Le titre est ambigu : il « peut, en effet, s’interpréter différemment selon que l’on est pour ou contre la féminisation ». L’auteure est pour, évidemment, voulant « en finir avec toutes les faussetés qui circulent autour de cette notion : faussetés de croire que la féminisation est un phénomène nouveau des vingt dernières années, qu’elle est née du cerveau enflammé des féministes québécoises, qu’elle ne se manifeste qu’au Québec et qu’elle ne vaut que pour la langue française » (p. 13). Habile plaidoyer en faveur de la féminisation, l’ouvrage n’a qu’« un seul but : contrer le sexisme dans la langue » (p. 16). Il s’impose par sa logique et son bon sens, autant que par son « style incisif et mordant, teinté parfois d’humour et de sarcasme » – la quatrième de couverture ne ment pas. Le propos de l’étude est d’examiner « la raison d’être de la féminisation linguistique ainsi que des phénomènes qui font obstacle soit à la visibilité des femmes (masculinisation de la langue), soit à l’égalité entre les femmes et les hommes (marginalisation du féminin), et ce, en décrivant les formes d’opposition à la féminisation, formes marquées, bien souvent, du sceau de l’ignorance, de la bêtise et de la mauvaise foi. Le comment de la question est traité dans un livre numérique aux Éditions www.00h00.com (Comment en finir avec la féminisation linguistique ou Les mots pour la dire) » (p. 17). Ce dernier ouvrage, disponible depuis peu, ne fait pas partie du présent compte rendu. Les attaques contre la féminisation sont ici remarquablement synthétisées ─ en huit points (pp. 89-118) qui méritent d’être énumérés : Ces trente pages constituent une synthèse quasi exhaustive des coups bas couramment portés à la féminisation en français. L’argumentation de l’auteure est serrée, ses explications, convaincantes : La première préoccupation de l’auteure étant « de rendre le propos accessible à toute personne qui s’intéresse à cette question », force m’est de signaler une faiblesse de l’ouvrage : il n’est pas exempt d’un certain flou terminologique. Flou qui, fort malencontreusement, affecte la notion même de genre, située en plein coeur du débat. Considérons le titre du troisième chapitre : « Le masculin : un genre neutre ». Le jeu de mots qu’il renferme repose sur la collision de plusieurs sens. Au fil de l’ouvrage, le substantif genre voit son sens osciller du domaine de la grammaire à celui des sciences naturelles. On lit, page 59 : « en anglais (américain à tout le moins), on a aboli les titres ayant une marque de genre au profit d’un genre indifférencié ou commun (common gender) pour les titres professionnels : ex. Airplane-flight attendant au lieu de air steward et air stewardess ». Ici, genre, comme l’anglais gender, signifie « sexe » ; il en va de même plus bas, à la page 102, où l’auteure fait mention « des titres professionnels indifférenciés pour les deux genres ». Et, à la page 107, où elle écrit : « On pourrait, toutefois, dégenriser certaines expressions, comme réduire “une chasse à l’homme” à “une chasse” (tout court). », le néologisme dégenriser veut dire faire disparaître tout substantif désignant le « genre humain » (comme on dit toujours dans les sciences naturelles). Alors, genre grammatical, sexe ou humanité ? Les lecteurs ont besoin de savoir, à chaque moment de leur lecture, à quelle notion ils ont affaire. Le genre grammatical, qui est un phénomène morphologique portant excusivement sur les noms et leurs déterminants (on ne le rencontre pas dans toutes les langues), ne correspond pas à un …
Louise-L. Larivière. Pourquoi en finir avec la féminisation linguistique ou À la recherche des mots perdus. Montréal, Éditions du Boréal, 2000, 149 p.[Record]
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Claude Tatilon
Collège Glendon, Université York