Some features and content are currently unavailable today due to maintenance at our service provider. Status updates

Comptes rendus

David Piché, Épistémologie et psychologie de la foi dans la pensée scolastique (1250-1350), Paris : Vrin, 2022, 244 pages[Record]

  • Geneviève Barrette

…more information

  • Geneviève Barrette
    Université McGill

La foi religieuse est un phénomène pour le moins intrigant. Alors que la vérité des articles de foi n’apparaît pas avec clarté, on trouve, chez des personnes croyantes, une fermeté d’assentiment semblable à celle que suscitent des propositions dont la vérité est manifeste ou a été démontrée. D’où vient la détermination avec laquelle certaines personnes croyantes adhèrent aux articles de foi alors que leur intellect n’y est pas contraint par l’évidence ou la démonstration de la vérité des propositions crues ? Si l’on propose que c’est parce que ces personnes croient que Dieu a révélé les articles de foi ou que l’Église, qui les transmet, est inspirée par l’Esprit saint, on doit encore demander ce qui fait qu’une personne croit avec fermeté que Dieu les a révélés ou que l’Église est inspirée par l’Esprit saint. Si l’on répond, comme Thomas d’Aquin, que c’est à la volonté de susciter l’assentiment de l’intellect à l’endroit des articles de foi, on doit encore demander ce qui ferait que la volonté pousse l’intellect à un tel assentiment et, encore, s’il est rationnel de donner son assentiment à une proposition dont la vérité n’est pas manifeste. Si l’on refuse, en revanche, une part à la volonté dans l’acte de croire, la foi n’est plus méritoire, c’est-à-dire qu’elle n’est plus digne d’être récompensée par Dieu. Les questions relatives à l’acte de foi ont été l’objet de savantes discussions dans l’université médiévale des xiiie et xive siècles. Dans Épistémologie et psychologie de la foi dans la pensée scolastique (1250-1350), David Piché départage les dimensions psychologique, épistémique et théologique des réponses que leur apportèrent Bonaventure de Bagnoregio, Thomas d’Aquin, Richard de Mediavilla, Pierre de Jean Olivi, Jean Duns Scot, Durand de Saint-Pourçain et Robert Holcot. L’enquête porte principalement sur les articles des distinctions 23 à 25 du troisième livre de leurs Commentaires des Sentences, locus classicus des discussions sur la foi religieuse chez les scolastiques de cette période. L’approche adoptée est historique et analytique : David Piché fait ressortir les lignes de force des positions en présence, livrant une interprétation doctrinale respectueuse du cadre théorique adopté par les auteurs à l’étude tout en faisant ressortir les difficultés rencontrées par certaines propositions théoriques. Ce cadre théorique est celui du réalisme théologique, lequel se décline en trois thèses : L’ouvrage comporte quatre principaux chapitres thématiques, précédés d’un chapitre de préambules (« Praeambula fidei ») et du symbole de Nicée-Constantinople. Le cadre théorique mentionné ainsi que l’ontologie communément partagée par les auteurs à l’étude sont exposés dans les préambules. Sont précisées, dans la section sur l’ontologie, les notions d’acte de foi et de foi telles que les entendaient ces auteurs. L’acte de foi est un assentiment à un contenu propositionnel, notamment les articles du symbole de Nicée-Constantinople. La foi même est en revanche conçue comme un habitus, à savoir une disposition stable, acquise par la répétition d’actes de même type, ici les actes de foi, et facilitant la production d’actes semblables. De cette présentation thématique, puis chronologique au sein de chacune des sections thématiques, l’auteur dégage trois grands mouvements historico-philosophiques, des tendances théoriques des théologiens de la deuxième moitié du xiiie siècle en matière de foi aux innovations théoriques des théologiens de la première moitié du xive siècle. Ces trois mouvements correspondent aux conclusions auxquelles parvient l’auteur au terme des chapitres 1, 2 et 4 : Dans le troisième chapitre, intitulé « La rationalité de la foi », est posée la question de la rationalité de l’acte de foi sous l’angle, notamment, de la crédibilité de l’autorité testimoniale de l’Église. Pour cerner le premier mouvement …