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Book ReviewsComptes rendus de livres

Clémence JULLIEN. Du bidonville à l’hôpital. Anthropologie de la santé de la reproduction au Rajasthan (Inde), Paris : Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2019, 400 p.[Notice]

  • Pascale Hancart Petitet

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  • Pascale Hancart Petitet
    Institut de Recherche pour le Développement

Ce livre de Clémence Jullien, issue de sa thèse doctorale soutenue à l’Université de Nanterre en 2016, propose de documenter la généalogie et les effets de la biomédicalisation de l’accouchement dans un contexte de vulnérabilité sociale et économique dans l’état indien du Rajasthan. L’ouvrage est organisé autour de sept chapitres qui suivent un mouvement spatial du bidonville à l’hôpital et un déplacement chronologique, de la grossesse à la stérilisation en passant par l’accouchement. À partir de son terrain ethnographique mené auprès de femmes musulmanes défavorisées dans les bidonvilles du Rajasthan et dans des hôpitaux publics du nord de l’Inde, elle explore comment les structures politiques et économiques pèsent sur les individus à des échelles distinctes. Son argument est de montrer que le système de santé maternelle peut être utilisé comme un prisme pour scruter la construction des relations de classe sociale et de genre ainsi que les tensions qui en résultent au sein de la famille, dans le village, dans la province, et au coeur du système de soins. L’auteure invite ainsi à ne pas focaliser l’examen sur le moment même de l’accouchement, mais à insérer cet événement dans toute la sphère de la naissance, telle que définie par Brigitte Jordan (1993[1978]), pionnière de l’anthropologie de la naissance. En s’appuyant sur une ethnographie menée sur trois bidonvilles de la périphérie de la ville où elle a vécu pendant 11 mois et dans un hôpital public, Clémence Jullien s’interroge sur les raisons pour lesquelles leurs habitants sont peu concernés par les politiques et initiatives en cours menées dans le domaine de la santé. Elle s’intéresse aux activités mises en oeuvre par une ONG dont l’objectif principal est d’encourager les femmes à recourir aux services de santé et de garantir leur accès aux structures de soins. À partir des relations construites avec les membres de cette ONG et avec la population, l’auteure se demande comment les populations bénéficiaires perçoivent les hôpitaux publics et, plus largement, les services publics. Avec l’introduction de la gratuité des soins, l’hôpital attire de nombreuses patientes. Pour autant, les règles et les procédures en place ne sont pas toujours clairement expliquées aux usagers et l’heure de la naissance et l’espace de la salle d’accouchement cristallisent les tensions entre soignants et patientes. Au demeurant, en dépit d’une résignation et d’une soumission apparentes, les patientes et leurs familles parviennent à trouver des espaces alternatifs afin de manoeuvrer et d’établir des formes de résistance interstitielle dans les limites et les régulations imposées par le système biomédical. Ainsi, les relations interpersonnelles conflictuelles affectent les choix de lieu de naissance des femmes. Ces relations conditionnent les craintes évoquées d’accoucher dans un hôpital, qui conduisent souvent à son évitement et au choix d’un accouchement à domicile. L’analyse conduite par l’auteure nous permet de comprendre pourquoi certaines femmes acceptent d’aller à l’hôpital pour bénéficier de certains examens médicaux tout en refusant d’y accoucher. Souligner le manque de pouvoir de décision des jeunes épouses indiennes et l’autorité de leurs belles-mères n’est pas nouveau. Il est vrai que pour accoucher à l’hôpital, les jeunes femmes et leurs familles doivent être favorables à l’accouchement institutionnel. Le choix d’un accouchement à l’hôpital dépend également des expériences d’accouchement racontées par des femmes à d’autres femmes et que l’auteure a pu analyser à partir du recueil de leurs discours et grâce à ses observations en milieu de soins. L’ethnographie en salle de naissance montre ainsi comment les médecins, non-musulmans pour la plupart, adoptent une position d’autorité en négligeant ou en se moquant de la douleur des femmes, en feignant le désinvestissement, ou en jouant sur l’annonce du sexe de l’enfant. Ce …

Parties annexes