McGill Law Journal
Revue de droit de McGill
Volume 60, Number 2, January 2015
Table of contents (5 articles)
Articles
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Less Evidence, Better Knowledge
Kenneth M. Ehrenberg
pp. 173–214
AbstractEN:
In his 1827 work Rationale of Judicial Evidence, Jeremy Bentham famously argued against exclusionary rules such as hearsay, preferring a policy of “universal admissibility” unless the declarant is easily available. Bentham’s claim that all relevant evidence should be considered with appropriate instructions to fact finders has been particularly influential among judges, culminating in the “principled approach” to hearsay in Canada articulated in R. v. Khelawon. Furthermore, many scholars attack Bentham’s argument only for ignoring the realities of juror bias, admitting universal admissibility would be the best policy for an ideal jury. This article uses the theory of epistemic contextualism to justify the exclusion of otherwise relevant evidence, and even reliable hearsay, on the basis of preventing shifts in the epistemic context. Epistemic contextualism holds that the justification standards of knowledge attributions change according to the contexts in which the attributions are made. Hearsay and other kinds of information the assessment of which rely upon fact finders’ more common epistemic capabilities push the epistemic context of the trial toward one of more relaxed epistemic standards. The exclusion of hearsay helps to maintain a relatively high standards context hitched to the standard of proof for the case and to prevent shifts that threaten to try defendants with inconsistent standards.
FR:
Dans son ouvrage Rationale of Judicial Evidence publié en 1827, Jeremy Bentham dénonce les règles d’exclusion, notamment concernant le ouï-dire, leur préférant une politique d’« admissibilité universelle », sauf si le déclarant est facilement retrouvable. Sa thèse, selon laquelle les enquêteurs, ayant reçu des instructions appropriées, devraient examiner toute preuve pertinente, a été particulièrement influente sur les juges, culminant avec l’approche raisonnée à l’égard du ouï-dire articulée dans R. c. Khelawon. Plusieurs chercheurs critiquent la proposition de Bentham seulement en ce qu’elle ignore le biais chez les jurés; ils concèdent que l’admissibilité universelle conviendrait un jury idéal. Cet article se fonde sur la théorie du contextualisme épistémique afin de justifier l’exclusion de preuve qui serait autrement pertinente, du fait que cela éviterait les variations dans le contexte épistémique. Le contextualisme épistémique soutient que les standards justifiant l’assignation des connaissances changent en fonction du contexte de la détermination de ces assignations. Ainsi, les ouï-dire, et autres genres d’information dont l’évaluation dépend des capacités épistémiques des enquêteurs ancrées dans le sens commun, tendent à assouplir les normes épistémiques d’un procès. L’exclusion de la preuve par ouï-dire permet donc de maintenir un contexte épistémique relativement exigeant, arrimé à la norme de preuve applicable au cas donné. Elle permet d’empêcher les variations qui font encourir au défendeur le risque d’être jugé selon des normes incompatibles avec le contexte.
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De l’ombre à la lumière : l’hypothèse de la renaissance de la filiation romano-germanique de la procédure civile québécoise
S. Axel-Luc Hountohotegbè
pp. 215–252
AbstractFR:
La nature réelle du droit de la procédure civile du Québec est un sujet de controverse à la fois sémantique et conceptuel, tant en ce qui concerne les opinions doctrinales que les positions jurisprudentielles à ce sujet. L’évolution du droit, les changements de paradigme qui s’y opèrent, ainsi que les réformes récentes que connaît en particulier la procédure civile du Québec, et qui se sont concrétisées par l’adoption d’un nouveau Code de procédure civile, sont l’occasion d’une réflexion de fond sur la filiation du droit procédural québécois.
Le présent texte explore l’hypothèse de la résurgence de la filiation romano-germanique de la procédure civile du Québec à partir de l’analyse des péripéties historiques du droit de la province et des réformes qu’elle a connues. En effet, la fondation de la Nouvelle-France explique la filiation directe entre son droit et celui de la famille romano-germanique, puis la Conquête de la Nouvelle-France par l’Empire britannique explique la longue domination des concepts de common law dans la procédure civile du Québec. Il apparaît pourtant que dès le lendemain de la Conquête, la longue marche pour l’affirmation de sa filiation spécifique était entamée. L’étude des réformes les plus récentes que connaît la procédure civile du Québec, notamment l’adoption du nouveau Code de procédure civile, laisse éclore la résurgence de sa filiation romano-germanique au-delà de sa mixité communément admise. Ainsi, le nouveau Code de procédure civile du Québec tendrait à consacrer l’autonomie, les liens étroits et l’attachement à la tradition civiliste et à la filiation romano-germanique du droit de la procédure civile du Québec.
EN:
The true nature of the law of civil procedure in Québec sparks controversy both at the semantic and conceptual levels, be it from a doctrinal or jurisprudential point of view. The evolution of the law, the paradigm shifts within it, and the recent reforms to civil procedure in particular—effectuated by the adoption of a new Code of civil procedure—present an opportunity to reflect on its filiation.
This article will explore the resurgence of Québec civil procedure’s Romano-Germanic filiation by analyzing the historical development of the province’s law and the reforms it has undergone. On the one hand, the founding of New France explains the direct line between its law and the Romano-Germanic legal family. On the other hand, Britain’s conquest of New France explains the long dominance of common law principles in Québec civil procedure. Nevertheless, the long march toward the affirmation of its specific filiation began on the very heels of this conquest. Québec civil procedure’s most recent reforms—notably the adoption of the new Code of civil procedure—suggest a resurgence of its Romano-Germanic filiation, beyond the law’s generally-recognized mixity. Indeed, the new Code of civil procedure seems to enshrine autonomy, strong ties and an attachment to the civil law tradition and the Romano-Germanic filiation of the law of civil procedure in Québec.
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“Third Parties” and Democracy 2.0
Léonid Sirota
pp. 253–293
AbstractEN:
Although the Supreme Court of Canada has described freedom of political, and especially electoral, debate as the most important aspect of the protection of freedom of expression in Canada, no debate in Canadian society is so regulated as that which takes place during an electoral campaign. Parliament has set up—and the Supreme Court has embraced—an “egalitarian model” of elections, under which the amount of money participants in that debate can spend to make their views heard is strictly limited. “Third parties”―those participants in pre-electoral debate who are neither political parties nor candidates for office―are subject to especially strict expense limits. In addition to limiting the role of money in politics, this regulatory approach was intended to put political parties front and centre at election time.
This article argues that changes since the development of the “egalitarian model” have undermined the assumptions behind it and necessitate its re-examination. On the one hand, since the 1970s, political parties have been increasingly abandoning their role as essential suppliers in the marketplace of ideas to the actors of civil society, such as NGOs, unions, and social movements. On the other hand, over the last few years, the development of new communication technologies and business models associated with “Web 2.0” has allowed those who wish to take part in pre-electoral debate to do so at minimal or no cost. This separation of spending and speech means that the current framework for regulating the pre-electoral participation of third parties is no longer sufficient to maintain political parties’ privileged position in pre-electoral debate. While the current regulatory framework may still have benefits in limiting (the appearance of) corruption that can result from the excessive influence of money on the political process, any attempts to expand it to limit the online participation of third parties must be resisted.
FR:
Bien que la Cour suprême du Canada ait décrit la liberté du débat politique, et surtout électoral, comme étant l’aspect le plus important de la protection de la liberté d’expression au Canada, aucun débat dans la société canadienne n’est aussi réglementé que celui qui accompagne une campagne électorale. Le Parlement a mis en place, et la Cour suprême a entériné, un « modèle électoral égalitaire » qui limite strictement les dépenses que peuvent encourir les participants à ce débat afin de faire entendre leur point de vue. Les « tiers » ― les participants au débat pré-électoral qui ne sont ni des partis politiques ni des candidats ― sont assujettis à des limites particulièrement sévères. En plus de limiter le rôle de l’argent en politique, cette approche réglementaire devait placer les partis politiques sur le devant de la scène pré-électorale.
Cet article soutient que les changements survenus depuis le développement du « modèle électoral égalitaire » ont miné les présuppositions qui le sous-tendent, et en rendent nécessaire le réexamen. D’une part, depuis les années 1970, les partis politiques délaissent de plus en plus leur rôle de fournisseurs essentiels dans le marché des idées au profit des participants de la société civile, tels les ONG, les syndicats et les mouvements sociaux. D’autre part, ces dernières années, le développement de nouvelles technologies de communication et modèles d’entreprises associés au « web 2.0 » a permis à ceux qui souhaitent participer au débat pré-électoral de le faire à coût minime ou nul. Cette séparation des dépenses et du discours fait en sorte que le cadre actuel de réglementation de la participation électorale des « tiers » ne suffit plus pour préserver la position privilégiée des partis politiques dans le débat pré-electoral. Bien que le cadre réglementaire actuel puisse encore présenter des avantages pour la réduction de la corruption réelle ou apparente, qui peut résulter de l’influence excessive de l’argent sur le processus politique, il faudrait résister à toute tentative de l’étendre en vue de limiter la participation en ligne des tiers.
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La réforme proposée du régime québécois de l’adoption et le rejet des parentés plurielles
Françoise-Romaine Ouellette and Carmen Lavallée
pp. 295–331
AbstractFR:
Cet article porte sur le projet controversé d’introduire une forme d’adoption additive dans le Code civil du Québec. Après avoir constaté les limites du droit québécois, aujourd’hui confronté à diverses configurations familiales qui s’écartent du modèle conjugal traditionnel, les auteures examinent trois propositions de lois (présentées en 2007, 2012 et 2013) qui ont jalonné le processus de réforme de l’adoption amorcé en 2006.
L’article vise à démontrer que d’une proposition à l’autre, les motifs justifiant de préserver la filiation d’origine de certains enfants adoptés semblent avoir été oubliés ou écartés. En effet, dans la recherche de l’intérêt de l’enfant adopté, l’enjeu identitaire prévaudrait désormais sur celui de ses liens d’appartenance familiale. Ce parcours analytique met en lumière la résistance du législateur à reconnaître la pluriparenté, même lorsqu’elle existe déjà dans les faits. Il démontre également qu’au-delà d’une réforme de l’adoption, c’est toute la filiation qui fait actuellement l’objet d’un travail implicite de redéfinition.
EN:
This article focuses on the controversial project to introduce additive adoption into the Civil Code of Quebec. After noting the limits of Quebec law, which is now confronted with various family configurations departing from the traditional conjugal model, the authors examine three legislative proposals (presented in 2007, 2012 and 2013) that have punctuated the adoption reform process launched in 2006.
The article suggests that, in each proposal, the reasons for preserving original filiation for some adopted children have been forgotten or set aside. Indeed, in the analysis of the best interests of the adopted child, the issue of identity now predominates over that of the child’s family ties. This analytical journey highlights the legislator’s resistance to recognizing multi-parentage, even under circumstances where it already exists. It also shows that beyond the reform of adoption laws, the very concept of filiation is being redefined.
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Designated Inhospitality: The Treatment of Asylum Seekers Who Arrive by Boat in Canada and Australia
Luke Taylor
pp. 333–379
AbstractEN:
This paper argues that there are distinct parallels between changes to the Immigration and Refugee Protection Act enacted by Bill C-31 (2012), in particular the Designated Foreign National regime (DFN), and Australia’s treatment of asylum seekers who arrive by boat. It is contended that recent Australian history and policy demonstrate the perils of adopting an ideology of control and exclusion toward asylum seekers instead of a politics of hospitality, and that Australia’s present political climate provides a stark and salutary warning to Canada, as it follows a similar path of securitization. The paper first explains what is meant by a politics of hospitality. In Part I, it analyzes Australia’s attitude toward, and its treatment of, asylum seekers, focusing in particular on the period since 1989. It is argued that Australia’s inhospitable stance toward asylum seekers has had discernible negative outcomes that provide important lessons for Canada. Part II provides a brief historical overview of Canadian policy toward asylum seekers, followed by an analysis of the DFN regime with reference to international law. It then argues that the DFN provisions contravene the Canadian Charter of Rights and Freedoms. The paper concludes by suggesting that Canada is at risk of following Australia’s security-oriented, inhospitable stance toward asylum seekers.
FR:
Cet article soutient qu’il y a des similarités distinctes entre les modifications apportées à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, promulguée par le Projet de Loi C-31 (2012), en particulier le régime de l’Étranger Désigné, et le traitement que réserve l’Australie aux demandeurs d’asile arrivés par bateau. En effet, l’histoire et la politique australiennes des dernières années mettent en lumière l’écueil que représente l’adoption d’une idéologie de contrôle et d’exclusion envers les demandeurs d’asile, par opposition à une politique fondée sur des valeurs d’hospitalité. Le climat politique actuel de l’Australie constitue en cela un avertissement sévère, mais salutaire pour le Canada qui semble s’engager dans cette même voie répressive de sécurisation territoriale. L’article explique d’abord ce qu’on entend par politique d’hospitalité. Ensuite, en première partie, il fait l’analyse de l’attitude et du traitement que réserve l’Australie aux demandeurs d’asile, se concentrant sur la période depuis 1989. L’attitude inhospitalière qu’a adoptée l’Australie a eu des effets néfastes dont le Canada devrait tirer des leçons. La deuxième partie fait un bref historique des politiques canadiennes envers les demandeurs d’asile, suivi par une analyse du régime de l’Étranger Désigné en regard du droit international. Enfin, l’article soutient que les clauses du régime de l’Étranger Désigné contreviennent à la Charte canadienne des droits et libertés. L’article se conclut en suggérant que la Canada est à risque d’adopter la posture axée sur la sécurité et inhospitalière de l’Australie à l’égard des demandeurs d’asile.