine kosovare) nous dit :

J’ai l’impression que des fois on a tendance à lier les difficultés d’apprentissage à leur origine alors que oui, ça peut être le cas, mais j’ai l’impression que ça devient presque une généralité. On se dit bon c’est comme ça, ce n’est pas grave. Comme s’il n’y avait presque pas d’espoir pour eux. Ça, je trouve un peu dommage parce que certains sortent quand même du lot. La preuve, je fais quand même des études et je ne suis pas la seule, il y en a de plus en plus.

Des paroles…

C’est en effet dans les paroles des enseignants que les participants à la recherche relèvent le plus de discriminations. Ces paroles se fondent sur des stéréotypes et des préjugés et portent sur les origines, la langue maternelle ou encore les compétences des parents à s’impliquer dans la scolarité de leur enfant.

Toujours en lien avec les propos concernant les élèves issus de la migration, les futurs enseignants interrogés notent l’expression d’attentes différenciées. À ce sujet, Laureana (21 ans, origine portugaise) nous rapporte l’observation suivante :

J’entends souvent dans la salle des maîtres, à la rentrée par exemple : « Ah, cet enfant, il faut pas trop lui demander. Enfin, il est pas Suisse lui donc voilà lui, on sait déjà qu’au pire, s’il a de mauvaises notes, c’est pas grave parce que de toute façon il est pas Suisse donc c’est normal en fait ».

Paradoxalement cependant, si l’on considère les propos rapportés faisant état d’attentes réduites et de résignation, certains témoignages sont également en lien avec la perception que les enseignants attendent davantage des élèves issus de la migration ou, en tous cas, légitiment implicitement l’idée méritocratique que tous les élèves peuvent réussir, mais qu’il est normal que certains élèves ou parents aient davantage d’effort à fournir.

De notre point de vue, les paroles prononcées reflètent des croyances profondément ancrées, intégrées par leurs auteurs, même si c’est de manière inconsciente. Ce sont elles qui reflètent le mieux, lorsqu’on les soumet au regard sensible de personnes qui y ont elles-mêmes été confrontées, les implicites et la part d’ethnocentrisme sous-jacents de leurs auteurs.

… et des actes

L’observation de certains actes des enseignants a également été rapportée par les futurs enseignants rencontrés. Ces actes constituent une concrétisation de l’expression d’attentes réduites et se manifestent par une sollicitation moindre des élèves issus de la migration ou par une faible exigence de correction des réponses données par ceux-ci. On se contente de moins, peut-être par souci de ne pas mettre en évidence les lacunes langagières des élèves, mais ce faisant, on réduit également leur stimulation et donc leurs possibilités d’apprentissage et de progression. Hang (22 ans, origine vietnamienne) l’illustre ainsi :

J’ai l’impression, par exemple quand ils parlent, les élèves qui font des petites fautes, l’enseignante a plus tendance à les corriger pour qu’ils améliorent leur français, alors que les élèves qui parlent comme ils peuvent en français et qui font pas mal de fautes, elle va peut-être moins reformuler, comme si elles se disaient : « ah bah c’est déjà bien! », enfin : « il a parlé en français, c’est bien ».

Ce que nous nommons « paradoxe de la bienveillance » (Delévaux, 2024) conduit donc à une réduction des opportunités d’apprentissage, et nous constatons que les futurs enseignants issus de la migration y sont sensibles. Parfois, cependant, on observe plutôt un désintérêt qui se concrétise par une attention réduite portée à certains élèves du fait de leur appartenance à la migration. Le constat est alors celui d’une absence de réponse apportée aux besoins des élèves ou une réduction de leurs possibilités de participation aux activités de la classe. À titre d’exemple, l’observation d’Ersi (22 ans, origine kosovare) portant sur l’attitude d’un enseignant envers une élève allophone est la suivante :

Il ne mettait pas forcément quelque chose en place pour l’aider. C’est-à-dire qu’il n’allait pas vers elle pour lui expliquer les consignes d’une autre manière ou il ne mettait rien en place pour elle, du coup il la laissait un peu nager dans les exercices.

Les futurs enseignants issus de la migration se montrent également attentifs aux manifestations de discrimination systémique (Dhume, 2016), et ce, d’autant plus qu’ils les ont vécues pour la plupart en tant qu’élèves et qu’ils constatent qu’elles perdurent au sein du système éducatif pour les actuels élèves issus de la migration.

Il peut sembler étonnant que des opinions clairement discriminatoires soient exprimées ouvertement en présence d’autres enseignants ou que des actes soient observables sans équivoque. Les futurs enseignants issus de la migration semblent être seuls à en cerner le caractère inégalitaire et à en mesurer les potentielles conséquences en termes de prophéties autoréalisatrices. La sensibilité qu’ils manifestent et leur capacité à relever ces manifestations sont susceptibles de lutter contre leur banalisation et de favoriser une prise de conscience contribuant à leur réduction au sein des établissements scolaires. Il faut cependant noter que, dans le cas des futurs enseignants rencontrés, le statut de stagiaire exerce une contrainte sur la possibilité de réagir ouvertement. Il peut les amener à ne pas réagir directement à ce qu’ils observent par souci de préserver leur relation avec les enseignants diplômés, en particulier avec leurs praticiens-formateurs, professionnels responsables de leur formation et de leur évaluation au sein des établissements partenaires de formation. L’incapacité à manifester leur désaccord dans ces situations peut, selon nous, amener à une minimisation des faits, de manière à atténuer le conflit interne né de la tension entre l’observation d’une situation de discrimination et la difficulté à y réagir.

Une autre explication de cette minimisation pourrait être liée à la crainte d’être soupçonnés, en raison de leur propre vécu migratoire, de surinterpréter les faits observés. La conséquence relevée dans le cadre des entretiens est la manifestation d’une certaine forme d’impuissance et le ressenti d’une nouvelle injustice, proche de celle vécue une première fois en tant qu’élèves. Les quelques entretiens menés quelques mois après l’obtention de leur diplôme montrent par ailleurs que les enjeux liés à leur insertion professionnelle subjective (Mukamurera, Bourque et Gingras, 2008) continuent à entraver leurs possibilités de signaler des traitements inégalitaires. Notre premier constat concernant la contribution directe des futurs enseignants ou des enseignants novices issus de la migration à réduire les inégalités touchant les élèves issus de la migration au sein du système éducatif est donc mitigé. En lien avec leur vécu et avec leurs observations, ils sont cependant à même de proposer des pistes pédagogiques visant une meilleure réussite scolaire et éducative de ces élèves.

Propositions pour une meilleure réussite scolaire et éducative des élèves issus de la migration

Les propositions qu’ils formulent s’orientent prioritairement vers les familles. Le souci porté à la disponibilité des informations et à leur communication témoigne du vécu personnel de ces futurs enseignants issus de la migration. Ils ont été confrontés à la difficulté de leurs propres parents à accéder à l’ensemble des informations en provenance de l’école concernant ses enjeux, son organisation et la scolarité de leurs enfants. Ils sont conscients que la langue parlée peut être un obstacle, mais que l’éloignement entre la culture scolaire et les représentations que les parents s’en font est source de difficulté et ils en tiennent compte dans leurs propositions. Certains sont sensibles au fait que les difficultés de communication peuvent également toucher les enseignants et qu’elle peut contribuer à tenir les parents à distance de l’école. Ainsi, pour Annik (28 ans, origine kosovare) :

Il y a beaucoup d’enseignants qui ont peur de justement contacter des parents parce qu’ils ne savent pas parler français alors qu’il y a d’autres moyens.

Le recours à des interprètes et la traduction des documents écrits sont fréquemment mentionnés pour répondre au problème de compréhension de la langue, avec la conscience qu’ils ne répondent pas à l’entièreté des besoins. La conscience de l’existence d’implicites, par exemple concernant ce qui est attendu en termes d’implication parentale, est particulièrement importante chez les personnes que nous avons interrogées. Le constat de l’ethnocentrisme de l’école est au centre des préoccupations.

Au-delà de la transmission des informations et de la prise de conscience de la nécessité de diminuer cette part d’implicites dans la communication en provenance de l’école, certains évoquent également un souci de vérification de la compréhension de ce qui est dit au parent. Aleksandra (22 ans, origine serbe) s’interroge à ce sujet :

Est-ce qu’une enseignante les a informés de manière explicite [du] but de l’entretien, pourquoi ils sont là et [quel est] l’enjeu pour leur enfant plus tard? Parce que j’ai eu justement un cas d’orientation, de mise en place d’adaptation, puis les parents ne comprenaient pas. À mon avis, ils sont sortis de l’entretien sans avoir compris que les adaptations mises en place aujourd’hui allaient impacter sur la suite de la scolarité.

L’encouragement de l’implication parentale dans le suivi de la scolarité de leur enfant fait également l’objet de réflexions et de propositions. Le lien entre implication parentale et réussite scolaire et éducative semble assez évident pour les participants à la recherche. Si certains pensent que l’école tient parfois certains parents à distance, tous ne partagent pas cet avis et certains, comme Céleste (36 ans, origine ivoirienne), évoquent le rôle que peut jouer l’école pour réduire cet écart :

Je ne crois pas que l’école tienne à distance, je pense que peut-être, ces gens-là n’osent pas non plus interférer dans ce qu’il se passe finalement.

Sans minimiser la difficulté à établir un premier contact, plusieurs futurs enseignants issus de la migration proposent des pistes allant dans ce sens et tenant compte de la nécessité, pour les enseignants, de se décentrer et de porter attention à la diversité culturelle.

D’autres pistes sont directement orientées vers les élèves issus de la migration et proposent une approche positive plutôt que déficitaire de l’interculturalité et du multilinguisme. L’importance de favoriser la confiance en soi des élèves issus de la migration est également évoquée. Ici aussi, le vécu personnel des futurs enseignants issus de la migration est fréquemment évoqué. La qualité de la relation avec l’élève, les encouragements, la manifestation de bienveillance font partie des recommandations, ainsi que le recours à des activités interculturelles ou spécifiquement destinées à favoriser l’ouverture aux langues et cultures à l’école. La mobilisation de la langue maternelle est également proposée dans le but de favoriser l’acculturation de l’ensemble des élèves. Ainsi, pour Mariam (26 ans, origine algérienne) :

Ce que j’essaie, c’est en tout cas dans les langues. Quand par exemple on a un sujet, j’essaie de leur faire parler de leur culture et on fait un peu mélanger tout ça en disant que c’est une richesse que l’enfant ait une autre culture. Et en faire bénéficier à tout le monde. Il y a plein de cultures qui font la culture de la classe par exemple.

Le renforcement de la participation en classe des élèves issus de la migration fait également partie des préoccupations et des propositions pédagogiques des participants à la recherche qui sont conscients que, souvent, le niveau de maîtrise du français constitue un frein. Le recours à des activités collaboratives et au jeu a notamment été cité pour éviter à l’élève d’être laissé de côté et pour favoriser ainsi sa participation sociale et son implication dans les activités pédagogiques.

Enfin, les futurs enseignants issus de la migration ont émis quelques propositions orientées plus directement vers les enseignants. L’attention portée à la clarté des consignes, le fait de favoriser un enseignement explicite y figurent en bonne place. La nécessité d’interroger la forme des devoirs à domicile attendus et les objectifs visés au travers de ces activités est également citée par certains, qui relèvent que souvent, ces tâches renforcent les inégalités entre élèves.

Au-delà de propositions concrètes, nous notons également que les futurs enseignants issus de la migration sont souvent conscients de pouvoir jouer un rôle de modèle pour les élèves issus de la migration et leur famille et que cela peut contribuer à influencer la réussite scolaire et éducative. Ils incarnent une certaine forme de réussite auprès d’autres personnes, qu’elles partagent leurs origines ou non. Vesna (23 ans, origine macédonienne) nous dit à ce propos :

Je sais que mes élèves me posent la question parce qu’ils perçoivent mon accent, mon origine. Ils sont assez choqués de savoir que je viens d’un pays qu’ils ne connaissent pas trop et que je suis quand même arrivée à faire une formation et devenir enseignante. Ils ne me l’ont pas dit concrètement mais leur questionnement… je pense que ça les intéresse. Oui, entre guillemets, je suis une forme de modèle pour eux.

Conclusion

Nos résultats confirment la sensibilité interculturelle des enseignants issus de la migration que nous avons rencontrés. Leur vécu les rend attentifs au sort des élèves issus de la migration et à l’exposition de ces derniers à des facteurs de risque. D’autres données, non analysées ici (Delévaux, 2024), montrent que, s’ils ont conscience de pouvoir jouer un rôle de modèle, ils refusent cependant de se voir assignés à l’enseignement auprès des élèves issus de la migration. Même si une certaine auto-assignation est parfois perceptible, ils revendiquent d’être considérés comme enseignants diplômés davantage que comme enseignants issus de la migration.

Nous avons pu constater le réel apport de ces enseignants issus de la migration en termes de différenciation et d’attention portée aux besoins spécifiques des élèves issus de la migration. Nous estimons cependant que cet apport peut bénéficier à l’ensemble des élèves, dans la perspective d’une école à visée inclusive portant une attention accrue à l’hétérogénéité des classes.

L’apport des enseignants issus de la migration rencontrés dans le cadre de cette recherche est cependant plus mitigé au niveau de l’établissement lorsqu’il s’agit pour eux de faire prendre conscience à leurs collègues de la perpétuation d’inégalités et de discrimination. Ils y sont minoritaires, pas encore ou très récemment diplômés, ce qui ne leur confère pas un statut leur permettant d’émettre un jugement sur des pratiques qui sont le fait de collègues plus expérimentés et appartenant à la population majoritaire.