Extraire plus pour sauvegarder la planète ? Justifications d’un projet minier de la transition énergétique

Résumé

Des projets d’extraction de minéraux critiques et stratégiques fleurissent à travers le monde pour soutenir la demande croissante de minerais présentés comme nécessaires à la transition énergétique et à l’atténuation des changements climatiques. Ces projets suscitent des controverses et rallient ou opposent des acteurs autour de valeurs différentes. Cet article alimente les réflexions sur le caractère contradictoire des stratégies de lutte contre les changements climatiques qui reposent sur l’intensification de l’extraction de ressources minérales. Plus précisément, il étudie les justifications utilisées par les acteurs de l’industrie, des pouvoirs publics et des collectivités locales dans le but d’influencer la légitimité d’un projet minier de la transition. Sur base d’une analyse de contenu d’articles de presse relatifs à un projet controversé de mine de lithium au Québec, l’article mobilise les économies de la grandeur de Boltanski et Thévenot (1991) pour rendre compte des grammaires de justification des acteurs. Les résultats indiquent que la controverse se cristallise autour de deux aspects du monde civique. La transition énergétique n’est quant à elle pas débattue dans les discours publics relatifs au projet étudié. La vision technocentriste et interventionniste de la transition, comme le définit Audet (2016), se trouve verrouillée dans l’opérationnalisation de la transition telle que définie par les pouvoirs publics, sans laisser émerger d’alternatives dans les débats autour de ce projet minier de la transition. L’article contribue aux réflexions sur la nécessité d’ouvrir des espaces de dialogue autour de ce type de projets extractifs permettant de définir collectivement les trajectoires possibles de la transition.

Mots-clés :

• transition,
• justification,
• controverse,
• industrie minière,
• lithium,
• mondes communs,
• économies de la grandeur,
• extractivisme,
• monde civique

Abstract

New critical and strategic mineral extraction projects are emerging around the world to support the growing demand for minerals that are presented as necessary for the transition to 'green' energy and for the climate change mitigation. These projects are controversial and bring together or oppose stakeholders around different values. This paper contributes to the debate on the contradictory nature of climate change strategies that rely on the intensification of mineral resource extraction. More specifically, it examines the justifications used by industry, government and civil society actors to influence the legitimacy of a transition mining project. Based on a content analysis of press articles related to a controversial lithium mine project in Quebec, the article mobilizes Boltanski and Thévenot's (1991) theory of the economies of worth to account for the grammars of justification used by the various stakeholders. The results indicate that the controversy crystallizes around two aspects of the civic world. The energy transition is not discussed in the public discourse on the project studied. The techno-centric and interventionist vision of the transition, as Audet defines it (2016), is locked into the operationalization of the transition as defined by the public authorities, without allowing other alternatives to emerge in the debates around a mining project of the transition. The article contributes to the discussions on the need to open spaces for dialogue around these projects to collectively define the possible trajectories of the transition.

Keywords:

• transition,
• justification,
• controversy,
• mining industries,
• lithium,
• common worlds,
• economies of worth,
• extractivism,
• civic world