Avec ce troisième tome d’Acadie multipiste, une série de livres amorcée en 2015, Robert Viau continue à faire rayonner son savoir sur la littérature acadienne tout en transmettant l’amour indéfectible qu’il porte à ce corpus. La lecture des premières pages de l’ouvrage nous fait vite comprendre que s’il est un chercheur passionné par son sujet, il est aussi un critique particulièrement inquiet. Assimilation, américanisation, précarité du fait français, tous ces phénomènes l’amènent à croire qu’« à la suite d’une vague trop forte, l’Acadie pourrait effectivement couler à pic, disparaître avec sa culture particulière » (p. 10). C’est pour éviter que ne se concrétisent ces sombres perspectives que Viau continue à prendre la plume, lui qui a déjà une quinzaine d’ouvrages à son actif. Dans les dernières lignes de son introduction, il tempère ses appréhensions et admet qu’il est peut-être prématuré de parler de la fin de l’Acadie littéraire, compte tenu de l’étonnante richesse des oeuvres passées et présentes. L’alarmisme du début de l’introduction cède le pas à un propos plus positif : la vague annoncée en sous-titre du volume n’évoque plus l’assimilation, mais la déferlante d’une production littéraire que Viau nous propose d’explorer dans neuf textes substantiels, qui poursuivent le travail amorcé dans les deux tomes précédents d’Acadie multipiste. Organisées selon un ordre chronologique – le premier texte porte sur Jacques et Marie (1866), de Napoléon Bourassa, alors que le dernier se penche sur Autoportrait (2014), d’Herménégilde Chiasson –, les études réunies dans l’ouvrage sont un témoignage de ce que Viau fait de mieux, soit d’offrir à son lectorat des analyses d’oeuvres qui reposent sur un solide travail de contextualisation et de vulgarisation. J’ai déjà, par le passé, conseillé à mes étudiants et étudiantes de consulter les analyses de Viau afin de faciliter leur compréhension de certains romans (dont Pas pire de France Daigle, pour lequel le critique a écrit une étude accessible dans le premier tome d’Acadie multipiste). C’est donc avec plaisir que je constate que le présent ouvrage contient des sections tout aussi accessibles sur d’autres oeuvres importantes du corpus acadien. L’étude qui porte sur Prudent (2013), de Georgette Leblanc, est, à cet effet, exemplaire. Avant de plonger dans l’analyse de ce recueil qui évoque la fameuse mutinerie des déportés du Pembroke, Viau offre un exposé exhaustif de la manière dont cet épisode historique a été récupéré – et amplifié – par les auteurs et les autrices de l’Acadie au fil des années, ce qui permet de mettre en perspective la démarche de la poète. Le chapitre sur Une histoire de coeur (1988), de Jacques Savoie, s’ouvre sur une réflexion qui souligne la centralité de l’intermédialité dans l’ensemble de l’oeuvre de l’écrivain originaire d’Edmundston, réflexion qui sert ensuite de porte d’entrée pour l’analyse du roman. En ce qui concerne la section sur Jacques et Marie, de Napoléon Bourassa, elle commence par un rappel du contexte de publication de l’oeuvre, suivi d’une analyse qui met en parallèle le roman de Bourassa et Les Anciens Canadiens, de Philippe Aubert de Gaspé. De lecture facile, ces études se présentent comme des outils extrêmement utiles en contexte pédagogique puisqu’elles offrent aux apprenants et apprenantes la possibilité de prendre connaissance d’un solide travail de réflexion critique, dépourvu du jargon spécialisé et d’un style ampoulé. Ce souci d’être accessible nous montre tout le respect que Viau porte à ses étudiants et étudiantes ainsi que sa soif de leur transmettre sa passion pour la littérature acadienne (soulignons que les deux premiers tomes d’Acadie multipiste sont justement dédiés « à [s]es étudiants »). Si Viau consacre certaines …
Robert Viau, Acadie multipiste : de vague en vague, tome 3, Moncton, Éditions Perce-Neige, coll. « Essais et documents », 2023, 296 p.[Notice]
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Julien Desrochers
Université de Moncton