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Présentation

Les pédagogies féministes et les pédagogies des féminismes : une mise en perspective[Record]

  • Geneviève Pagé,
  • Claudie Solar and
  • Eve-Marie Lampron

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En 1992, la Revue canadienne de l’éducation publie un numéro spécial sur la pédagogie féministe, dirigé par Linda Briskin et Rebecca Priegert Coulter, dans lequel paraît notamment l’un des premiers textes en français sur le sujet (« Dentelle de pédagogies féministes ») de Claudie Solar (1992a). En 1994, bell hooks, comme tant d’autres, poursuit sa démarche sur la pédagogie féministe avec un arrimage à la Pédagogie des opprimés (1974) de Paulo Freire (1921-1997) dans Teaching to Transgress : Education as the Practice of Freedom, rappelant aux féministes qui en forment d’autres la complexité de la déconstruction et de la non-reproduction des rapports de pouvoir dans les salles de classe. Indépendamment des espaces de formation, les contenus comme les manières d’enseigner sont susceptibles tant de transformer que de perpétuer les rapports sociaux de genre, de classe ou de race, pour ne nommer que ceux-là. Que ce soit dans les cours d’études féministes (ou de genre) dans les universités, dans le mouvement des femmes, en éducation populaire, en éducation des adultes, dans la formation des maîtres (sic!), bref en formation initiale ou continue, l’intégration d’une perspective féministe influe tant sur les problématiques abordées que sur les stratégies d’enseignement ou d’intervention (Corbeil et Marchand 2010; Solar 2017). Près de 25 ans après ces publications pionnières, nous souhaitons réfléchir aux théories, aux pratiques actuelles et aux nouveaux défis posés par l’intégration de pédagogies ancrées dans la déconstruction des rapports sociaux de genre, et ce, dans tous les ordres et cadres d’enseignement, de formation et d’intervention; car l’enseignement se réfère fréquemment aux activités éducatives au sein d’établissements ‒ de la maternelle à l’université ‒, tandis que la formation rime le plus souvent avec l’éducation des adultes et l’intervention, avec le milieu communautaire ou associatif. Malgré le foisonnement des études féministes et des groupes militants dans les réseaux francophones, il est d’abord surprenant de constater le petit nombre de publications en français sur le sujet des pédagogies féministes. En effet, à l’exception de quelques productions précoces (Solar 1992a, 1992b et 1998b; FNEEQ – CSN 1996; Collectif Laure-Gaudreault 1997; Ferrer et Leblanc-Rainville 1988; Faurest et autres 1988; Gill 1992), les écrits scientifiques francophones, surtout par comparaison avec leurs équivalents anglophones, se préoccupent peu de la philosophie et des pratiques des féministes en contexte d’enseignement ou de formation, tout au moins jusqu’au tournant des années 2000. Après cette date, on constate un renouveau dans les publications francophones, comme anglophones d’ailleurs. Retracer l’histoire d’un concept et des pratiques qu’il sous-tend n’est pas simple dans un contexte où, à l’image de la variété des textes rassemblés dans le présent numéro, le développement des pédagogies féministes s’est orchestré dans différents espaces-temps, à partir de diverses postures et préoccupations, rendant la filiation de ce champ complexe à appréhender. Par conséquent, nous hésitons à donner aux pédagogies féministes un point d’origine, une filiation claire et unique ou un héritage certain, même s’il est important de les mettre en relation avec les autres pédagogies émancipatrices, d’une part, et avec l’émergence graduelle des mouvements (proto)féministes, d’autre part. En effet, depuis fort longtemps, des militantes – parmi les plus connues, pensons à Olympe de Gouges (1748-1793) ou à Mary Wollstonecraft (1759-1797) – revendiquent l’accès à une éducation institutionnalisée de haut niveau et réellement inclusive des femmes, notamment celles des classes populaires. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que les savoirs (proto)féministes aux xviiie et xixe siècles s’apprennent surtout à l’extérieur des établissements éducatifs (où les perspectives féministes s’implanteront plus significativement au xxe siècle), d’où l’importance passée comme actuelle de l’autoformation (proto)féministe et des mouvements de femmes dans cette …

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