Résumés
Résumé
Dans plusieurs démocraties constitutionnelles contemporaines, dont le Canada, le principe de proportionnalité tend à s’imposer comme le principe dominant du processus de contrôle judiciaire. Or, il est rarement mentionné dans les textes constitutionnels et les termes de ces derniers ne l’impliquent pas nécessairement. Quel est donc son fondement ? La réponse n’est pas simple. Dans l’état actuel du droit et du discours constitutionnels, il existe au moins deux conceptions du principe de proportionnalité. Ces conceptions procèdent de deux modèles de constitutionnalisme que l'auteur nomme respectivement le « modèle de la priorité des droits » et le « modèle de l’optimisation des valeurs en conflit ». Alors que le premier modèle correspond au constitutionnalisme libéral, le second semble s’en écarter. Or, il semble que le modèle de l’optimisation des valeurs en conflit tend à s’imposer. Comment comprendre son attrait dans le processus de justification des restrictions aux droits constitutionnels garantis à ce moment-ci de l’histoire juridique et politique ? Selon l’auteur, l’attrait du modèle de l’optimisation des valeurs en conflit réside dans le fait que, compte tenu du pluralisme et du multiculturalisme qui caractérisent les sociétés démocratiques contemporaines, il honore l’égalité morale des personnes mieux que le modèle libéral. Il devient donc de plus en plus difficile de maintenir le modèle libéral de la priorité des droits. L’auteur examine enfin quelques conséquences qui découlent de ce modèle : le subjectivisme constitutionnel, le pluralisme constitutionnel. Si cette thèse était bien fondée, le recours au principe de proportionnalité pourrait exemplifier une transformation conceptuelle majeure au sein du constitutionnalisme démocratique. D’un constitutionnalisme de type libéral, les sociétés démocratiques évolueraient vers un constitutionnalisme égalitariste de type « pluraliste » et « multiculturaliste ».
Abstract
In several contemporary constitutional democracies, including Canada, proportionality is becoming the main principle of judicial control. Nevertheless, this principle is rarely included in constitutional texts, either expressly or by necessary implication. What is the foundation of the proportionality principle? The answer to this question is not easy. Contemporary constitutional law and discourse indicate at least two conceptions of the proportionality principle, following two models of constitutionalism which the author names, respectively, the “model of priority of rights” and the “model of optimisation of values in conflict.” The former is correlated with, while the latter moves away from, liberal constitutionalism. As the “model of optimisation of values in conflict” appears to prevail in the process of justifying limitations to guaranteed constitutional rights, the author seeks to understand the interest in this model at this point in juridical and political history. He argues that the model of optimisation of values in conflict is appealing because, considering the pluralism and multiculturalism that characterize contemporary democratic societies, this model is more respectful of the moral equality of individuals than the liberal model. Noting that the liberal model of priority of rights is becoming increasingly difficult to maintain, the author examines two consequences of the optimization model: constitutional subjectivism and constitutional pluralism. If the author’s thesis is correct, the increased tendency to resort to the proportionality principle may indicate a major conceptual shift in democratic constitutionalism. It appears that democratic societies are moving away from liberal constitutionalism, and toward a “pluralist” or “multiculturalist” brand of egalitarian constitutionalism.