L’idée de cet ouvrage collectif, sous la direction de Doris Bonnet, anthropologue, Fabrice Cahen, historien et Virginie Rozée, sociologue, est née lors d’une journée d’étude portant sur la reproduction assistée et les imaginaires sociaux. Il comporte 12 chapitres rédigés par 15 auteurs issus de différentes disciplines qui amènent autant de perspectives variées, mais complémentaires. Le propos est d’analyser comment les imaginaires se tissent et se détissent, se propagent, mutent autour de la procréation médicalement assistée (PMA) et à quel point la fiction a joué un rôle crucial dans la construction des représentations de tous, incluant les scientifiques. L’introduction présente une bonne mise en contexte avec un rappel des questionnements éthiques que la PMA peut susciter. Elle nous resitue dans l’histoire avec l’essor de la fécondation artificielle, à la fin du XVIIIe siècle, qui suscite alors un mélange de fascination et d’inquiétude. La métaphore de la pente glissante a été utilisée avec récurrence, en évoquant la déshumanisation, une fin programmée, qui semble aller de pair avec un changement civilisationnel. Le premier chapitre fait d’abord un survol sur l’histoire de la PMA en montrant la croissance de l’intervention médicale dans la reproduction. Il montre comment on en est venu à pouvoir se reproduire sans sexualité avec l’insémination artificielle, à externaliser la fécondation avec la FIV (fécondation in vitro) pour aller jusqu’à la création des banques de sperme, donc à pouvoir conserver les cellules reproductrices hors du corps et plus encore avec la congélation des embryons et la conservation des ovocytes. La médecine s’est peu à peu approprié les découvertes technoscientifiques et y a contribué, transformant ainsi l’expérience humaine ordinaire de la procréation en problème biomédical. Les cinq chapitres suivants sont consacrés à illustrer comment les imaginaires autour de la reproduction ont été alimentés en amont ou en parallèle des découvertes scientifiques. Il est fascinant de découvrir comment certains auteurs ont été visionnaires de ces technologies avant même que la science ait mis au point ces découvertes. Ce qui retient d’abord notre attention, c’est le rôle crucial joué par les ouvrages de science-fiction dont un des plus cités est Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley (1932). Cet auteur présente comment l’État mondial orchestre à ses propres fins le contrôle de la fécondité et la stérilisation, ce qui va de pair avec les incertitudes et le bouleversement des repères moraux qu’elles suscitent de même que les rapports de pouvoirs entre les individus et les systèmes de gouvernance ainsi que leur contrôle. Les oeuvres de science-fiction font aussi apparaître l’enfant du futur, qui ne nait plus d’un corps de femme, apparaissant souvent avec des pouvoirs maléfiques, et qui transformerait l’espèce humaine actuelle, ce qui alimente et crée une nouvelle mythologie occidentale contemporaine, comme le décrit la psychiatre et ethnologue Marika Moisseeff. Se basant sur la prémisse de l’ADN qui est appréhendé comme immortel et à l’origine de la vie, celle-ci pose également la question : Est-ce que « Les médecins qui prennent part à la reproduction assistée ne seraient-ils pas les officiants du culte rendu à cette transcendance ? » (p. 60). La fiction littéraire a également abordé le clonage et exemplifié des situations qui posent de réels problèmes éthiques, tels que la destruction des embryons pour produire des cellules souches à des fins thérapeutiques. En fait, cet ouvrage montre comment le filtre de la fiction et de l’irréel a permis d’aborder les préoccupations liées à la morale sexuelle et la puissance croissante de la science (p. 74). La production littéraire s’est abreuvée aux écrits des milieux de la recherche scientifique pour établir ses projections alors que les commentateurs se sont abondamment servis de …
Parties annexes
Bibliographie
- Des Cars, Guy, 1973. Le Donneur. Paris, Flammarion.
- Huxley, Aldous, 1932. Le meilleur des mondes. Londres, Chatto et Windus.