Abstracts
Résumé
Dans notre contribution, nous voudrions aborder les pratiques du pardonner en relation avec les pratiques institutionnelles et juridiques de l’amnistie. À ce propos, nous distinguerons le jugement éthique du jugement moral afin de lier le discours sur la subjectivité au discours sur les domaines culturels, tels le droit et la juridiction. En effet, la dimension éthique est suspendue entre l’institutionnalisation des valeurs (protocole, procédure, loi) et l’autoréglage du sujet agent (pratiques d’autoréflexion et gestion de soi-même) : dans la dimension éthique, le sens reste toujours questionnable. L’imperfectivité de la clôture sémantique (le « pourquoi » de l’action) entraîne pour toute pratique éthique la nécessité de se « justifier » et, surtout, le devoir de rendre compte de son fondement dans la durée. Tout cela met au coeur de l’éthique des pratiques la décision, c’est-à-dire une négociation de la pratique sur son propre bien-fondé, son « caractère sensé », dans une tension interprétative qui connecte la motivation à la loi. Enfin, nous pointerons du doigt le fait que, dans le régime de l’éthique, existe un fort besoin de reconnaissance réciproque, telle la reconnaissance réciproque et publique de la culpabilité et du pardon. La relation entre victime et coupable ne touche pas seulement à la relation intime entre les deux, ni seulement aux pratiques de sanctions juridiques, mais aussi aux jugements de l’opinion publique, voire de la doxa, car c’est cette dernière qui encadre la relation et construit les frontières entre le pardonnable et l’impardonnable.
Abstract
Our research approaches the practice of apologizing in relation with the institutional and juridical customs of amnesty. In this respect we will distinguish the ethical judgement from the moral one in order to link the exploration of subjectivity to an exploration of cultural domains intended as law and jurisdiction. In the ethical dimension, suspended between the institutionalisation of values (protocols, procedures, laws) and self-adjustment (practices of self-reflection and self-management), sense is always questionable. The imperfectivity of semantic fence (the «why» of our actions) in the ethical dimension implies a necessary justification of the enduring grounds of our actions. This issue puts the decision at the centre of the ethical practice: the decision concerns a negotiation on the grounds of this practice itself and its inherence in the interpretative tension joining subjective motivation to law. Finally, we will approach the issue of reciprocal recognition in the ethical regime (regulation), intended as reciprocal and public acknowledgement of guilt and apology. The relation between the victim and the culprit does not only concern the private relation between these two, or their juridical sanction, but also the judgement of the public opinion (the doxa), which is the real setter of the borders between the pardonable and the unpardonable.
Appendices
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