L’ouvrage Genre et discriminations paru en 2017 aux Éditions iXe et coordonné par Mireille Eberhard, Jacqueline Laufer, Dominique Meurs, Frédérique Pigeyre et Patrick Simon a pour ambition intellectuelle la nécessaire articulation politique et théorique des deux notions du titre. L’équipe de coordination fait le constat initial suivant : le « genre » et les « discriminations » appartiennent à des champs distincts. Elle argue en faveur de leur meilleure articulation dans le contexte des luttes pour l’inclusion, la justice, l’égalité et les mêmes droits pour toutes et tous. Dans l’introduction générale (p. 11-28), les bases théoriques des notions devant être mobilisées par l’ensemble des textes sont posées. D’abord, le genre est appréhendé comme une catégorie d’analyse (référence directe à Joan W. Scott (1988)) qui structure, selon un principe de naturalisation, les rapports sociaux antagoniques entre les femmes et les hommes. Ensuite, les discriminations sont définies comme « des inégalités de traitement illégitimes qui frappent certaines catégories de personnes dans différents domaines de la vie sociale » (p. 14). Il est noté que le genre est majoritairement employé pour problématiser les inégalités qui demeurent entre les femmes et les hommes, tandis que les discriminations sont plutôt relevées dans le cas d’enjeux particuliers comme les questions d’appartenance raciale, ethnique ou religieuse (distinctes de la majorité invisible) ou bien dans des contextes précis quant au droit à l’égalité reconnu en ce qui concerne le genre ou l’orientation sexuelle, par exemple. En fait, ces deux notions évoquent des mécanismes sociaux qui ne sont pas mutuellement étrangers, et en comprendre leur recouvrement s’avère indispensable, notamment dans une perspective intersectionnelle. Plus encore, la prise en considération dans une logique de droits dans le contexte de politiques publiques reste un défi de taille pour toutes les sociétés démocratiques aux volontés égalitaristes. Par cet ouvrage, l’équipe de coordination aspire à une contribution nouvelle en informant le lectorat, par les différents textes retenus, de la pertinence « de détecter les discriminations sous les inégalités de genre, d’appliquer une grille genrée aux discriminations ou d[’en] développer une analyse intersectionnelle » (p. 20). À partir d’un point de vue des études féministes nord-américaines, ce travail intellectuel n’apparaît pas si original, d’autant que l’approche intersectionnelle est assez admise de nos jours et qu’il ne reste plus à convaincre que les systèmes de domination (hétéro)sexiste, capitaliste, raciste, colonialiste et capacitiste (pour ne nommer que ceux-là) oeuvrent conjointement pour assurer les hiérarchies sociales de tous types. Or, le réflexe actuel n’est pas de faire sur le plan intellectuel et politique les mêmes choses avec les notions de « genre » et de « discriminations », et c’est peut-être là, par la démonstration de l’apport mutuel de ces deux notions à une meilleure compréhension des réalités sociales, ce que l’ouvrage réussit le mieux. Les textes rassemblés sont plutôt hétéroclites, que ce soit sur le plan des disciplines d’appartenance (histoire, économie, droit, éducation, sociologie, philosophie, science politique) ou des approches préconisées (démarches d’analyse, comparative, quantitative, qualitative), même s’ils tentent tous, à partir d’objets distincts, de faire jouer ensemble les notions de « genre » et de « discriminations ». La diversité des thèmes étudiés par les textes peut être attribuable à la tenue du colloque intitulé « Genre, inégalités, discriminations » (Paris-Ouest-Nanterre-La Défense) en 2013, colloque à partir duquel l’ouvrage a été élaboré. L’équipe de coordination a choisi de présenter les onze textes en trois sections autour de thèmes précis. La première section, « Déconstruire le genre et rendre visibles les discriminations », rassemble quatre textes où l’on expose la façon dont le genre s’accompagne de représentations stéréotypées du féminin et du masculin. La volonté est …
Appendices
Références
- SCOTT, Joan W. 1988 « Genre : Une catégorie utile d’analyse historique », Les Cahiers du GRIF, 37, 1 : 125-153.