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Débat : Où va la psychiatrie ?

Où va la psychiatrie ?[Record]

  • Viviane Kovess-Masfety

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  • Viviane Kovess-Masfety
    Psychiatre, Directrice Fondation MGEN pour la Santé Publique, Paris, France.

C’est en tant que psychiatre, épidémiologiste, particulièrement impliquée dans la planification et ayant récemment été chargée de rédiger un plan d’actions pour la psychiatrie et la promotion de la santé mentale en France, que je suppose qu’il m’a été demandé par la revue Santé mentale au Québec de réagir au très beau texte de Willy Apollon, Danielle Bergeron et Lucie Cantin sur les enjeux de la psychiatrie et son avenir. Peut-être aussi parce que j’ai organisé en France une conférence de consensus sur la prise en charge au long cours des patients souffrant de schizophrénie. S’agissant de mes réactions à ce texte, je dirai que je me sens en accord sur beaucoup des interrogations soulevées mais que d’autres éléments me posent question. Comme les auteurs, je pense que la psychiatrie est à la croisée des chemins et qu’elle doit défendre sa place en tant que discipline clinique et surtout prise en compte du sujet. En fait cette remarque concerne la médecine dans son ensemble et bien des choses qui sont dites ici pour la psychiatrie s’appliquent à toutes les disciplines médicales. Chaque être vit sa maladie d’une façon unique et spécifique et, même si des traitements efficaces sont proposés, cette maladie s’inscrit dans une histoire personnelle et le sujet doit pouvoir se l’approprier ; c’est la posture éthique de ce texte dans laquelle je m’inscris pleinement. Les médecins et toutes les personnes qui sont impliquées dans la gestion des malades doivent avoir cette conscience et les éléments de formation qui leur permettent de respecter le sujet et de l’aider à s’approprier sa souffrance. Cette position n’empêche aucunement de faire bénéficier les patients des meilleurs soins disponibles à un moment donné des connaissances, et cela implique de mettre en place des évaluations les plus rigoureuses et honnêtes possibles et il importe que les dés ne soient pas pipés en fonction d’objectifs commerciaux. Cependant même si je partage les réserves sur le fait que, quand des intérêts commerciaux sont en jeu, les états doivent pouvoir garantir à leurs ressortissants des évaluations neutres, je persiste à penser que les évaluations des traitements, quels qu’ils soient, sont essentielles tout en étant consciente de la difficulté d’évaluer en toute rigueur des prises en charge telles que celles faites au centre 388. Cela m’amène à la question posée sur « evidence based medicine » qui s’applique à la psychiatrie comme à toutes les autres disciplines médicales. Le problème est de mon point de vue de deux ordres : d’une part les difficultés d’évaluer certaines thérapeutiques en particulier les thérapies analytiques mais difficultés ne veut pas dire impossibilité ; la psychanalyse a ses spécificités et il importe de les reconnaître et de ne pas lui appliquer une méthode qui ne convient ni à ses buts ni à son mode de fonctionnement ; il n’empêche qu’il est possible de trouver des critères, des analyses de processus et une temporalité sur laquelle cette évaluation peut prendre son sens ; d’autre part et quelque soient les évidences d’efficacité d’un traitement, la question du sujet qui reste entière et celle de la nécessité de l’accompagner dans son vécu personnel de la maladie et tout spécialement de la maladie mentale. Cette question ne peut être réglée par le traitement des symptômes car même s’il fait disparaître les dits symptômes, ces symptômes ont existé et le sujet doit pouvoir les intégrer dans sa trajectoire spécifique. Il faut de plus ajouter que la plupart des thérapeutiques potentielles, génétiques et chimiques, n’auront au mieux des résultats applicables en routine que dans des dizaines d’années, si cela même arrive et qu’il reste encore un long chemin …

Appendices