Résumés
Résumé
L’article explore la complexité multilingue et multiethnique du Haut Rio Negro, une région de l’Amazonie brésilienne, en mettant l’accent sur la manière dont les différentes communautés autochtones interagissent avec l’État et les politiques publiques concernant la démarcation de leurs terres. L’autrice reprend certaines idées de Lévi-Strauss sur la mythologie et l’histoire pour réfléchir sur le processus de démarcation des terres et certaines de ses implications après environ 25 ans. À travers des exemples de traductions interculturelles faites par des leaders autochtones, l’article montre comment les Autochtones réinterprètent les concepts d’État pour les adapter à leurs réalités vécues, révélant un processus dynamique de négociation culturelle. Enfin, l’autrice réfléchit sur certaines relations entre mythologie et histoire, en apportant des nouvelles significations aux concepts de terre, de territorialité et de gouvernance autochtone dans un contexte contemporain, où les récits mythiques et les discours politiques continuent de dialoguer.
Mots-clés :
- Haut Rio Negro,
- terre,
- territorialité,
- traductions interculturelles,
- Lévi-Strauss,
- peuples autochtones,
- État,
- Brésil
Abstract
The article explores the multilingual and multiethnic complexities of the Upper Rio Negro, a regional region of the Amazon region, with a focus on how different indigenous communities interact with the state and public policies regarding the demarcation of new lands. The author takes up some of Lévi-Strauss’s ideas on mythology and history to reflect on the process of land demarcation and some of its implications after about 25 years. Through examples of intercultural translations made by indigenous leaders, the article shows how indigenous people reinterpret concepts of the state to adapt them to their lived realities, revealing a dynamic process of cultural negotiation. Ultimately, the author thinks about some relationships between mythology and history, attributing new meanings to the concepts of land, territoriality and indigenous governance in a contemporary context, or to mythical narratives and political discourses continuing to dialogue.
Keywords:
- Upper Rio Negro,
- land,
- territoriality,
- intercultural translations,
- Lévi-Strauss,
- Indigenous peoples,
- State,
- Brazil
Corps de l’article
Le Haut Rio Negro est une région multilingue et multiethnique située dans le nord-ouest de l’Amazonie brésilienne, à la frontière de la Colombie et du Venezuela. Géographiquement, il est formé par les bassins fluviaux du fleuve Negro et ses affluents. Il est largement connu dans la littérature que les divers groupes présentés dans la région entretiennent entre eux différentes catégories de relations économiques, cérémonielles, matrimoniales et politiques notamment, d’où leur caractère « système »[1]. Il y a aujourd’hui sept Terras Indígenas (Terres Autochtones) qui, ensemble, comptent une population totale d’environ 32 000 personnes[2]. En 2013, presque 20 ans après la démarcation de cinq Terras Indígenas (Terres autochtones) dans la région du Haut Rio Negro, lors d’une conversation sur les politiques autochtone et électorale, j’ai entendu Bráz França[3] – leader de l’ethnie Baré qui a présidé la Federação das Organizações Indígenas do Rio Negro (FOIRN, Fédération des organisations autochtones du Rio Negro)[4] pendant la période de lutte pour la démarcation des terres dans cette région – critiquer la démarcation en ces termes : « ce n’était pas tout ».
En 2016, André Baniwa[5] publia sur son blog, un exercice qu’il appela « leçon d’inter-culturalité », dans lequel il traduisait, mot à mot, la composition Plano de Gestão Territorial e Ambiental (Plan de gestion territoriale et environnementale)[6] du portugais vers le baniwa et, la retraduisait du baniwa vers le portugais[7]. Le résultat de la « retraduction » était une autre phrase, avec un autre sens. Ceci fut l’idée pour une recherche sur les multiples significations de la terre, du territoire, de la territorialité, et des traductions qui sont faites dans le Haut Rio Negro dans le contexte de la Política Nacional de Gestão Territorial e Ambiental de Terras Indígenas (Politique nationale de gestion territoriale et environnementale des Terres autochtones) et les usages locaux de leurs concepts et instruments. Parmi les divers termes utilisés dans ces politiques, je me focalise ici sur la notion de démarcation. Comme optique, j’utilise certaines idées de Lévi-Strauss à propos de la temporalité, de la politique, des traductions, de la mythologie et de ses relations avec l’histoire. Notons qu’il ne s’agit que de l’amorce d’une conversation initiale avec quelques idées de l’auteur, qui pourraient et mériteraient d’être approfondies à l’avenir[8].
Un regard lévi-straussien sur le Haut Rio Negro pour trouver un niveau intermédiaire entre mythologie et histoire
Lévi-Strauss a peu écrit sur cette région, des mots qui se trouvent principalement dans le troisième volume des « Mythologiques » (2006), en partie, pour justifier l’absence d’un plus grand nombre de mythes du Rio Negro dans ses travaux. La difficulté de travailler avec les mythes de la région reposerait, selon l’auteur, sur « l’incertitude quant au contexte ethnographique » (Lévi-Strauss 2006, 160).et sur le « genre particulier auquel appartient la majorité des mythes recueillis par Amorin, Stradelli et, dans une moindre mesure, par Barbosa Rodrigues » (Ibid.). L’auteur explique que « ces auteurs eurent encore accès à une mythologie savante, sans doute élaborée à partir de matériaux hybrides par des confréries de sages sur lesquelles nous ne savons presque rien, sinon qu’elles étaient strictement hiérarchisées et que des versions plus ou moins ésotériques des mêmes mythes devaient appartenir aux différents degrés de la hiérarchie » (Lévi-Strauss 2006, 160)[9]. Il existe un grand débat à propos de ce que serait une telle « hiérarchie » dans le Haut Rio Negro[10]. Et, bien qu’il n’y pas de verdict, un consensus s’est formé autour de l’affirmation selon laquelle une hiérarchie est quelque chose de très dynamique, très souvent réversible et amalgamée avec des conceptions de temps et d’espace. Une entrée possible et obligatoire pour comprendre la hiérarchie au Rio Negro se fait au travers des récits mythiques, dans leurs contenus et aussi dans leurs usages par les agents les plus divers[11].
La cosmogénèse, constituée des mythes fondateurs qui racontent, par exemple, l’émergence de l’humanité, bien qu’il présente des variantes, contient toujours un serpent canoë qui contenait en lui des spécimens des différents groupes. Ce navire, dans le ventre duquel se trouvaient les ancêtres de la transformation humaine qui a donné naissance à l’homme, a quitté un lieu actuellement identifié par les Autochtones comme étant la baie de Guanabara, à Rio de Janeiro (une région côtière du Brésil) et a parcouru la côte brésilienne en remontant les fleuves Amazone, Negro et leurs affluents. Selon les locuteurs de ce mythe fondateur, le serpent canoë s’arrêtait à différentes cascades de la région. Ces lieux sont devenus sacrés car c’était là que sortaient du serpent les ancêtres de l’humanité, occupant alors le territoire. L’ordre dans lequel les ancêtres de chaque groupe ont quitté le serpent définit une disposition hiérarchique. Cela ne permet pas d’affirmer que cette hiérarchie soit exempte de contestations. Suivons encore Lévi-Strauss.
Lévi-Strauss réfléchit : « où finit la mythologie et commence l’histoire ? » (1989, 58). Il nous répond que, parfois, surtout dans les cas où il y a une histoire sans archives, de tradition orale, l’opposition simplifiée que l’on a l’habitude de faire entre histoire et mythologie n’est pas bien définie, et qu’il existe un niveau intermédiaire.
C’est donc à ce niveau intermédiaire qu’opère ce qu’il appelle la « confrérie des sages » (Lévi-Strauss, 1968b). Ce qui semblait être une supposition de Lévi-Strauss à propos d’une telle « confrérie » s’est confirmé avec l’incroyable tradition de publication des récits mythiques qui s’est établie dans le Haut Rio Negro à partir des années 1990, avec la Collection Narradores Indígenas do Rio Negro (Narrateurs autochtones du Rio Negro) qui compte déjà dix livres. Chaque livre de la collection est « le résultat d’un travail partagé entre un profond connaisseur des mythes de son clan qui raconte le récit à son fils, généralement plus versé dans la langue portugaise, qui assume le rôle d’écrire le texte avec le support d’un anthropologue » (Angelo 2017, 4).[12] Le choix des mythes à publier varie selon les groupes, car ils peuvent servir à répondre à différentes contingences historiques, telles que les actions des missionnaires, la scolarisation, la militarisation de la région, l’invasion de peuples allochtones sur leurs territoires, et bien à d’autres évènements. Ceci semble confirmer l’affirmation de Lévi-Strauss (1989) sur l’existence d’un niveau intermédiaire entre la mythologie et l’histoire, dans lequel cette dernière peut actualiser le mythe, et le mythe peut entrer dans l’histoire par ses ouvertures. Il déclare :
Le caractère ouvert de l’Histoire est assuré par les innombrables manières de composer et de recomposer des cellules mythologiques ou explicatives, qui étaient à l’origine mythologiques. Cela nous démontre qu’en utilisant le même matériau, parce qu’au fond c’est une sorte de matériau qui appartient au patrimoine commun ou au patrimoine commun de tous les groupes, de tous les clans ou de toutes les lignées, une personne peut néanmoins être en mesure de produire un récit original pour chacun d’eux.
Lévi-Strauss 1989, 61
Mais n’oublions pas que les mythes ne sont pas racontés par n’importe qui. Non seulement parce que tout le monde dans un groupe ne les connaît pas et n’est pas autorisé à raconter ces mythes, mais aussi parce que l’acte de les raconter peut avoir des répercussions sur l’histoire actuelle. Ce qui signifie qu’en partie, la question lancée par l’ethnologue français sur qui sont ces savants, demeure actuelle.
Si l’on considère ce niveau intermédiaire dont parle Lévi-Strauss, dans lequel la mythologie et l’histoire se touchent et, parfois, interfèrent, nous pouvons émettre l’hypothèse que les dirigeants du mouvement autochtone, comme André et Bráz, mentionné précédemment, font partie et actualisent de la soi-disant « confrérie des sages », qui continue d’être mis à jour. Je pense qu’il ne s’agit pas, à l’époque actuelle, d’une seule « confrérie » détentrice d’un unique savoir spécifique. D’autres espaces de discussion de paroles et de récits ont surgi, et pas seulement au sein des mouvement autochtones ou dans la politique. Nous pouvons également inclure ici les enseignants et les agents de santé autochtones et, plus actuellement, les jeunes étudiants universitaires autochtones qui retournent à leur lieu d’origine après avoir terminé leurs études supérieures. Mais, puisque mon matériel ethnographique provient de ce que l’on peut appeler des « espaces politiques », c’est à dire des mouvements autochtones et des engagements dans les politiques publiques, c’est avec cet aspect de Lévi-Strauss que je dialogue : « Rien ne ressemble plus à la pensée mythique que l’idéologie politique. Dans nos sociétés contemporaines, peut-être celle-ci a-t-elle seulement remplacé celle-là » (Lévi-Strauss 1958, 231). Cependant, il faut faire un ajustement car le matériel ethnographique apporté dans cet article démontre qu’il ne s’agit pas d’un remplacement du mythe par l’histoire, ni des narrateurs de mythes par des dirigeants, mais que les mythes et l’histoire, les narrateurs et les dirigeants se touchent et se complètent. Ici, j’attire l’attention sur le fait que la politique autochtone contemporaine dialogue aussi bien avec les mythes qu’avec l’état (national), et que dans la politique, sont faits quelques exercices de « traduction », comme nous le verrons ci-dessous.
Le point qui m’intéresse particulièrement dans la recherche que je développe consiste en une certaine « méthode locale de traduction », au-delà d’une certaine « tradition de traduire » existant dans la région du Rio Negro. Il y a l’exemple de l’exercice de « traduction interculturelle » fait par le leader cité au-dessus (et d’autres leaders) dans des contextes politiques, que je présente plus loin. Mais, il semble que très souvent, la même méthodologie a été adoptée dans la production des récits mythiques déjà cités. Dans la présentation d’un des volumes de la Collection Narradores Indígenas, nous pouvons lire : « les quatre autres chapitres ont été enregistrés en tukano par Durvalino et ont été traduits par lui vers le portugais dans de petits carnets scolaires, pour son père, qui, ensuite, approuvait, corrigeait, démentait un point particulier, complétait ou lui demandait de tout recommencer » (Fernandes et Fernandes 2006, 11, notre traduction).
Lévi-Strauss argumente que son analyse des mythes a montré que le processus de création d’un mythe est essentiellement celui de la contradiction, dans le sens littéral du mot. Conter une histoire est toujours la redire, c’est-à-dire que c’est, en quelque sorte, la contredire constamment. Et ce, parce qu’il n’existe pas de version originale d’un mythe, comme il l’affirme dans l’introduction du quatrième volume des « Mythologiques » (2006). Tout mythe est, par nature, une traduction d’un mythe venant d’un peuple voisin ou d’une autre version du même peuple. Le mythe est un discours qui est seulement traduction : « leur essence réside dans le fait irréductible de la traduction par et pour l’opposition » (Lévi-Strauss 2011, 621). Lévi-Strauss va encore plus loin. Le mythe, dit-il :
[...] se situe, non pas dans une langue et dans une culture ou sous-culture, mais au point d’articulation de celles-ci avec d’autres langues et d’autres cultures. Le mythe n’est donc jamais de sa langue, il est une perspective sur une langue autre, et le mythologue qui l’appréhende à travers une traduction ne se sent pas dans une situation essentiellement différente du narrateur ou de l’auditeur du cru.
Ibid., 621
En ce sens, les mythes et les traductions sont toujours, dans une certaine mesure, des transformations, au même titre que l’histoire et la politique. Pour expliquer le sens que je donne au terme « traduction », je reviens à l’exemple ethnographique de la terre et du territoire (démarquée et vécue).
Un bruit dans la démarcation
En 2013, alors que je conversais avec Bráz França, il me dit, sur un ton fatigué et critique, que la démarcation « n’était pas si bien que ça ». Selon ses mots :
[...] la Terra Indígena est terre de l’Union. Ce qui signifie que le gouvernement peut faire ce qu’il veut, les Autochtones en ont seulement l’usufruit exclusif[13]. Ce qui n’est pas vrai non plus, car ce n’est pas exclusif. Nous négocions et après 90 jours, la déclaration est sortie. Mais, pour quoi faire ? On n’était pas au courant des conséquences de cela, parce qu’après que la terre ait été démarquée, est apparu Chico Mendes [l’Institut Chico Mendes de la Biodiversité] [...] Ils sont venus ici du Xapuri pour dire qu’on ne pouvait pas extraire le bois, qu’on ne pouvait pas faire de grandes cultures. Alors, ont commencé les problèmes. Quand la terre n’était pas démarquée, les commerçants sortaient d’ici, remplissaient le bateau de marchandises de première nécessité (du café, des vêtements) et s’en allaient vendre leur marchandise et emmener des produits des communautés (fruits, poissons, farine). De toute façon, le type là, plus loin sur la rivière attendait toujours et préparait déjà une quantité de farine, pour échanger avec d’autres choses. Il attendait, il ne devait pas venir par ici. Après la démarcation, il ne peut plus y avoir de commerçant blanc circulant par ici. Le peuple a commencé à sentir cet impact.
Bráz França, entretien réalisé le 3 février 2013, notre traduction
Il est clair qu’une telle déclaration m’a surprise. Dans un contexte national où l’on voit presque quotidiennement des Autochtones massacrés dans leurs luttes pour des terres ou étant décimés parce qu’ils n’ont nulle part où vivre, quel sens pouvons-nous trouver à cette réflexion critique sur l’idée de démarcation elle-même ? Qu’est-ce que nous, anthropologues, pouvons faire face à de telles déclarations, apparemment dissonantes et/ou inattendues ?
Toutefois, cette déclaration suggérait des choses au-delà (ou en-deçà) de ce que je viens de traiter dans ma thèse de doctorat[14]. En principe, il ne semblait pas s’agir simplement d’une déclaration contre l’État, dans un sens clastrien, car il s’agit d’une formulation faite en vue d’un État déjà consolidé et non par rapport à l’État en tant qu’idée contre laquelle les peuples autochtones se positionnent ontologiquement (Clastres 2003). La démarcation, plus encore que la participation autochtone dans les politiques électorales, par exemple, est une action, une entrée et une actualisation de l’État lui-même : délimitation, quadrillage, territorialisation et tentative de stabilisation autochtone. Il s’agit d’une procédure légale (la démarcation) sur une terre qui avait été vécue et occupée selon les modes traditionnels et qui, après démarcation, commence à être définie et vécue aussi comme un territoire (démarqué). La terre acquiert alors une signification supplémentaire, devenant à la fois territoire traditionnel et terre autochtone reconnue par l’État. Nous avons donc une action étatique qui crée et impose des limites et des frontières que seul l’État reconnaît, qui ne correspondent pas nécessairement aux limites ni aux frontières préalablement établies et vécues par les groupes ethniques de la région. C’est là, me semble-t-il, l’objet de la critique de Bráz França à l’égard de l’idée de démarcation. Cela permet de réfléchir si et dans quel mesure une contingence historique, telle que la démarcation territoriale faite par l’État, pourrait transformer et actualiser les mythes.
Imaginons les peuples autochtones vivant dans la région, selon leurs propres habitudes, quand, tout à coup, des conversations commencent à émerger sur quelque chose appelé démarcation, un mot qui était auparavant inexistant dans le vocabulaire autochtone. Il est difficile ou même impossible de reconstruire les trajectoires qu’un tel terme a parcourues, acquérant différents tons (couleurs et/ou sons et sens dans différentes localités et à différents moments. Mais, il n’est pas impossible d’imaginer que le terme ait agi comme une note dissonante, un bruit, qui devrait être intégré au lexique local. Cela prend du temps. Ou, comme le rappelle Lévi-Strauss à propos des mythes et de la musique, « tout en requérant [...] une dimension temporelle pour se manifester. » (Lévi-Strauss 2004, 35). Et le temps agit non seulement sur les concepts, mais aussi sur les expériences vécues.
Les processus de démarcations sont également des marquages des relations entre les Autochtones et l’État qui exigent et supposent un exercice de traduction de la « terre qui est vécue » par les peuples autochtones en des concepts juridique et étatique. Comme cela est dit depuis longtemps, il s’agit d’un effort d’encadrement des territorialités autochtones dans la territorialité des États nationaux. Dans le cas brésilien, les démarcations se fondent juridiquement sur la notion de « terre traditionnellement occupée ». Mais l’encadrement prétendu n’est pas toujours une réussite. Ce que différentes recherches ont montré, c’est que dans la traduction concrète d’une « démarcation » dans la vie des Autochtones, les incertitudes prolifèrent : les limites entre « traditionnel » et « non-traditionnel », entre « occuper » (« en permanence ») et « ne pas occuper », par exemple. En plus de cela, il a été enregistré ethnographiquement, que ces critères lorsqu’ils sont ignorés ou déplacés, configurent des formes différentes selon lesquelles les collectifs habitent leurs « nouvelles » terres (nouvelles parce que démarquées). Autrement dit, comment ces collectifs « se (re)territorialisent » dans les termes de ces « démarcations »[15] ?.
Ce qui signifie que nous avons une notion juridique de « terre traditionnellement occupée », qui doit être remplie au cas par cas, avec une évaluation anthropologique et autochtone spécifique à des collectifs particuliers (dans les rapports de démarcation), d’où provient un processus de « territorialisation ». En ordonnant sur la terre des Autochtones, l’État leur impose ses lois et son ordre, qui ont été tout d’abord imposés sur la terre. Qui plus est, ces processus ne sont pas instantanés, ils sont en train d’être complétés et constamment resignifiés.
La démarcation peut être vue donc une reterritorialisation, car l’expérience « d’être chez soi » est, en partie, modifiée quand un nouvel agencement est créé, à partir de l’imposition de la démarcation faite par l’État. Par contre, on ne peut pas ignorer la force de l’attachement autochtone avec la terre. Dans le contexte ethnographique spécifique que nous traitons ici, l’attachement des ethnies et des clans à des lieux donnés connus est conféré par l’origine mythique de chacun de ces groupes. Alors, la démarcation est ajoutée à cette territorialité proprement autochtone, mais son impact est beaucoup plus temporel que spatial, car elle nous dit plus sur des transformations dans les relations avec des différentes types de personnes (comme les étrangers/Blancs et l’État, par exemple), tant dans la lecture et la description du territoire que dans les manières de le vivre et de l’habiter.
Ainsi, on ne peut ignorer la temporalité du discours de Bráz França, évoquée au début de cet article, dans lequel il critique l’idée de démarcation. Il a dit cela en 2013, presque 20 ans après la démarcation de cinq terres autochtones dans la région. En d’autres termes, il s’est déjà écoulé un temps considérable au cours duquel les peuples autochtones ont développé différentes expériences dans la gestion de leurs territoires et quand on commençait à envisager la nécessité et la possibilité d’un nouvel outil pour la gestion des terres autochtones. En l’exprimant plus clairement, quand on commençait à parler de la Política Nacional de Gestão Ambiental e Territorial de Terras Indígenas (Politique nationale de gestion environnementale et territoriale des Terres autochtones) et du Plano de Gestão Territorial e Ambiental (Plan de gestion territoriale et environnementale) dans le Haut Rio Negro.
Au cours des premières années de mise en oeuvre de la Política Nacional de Gestão Territorial e Ambiental de Terras Indígenas, un certain nombre de chercheurs autochtones ont travaillé sur un vaste recensement. Des résumés des données et des questions soulevées ont été publiée dans des documents appelés « Bulletins de gouvernance ». Dans le deuxième de ces Bulletins, nous pouvons lire la réflexion suivante faite par l’un de ces chercheurs autochtones :
Pour la région de l’Ayari, le Plano de Gestão Territorial e Ambiental n’est pas une nouveauté. Beaucoup ont compris que nos ancêtres avaient leur plan bien organisé et par rapport à toutes les choses que la nature offre. Ils savaient comment valoriser, préserver et gérer leur terre en tant que patrimoine. Dans cette activité de recensement d’informations, les communautés croient que nous sommes en train d’avancer notre défi de gouverner et de bien vivre sur notre terre
Chercheur autochtone, Boletim [Buletin], 2016, n. 2, 19, notre traduction[16]
Il y a ici un exercice de compréhension d’une nouvelle politique extérieure dans le sens de ce qui était et est vécu localement, un exercice qui peut être considéré comme une espèce de traduction, de transformation de transmission de concepts, d’acceptation ou de refus d’idées. Faisons une petite parenthèse pour comprendre ce qu’est la Política Nacional de Gestão Territorial e Ambiental de Terras Indígenas. Aujourd’hui, c’est dans le cadre de cette politique publique que les Autochtones ont réalisé de nouveaux recensements, enquêtes, recherches et (re)pensé des actions pour leurs terres, ce qui est très curieux si nous pensons que des activités comme celles-là font partie de ce que nous pourrions appeler une « invention (et réaffirmation) de l’État ». Ce n’est pas par hasard si les publications locales avec la trajectoire et les résultats dans la Política Nacional de Gestão Territorial e Ambiental de Terras Indígenas renvoient au terme « gouvernance » et que la gestion politique et exécutive de l’agenda pour l’élaboration des plans de gestion est réalisée au travers de différentes instances, organisées selon des fonctions et des responsabilités différentes, qui apparaissent dans un organigramme très bureaucratique.
Je crois que cette idée de « gouvernance », qui rapproche les expériences de gestion du territoire à un mode dans quelque chose d’étatique, s’est également renforcée durant les années postérieures à la démarcation, avec les initiatives de gestion antérieures à la Política Nacional de Gestão Territorial e Ambiental de Terras Indígenas. Quelques-unes de ces initiatives ont débouché sur : des projets de pisciculture et de sécurité alimentaire ; l’installation de réseaux radiophoniques ; des enquêtes et des recensements socio-environnementaux ; des projets dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’artisanat, du tourisme et de la commercialisation de produits autochtones avec une valeur ajoutée ; la formation de gestionnaires de projets ; et des cartographies et des recherches interculturelles avec la formation de chercheurs et d’agents autochtones. Durant cette période, un savoir a été accumulé, qui, ajouté aux « plans que les ancêtres avaient » sur comment « valoriser, préserver et gérer la terre en tant que patrimoine », comme mentionné ci-dessus par le chercheur autochtone, permet d’avancer dans le sens, qu’il a également suggéré de « gouverner et de bien vivre sur leur terre ».
Savoir qui se produit dans les compatibilités et incompatibilités entre différentes conceptions de « territorialité », par exemple (pour nous en tenir au thème proposé ici ; mais qui pourrait avancer sur différents débats qui se déroulent dans la région, comme par exemple, l’idée de Bien Vivre, qui fait l’objet de débats et est progressivement actualisée, principalement par les Baniwa). Il me semble qu’il y a ici un mode autochtone de faire quelque chose qui peut s’assimiler à la façon dont les agents qui travaillent ou opèrent pour l’État le font ainsi, ou, à ce qu’ils appellent « gouverner et bien vivre sur la terre ». C’est clair qu’il faut être prudent ici avec l’utilisation de ce gros mot « État » mais, dans certains sens, les types d’actions organisées dans les activités de gestion territoriale, qu’elles soient autochtones ou étatiques, sont similaires dans leurs modes. Je pense, par exemple, aux activités de recensement, de formation d’agents spécialisés et de gestionnaires de projets, de création de réseaux de communication et de fiscalisation du territoire, des processus constants d’évaluation aussi bien des agents que des projets ; mais, cependant, différents dans leurs objectifs. Si, dans les Terra Indígena Alto Rio Negro, c’est dans la mythologie que l’on trouve des explications à l’occupation et aux usages du territoire, c’est-à-dire à la territorialité (comme nous l’avons vu précédemment), et que la mythologie est, selon Lévi-Strauss, le domaine d’une « confrérie des sages », la manière actuelle de vivre le territoire, remise en question par le rapport à l’État, actualise cette confrérie, y compris ces nouveaux agents et savoirs.
Des traductions d’un nouvel instrument d’État : le Plano de Gestão Territorial e Ambiental (Plan de gestion territoriale et environnementale)
Comme cela a été dit antérieurement, l’idée de cette recherche a eu lieu en février 2016, quand André Fernando Baniwa a publié sur son blog personnel (supprimé par la suite) ce qu’il a appelé une leçon d’« inter-culturalité ». Je reproduis ici un extrait parce qu’il est fort intéressant.
Ainsi, si nous traduisons la longue phrase du « PGTA » [Plano de Gestão Territorial e Ambiental], le mot suivant est « de » qui, en Baniwa a aussi du sens comme « linako », c’est-à-dire, « sur ». Le mot « gestion » fait référence au « ideenhikhetti », ou mieux, « travailler ». Le mot « Territorial » en Baniwa est « Wahipaite », c’est-à-dire, « notre terre ». Le « e » est « nheette » en Baniwa et n’est pas différent de la langue portugaise. Le mot « environnemental » signifie « weemakawa ». En résumé, la phrase du « PGTA » après avoir subi une traduction interculturelle en Baniwa devient la phrase suivante : « Wadzeekatawa ideenhiketti linako wahipaite nheette weemakaawa liko nako ».
Fernando Baniwa 2016
La phrase qui précède signifie : « Pour que nous fassions et travaillons sur notre terre et dans le lieu où nous habitons ». André Fernando Baniwa ajoute encore que le mot « linako », lorsqu’il est traduit comme « sur », fait référence à un idéal, mais, le même terme peut être traduit par « dans le » et en vient alors à faire référence à une pratique dans le lieu. Il poursuit sa réflexion de la manière suivante :
le mot « sur » que nous pouvons aussi traduire inter-culturellement dans ce contexte comme linakoapanina, ce qui signifie « règles, éthique sur un territoire et un lieu où on habite ». Ceci est beaucoup plus que [de] faire de l’ethno-cartographie, de l’ethno-zonage, penser à des travaux nécessaires, etc.
Fernando Baniwa 2016
De même qu’une bonne partie des Autochtones de l’Amérique du Sud, le leader qui a fait ces traductions est loin d’être monolingue. Dans le Haut rio Negro, il est courant que les Autochtones parlent au moins trois langues : celle du père, celle de la mère (qui n’est pratiquement jamais la même, car la préférence régionale est pour le mariage avec une exogamie linguistique) et le portugais. En général, ils parlent aussi espagnol et comprennent ou parlent nheengatu (langue générale). Cet exercice de traductions fait par André Fernando Baniwa n’est donc pas une nouveauté. Mais il y a, dans le Haut rio Negro (comme dans d’autres contextes multilingues), une certaine « traduction de traduire ». Une des étapes dans l’élaboration du Plano de Gestão Territorial e Ambiental, par exemple, est la « production de résumés et de traductions des Plans en langues autochtones ».
Lors de mon dernier voyage sur le terrain, en 2016, j’ai eu l’opportunité de passer quelques jours dans une communauté Baniwa, sur le Rio Içana (distant de plus ou moins une journée de voyage de São Gabriel), durant la Primeira Conferência de Educação e Organização Social Baniwa[17] (Première conférence de l’éducation et de l’organisation sociale Baniwa), où j’ai connu certains chercheurs autochtones impliqués dans les travaux de collecte de données de la Política Nacional de Gestão Territorial e Ambiental de Terras Indígenas (Politique nationale de gestion environnementale et territoriale des Terres autochtones), auquel j’ai proposé un exercice.
L’exercice consistait à faire, avec eux, des listes des termes qui apparaissent le plus dans la Política Nacional de Gestão Territorial e Ambiental de Terras Indígenas. Les listes n’ont pas toutes été égales. En général, les termes les plus récurrents étaient : « política/politique », « plano/plan », « gestão/gestion », « território/territoire », « terra/terre », « mundo/monde », « meio ambiente/environnement », « chefia/chef », « cultura/culture », « cuidar/prendre soin », « governo/gouvernement », « administrar/administrer », entre autres. Une fois les listes faites, mes interlocuteurs traduisaient les termes du portugais vers leurs langues. Après réflexion, ils formulaient des définitions plus détaillées, encore en portugais, du sens et de la signification du terme (comme cela a été fait par André). Je ne sais comment cette expérience, si elle est approfondie et réalisée avec la plus grande rigueur, évoluera dans le futur. Pour l’instant, de légères impressions peuvent être décrites. La traduction de certains termes varie selon le chercheur. Une différence qui peut être le résultat de la région d’origine, de la formation professionnelle, de la trajectoire personnelle ou du clan auquel appartient l’interlocuteur (par exemple, un parmi eux, appartenant à un « clan de chefs » – comme il a lui-même désigné son groupe – a utilisé un mot différent pour traduire « chef », par rapport à un de ses collègues d’un autre clan). Si nous regardons le terme gestion : dans la traduction faite par André, il réapparaît en portugais avec le sens de « travailler (sur) », alors que dans une autre liste, il a été traduit par « lideenhikanna » et retraduit par « façon de gérer et administrer qui est liée avec la préparation, l’organisation et la structuration d’un objectif déterminé ». Il est encore incertain d’affirmer les possibles origines de ces différences, mais je conserve l’hypothèse selon laquelle nous nous trouvons ici dans un champ de rencontre ou de débats entre différentes « traditions », « traductions » et « contradictions ». Le fait est que les deux traductions citées pour le mot « gestion » extrapolent le sens trouvé dans le dictionnaire : un « acte ou effet de gérer, d’administrer » (Houaiss et Villar 2009, 968). Une traduction autochtone a donné « travail » et l’autre a ajouté au « travail » un « objectif déterminé ». Nous sommes ici face à un terme qui mériterait d’être l’objet d’une meilleure réflexion, puisque la « notion de gestion territoriale se configure comme une étape supplémentaire du processus d’assimilation, par les indiens, du concept – et du fait – de terre démarquée », selon ce que soulignent Kahn et Grupioni (2013, 19). On peut imaginer que, tout comme le terme « démarcation » a été autrefois incorporé dans le lexique local (bien qu’il n’ait jamais été traduit dans les langues autochtones, car il continue à être utilisé en portugais), il en va de même pour le terme « plan de gestion ». Mais, pour revenir à Lévi-Strauss et sa « confrérie des sages », on peut considérer que dans ces processus de traduction et de transformation se créent de nouveaux agents qui peuvent reconfigurer la confrérie.
Il est également important de réfléchir sur la raison pour laquelle André Fernando Baniwa appelle son exercice une « leçon d’inter-culturalité ». Parce qu’il invoque ici l’idée de cultures distinctes qui s’interconnectent ? Il ne semble pas qu’il s’agisse d’un exercice de traduction littérale ou entre des langues, mais d’un exercice de traduction culturelle et d’apprentissage, étant donné qu’il appelle l’exercice une « leçon ». Ici, on peut rapprocher le travail fait par André Fernando Baniwa de celui fait par l’anthropologie, dont le problème se révèle, selon certains, dans la double signification de la traduction. En ce sens, Dominique Gallois (2001), par exemple, affirme qu’il y a la traduction que les interlocuteurs d’une recherche entreprennent sans cesse et avec des risques, lorsqu’ils se trouvent face à des nouveautés qui leur sont présentées, et la traduction que l’anthropologue doit effectuer en transitant d’un code culturel et linguistique qui est autre que celui de sa compréhension. Mon matériel ethnographique permet de nous demander dans quelle mesure ce que les autochtones font avec des mots portugais incorporés dans le lexique local peut être appelé traduction. Il y a un travail de réflexion, qui dans le Haut Rio Negro est intense. C’est une quête de compréhension des nouveaux termes qui émergent avec de nouvelles relations, comme celles établies avec l’État et ses procédures, par exemple. En général, certains autochtones se consacrent à discuter, dans leur langue, des significations et des traductions possibles de ces termes. Cependant, les traductions littérales ne sont pas toujours trouvées. Dans ces cas-là, ils choisissent de conserver le terme en portugais. Mon matériel a montré (les listes terminologiques, par exemple) que ce ne sont pas toujours les mêmes mots qui sont utilisés pour traduire les mêmes idées ou concepts.
Pour l’instant, je peux envisager que plus que le travail de traduction, il y a un travail de réflexion sur une certaine « extension de mobilisations » (Luciani 2009) que les termes s’ajoutent à eux-mêmes. Un « territoire », par exemple, peut être pensé en tant que terme pour lequel il existe (ou pas) une traduction littérale dans une langue autochtone déterminée. Qu’il y ait ou pas une traduction littérale, lorsqu’elle est présente dans des déclarations ou des actions autochtones, elle se présente avec une « extension de mobilisations » spécifiques, qui peuvent varier selon la temporalité ou le contexte d’énonciation. Un même terme – comme « terre » – peut être « ouvert » par un programme appelé « traditions » ou par un autre appelé « politiques publiques », par exemple, en ayant des conséquences, des portées et des utilisations différentes. Le mot « terre » semble être un des éléments qui implique le plus grand nombre d’extension dans le domaine de la communication.
Encore sur l’idée de traduction, Gallois (2001) raconte comment seulement après 30 ans de contact avec des agents de l’État, les Waiãpi pensèrent à un mot pour traduire le terme « gouvernement », que les aînés continuent à ne pas comprendre, en confirmant qu’un terme ou une catégorie peut être accessible par certains, mais pas par d’autres (jeunes et vieux, hommes et femmes, parmi d’autres différences). En revenant à l’exemple donné par Gallois (2001), les aînés Waiãpi appellent encore le chef de la Fundação Nacional dos Povos Indígenas (FUNAI, Fondation nationale des Peuples autochtones) ou le gouverneur de l’État avec le même mot : chefe de aldeia (« chef du village »). Les deux actions, aussi bien celle des aînés que celle des plus jeunes, peuvent être considérées comme des traductions, ou, du moins, comme partie d’un processus de traduction. Cependant, dans un cas comme dans l’autre, ils se reflètent de façons différentes. Une autre partie de ces processus de traduction est que « que lorsqu’ils [les Waiãpi] auront reconnu la différence, en ayant parlé beaucoup à propos de tout cela, jeunes et aînés, ensemble, vont se positionner en tant que personnes, avec une culture et une forme d’organisation distincte » (Ibid., 111 ;notre traduction). En ce sens, « [...] les traductions sont des expériences, constamment réévaluées à la lumière de la meilleure compréhension qu’ils ont acquise de notre façon d’être » (Ibid., 112 ; notre traduction). L’auteur s’avance en disant que nous devons aller au-delà des choses qui sont facilement traduisibles. Selon Gallois (2001), les questions cosmologiques et les perceptions sur le destin du monde sont facilement traduisibles, parce qu’une cosmologie n’est jamais fermée. Ce qu’il est vraiment difficile à traduire, ce sont les institutions sociales, souligne Gallois (2001). Selon l’autrice :
Créer un sentiment d’unité avec une représentation ethnique est très difficile. Créez également des rôles sociaux neutres. Un professeur waiãpi, par exemple, n’est pas une figure neutre qui peut enseigner à n’importe qui. Aucun village ne respectera une personne qui est, en fin de compte, un ennemi. Une position décontextualisée des relations sociales est quelque chose d’incompréhensible. C’est là que je vois des pertes. Ils doivent lâcher prise et parler non plus au nom de leur propre groupe, mais au nom des Indiens de tout le Brésil. Ce sont des pertes, car ces personnes parviennent rarement à retrouver leur place dans les relations sociales, car elles doivent changer de position par rapport à leurs ennemis et à leurs proches.
Ibid., 112 ; notre traduction
En plus, « il y a des choses qui s’installent et créent de nouvelles relations, de nouveaux mythes, de nouvelles pratiques » (Ibid., 113 ; notre traduction). En ayant toujours à l’esprit que « dans le dialogue culturel, se construit une traduction qui est éphémère, mais qui se fait à partir de catégories culturelles possibles » (Ibid., 115 ; notre traduction).
Considérations finales
L’objectif de cet article était de confronter des exemples ethnographiques puisés dans le contexte des terres autochtones du Haut Rio Negro et de brefs passages de l’oeuvre de Lévi-Strauss qui abordent ce qu’il appelle, « une « confrérie des sages », ainsi que certains de ses réflexions sur les rapports entre la mythologie et l’histoire. Le matériel ethnographique avec lequel j’ai travaillé montre comment, dans le contexte des terres autochtones du Haut Rio Negro, les nouveaux rapports et acteurs impliqués dans les questions de territoire, de territorialité et de leur gestion peuvent être pensés comme des types d’actualisation des « confrérie des sages » (Lévi-Strauss 2006, 160). Il ne s’agit pas, comme je l’ai soutenu plus haut, de remplacer les narrateurs de mythes par des dirigeants autochtones ou des agents de l’État et des politiques publiques, mais il s’agit plutôt d’un nouvel espace d’action sur ce qui est aussi un thème central dans les récits mythiques : la répartition spatiale des groupes humains, l’occupation et les usages des territoires.
J’ai également montré comment les exercices de traduction constamment menés par les Autochtones du Haut Rio Negro ne produisent jamais de traductions littérales, mais plutôt des ruptures, des créations, des renouvellements, des négociations et des disputes. En outre, il est devenu évident que ces processus dépendent du passage du temps et qu’ils sont en construction permanente. Ainsi, les significations des termes utilisés, incorporés et créés peuvent être abandonnées, renouvelées, ou, du moins, réfléchies, comme l’a fait Bráz França, par exemple, à propos du terme « démarcation ». L’utilisation de l’idée de traduction utilisée ici résulte du fait que mes interlocuteurs l’utilisent pour tenter d’expliquer une partie de ce qui se passe dans les relations entre Autochtones et Allochtones concernant les questions territoriales. C’est pourquoi je n’ai pas approfondi les débats théoriques sur la traduction. Ce terme a acquis, dans cet article, un sens ethnographique qui nous amène à l’idée de transformation. En ce sens, le matériel ethnographique présenté dans cet article – qui aborde deux moments historiques des relations autochtones avec la terre : le territoire traditionnel, d’un côté ; et la Terra Indígena (Terre Autochtone), d’autre part, comme on appelle le territoire reconnu par l’État (la démarcation, la réévaluation effectuée par un leader autochtone de cette procédure, et la politique publique actuelle vis à les terres autochtones) – est utilisé pour démontrer la manière dont les contingences historiques et, dans ce cas, étatiques, pénétrant dans la région, sont incorporées et « traduites » dans les réflexions et les pratiques locales.
Les considérations de Lévi-Strauss sur les relations entre la mythologie et l’histoire, dispersées tout au long du texte, nous ont également permis d’examiner le matériel présenté de manière à montrer combien ces relations sont dynamiques. À travers les agents de l’État et les politiques publiques, mais aussi à travers l’implication des peuples autochtones dans la politique, l’État et le mouvement autochtone peuvent affecter des thèmes centraux des mythologies, comme l’occupation et l’utilisation du territoire. En ce sens, cet article peut compléter les lectures inspirées par Lévi-Strauss sur le matériel du Haut Rio Negro, comme le fait Hugh-Jones (1988), qui part du matériel ethnographique relatif au groupe ethnique Barasana sur l’apparition des Blancs dans les mythes et récits historiques oraux. Cet auteur démontre que la mythologie et l’histoire coexistent en tant que modes complémentaires de conscience historique, qui trouvent leur expression dans différents genres narratifs et sont pertinents dans différents contextes et problématiques. Ici, dans cet article, le contexte et les enjeux des terres, territoires et territorialités nous ont permis de réfléchir à certaines manières dont la mythologie et l’histoire sont liés et en relation de continuité, plutôt qu’une rupture, ou bien, comme le dit Lévi-Strauss (1989), il existe un niveau intermédiaire entre la mythologie et l’histoire.
Parties annexes
Remerciements
Cet article est le résultat d’une recherche postdoctorale développée entre 2015 et 2019, avec l’aide financière de la Fundação de Amparo à Pesquisa do Estado de São Paulo (Fondation de Soutien à la Recherche dans l’État de São Paulo), à l’Université d’État de Campinas. Une première version a été présentée dans le Colloque international en commémoration du 70e anniversaire de la VIe Section de l’École Pratique des Hautes Études – France-Brésil en Miroir « Reflets et réflexions d’une anthropologie contemporaine », organisé en 2017 à Paris. Je remercie les commentaires et les suggestions faites à l’occasion par Barbara Glowczewski, Beatriz Perrone-Moisés, Milena Estorniolo, Juliana Caruso, Stéphanie Tsélouiko et Helena Prado. Je suis immensément reconnaissant aux trois évaluateurs anonymes qui ont lu attentivement et généreusement cet article, y apportant ainsi des contributions substantielles.
Notes
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[1]
Pour avoir une idée de sa diversité et de sa complexité, il suffit de prendre en compte ses quatre familles linguistiques : Arawak (dont les groupes ethniques sont les Baniwa, les Coripaco, les Warekena et les Tariano [qui actuellement parlent la langue tukano] et Baré [qui a longtemps parlé nheengatu]) ; Tukano Oriental (Arapaso, Bara, Barasana, Desana, Karapanã, Kubeo, Makuna, Miriti-Tapuya, Piratapuia, Siriano, Tukano, Tuyuka, Kotiria/Wanano) ; Naduhup (Hupda, Yuhupdeh, Döw, Nadöb). Les groupes ethniques des trois familles linguistiques mentionnées ci-dessus forment un système, car ils établissent entre eux des relations qui existent depuis les temps mythologiques et sont constamment mises à jour dans le temps historique. En plus, il y a les Yanomami, qui habitent cependant des parties de cette région, mais leur participation à ce système rionegrin peut être qualifiée de « transversale », car les relations qu’ils entretiennent avec les groupes d’autres familles linguistiques sont limitées. Comme nous le verrons, il existe une certaine incertitude quant à « si », « quand », « où » et « comment » de tels groupes sont constitués en « ethnies » (Andrello 2016). Dans cette perspective, contrairement à ce qui se passe habituellement dans d’autres contextes ethnographiques, nous n’utilisons pas ici le terme « peuple », mais « ethnie » pour désigner ces différents groupes ou collectivités dans le Haut Rio Negro, d’autant plus qu’il s’agit du terme le plus couramment utilisé localement par les Autochtones eux-mêmes.
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[2]
La démarcation des terres autochtones au Brésil répond à l’article 231 de la Constitution Fédérale de 1988. Ces terres doivent être : 1) habitées en permanence ; 2) importantes pour les activités productives des peuples autochtones ; 3) indispensables à la préservation des ressources nécessaires au bien-être de ses occupants ; et 4) nécessaires à la reproduction physique et culturelle de ses occupants. Actuellement, les terres autochtones qui doivent être délimitées administrativement par la Fundação Nacional dos Povos Indígenas (FUNAI, Fondation nationale des Peuples autochtones) suivrent les sept procédures énoncées dans le Décret 1775/1996 : 1) études d’identification (réalisées par une équipe coordonnée par un anthropologue) ; 2) approbation de la Fundação Nacional dos Povos Indígenas (FUNAI)) du rapport ; 3) objections (étape dans laquelle des personnes – physiques ou morales, y compris les États ou les municipalités – peuvent demander une indemnisation ou contester le rapport) ; 4) déclaration des limites ; 5) démarcation physique ; 6) approbation, quand la procédure de démarcation est soumise à la Présidence de la République pour ratification par décret ; et 7) inscription au bureau d’enregistrement foncier de la commune correspondante et à la Secretaria de Patrimônio da União (Secrétariat de l’Union au Patrimoine).
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[3]
L’utilisation ou non des vrais noms de mes interlocuteurs de recherche a été négociée au cas par cas. La plupart du temps, ils ont non seulement autorisé l’utilisation de leurs noms et identités, mais ont également souligné l’importance de le faire, dans le sens « d’avoir leurs noms écrits dans l’histoire ».
-
[4]
Le mouvement autochtone organisé en associations existe dans l’Alto Rio Negro depuis la fin des années 1970. Il existe des associations qui répondent à différents critères, tels que les catégories professionnelles, la communauté ou la région, l’origine ethnique et les thèmes (comme la santé et l’éducation, par exemple). La Federação das Organizações Indígenas do Rio Negro (FOIRN, Fédération des organisations autochtones du Rio Negro) a été fondée en 1987. Elle compte près de 80 associations affiliées, qui comprennent près de 40 milles personnes, réparties en plus ou moins 700 communautés sur 30 millions d’hectares de forêt, parmi lesquels 11 millions d’hectares sont des Terres Autochtones démarquées. Au cours de leurs carrières, les dirigeants du mouvement dit « autochtone » occupent généralement différents rôles, tant au sein des associations qu’au sein même de la Fédération. Ainsi, dans cet article, lorsque le terme « mouvement autochtone » apparaît, je peux faire référence à la fois aux soi-disant associations et à la Fédération elle-même. Pour en savoir plus sur la FOIRN voir Iubel (2015) et Soares (2012).
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[5]
André Baniwa est un des dirigeants les plus importants de son ethnie (Baniwa). Figure marquante depuis le début des années 1990, il a travaillé dans des associations qui représentent les intérêts d’une communauté ou d’une région), au FOIRN, ainsi qu’au sein d’associations autochtones d’envergure étatique ou nationale. Il a été adjoint au maire de São Gabriel da Cachoeira et travaille actuellement au Ministério dos Povos Indígenas (ministère des Peuples autochtones), à Brasilia.
-
[6]
La Política Nacional de Gestão Territorial e Ambiental de Terras Indígenas (Politique nationale de gestion environnementale et territoriale des Terres autochtones) est un décret fédéral de 2012, signé par la présidence de la république et les ministères de la justice et de l’environnement, dont l’objectif vise à : « garantir et de faire la promotion de la protection, le rétablissement, la conservation et la protection des ressources naturelles et des territoires autochtones, assurant l’intégrité de leur patrimoine, améliorant la qualité de la vie et assurant la reproduction physique et culturelle intégrale des générations actuelles et futures des peuples autochtones, dans le respect de leur autonomie socioculturelle, conformément la législation en cours » (Decret nº 7.747, 5 juin 2012, notre traduction). Actuellement, c’est dans le cadre de cette politique que les Autochtones ont procédé à de nouveaux recensements, enquêtes et ont (re)pensé des actions pour leurs terres.
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[7]
Compte tenu du caractère multilingue de la région et du fait que mes interlocuteurs de recherche parlent toujours le portugais en plus de leurs langues maternelles autochtones, il n’a jamais été nécessaire que j’apprenne une ou plusieurs langues vernaculaires parlées dans le Haut Rio Negro. Traduire et parler plus d’une langue est une chose que les Autochtones de la région apprennent eux-mêmes dès leur plus jeune âge, une activité qui s’intensifie lorsqu’ils commencent à travailler au coeur des organismes autochtones qui nécessitent un dialogue avec les Alloochtones. Je prends donc ici le risque de n’avoir appris aucune langue autochtone, ce qui m’aurait certainement donné l’opportunité d’approfondir certains thèmes et réflexions. Cependant, j’ai bénéficié de cette incroyable capacité de traduction de mes interlocuteurs.
-
[8]
Il existe des travaux réalisés à partir du matériel ethnographique du Haut rio Negro qui dialoguèrent avec différents aspects de l’oeuvre de Lévi-Strauss. Il s’agit en particulier des travaux d’Hugh-Jones (1993 et 1995), sur la notion de maison ; et Andrello (2005), qui a documenté les figures qui apparaissent dans un mythe, celui de tukano, collecté par lui-même, en suivant un diagramme proposé par Lévi-Strauss pour un mythe tupinanmbá.
-
[9]
Dans un autre texte, Lévi-Strauss réfléchit sur certaines difficultés liées au travail sur les mythologies. Il souligne que « parfois, les anthropologues ont collecté des mythes qui ressemblent davantage à des fragments et des parcelles » ou « des histoires déconnectées, qui se succèdent sans aucun type de relation évidente entre elles » (1989, 55).
-
[10]
À ce propos, voir Andrello (2013 et 2016), Leirner (2018), Cayón (2020) et Pedroso (2013).
-
[11]
Comme l’a fait Andrello (2005). D’autres entrées possibles dans le débat sur la hiérarchie dans la région passent par la parenté, comme l’a fait Cabalzar (2009) ; ou même en ce qui concerne la situation géographique et la manière dont elle peut générer des avantages économiques et sociaux, comme l’a fait Chernela (1996).
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[12]
L’objectif de ce texte n’est pas de s’étendre sur la discussion concernant la Collection Narradores Indígenas do Rio Negro. Mais, on peut trouver des considérations fort intéressantes sur ces livres chez Hugh-Jones (2010 ; 2012) et Andrello (2010 ; 2012).
-
[13]
Le Haut Rio Negro a une concentration élevée de territoires et de peuples autochtones. On y trouve sept Terras Indígenas (TI, Terres autochtones), qui, ensemble, ont une population totale de 32 266 personnes. Les TI de la région sont : Haut Rio Negro, Moyen Rio Negro 1, Moyen Rio Negro 2, Balaio, Cué-Cué/Marabitanas, Rio Apapóris et Rio Téa. L’étendue de toutes les TI du Rio Negro additionnées est de plus de 11,5 millions d’hectares. De ces territoires, un seul n’a pas été homologué par le gouvernement fédéral, la TI Cué-Cué/Marabitanas, qui, à l’heure actuelle, a juste été déclarée. Les TI homologuées du Haut Rio Negro s’étendent sur une partie des municipalités de São Gabriel da Cachoeira, Santa Isabel do Rio Negro, Barcelos et Japurá, dans le nord de l’État d’Amazonas. La plus grande partie de ces TI a été décrétée à la fin des années 1990, à l’exception de la Balaio. Les histoires des revendications territoriales dans le Haut Rio Negro datent au moins des années 1970. Pour avoir une notion, la première proposition officielle de démarcation a été faite par l’anthropologue de la Fundação Nacional dos Povos Indígenas (Fondation nationale des Peuples autochtones) Peter Silverwood-Cope, en 1975 et faisait référence à la création d’un Território Federal Indígena do Alto Rio Negro (Territoire fédéral autochtone du Haut Rio Negro). Quand cette proposition fut refusée, en 1979, la FUNAI déclara l’« occupation autochtone » de trois zones contigües : Pari-Cachoeira, Iauaretê et Içana-Aiari. Toutefois, cette déclaration d’« occupation » ne signifiait pas « démarcation » et les revendications continuèrent, particulièrement par rapport à l’augmentation de la présence militaire dans la région durant les années 1980. Une fois surmontées diverses propositions (Colônias Indígenas et Florestas Nacionais [Colonies autochtones et forêts nationales], par exemple), minées pas des désaccords les plus divers – entre les Autochtones et les agences d’état, et entre des leaders autochtones –, la déclaration de cinq terres autochtones contigües dans la région du Haut et Moyen Rio Negro (Moyen Rio Negro I, Moyen Rio Negro II, Rio Téa, Rio Apapóris et Haut Rio Negro) fut faite en décembre 1995. Leur homologation fut réalisée le 14 avril 1998, lors d’une cérémonie réalisée dans la maloca de la Federação das Organizações Indígenas do Rio Negro (Fédération des organisations autochtones du Rio Negro). Pour en savoir plus sur ces procédures et sur d’autres en rapport avec les territoires du Rio Negro, voir Ricardo et Cabalzar (2006) et Buchillet (1991).
-
[14]
Intitulée « Transformações políticas e indígenas : Movimento e prefeitura no Alto Rio Negro » [« Transformations politiques et autochtones : Mouvement et mairie dans le Haut Rio Negro »], (Iubel, 2015). Il s’agit d’une ethnographie des politiques menées par les Autochtones du Haut Rio Negro dans deux zones principales : le mouvement autochtone et la municipalité gouvernementale de São Gabriel da Cachoeira, État d’Amazonas, Brésil.
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[15]
Il y a actuellement un nombre considérable de chercheurs impliqués dans le Laboratoire d’Anthropologie de la Terra, coordonné par la professeure Marcela Coelho de Souza, située à l’Université de Brasília, qui s’est orientée vers différents contextes ethnographiques à propos des conceptions des terres de collectivités autochtones et d’autres populations traditionnelles.
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[16]
Les bulletins « Governança e Bem Viver Indígena: Planos de Gestão Territorial e Ambiental das Terras Indígenas do Alto e Médio Rio Negro », sont publiées par la FOIRN, la FUNAI et l’Instituto Socioambiental (Institut socio-environnemental) depuis 2016, ayant comme objectif principal de diffuser les actions de la PNGATI dans la région du Rio Negro.
-
[17]
Conférence tenue dans la communauté de Tunuí Cachoeira, dans la terre autochtone du Haut Rio Negro, les 21 et 24 septembre 2016, dans la municipalité de São Gabriel da Cachoeira, État d’Amazonas, Brésil. Informations disponibles sur : https://terrasindigenas.org.br/es/noticia/171674#:~:text=escola%20ind%C3%ADgena%20fosse%20feita%20na%20realidade%20de,porque%20al%C3%A9m%20de%20reunir%20diversas%20personalidades%20de (consulté le 2 décembre 2024).
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