Depuis plus de dix ans, nos destins se croisent. Une amitié et des complicités artistiques nous lient. Des moments de doute nous rapprochent aussi : moi, à construire et à déconstruire une pensée critique ; lui, « hanté par des capitulations réitérées » pour faire oeuvre de façon indisciplinée. À tour de rôle critique, enseignant, complice ou commissaire, j’ai « frôlé » l’imaginaire en évolution de l’artiste : à Mashteuiatsh chez les Piekuakamiulnuatsh lors de la rencontre multidisciplinaire Nishk E Tshitapmuk en sol autochtone ; à l’Université du Québec à Chicoutimi dans le cadre du baccalauréat interdisciplinaire en arts (BIA) ; au centre d’art actuel le Lobe et aux ateliers d’artistes TouTTouT ; au Bic à l’occasion du Symposium art/nature ; à Grimsby en Ontario lors de l’expédition Cuesta ; à Québec au Lieu au moment de l’« installaction » Agencer la délicatesse à sa plastique et d’Insta-Plaintes ; à l’Îlot Fleurie lors d’Émergence ; à Art social, à Montréal, pour Se refaire un salut lors des Commensaux chez Skol, ou à la galerie Clark de Montréal, en duo avec son grand Carl Bouchard ; à Saint-Hyacinthe pour causer des Pratiques infiltrantes avant sa résidence à Granby comme Terrains d’entente ; à Mexico, où il dissout son esthétique dans la vie de la Cité pour Cardiff au pays de Galles, en duo « installactif » avec Carl Bouchard lors de RHWNT ; et finalement au Festival de Théâtre de Rue de Shawinigan. Voilà des lieux, des contextes, où Martin Dufrasne a « inventé » les bribes de ce parcours artistique, dont il tente « une mise à l’ordre » dans Mon régime à la galerie Séquence au début de 2005. Ces « espaces-temps », ces « situations » façonnent aussi mon regard sur l’art actuel, notamment cette interdisciplinarité comme « art d’attitudes », dont l’art relationnel à échelle humaine définit, en contrepartie des interactivités multimédias, un axe clef. On aura compris que, dans l’art in situ – installations et performances, manoeuvres et autres expériences de démesure artistique de la plasticité comme art « engageant » –, l’interhumain domine. Ensemble, formes et sens font de l’artiste un personnage qui appréhende ponctuellement le chaos de ses propres soupçons. Un atout pour l’Homme, pour l’art. On verra la suite.