Abstracts
Résumé
La politique de l’eau du Québec s’est mise en place au début des années 2000 au terme d’un long processus initialement centré sur un débat juridique relatif au statut de l’eau. Elle se veut participative et décentralisée. À l’échelle provinciale, l’État défini les objectifs à atteindre et dicte la méthode à suivre. À l’échelle locale, des organisations de bassin versant sont chargées de concevoir la planification hydrologique et de favoriser sa mise en oeuvre en concertation avec les usagers. En quoi toutefois la gestion est-elle intégrée si les municipalités restent seules compétentes en matière d’aménagement et d’occupation des sols ? En outre, la gouvernance locale de l’eau n’a pas de véritable légitimité aux yeux des élus. Dans la perspective de la mise en oeuvre des plans directeurs de l’eau et de la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection, cet article opère un retour sur les ressorts de la politique de l’eau et présente plusieurs pistes issues des enquêtes conduites dans le cadre du projet de recherche IDEAUX. Il insiste notamment sur l’intérêt d’une redevance relative à l’imperméabilisation des sols, laquelle aurait pour avantage de lier la question de l’occupation du territoire à celle de l’eau. Une telle redevance conforterait le caractère opérationnel du concept encore flou de gestion intégrée de l’eau par bassin versant. En s’appuyant sur le cas de la rivière Saint-Charles, l’article montre également que les municipalités peuvent obtenir des résultats probants dans le secteur de l’eau en inscrivant leur action dans le cadre d’un projet urbain.
Mots-clés :
- Politique,
- eau,
- aménagement,
- planification,
- gouvernance,
- redevance,
- contrat,
- bassin versant,
- Québec
Abstract
The Quebec National Water Policy was designed at the beginning of the XXIst century, after a long development process initially triggered by a legal debate over the status of water. The policy aims at fostering a decentralized participation. At the provincial level, the State defines rules and objectives ; at the local level, basin-wide organizations are in charge of defining hydraulic planning and the implementation of improvement plans. However, to what extent is the process open and participative if municipalities remain the only actor responsible for territorial planning ? Besides, local water governance does not have yet any legitimacy with the local elected representatives. In the frame of the recent Act to affirm the collective nature of water resources and provide for increased water resource protection, this article analyzes the forces behind water policy in Quebec and suggests several solutions inferred from infield surveys. The article puts forth the usefulness of a soil waterproofing fee as well as the efficiency of a municipal-based water policy, which could prove an avenue given the administrative complexity of the basin-based approach.
Keywords:
- Water,
- policy,
- territorial planning,
- governance,
- contract,
- watershed,
- Québec
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Appendices
Remerciements
Les auteurs remercient les partenaires du programme « Eaux & Territoires » et la firme SOGREAH, mandataire de l’équipe « IDEAUX ». La recherche a également obtenu un financement supplémentaire au titre du programme Samuel de Champlain, grâce à l’implication des personnels du CNRS (« ArtDev »), de l’Université Laval et du Comité de bassin versant de la rivière Gatineau (COMGA).
Notes biographiques
Alexandre Brun est géographe, membre de l’unité « ArtDev » (CNRS-Université Montpellier III), chercheur associé au GDR 2524 du CNRS « Res-Eau-Ville » et chercheur invité au centre de recherche en aménagement et développement à l’Université Laval au Québec.
Frédéric Lasserre est professeur de géographie à l’Université Laval, directeur de l’Observatoire de recherches internationales sur l’eau à l’Institut Hydro-Québec en environnement, société et développement et chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques (UQAM).
Notes
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[1]
Ministère du Développement durable, de l’environnement et des parcs, Plan d’intervention sur les algues bleu-vert, Gouvernement du Québec septembre 2007.
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[2]
Cf. Le Parti québécois présente un projet de loi pour faire de l’eau le « patrimoine commun de la nation québécoise », communiqué de presse, 12 mars 2009.
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[3]
Le projet IDEAUX (Pour une Intégration des politiques de Développement, de l’Eau, d’Aménagement et d’Urbanisme en faveur des milieuX aquatiques) est coordonné par Sogreah. Il a pour objet l’étude des liens entre les politiques dites de « territoires » et les politiques de l’eau en France et au Québec. Il est issu du programme Eau & Territoires. Ce dernier est porté conjointement par le ministère français chargé de l’Écologie, le CNRS, le Cemagref et le ministère des Ressources Naturelles et de la Faune du Québec.
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[4]
Au cours de cette période, la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (1979) actuellement en révision et la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (1978) ont joué un rôle indirecte sur la gestion de la ressource en eau en favorisant la planification à l’échelle locale.
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[5]
Quatre cas de figure se sont présentés dans le cadre de cette réorganisation. La plupart des organismes ont observé des modifications mineures (Baie Missisquoi, Batiscan, Bayonne, Châteauguay, Chaudière, Du Lièvre, Du Loup, Du Nord, Etchemin, Jacques-Cartier, L’Assomption, Maskinongé, Nicolet, Richelieu, Saint-Charles, Sainte-Anne, Saint-François, Saint-Maurice, Yamaska). Certains organismes ont vu leur territoire de compétence croître de plus de 1000 km² (Des Escoumins, Gatineau, Matapédia – Restigouche, Montmorency – Malbaie, Rimouski, Abitibi Bourlamaque, Aux Anglais, Bécancour, Bonaventure, Boyer – du Sud). D’autres sont regroupées et observent un net accroissement de leur territoire de compétence (Fouquette-Kamouraska, Du Moulin-À Mars). Enfin, de nouvelles zones sont créées (Mille-Iles, Saint-Jean, Témiscamingue, Vaudreuil-Soulanges, Du Chêne, Rouge, Lac Saint-Jean, Côte-Nord – Partie Est, Gaspésie – Partie Nord).
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[6]
200 000 dollars ont été attribués au Regroupement des organisations de bassins afin qu’il embauche deux professionnels ayant pour mandat d’accompagner les 24 organisations qui doivent déposer leur PDE d’ici avril 2011. Le gouvernement devrait consacrer aussi près de 15 millions de dollars pour la mise en place du Bureau des connaissances sur l'eau dont le mandat est défini dans le projet de loi toujours en discussion. Ce bureau permettrait notamment de coordonner la cueillette des données sur les ressources en eau souterraine, les écosystèmes aquatiques et leurs usages à l'échelle des bassins hydrographiques pour en faciliter l'utilisation et la diffusion auprès des gestionnaires et des citoyens.
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[7]
Le MDDEP comptait 10 PDE, dont sept avaient été approuvés et trois étaient en cours d'approbation en juin 2009. Dix-huit organismes de bassins lui avaient remis la partie comportant le diagnostic et les enjeux, et le MDDEP leur avait transmis les commentaires du collège d’experts. De plus, environ 130 contrats de bassin avaient été signés par divers acteurs de l'eau dans des domaines très variés, allant de l’entretien et de la restauration des berges et du lit d’un cours d’eau à l’assainissement et à la réduction des pollutions d’origine agricole, en passant par la sensibilisation et l’éducation de la population.
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[8]
C’est, dans une acception plus technocratique, « un processus qui encourage la mise en valeur et la gestion coordonnée de l’eau, des terres et des ressources associées en vue de maximiser le bien-être économique et social qui en résulte, d’une manière équitable, sans compromettre la durabilité d’écosystèmes vitaux » (Partenariat Mondial de l’Eau, 2000). Dans les faits, il s’agit d’un concept polysémique qui, d’un pays à l’autre, recouvre des réalités différentes (Gangbazo, 2006).
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[9]
Le secteur de l’industrie minière a été soumis à de pareilles redevances en 2007 et 2008.
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[10]
CIC est la société de conservation du Canada. Cet organisme privé sans but lucratif ne prend pas une telle responsabilité à la légère. CIC a plus de 65 ans d’expérience en matière de conservation des milieux humides canadiens (source : http://www.ducks.ca/fr/apropos/index.html).
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[11]
Reste que cette opération, si elle marque un tournant en matière d’aménagement urbain au Québec, ne doit pas masquer le problème de l’étalement urbain qui caractérise les villes québécoises à quelques exceptions près. Les conséquences de cet étalement dans le bassin versant de la Saint-Charles sont multiples (érosion, vulnérabilité accrue des zones de captage d’eau potable…).
Bibliographie
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