McGill Law Journal
Revue de droit de McGill
Volume 65, Number 1, September 2019
Table of contents (4 articles)
Articles
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Causation, Fault, and Fairness in the Criminal Law
Terry Skolnik
pp. 1–28
AbstractEN:
Over the past two decades, the Supreme Court of Canada has developed an overarching account of causation rooted in the need to prevent the conviction of the morally innocent. Despite these valuable contributions, there are certain limitations to the way causation is currently conceptualized in Canadian criminal law. This article aims to address those limitations and offer a plausible alternative account of causation and its underlying rationale. It advances three core arguments. First, it explains why judges should employ one uniform formulation of the factual causation standard: significant contributing cause. Second, it offers a new account of legal causation that distinguishes foreseeability as part of the actus reus from foreseeability inherent to mens rea. In doing so, it sets out why legal causation is primarily concerned with fairly ascribing ambits of risk to individuals. Third, it refutes the Supreme Court of Canada’s underlying justification for the causation requirement. Contrary to the Court’s invocation of the importance of moral innocence, this article demonstrates that causation principles actually tend to concede the accused’s moral fault while still providing reasons for withholding blame for a given consequence. This reveals that causation’s underlying rationale is more closely related to concerns about fair attribution rather than moral innocence. Ultimately, this article reframes causation to better answer one of the most basic questions in the criminal law: Why am I being blamed for this?
FR:
Au cours des deux dernières décennies, la Cour suprême du Canada a élaboré une explication générale de la causalité ancrée dans la nécessité d’éviter la condamnation de personnes moralement innocentes. Malgré ces contributions importantes, il existe certaines limites à la façon dont la causalité est présentement conceptualisée en droit criminel canadien. Cet article aborde ces limites et propose une alternative plausible pour expliquer la causalité et sa justification sous-jacente. Il met de l’avant trois arguments principaux. Premièrement, il explique pourquoi les juges devraient employer une formulation uniforme de la norme de causalité factuelle : la cause à la contribution significative. Deuxièmement, il propose une nouvelle définition de la causalité juridique qui distingue la prévisibilité faisant partie de l’actus reus de la prévisibilité inhérente à la mens rea. Ce faisant, il expose les raisons pour lesquelles la causalité juridique a pour objet principal d’attribuer équitablement les étendues des risques aux individus. Troisièmement, il réfute la justification sous-jacente à l’exigence de causalité donnée par la Cour suprême du Canada. Contrairement à la Cour, qui invoque l’importance de l’innocence morale, cet article démontre que les principes de causalité tendent en fait à admettre la faute morale de l’accusé tout en fournissant des motifs pour ne pas porter de blâme relativement à une conséquence donnée. Cela révèle que le raisonnement sous-jacent à la causalité est plus étroitement lié aux préoccupations concernant l’aspect équitable de l’attribution du blâme qu’à l’innocence morale de l’accusé. En fin de compte, cet article reformule la causalité pour mieux répondre à l’une des questions les plus fondamentales du droit criminel : pourquoi suis-je tenu responsable de cela?
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Un droit promotionnel de la diversité culturelle « en montagnes russes » : l’Union européenne et le Canada du cycle d’Uruguay à l’Accord Canada‒États-Unis‒Mexique (ACEUM)
Lucia Bellucci
pp. 29–66
AbstractFR:
Le présent article vise à analyser les enjeux liés au droit à fonction promotionnelle, dont la théorisation revient tout particulièrement à Norberto Bobbio, dans les domaines de la culture, face au commerce multilatéral et bilatéral. Cet article vise à analyser les négociations multilatérales au sein de l’Organisation mondiale du commerce, les accords de libre-échange (ALE) et, plus généralement, les « étapes juridiquement pertinentes » les plus significatives pour l’UE et le Canada en matière de protection et de promotion de la culture dans leurs relations commerciales extérieures. Pour ce qui est des ALE, il considère l’AECG, le PTP, le PTPGP et l’ACEUM ainsi que les négociations du PTCI. L’article soutient que les positions respectives de l’UE et du Canada sur la protection et la promotion culturelle ne peuvent plus être considérées comme étant constantes dans le temps : elles varient au contraire sensiblement. Depuis l’adoption des ALE, selon les négociations ou les accords, les mesures d’incitation concernant l’audiovisuel, ou plus généralement les industries culturelles, se trouvent plus ou moins protégées et connaissent des « hauts » et des « bas ». Pour ce qui est de la possibilité pour l’UE et le Canada de garder des techniques d’incitation à la diversité culturelle et d’en introduire des nouvelles, l’article suggère la métaphore d’un droit promotionnel de la diversité culturelle « en montagnes russes ». L’analyse de chaque négociation, accord ou « étape » devient donc essentielle pour appréhender comment l’UE et le Canada relèvent le défi d’un droit promotionnel de la diversité culturelle face au commerce mondial. Cela se fait en particulier par une approche contextuelle du droit, qui permet de dévoiler les enjeux et les intérêts sociopolitiques et économiques concernés. L’article s’interroge également sur les défis, pour un droit promotionnel de la diversité culturelle, du cadre géopolitique élargi, dans lequel la Chine est devenue un acteur majeur du commerce mondial, et de l’environnement numérique. Il développe enfin une conclusion sur ces thèmes, en soulignant qu’ils seront très probablement à l’origine de conflits dans la mise en oeuvre d’ALE et dans des négociations futures.
EN:
This article aims to analyze the challenges for the promotional function of law, as theorized by Norberto Bobbio, in the cultural sphere, in the context of multilateral and bilateral trade. In particular, this article aims to analyze multilateral negotiations conducted within the WTO, free trade agreements (FTAs), and, most generally, the most “legally relevant steps” for the EU and Canada with regard to the protection and promotion of culture in their external trade relations. Concerning the FTAs it focuses on CETA, TPP, CPTPP and CUSMA as well as on TTIP negotiations. This article argues that the positions of the EU and Canada can no longer be considered constant over time. On the contrary, since the adoption of the FTAs they vary significantly. According to the negotiations/agreements, the incentives for the audiovisual sector or, more generally, for the cultural industries, are more or less protected and go through “ups” and “downs.” Regarding the possibility for the EU and Canada to introduce and retain support schemes for cultural diversity, the article suggests the metaphor of a promotional law of cultural diversity on a roller coaster ride. The analysis of each negotiation, agreement, or “step” therefore becomes essential to understand how the EU and Canada address the challenge of using promotional law to encourage culture, and therefore cultural diversity, in the face of global trade. This is accomplished by applying an approach of law in context, which makes it possible to uncover the economic and sociopolitical interests at stake. Furthermore, this article explores the challenges for a promotional law of cultural diversity both of the broader geopolitical framework, in which China has become a major player in global trade, and of the digital environment. In concluding the analysis on these topics, it underlines that they will highly likely be a source of conflict in the implementation of FTAs, as well as in future negotiations.
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Criminal Law and Digital Technologies: An Institutional Approach to Rule Creation in a Rapidly Advancing and Complex Setting
Colton Fehr
pp. 67–113
AbstractEN:
Courts and legislatures in Canada and around the world have struggled to respond effectively and efficiently to the challenges posed by the use of rapidly advancing and complex technologies. As a result, scholars have debated the appropriate role of each institution with respect to governing privacy in the digital age. This debate has provided foundational evidence upon which to develop a normative framework for governing digital privacy. Yet, the Canadian literature has only sparsely addressed the ability of Canadian legislatures to respond to the challenges presented by the use of digital technologies. This article begins to fill the gap in the literature by asking whether Parliament has been able to reply to the use of complex and rapidly advancing technologies in an efficient, coherent, and fair manner. I conclude that Parliament’s legislative framework for governing state intrusions into digital privacy has been patchwork and inconsistent. After comparing these findings to the literature on the relative institutional capacity of courts, I outline a general strategy for ensuring each institution tasked with governing digital privacy is working to its strengths, not its weaknesses.
FR:
Les tribunaux et législatures au Canada et à travers le monde ont eu de la difficulté à répondre de manière efficace et efficiente aux défis posés par l’utilisation de technologies qui sont complexes et se développent rapidement. Par conséquent, les chercheurs ont débattu du rôle approprié de chaque institution dans l’encadrement de la protection de la vie privée à l’ère numérique. Ce débat a fourni des preuves fondamentales pour construire un cadre normatif pour la gouvernance du respect de la vie privée numérique. Néanmoins, la littérature canadienne n’a traité la capacité des législatures canadiennes à répondre aux défis présentés par l’utilisation des technologies numériques que de manière éparse. Cet article est un premier pas pour combler ces lacunes dans la littérature en analysant la capacité du Parlement à répondre à l’utilisation de technologies qui sont complexes et se développent rapidement de façon efficace, cohérente et équitable. Nous concluons que le cadre législatif du Parlement pour régir les intrusions de l’État dans la vie privé numérique des citoyens a été un assemblage décousu d’initiative législative. Après avoir comparé ces constats avec la littérature sur la capacité institutionnelle relative des tribunaux, nous présentons une stratégie générale visant à assurer que chaque institution chargée de réglementer la vie privé numérique s’appuie sur ses forces et non ses faiblesses.
Review Essay / Essai critique
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Les avis consultatifs au Canada : omniprésents, déterminants, banalisés et déroutants / Essai critique de Carissima Mathen, Courts Without Cases: The Law and Politics of AdvisoryOpinions, Oxford, Hart, 2019 et Kate Puddister, Seeking the Court’s Advice: The Politics of the Canadian Reference Power, Vancouver, UBC Press, 2019
Johanne Poirier
pp. 117–151
AbstractFR:
Les avis consultatifs font partie intégrante de la jurisprudence constitutionnelle canadienne. L’exécutif fédéral a le privilège exclusif de pouvoir soumettre pratiquement toute question de droit, abstraite ou non, à la Cour suprême du Canada, alors que les exécutifs provinciaux peuvent en faire autant auprès de leur Cour d’appel respective. Ces tribunaux ont, en principe, l’obligation de répondre. Au fil des ans, les « renvois » ont traité d’une multitude de sujets, y compris de la répartition fédérale des compétences, du rapatriement de la Constitution, du mariage entre personnes de même sexe, de la réforme du Sénat et de la possible sécession d’une province. Si l’analyse du contenu des renvois constitue un pilier de la plupart des cours de droit constitutionnel, l’institution même a étonnamment largement échappé à une analyse approfondie.
Deux ouvrages majeurs, publiés à quelques mois d’intervalle, comblent avec brio cette lacune. Dans Courts Without Cases: The Law and Politics of Advisory Opinions et Seeking the Court’s Advice: The Politics of the Canadian Reference Power, la constitutionnaliste Carissima Mathen et la politologue Kate Puddister décodent habilement la théorie et la pratique des avis consultatifs sous des angles disciplinaires distincts, mais complémentaires. Deux aspects problématiques ressortent particulièrement de cette analyse croisée.
Il s’agit, en premier lieu, du risque d’instrumentalisation des tribunaux par la branche exécutive. De fait, l’apparent affront à la séparation des pouvoirs a conduit plusieurs pays de common law (mais pas tous) à rejeter la pratique des avis consultatifs. Pourquoi n’est-ce pas le cas du Canada? En second lieu, malgré leur caractère officiellement non contraignant, les renvois sont lus, enseignés, cités, critiqués, plaidés et largement rédigés comme s’il s’agissait d’arrêts rendus en appel, arrêts qui eux sont évidemment contraignants. Comment expliquer la force normative déroutante d’« avis » qui n’ont plus de « consultatifs » que le nom?
Cet essai critique place les deux ouvrages en conversation l’un avec l’autre. L’auteure y ajoute ses propres interrogations et réflexions, notamment sur le rôle et le statut des renvois dans une perspective comparative. L’essai examine les origines, l’évolution et le cadre normatif des « avis consultatifs », ainsi que les motivations « stratégiques » qui fondent la décision de l’exécutif de demander — ou non — un avis consultatif. En conclusion, l’auteure avance une hypothèse sur cette singulière institution qui ne fonctionne pas en théorie, mais plutôt bien en pratique. Les « renvois » représenteraient-ils un autre élément de la culture constitutionnelle du Canada, qui voit s’entrecroiser et s’influencer de manière si fluide les sources formelles et informelles, écrites et non écrites, officielles et effectives du droit?
EN:
Advisory opinions form an integral part of Canadian constitutional jurisprudence. The federal executive has the exclusive privilege of requesting that the Supreme Court of Canada provide answers on basically any question of law, abstract or not. The provincial executives can request the same of their respective Courts of Appeal. By law, Courts have to respond. Over the years, “references” have dealt with a flurry of topics, including the federal division of powers, patriation of the Constitution, same-sex marriage, Senate reform, and the eventual secession of a province. While canvassing the content of references is a mainstay of most constitutional law courses, the actual institution of “advisory opinions” is surprisingly understudied.
Two significant books, published just months apart, valiantly address this lacuna. In Courts Without Cases: The Law and Politics of Advisory Opinions and Seeking the Court’s Advice: The Politics of the Canadian Reference Power, constitutionalist Carissima Mathen and political scientist Kate Puddister skillfully decode the theory and practice of advisory opinions from distinct, but complementary disciplinary lenses. Two issues particularly stand out in this overlapping and interrelated analysis.
First is the risk of the executive’s instrumentalization of courts. In fact, the apparent affront to the separation of powers has led several (but not all) common law jurisdictions to reject the practice of advisory opinions. Why is this not the case in Canada? Second, despite their officially non-binding nature, references are read, taught, cited, critiqued, argued and largely drafted just as regular appeal decisions. How can the puzzling normative force of advisory opinions—which have, over time, become “advisory” in name only—be explained?
This review essay puts the two books in conversation with one another. The author adds her own interrogations and insights, notably on the role and legal status of references in comparative perspective. The essay surveys the origins, evolution and normative framework of “advisory opinions,” as well as the “strategic” motivations behind the executive’s decision to request—or not—an advisory opinion. In conclusion, the author offers a hypothesis on this odd institution that does not work in theory, but actually works in practice: could “references” be another element in Canada’s singular constitutional culture, in which formal and informal, written and unwritten, official and effective sources of law so fluidly dance together?