FR :

Cet essai se penche sur l’enseignabilité de l’ethnographie organisationnelle lorsque conçue comme un mode de devenir avec et dans le monde. Notre réponse s’articule autour de trois oxymores qui caractérisent le travail ethnographique, en tant que travail de bureau/tête, travail de terrain et travail d’écriture, soit : (a) Se préparer à l’inattendu, tout en acceptant de ne pas être préparé·e; (b) Ouvrir la voie aux rencontres sur le terrain, sans chercher à les créer; et (c) Rendre à nouveau présent l’irreprésentable par l’écriture. La proposition d’enseignement-apprentissage que nous discutons dans cet essai invite les professeur·es et étudiant·es à apprendre et à désapprendre le travail ethnographique en accueillant à bras ouverts ces oxymores et en naviguant à travers les tensions qui en découlent. Cela demande par le fait même de revoir notre rôle d’enseignant·e comme celui d’un·e accompagnateur·rice qui chemine avec ses étudiant·es et, ce faisant, renouvelle ses apprentissages.

EN :

This essay examines the teachability of organizational ethnography, an approach that involves immersing oneself in the world being studied. Our essay highlights three oxymoronic aspects of ethnographic work: (a) Preparing for the unexpected, while accepting to be unprepared; (b) Opening one's voice to field encounters, without seeking to create them; and (c) Making the unrepresentable present again through writing. The teaching-learning ideas we discuss in this essay invite teachers and students to learn and unlearn ethnographic work by embracing these oxymorons and navigating the tensions that arise from them. This requires re-examining our role as teachers as those who accompany their students, and in doing so, continue to develop their own learning.

FR :

L’adage veut que l’ethnographie ne s’apprenne que sur le terrain. Cela dit, peu d’études se sont penchées concrètement sur la forme que prend cet enseignement hors de la salle de classe. Grâce à un exercice réflexif mené conjointement entre deux professeur·es et quatre étudiant·es, cet article avance qu’enseigner l’ethnographie est un processus relationnel : il suppose de tisser des liens de confiance avec les autres membres de l’équipe de recherche, avec les personnes sur le terrain, ainsi qu’avec ses propres connaissances et expériences. L’article souligne aussi l’importance de l’apprentissage et de l’accompagnement in situ et la nécessité de dépasser les rôles traditionnels au sein des équipes de recherche.

EN :

It is often said that ethnography can only be learned in the field. However, few studies have looked at how such teaching takes place outside the classroom. Through a reflective exercise conducted jointly by two professors and four students, this article suggests that teaching ethnography is a relational process: it involves forging bonds of trust with other members of the research team, with people in the field, and with one’s own knowledge and experience. The article also stresses the importance of in situ learning and accompaniment, and the need to go beyond traditional roles within research teams.

FR :

Les milieux de travail se sont épris de créativité et multiplient les activités de réseautage et formation en ce sens, tout comme plusieurs milieux d’apprentissage qui intègrent de nouvelles approches fondées sur la créativité. Cet article aborde l’utilisation d’un dispositif pédagogique appuyé sur les affects et sur le développement d’émotions positives dans les évaluations pour continuer la réflexion sur la créativité. Les concepts de l’émotion, du sentiment et des affects, comme celui de l’endocept en pédagogie, sous-tendent la réalisation d’une ethnographie ou autoethnographie dans le cadre d’un cours sur les cybercultures. Il émerge par cette voie des stratégies d’apprentissage soutenues par une démarche engendrée par l’impact des affects. Il s’agit ici d’explorer l’épistémologie des traces en pédagogie, pour mobiliser les affects et la créativité, afin de trouver de nouvelles avenues pour transmettre des acquis disciplinaires, tout en valorisant la prise de parole et l’expérience propre à chaque personne étudiante.

EN :

Workplaces have increasingly emphasized creativity, leading to a surge in networking and training activities. Similarly, educational environments are adopting innovative approaches centered on creativity. This article explores the use of a pedagogical tool that leverages affects to develop positive emotions in evaluations, furthering the discussion on creativity. Key concepts such as emotions, feelings, and affects – particularly the notion of endocept in pedagogy – underpin the implementation of ethnographic or autoethnographic methods within a course on cybercultures. In this way, learning strategies emerge, guided by an approach that takes into account the impact of affects. The dual aim of this article is to investigate the epistemology of traces in pedagogy and to mobilize affects and creativity. This approach seeks to discover new pathways for transmitting disciplinary knowledge while valuing each student’s voice and experience.

FR :

Est-ce que l’isolement crée des histoires captivantes? Un état dépressif peut-il inciter à des savoirs partagés d’une manière autoethnographique-performative? Les bribes de journal de l’autrice évoquent un ressenti personnel alors que sévit la pandémie de coronavirus. Des poèmes, des peintures et un court métrage comprenant des témoignages filmés avec le cellulaire de l’autrice complètent le tableau de cette narration qui se performe dans un style familier pour briser les standards de l’écriture académique. La pandémie fut une période de grands bouleversements, ce qui se prête bien à ce genre d’écriture créative performative. Il s’agit d’une histoire où la fiction (un crabe est parmi les protagonistes) et la réalité se mélangent pour stimuler l’imagination et laisser la place à l’imprévu et la contingence. Une femme immigrante qui se trouve loin de sa famille raconte ses peines, sa solitude et son manque d’espoir alors que les frontières sont fermées. Son existence invisible entre les murs de son appartement devient enfin visible par l’autoethnographie performative.

EN :

Is isolation capable of creating captivating stories? How a depressed state of mind generates shared knowledge through performative-autoethnography? This article presents the author’s journal, evoking her personal perception of the COVID-19 pandemic. Poems, paintings and a short film featuring testimonies of her friends, filmed on a mobile phone, complete the narrative setting. The work adopts a colloquial style aiming to challenge the conventions of academic writing. The pandemic period was full of disruptions that aligned with this type of creative performative writing. In this story, fiction (a crab is among the protagonists) and reality blend together to spark imagination and leave room for unpredictability and contingency. An immigrant woman, who finds herself far from her family, tells us about her lack of hope and solitude while the gates of the borders are closed. Her invisible existence within the walls of her apartment becomes visible through the performative autoethnography.