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Comptes rendus

Claude Panaccio, Ockham’s Nominalism. A Philosophical Introduction, Oxford : Oxford University Press, 2023, 224 pages[Record]

  • Cyrille Michon

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  • Cyrille Michon
    Nantes Université

« Quiconque argumente utilise des mots (noms) pour parler des choses ; et pourtant les choses ne sont pas arrangées comme le sont les mots et inversement ; par conséquent qui croit que ce qui vaut pour les mots vaut pour les choses, et inversement, commet facilement des sophismes, cela arrive souvent » (Ockham, Exp. Sup. libr. Elench. I, 1, 3 — OPh III : 8, cité p. 188). Cette mise en garde à l’égard de la confusion du langage, et plus généralement des représentations et de la réalité, pourrait sans doute rallier le plus grand nombre. Un pas de plus, et nous pouvons caractériser la position qui conduit à refuser de faire correspondre à tout élément représentationnel un élément de réalité. Ou mieux, pour le dire dans les mots de Claude Panaccio, comme la position selon laquelle, pour un ensemble d’unités linguistiques données, il n’y a pas d’entités spécifiques correspondant à de telles unités linguistiques (p. 13). Cette position, c’est le nominalisme, qui refuse d’associer une chose à chaque nom, ou d’inférer l’ontologie (ce qu’il y a, les catégories de choses) à partir de la représentation sémantique (ce que l’on dit, les catégories de mots). On ne saurait donc limiter la définition du nominalisme à la thèse ontologique du particularisme (il n’y a que des entités individuelles) en opposition au réalisme des universaux, même s’il s’agit assurément d’une thèse nominaliste. Sans doute, le réalisme des universaux fait-il correspondre à tous ou certains termes universels des choses universelles, mais on est aussi nominaliste quand on refuse de faire correspondre une réalité collective à un terme collectif (peuple), une réalité relationnelle à un terme relationnel (père, paternité), une réalité mathématique à un terme mathématique (ligne ou quatre). L’étiquette « nominaliste » est plus large que le seul problème des universaux, et elle doit être relativisée, car on peut être nominaliste quant à une certaine catégorie linguistique (comme les termes universels) sans l’être quant à une autre (les termes de relation). J’espère n’avoir pas trahi la mise en place du concept de nominalisme que fait Claude Panaccio au début de son ouvrage consacré à celui qui fut qualifié de « prince des nominalistes », Guillaume d’Ockham (1285-1347). Le nominalisme ainsi défini est une position philosophique forte et revendiquée par des philosophes contemporains en métaphysique ou philosophie des sciences, notamment. L’articulation qu’en fit le philosophe et théologien franciscain au xive siècle n’en est pas seulement la source, c’est une théorie (concepts, principes, conclusions) qui peut encore nourrir les discussions, tant elle est argumentée, claire et indépendante de connaissances empiriques désuètes (physique ou biologie aristotéliciennes). À une doctrine ontologique complexe, elle allie une philosophie du langage et une philosophie de l’esprit et de la connaissance (une épistémologie) que l’on peut largement reprendre et défendre encore aujourd’hui. Tel est le défi que relève Claude Panaccio depuis une cinquantaine d’années passées à labourer les divers aspects de la pensée d’Ockham qui se rattachent à la thèse nominaliste. Un premier livre (en français) avait établi un dialogue avec plusieurs interlocuteurs contemporains (David Lewis, Jerry Fodor, Nelson Goodman) ; un second avait retracé l’histoire d’une conception importante pour le système ockhamiste : celle du langage de la pensée, en partant de Platon jusqu’aux élaborations médiévales culminant avec celle d’Ockham ; un troisième, en anglais, s’était attaché au thème plus précis des concepts en reprenant les résultats, dont certains très novateurs, acquis et exposés dans de nombreux articles. Avec ce dernier opus, Panaccio n’offre pas seulement une introduction au nominalisme d’Ockham, comme le veut le sous-titre. C’est la synthèse d’une vie académique largement consacrée à cet …

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